Cela faisait maintenant quelques jours que je m’étais décidé à partir pour finalement m’arrêter … à l’entrée de la cité. En fait, je n’arrivais pas à quitter Kastalinn ou du moins, je ne m’en sentais pas prêt. Je n’avais pas vraiment d’explication, une fois les pieds en-dehors de la ville, je me sentais comme vidé de mon énergie, préférant me retourner me venger sur une bonne pinte à la taverne la plus proche. Et puis, l’hiver s’était installé petit à petit disséminant ses petits flocons de neige un peu partout. Le froid, le gel, la neige, ce sont ses choses que j’appréciai particulièrement durant cette saison. Il s’agit d’ailleurs de la saison que je préfère.

Une nouvelle soirée débuta dans les rues Kastalinnoises, sous un brouillard à couper au couteau. Les quelques lumières aux alentours n’éclairaient pas bien loin, le brouillard agissait comme un mur opaque s’étendant sur toute la ville. Le temps était calme, serein, mais on pouvait toutefois ressentir une légère brise provenant du Nord. C’est bien dommage qu’il y ait ce brouillard, j’étais sur et certain que si le temps avait été dégagé, j’aurai pu admirer les immensités célestes, allongé sur le toit d’une maison. Quelque chose que je faisais souvent étant plus jeune avec mon … avec Midos … Petit à petit, j’avais réussi à mémoriser le nom de certaines étoiles, même si leur signification m’échappait encore. Mais de toute manière, ce soir, je ne voyais rien à cause de cette foutue purée de poids ! Tempi, une prochaine peut-être …

Je m’engageai dans une petite ruelle, sortant du bourg principal, pour me diriger vers les quartiers Ouest de la ville. C’est dans ces quartiers que j’ai l’habitude de me promener car ils ont la chance de ne pas être trop animés de jour comme de nuit puisque les habitants d’ici sont presque tous des vieux, avançant tant bien que mal avec leur bâton de marche. Un bon petit coin tranquille pour se reposer en paix. Pourtant, je ne pouvais m’empêcher de penser que le manque d’animation n’était pas dû qu’à la moyenne d’âge dans les environs. Il est vrai que je me trouvais également dans le quartier de résidence d’une jolie jeune vampirette. Seul prédateur dans les environs cherchant tous les soirs à satisfaire sa soif insatiable. En parlant de cette demoiselle, cela faisait plusieurs jours maintenant que je ne l’avais pas vu, pourtant mon chemin de promenade nocturne est le même et tous les soirs je passe dans ces rues peu éclairées, plutôt étroite et déserte.

Je décidais de monter sur le toit, en un battement d’aile, pour admirer la place marchande de la ville. Les maisons, ici, étaient suffisamment grandes pour que l’on puisse voir cette place qui, avec la neige et l’ambiance hivernale qui régnaient, semblait être figée dans le temps. Un magnifique tableau ! Certes embrumé par ci par là, mais un tableau quand même. Je pouvais fermer les yeux et imaginer comment serait le ciel sans tout ce brouillard. Les mains derrières la tête, les ailes et les jambes détendus, quelques flocons recouvrant mon visage, des bruits d’ardoise grinçant sous les pas d’une personne. Sur le toit ? Quelqu’un ? Les pas s’arrêtèrent, non loin de moi. Cette présence calme et sereine, presque fantomatique,  cette sensation à la fois douce et abrupte. Je n’avais pas vraiment besoin d’ouvrir les yeux pour deviner de qui il s’agissait. Je me trouvais sur son terrain de chasse et peu de personnes, mis à part elle, se déplace sur les toits d’une façon aussi furtive que silencieuse.

Garràn – Tiens donc, une revenante. Un petit sourire en coin se dessinait lentement sur mon visage.

Je n’eu pas de réponse immédiate, seul les bruits de pas de la jeune Vampirette cassaient le silence de façon régulière. Les tuiles crissaient doucement sous ses pas, comme s’il s’agissait d’un chat arpentant les toitures en quête de tranquillité. Elle s’arrêta juste à côté de moi, puis marqua un temps avant de s’asseoir. Elle était si proche, comme la dernière fois lorsqu’elle me faisait face. Comme cette fois-là, je pouvais sentir cette aura glaciale qui émanait d’elle. Je me demandais si cela était dû au fait que ce soit une Vampire, puisqu’aucune chaleur n’émanent de leur corps, ou bien parce qu’elle en imposait. Certainement un peu des deux, je suppose… Elle avait démontré une grande confiance en elle, une assurance peu fréquente dans les environs qui lui valait mon attention. Je lui avais expliqué que je ne lui ferais rien si elle me laissait tranquille, mais petit à petit, je commençais à me poser pas mal de questions…

Rania - Bonsoir Garràn, comment vous portez vous cette nuit?

Elle parlait à la fois doucement et franchement, comme si elle tolérait, malgré elle, ma présence. Comme si me voir la dérangeait. Cela se sentait au timbre de sa voix. Pourtant, elle demandait de mes nouvelles. Peu de vampire éprouve de l’affection, de l’attirance ou même l’inquiétude pour quelqu’un d’autre qu’eux-même, même si je ne pouvais me fier qu’aux bouquins ou aux rumeurs que je croisais. Et cette aura de tueur … Plus je pensais à elle et plus je la trouvais intéressante !

Garràn – Terriblement bien. J’ouvris lentement les yeux, fixant le ciel obscurcie par les nuages. Malheureusement, nous ne serons pas accompagnés par le ciel étoilé ce soir. C’est bien dommage.

Je me relevai doucement, m’étirai puis me retournais dans sa direction, la sondant désespérément à travers son regard éteint. Je savais pertinemment que  je ne découvrirai aucune forme de peur dans ses yeux et c’est bien ce qui me surprenait le plus. Les Stryge noir ne sont appréciés de personne et même si une personne en voit pour la première fois, nous ressemblions plus à des anges de la mort qu’à de véritables protecteurs. Elle n’avait pas l’air d’apprécier non plus que je la dévisage ainsi. Elle avait détourné le regard l’autre fois, mais s’était vite rattrapé en prenant un air plus sérieux et plus calme.

Garràn – Et vous, depuis notre dernière rencontre ? Comment allez-vous ?

Le visage doux, le regard sérieux, une mèche lui tombant devant les yeux, cette chevelure sombre lui tombant sur les épaules, le dos bien droit. Il était clair qu’elle en imposait, on dirait presque une membre haut-gradé de la milice. Elle portait la même tenue qu’hier, bien que couvert légèrement plus chaudement. Étrange d’ailleurs, je pensais que les vampires ne ressentaient pas la chaleur ? Peut-être que si finalement ? Ou peut-être qu’elle imitait les autres humains pour mieux se rapprocher d’eux aussi bien dans leur accoutrement que dans leur expression. C’était la seconde fois que je croisais un Vampire, ou plutôt la seconde fois que je croisais cette même Vampire et je me posais toujours autant de questions à leur sujet. Je les pensais plus effrayant ou au moins autant que leur congénère nocturne, les lycans. Pourtant, rien à voir. Elle ne semblait pas effrayante, ni même véritablement forte. En fait, elle paraissait tout à fait inoffensive, mais je sais bien qu’il ne faut pas se fier aux apparences, j’en ai eu la leçon il y a peu.

Je repris donc ma posture nonchalante, mains dans les poches, la capuche reposant sur mes épaules, à cheval sur ma faux. Je me tournais de profil sans la quitter des yeux, lui proposant ainsi indirectement de marcher un peu sur les toits. Et puis bon, si elle était de sortie, c’est parce qu’elle avait faim, non ? Peut-être qu’en se promenant, elle tomberait sur une proie alléchante capable d’étancher sa soif pour ce soir.

Le silence nous entourait, on avait l’impression que les murs tendaient l’oreille pour mieux nous écouter. Personne ne traînait à ces heures-là dans les rues et encore moins par ce brouillard. Même les chats et autres animateur nocturne se faisaient discrets. Ça n’allait pas être une soirée très enrichissante pour la demoiselle buveuse de sang. Elle avait précisée qu’elle appréciait ce temps qui la rendait invisible aux yeux des gens normaux, mais je ne suis pas sûr qu’elle le pense vraiment. Les rues étant plus vides que d’habitude à cause de ce temps, elle n’allait probablement pas étancher sa soif ce soir. À moins que la chance lui sourie, on ne sait jamais. Rania, toujours assise sur la toiture, emmitouflée sous sa cape, regardait au loin tout en me répondant.

Rania - Je me porte bien merci, j'ai réussi à trouver un pauvre idiot que j'ai attiré loin de la taverne.

Elle semblait parler de notre dernière rencontre, ou plutôt juste après notre dernière rencontre. Elle indiquait du doigt la taverne où elle avait dû charmer sa proie, puis elle désignait l’itinéraire qu’elle avait fait jusqu’à une petite ruelle où elle avait certainement mis fin, une fois de plus, à l’existence d’un individu quelconque pour ces biens nutritifs. Il n’y avait aucune émotion qui accompagnait ces explications, pas l’ombre d’une hésitation. Elle avait fait cela de sang froid et sans aucun remord. En même temps, de sang froid … pour un vampire… Et puis ce n’est pas comme si c’était sa première fois. Elle avait sans doute déjà éliminé plus d’un humain dans ces rues. Elle continua sans quitter l’horizon des yeux.

Rania - Comment saviez vous que j'allais venir ce soir ?

Comment je le savais ? Et bien, l’intuition ? Non. En vérité, je n’en savais rien du tout. Cela était totalement dû au hasard, mais je me doutais que si une personne venait me croiser à cet endroit, c’est qu’il devait s’agir d’une personne ayant l’habitude de traîner sur les toits de Kastalinn, ce qui réduisait considérablement les choix d’individus. La question que j’aurai posée aurait été « Ou étiez-vous les autres soirs ? ». Puisqu’elle sort assez régulièrement pour ce nourire et que je sors chaque soir faire ma promenade nocturne. D’ailleurs, depuis le temps que je pratique ces balades au beau milieu de la nuit, je n’ai pas souvenir de quand est-ce que j’ai commencé et pour quelle raison… C’était une habitude que j’avais prise au fil du temps, perdant petit à petit la raison pour laquelle je faisais ces sorties. Mais la véritable importance était que je me sentais bien en pleine nuit bercé dans ma propre mélancolie, repensant aux années derrière moi que j’avais fuit que j’avais décidé d’oublier et de ne plus me soucier. Pourtant, cela restait toujours dans un recoin de mon esprit, impossible de m’en défaire.

Garràn – Je n’en savais rien. Je regardais maintenant dans la même direction qu’elle, contemplant la place de la ville que l’on pouvait voir au loin. Je me plais aussi bien que vous en altitude. C’est certainement pour cette raison que nous nous sommes croisés ce soir.

Il est vrai que lors de notre dernière rencontre, elle détournait les yeux vers le ciel et non vers ses pieds, chose que la plupart des gens gênés ferait sans s’en rendre compte. Et puis si nous nous sommes croisés au beau milieu de la rue, c’était certainement parce qu’elle me guettait depuis un endroit lui laissant une bonne visibilité … comme les toits par exemple. La croisée ce soir sur ce toit n’a fait que confirmer mon hypothèse à ce sujet. Elle avait également le même pas léger que dans mes souvenirs, ce qui m’a aidé à la reconnaitre à son arrivée un peu plus tôt. Pour ma part, la seule liberté que je connais réellement est celui de pouvoir voler même si je ne le fais pas souvent, ce que j’évite en arrivant en ville pour ne pas attirer l’attention. Et ce qui s’en rapproche le plus est de me promener au milieu de la nuit sur les toits sans craindre la milice qui traîne de temps à autres dans Kastalinn.

Garràn – Souhaiteriez-vous que l’on marche un peu pour discuter ? Je me retournais une nouvelle fois vers elle, attendant sa réponse. Mon regard allait, nerveusement, d’elle à la cheminée située à quelques mètres à sa gauche. Vous n’avez peut-être pas encore bu, si ?

Me dirigeant vers le bord du toit pour descendre, je dépliais mes ailes, prêt à prendre mon envole. Sans m’en rendre compte, je mettais inquiété pour elle, c’était venu instinctivement. Certainement parce qu’au fond de moi, je l’avais sans doute accepté. Elle était certes froide et arrogante aux premiers abords, mais au fur et à mesure de nos discutions, je l’avais trouvée plus douce et sincère. Je me demandais si ce n’était pas une partie d’elle-même qui refaisait surface, une partie qui l’avait quitté lors de sa transformation en vampire. Je ne pouvais pas vraiment m’en rendre compte, les Vampires vivent éternellement, ne subisse pas les ravages de la vieillesse. Mais petit à petit, ils doivent certainement être confrontés à tout un tas de problèmes psychologique. Une fois devenue immortel, la première chose qui a dû la faire souffrir c’est sûrement de voir ses proches vieillir puis mourir les uns après les autres. Et quoi qu’il arrive, à chaque fois qu’ils se font des amis, ils savent pertinemment qu’ils mourront bien avant eux.

Rania - Non je n'ai pas encore bu, vous pourriez m'accompagnez si le cœur vous en dit.

Elle m’avait souri d’un air amical et avenant tout en me disant cela. Cela ressemblait, indirectement, à une invitation à l’accompagner. Puisque je n’avais rien d’autres à faire, je pouvais bien tuer le temps avec elle. Peut-être que j’aurai la chance de la voir en action. J’étais curieux de voir comment cela se passait. Voir un vampire à l’œuvre, ce n’est pas quelque chose que l’on peut voir tous les jours ! Les seuls qui ont pu les voir en actions ne sont plus là pour en parler. Mon regard se cala en haut à gauche, reflétant ma curiosité. Elle s’était relevée un peu plus tôt, époussetant sa cape et marchait maintenant, d’un pas léger et gracieux, pour me rejoindre sur le bord de la toiture.

Rania - Vous serez le premier à me voir en pleine action, donc je vous somme de tenir votre langue.

Ce n’était pas totalement vrai, je n’étais pas le premier à la voir en pleine action, mais plutôt le seul qui sera capable de s’en rappeler. C’était un honneur qu’elle me faisait là et je me voyais mal refuser. Et puis, si elle le voulait bien, je ferais en sorte de l’aider du mieux que je le pourrai. Je me surprenais en train de penser à un quelconque soutient de ma part à un individu autres qu’une Stryge Noire, chose qui serait bannie du code citoyen des Stryge Noire. Je secouais la tête légèrement, sortant toutes mes mauvaises pensées de la tête et sauta dans le vide. Déployant mes ailes, je me mis à remonter à hauteur de la jeune Vampirette, lui faisant face tout en lui renvoyant son sourire amicale, un sourire le plus agréable que je puisse faire. Je lui tendis ma main comme pour lui demander de me faire confiance pour la faire redescendre.

Garràn – Je ne peux refuser une telle invitation et je n’en dirais mot. Et puis, ce n’est pas comme-ci je n’avais jamais vu quelqu’un éliminer une proie de sang froid.

J’avais dit cela comme l’aurait dit un chasseur, associant la Vampirette au chasseur et le pauvre humain qui croisera notre route à du vulgaire bétail pris en chasse. Dans l’histoire, je ne serai que le destrier de ce chasseur, seulement là pour assister au succès du chasseur. Le vent soufflait légèrement vers l’Est, perturbant l’impeccable chevelure sombre de la jeune Vampirette, mais son regard et son sourire ne trompait pas sa détermination. Ce soir, une étoile s’allumera dans le ciel.

Troublé, perdu dans ses pensées, sans doute, Rania secoua la tête comme pour dire non. Son regard était hésitant, ne sachant pas si tendre la main était une bonne chose. Elle avait probablement de mauvais souvenirs qui étaient revenus de loin pour la parasiter. En même temps, si elle a effectivement plus d’une centaine d’année, alors dans ce cas ressasser le passé  peut être perturbant voir même douloureux. Plus le temps passe et plus notre mémoire peut nous nuire, dans ce genre de cas par exemple. J’en faisais de même parfois, me rappelant qu’autres fois, tout se passai pour le mieux dans le meilleur des mondes. Une vision bien naïve de ce monde si pathétique. Ce monde qui m’avait réduit au statu de vagabond, errant de ville en ville sans aucun but ni objectif. Après avoir longuement hésité, elle tendit finalement sa main que je serrai délicatement. Sa main était étonnamment froide, sans vie. Ce n’était pas si étonnant en fait, j’étais simplement surpris puisqu’il s’agissait de la première fois où je tenais la main d’une personne décédée, si je puis dire.

Rania - Ne me lâchez pas ou vous serez mon premier repas.

Elle n’avait pas encore confiance en moi et semblait encore hésiter en tendant sa deuxième main. Je lui souris, espérant que cela puisse apaiser sa peur, son anxiété. Doucement, je m’élevai dans les airs, soulevant Rania du toit, serrant relativement bien ses mains pour lui éviter une chute plutôt dangereuse puis, je nous laissai redescendre en planant le long de la rue. Je n’avais pas vraiment l’habitude de transporter des gens en vol,  je ne me sentais pas vraiment à l’aise. Je ne savais pas non plus comment m’y prendre, du coup, elle pendouillait comme une pomme s’accrochant tant bien que mal à son arbre. Je me forçais à atterrir le plus délicatement possible pour ne pas lui faire peur. Je venais seulement de m’en rendre compte, mais il était possible qu’elle ait le vertige. Peut-être qu’elle était perturbée à cause de ça et non parce qu’elle s’était replongé dans son passé ? Je me posais de drôle de question la nuit. Je me souciais plus de mon entourage quand la lune remplaçait le soleil, je ne me l’expliquais pas. Une fois de plus, cela montrait bien à qu’elle point j’étais différent de mes semblables. Une sorte d’échec, de raté.

Garràn – Le vol a été agréable ? Pas trop de turbulence ?

En y repensant, elle avait précisé que je serai le premier à assister à son repas nocturne, qu’elle me faisait l’honneur de partager ce moment avec moi alors que nous nous étions croisés qu’à deux reprises. Je trouvais cela vraiment bizarre, remettre sa confiance comme ça, au premier venu. N’importe qui aurait pu se jouer d’elle. N’importe qui … Je ne suis pas ce n’importe qui … Moi aussi je lui avais fait l’honneur d’être la première, l’honneur d’être la première à voler par mes ailes. La première personne que je transportais en volant. Je me sentais satisfait d’un côté. Maintenant, ce don de confiance n’était plus unilatéral, mais belle et bien réciproque.

Garràn – Vous êtes la première personne que je transporte de cette manière. Et je suis presque sûr que vous serez l’unique personne à avoir volé en compagnie d’un Stryge Noir. Je lui fis un petit clin d’œil accompagné d’un léger sourire. Comme ça l’honneur est partagé.

Et je ne mens certainement pas en disant cela ! Connaissant mes congénères, transporter quelqu’un de cette manière serait pour eux une humiliation ! Être réduit à un moyen de transport, il en était or de question ! Voilà une nouvelle fois, un point qui me différencie d’eux. Je repris mon attitude nonchalante et décontracté, une attitude qui me correspondait plutôt bien et que je portais régulièrement maintenant.

Je n’avais pas eu besoin d’attendre une quelconque réponse de sa part pour deviner que le petit voyage dans les airs lui avait plu. Elle affichait un sourire un sourire en coin, me faisant comprendre qu’elle avait apprécié le voyage puis, elle saisit ma main et me tira vers l’avant. Je ne m’y attendais pas sur le coup et fut surpris, mais sans m’en rendre compte, je ne m’étais pas défendu. Je m’étais laissé faire sans émettre d’opposition, chose que je n’aurai jamais faite avant. Je ne la voyais pas comme une ennemie, ni comme une simple vampire. En fait, je me sentais relativement bien avec elle. Je n’arrivais pas à me l’expliquer. Elle vivait et appréciait la nuit, fuyant le jour et la populace. Elle était également un brin arrogante et présomptueux. Elle n’avait confiance quand elle-même et ne faisait confiance qu’à elle-même. Elle me ressemblait sur ses points là. D’ailleurs, nous avions franchi un cap me semble-t-il. Nous nous faisions confiance.

Elle m’entraîna relativement loin et à toute vitesse. Elle me tenait fermement la main, décidé à ne pas me lâcher. Un large sourire s’était dessiné sur mon visage. Je n’avais pas ressenti cela depuis des années, depuis trop d’années. Nous nous dirigeâmes dans une allée sombre. Elle avançait délicatement sans faire de bruit, le pas souple et serein, tandis que moi, j’avais plutôt une démarche maladroite et moins sûre, déjà parce que j’étais vouté en avant car Rania me tenait la main et d’une autre part car les déplacements furtifs en sandale, ce n’était pas tellement ça. Mais bon, on fait avec ce qu’on a. Une fois dans l’allée, elle ralentit le pas et me fit signe d’en faire de même. Je me sentais gêné de la suivre. J’avais le sentiment d’être de trop, de la gêner et ce n’était certainement pas ce que je souhaitais. Nous nous arrêtâmes au bout de l’allée. Celle-ci donnait sur un grand boulevard relativement large et certainement bondé le jour. Je ne passais pas souvent ici lors de mes promenades, certaines boutiques ou tavernes sont encore ouvertes à cette heure-ci et je préfère éviter les gens à ces heures perdus. Généralement, les gens encore debout sont soit des ivrognes, soit des kidnappeurs, soit des gens malsains.

Rania - C'est ici que je chasse

Je balayai du regard la zone qui nous entourait assez rapidement et confirma d’un signe de tête. En effet, c’était un bon coin pour tendre un piège. Un espace relativement étroit, des monticules d’ordure pouvant servir de cachette, une toiture plutôt basse au milieu de l’allée. Elle avait vraiment bien choisi sa cantine. Il ne manquait plus qu’à aller chercher de quoi manger puis de se mettre à table. Rania se tourna vers moi puis commença à chuchoter.

Rania - Alors bon je pense qu'après la confiance que je t'ai accordé il serait préférable de se tutoyer qu'en pense tu ?

Garràn – Et bien je … Confus, je ne savais pas trop quoi dire. Ayant l’habitude d’être distant avec mon entourage, elle était la première à avoir brisé cette barrière sociale que je m’étais construite au fil des années. Je vais essayer de vous tutoyer…

Je me sentais vraiment ridicule tout d’un coup. Je lui montrais une de mes facettes, celle du gamin timide et inoffensif. Cela paraissait probablement idiot, mais j’avais presque oublié comment parler à quelqu’un de proche et ça me mettait vraiment mal à l’aise. J’avais l’impression de redécouvrir le monde qui m’entourait. Rania s’était retourné pour parcourir du regard de gauche à droite la grande rue, en quête d’une proie convenable probablement. Elle pointa du doigt un groupe d’hommes à l’entrée de la taverne, bavassant à haute voix sans craindre les représailles du voisinage. La vampirette s’avança discrètement, sortant légèrement de la pénombre et se retourna pour résumer succinctement son plan machiavélique.

Rania - Alors tu vois, je vais me faire passer pour une jeune fille d'une vingtaine d'année naïve, et bon après tu observes, bon ça va être compliqué ils sont nombreux il faut que j'en prenne un seul...

Elle me paraissait un peu angoissé, sûrement parce qu’elle savait que quelqu’un la regarderait faire. Elle l’avait dit un peu plus tôt, j’étais la première personne à assister à son petit délit quotidien et à pouvoir s’en souvenir longtemps. Si je devais imager ce que je disais, on pourrait dire que Rania écrivait quelque chose sur un bureau et que je me trouvais derrière elle à regarder par-dessus son épaule. C’est quelque chose dont on n’a pas l’habitude, ce n’est pas très agréable.

Rania se concentra, se préparant psychologiquement et se mettant en condition. Elle secoua légèrement sa tignasse, replaçant quelques mèches à leur place, changea l’expression de son visage graduellement pour en arriver à l’expression qui lui plaisait le plus puis elle se lança dans le bourg. J’avais pris sa place au bord du mur pour mieux assister à la petite comédie parce que oui, il s’agissait là d’une comédie, d’une mascarade. Elle jouait le jeu, s’était créé un personnage et s’était glissé dans sa nouvelle peau. Ce n’était pas quelque chose d’évident pour tout le monde et c’est d’ailleurs une qualité que les meilleurs assassins possèdent. Elle se rapprocha au plus près du groupe d’hommes qui la regardaient avec de grands yeux. Même un enfant aurait pu deviner les intentions de cette bande de soulard.

La vampirette s’était retourné brièvement, sûrement pour s’assurer que je ne loupais aucune miette du spectacle qu’elle m’offrait et dont elle était le personnage principal. Puis, elle aborda l’un des hommes et commença à discuter avec. Je trouvais effrayant de pouvoir manipuler quelqu’un en jouant avec les émotions alors que, au naturel, aucune émotion ne se fait sentir. Elle faisait simplement semblant d’avoir des émotions, elle jouait la comédie. Visiblement, son plan avait marché. Elle revenait vers la ruelle ou je me trouvais, accompagné de l’homme avec lequel elle avait le plus conversé. Je me retournai et me cachai dans le renfoncement d’une porte. L’homme saoul n’était pas apte à me voir, trop alcoolisé. Il se retourna pour faire face à Rania, je le voyais donc maintenant de dos. La vampirette l’amadoua et le dorlota délicatement, usant des charmes et de sa tendresse. L’homme était rentré dans son jeu sans trop de difficultés. Elle décida d’accélérer les choses et plaqua, sensuellement, le jeune homme contre le mur et ouvris la bouche. Étant juste au-dessus d’eux, je ne voyais pas la scène sous le meilleur angle, mais je ne pouvais qu’imaginer Rania sortir sa tristement célèbre dentition vampirique, s’apprêtant à lui planter ses crocs dans son cou.

Elle avait deviné ma présence et releva la tête pour me regarder quelques secondes avant de se lancer et de croquer à pleine dent dans son repas. L’homme ne s’était même pas débattu, ou ne le pouvait simplement pas, terrorisé parce qu’il voyait et subissait. Aucun moyen de savoir ce que ressentait la victime, mais une chose était sûre, il ne lui restait que très peu de temps à vivre. Petit à petit, il perdit en couleur et s’affaissa le long du mur. Sa tête s’était penchée d’un côté. Il avait perdu connaissance et ne réveillera pas de si tôt. De son côté, Rania continuai de boire à grande goulée et quand elle eut terminé, elle laissa le pauvre homme, enfin ce qui en restait, s’écrouler au sol. Sachant que je ne risquais plus de la gêner dans son petit exercice nocturne, je descendis de la toiture pour assister au grand final de la comédie au premier rang. La vampirette essuya le filet de sang qui coulait au coin de sa bouche d’un revers de manche puis, elle rétracta ses canines dévastatrices, comme si elle n’avait jamais été là. Et pour la seconde fois, elle attrapa ma main et nous nous mîmes à courir.

Rania - C'est comme ça que je fais, et je m'enfuis le plus rapidement possible. J'espère que le spectacle t'aura plu.

Garràn – Un vrai régale ! Même si je n’ai pas pu voir l’expression qu’il affichait de là où j’étais caché, j’imagine très bien le sentiment de terreur amplifier et déformer son visage ! Je m’en souviendrai longtemps !

Cela avait été un réel plaisir que d’assister à tout ceci. Il est vrai qu’assassiner quelqu’un m’est relativement grisant, mais je ne m’étais jamais dit qu’assister à un assassinat en tant que spectateur pouvait être tout aussi excitant. Nous continuâmes à courir puis, une fois la grande place de la ville en vue, nous montâmes sur les toits de la ville, reprenant place sur le trône de la nuit. Cette balade avait été plus qu’appréciable ! Et c’était le moins que je puisse dire. J’avais pu ressentir le renouveau en moi, de nouveau sentiment était apparue, ou plutôt, il refaisait surface après de longue année à sommeiller. Une jubilation bien singulière, l’affection pour quelqu’un, l’amitié ?

Rania - Voila, je me sens enfin bien, ça faisait longtemps.

Garràn – Oui, cela faisait longtemps que je n’avais pas ressenti tout ça. Je vous … Je t’en remercie. Je souriais, un large sourire niai, mais un sourire qui était venu spontanément. Mais en repensant à l’ivrogne qui t’a servi de repas, boire le sang de quelqu’un d’alcoolisé ne te rend pas saoul à ton tour ?

C’est vrai ça ! Étrangement, elle n’avait pas l’air de ressentir les effets de l’alcool. Je ne m’y connais pas plus que cela dans le domaine médicinal, mais le corps humain, je le connais relativement bien. Un bon assassin se doit de connaître et de savoir repérer tous les points vitaux d’une cible. Il me semble que lorsqu’un individu consomme à boire ou à manger, elle se disperse dans tout le corps, alors cela devrait être la même chose pour l’alcool, non ? En attendant la réponse, je m’asseyais sur les tuiles et me laissais tomber sur le dos, les mains dans les poches à contempler le ciel. Celui-ci s’était dégagé, laissant à découvert les immensités célestes. Il n’y avait rien de mieux que de terminer une bonne soirée en appréciant la vue des étoiles et de la lune.

La jeune vampirette étira en large sourire en entendant ma réponse. Cela n’avait pas l’air de l’affecter plus que ça et j’étais bien curieux de savoir comment elle faisait pour ne pas absorber l’alcool également. A moins qu’elle l’absorbe quand même, mais qu’elle est moins sujette aux effets de l’alcool. Tant de mystères tournaient autour des vampires, de leur mode de vie, de leur longévité, leur capacité. Ce n’est pas pour rien que leur tête sont mises à prix à des sommes d’argent qui dépasse l’entendement. Et pour ma part, elle était la seule vampire que j’avais rencontré jusqu’à maintenant. Mais j’imagine qu’ils ne sont pas tus aussi doux et calme que cette Rania. J’avais eu la chance de tomber sur elle.

Rania – Non, nous les vampires, ne ressentons pas les mêmes choses que les humains, cela ne me fait aucun effet, heureusement les ivrognes sont ma cible de prédilection..

C’est ce que je me disais, une forme d’immunité à ce genre d’effet. Comme quoi, on en apprend tous les jours ! Et j’admets que c’était une aubaine pour elle qu’elle soit immunisée à cela. Imaginez un peu si elle subissait les effets de l’alcool ? Elle serait totalement saoule ! Une jeune femme, frêle n’ayant probablement jamais consommé d’alcool ? Je n’étais guère mieux, mais j’en consommais une fois de temps en temps histoire d’étancher ma soif. Du coin de l’œil, je l’observais attentivement. L’aura sombre et ténébreux qui l’entourait lors de notre première rencontre s’était dissipé et elle semblait bien plus avenante. Je la regardais contempler les cieux. Ce visage blanc, cette fine bouche, ces grands yeux sombres éclairés par la lune et ces cheveux tout aussi sombre tombant le long de sa nuque et sur ces épaules droites.

Rania - Il fait moins froid que tout à l'heure ?

Moins froid ? Probablement. Je ne m’en étais pas vraiment rendu compte. Les stryges sont plus habituées aux basses températures et ne supportons pas trop la chaleur. Mais une vampire comme elle ne doit certainement rien sentir, le sens du toucher est inexistant chez eux, ce qui fait qu’il ne sente ni le froid, ni le chaud, ni la douleur, ni la douceur. Cela doit être vraiment affreux. Ne pas pouvoir sentir la douleur, quel sacrilège ! C’est ce qui nous fait aller de l’avant, nous, stryge noir. Peut-être qu’il serait possible de lui rendre cette partie de son humanité pour qu’elle puisse profiter un peu plus de sa vie de vampire éternelle ?

Garràn – Le vent s’est levé pour nous dévoiler le ciel. Il fait légèrement plus froid, en tout cas pour un humain.

Avec ce vent, les humains s’empresseraient de se vêtir d’une peau animale pour se réchauffer. Ils n’ont rien pour se protéger de la nature et du climat. Pas un poil ni une plume. Même si les humains vivants au Nord du continent supportent plus ce genre de climat, certainement par l’habitude de vivre ici, ceux du Sud serait frigorifié. Je dépliai mes ailes pour m’en faire un petit paravent de plume, pour m’abriter du vent qui se faisait plus froid.

Garràn – Pour ma part, j’ai mon plumage pour me réchauffer si besoin, mais les peuples stryges ont l’habitude de vivre au frais, ne serait-ce que pour vivre en altitude.

Quelques plumes s’envolèrent pour suivre le courant du vent, emmenant les plus sombres au lointain. Cette nuit sera longue, je voulais rester sur ces toits toutes la nuit jusqu’au petit matin s’il le fallait.

La réponse avait été faite du tac au tac, comme si cette dernière venait de percer à jour un point faible, accompagnant sa réponse d’un sourire grandissant sur son visage. Bien évidemment, j’avais relevé la touche d’humour fais à cet instant par la douce Vampirette. Le plus étrange était qu’elle se soit familiarisé avec moi assez rapidement, alors que dieu sait combien de personnes préféreraient passer leur belle nuit de plaine lune avec quelqu’un d’autre qu’un Stryge Noir ! Il en allait de même pour la demoiselle, obligé de se faire passer pour des humains pour pouvoir communiquer avec eux.

La belle duchesse de la nuit semblait retrouver des couleurs oubliées depuis des années, recouvrant un caractère plutôt jovial qui ne lui ressemblait pas. Du moins, je ne lui connaissais pas se sourire enjoué et ce regard indéfectible, mais nous ne nous étions croisés qu’à quelques reprises seulement, trop peu pour pouvoir véritablement cerner quelqu’un. Mais sa compagnie m’était étrangement agréable … comme si … je ne sais pas … comme si je l’avais accepté et qu’elle en avait fait autant. Cet état d’appartenance, de complaisance avait sûrement aidé Rania à se défaire d’une part sombre d’elle-même.

Parcourant les rues et ruelles du regard à la recherche d’une once de vie ou d’animation, la légère brise soulevant par moment le crin de ma chevelure sombre, les yeux fermés, rien ne pouvait perturber ce moment. Je n’avais plus besoin d’être sur le qui vive en présence de quelqu’un, je venais d’accepter Rania à cette liste d’exception ce qui me permettait de ne pas me faire de souci, d’être décontracté sans avoir à craindre une quelconque perfidie. Concentré sur l’imaginaire et le rêve, je surpris la belle brune parler, se questionner, sans savoir si elle s’était questionnée elle-même ou bien si elle s’adressait à moi. Je venais d’ouvrir les yeux, surpris, certainement tout autant qu’elle, de croiser son regard intense, de discerner ses amendes brunes bien ancrées sur son visage pâle. Instinctivement, elle s’était rassise normalement, toussotant de temps à autres afin de dissimuler cette gêne qui, comme pour moi, la mettait mal à l’aise.

Rania – Je crois qu’il se fait tard, tu trouves pas ?

Tard ? Peut-être en effet … La notion du temps s’échappait souvent de mon esprit. Cela faisait maintenant un petit moment que nous avions terminé notre petite escapade aux abords des rues et ruelles à proximité de la taverne. Le soleil avait encore pas mal de temps devant lui avant de se lever définitivement, mais la prédatrice et maîtresse de ses lieux souhaitait remballer bagage et tirer sa révérence pour cette nuit, du moins, c’est ce que j’en avais conclu. Pourtant, la brunette ne bougeait pas d’un pouce, toujours assise sur le toit, recoiffant sa chevelure aussi sombre que mes ailes, du haut vers le bas.

Garràn - Pas vraiment, il se fait tard quand le soleil commence à pointer le bout de son nez. Mais tout est question de point de vue, non? Tu souhaites peut-être rentrer te reposer ?

Je n'aurai qu'à continuer ma promenade nocturne jusqu'au bout de la nuit, attendant le levé du jour. Je n'étais pas spécialement pressé de quitter la ville, mais l'inactivité de celle-ci ne me plaisait pas. Les stryges Noires n'étant pas bien vu à Kastalinn comme partout ailleurs, je préférais me pavaner dans les rues seulement la nuit, sûr de ne croiser personne d'inconvenant. La journée je pouvais me reposer autant que je le souhaitais ou travailler, aux choix.

Garràn & Rania – Deux Cambrioleurs

Il était évident que la belle brune ne cherchait pas à rentrer plus tôt dans ses appartements, mais pour dissimuler une gêne, un malaise qui s'était fait sentir quelques minutes plutôt. Celle-ci secoua la tête, préférant rester sur les toits à contempler la ville. J'avais doucement esquissé un sourire discret, satisfait de ma soirée sur les toits Kastalinnois en compagnie de la maîtresse de ses lieux, Rania la Vampirette de Kastalinn. Je n'avais pas vu le temps passer, entre dîner de vampire et contemplation, Rania avait su me tirer de ma routine habituelle. J'avais pris plaisir à assister au dîner de la belle brune, au détriment de la vie d'un pauvre bougre complètement ivre. Cette observation m'avait fait comprendre que même les apparences les plus douces et innocentes pouvaient être les plus meurtrières et les plus effrayantes. Je savais pertinemment que je ne craignais rien d'elle, mais la voir à l'œuvre m'avait fait prendre un certain recul.

Plongé dans mes pensées, Rania me secoua légèrement afin de mettre un terme à mes rêveries, me désignant un Humain en train d'essayer d'entrer par effraction dans une maison. Emplie d'une certaine fougue, la douce vampire sauta du toit pour atterrir magistralement au milieu de l'allée, droite comme un I, Imperturbable. Elle avertit tout de même le malfrat de sa présence. Dans la même soirée, j'aurai eu la chance d'assister au dîner d'une vampire et à un combat de cette dernière. Son regard s'était assombris, noir et cruel, les bras croisés, elle semblait attendre des explications. L'homme en face d'elle ne l'avait certainement pas vu sauter du toit, ce qui n'était déjà pas humain, puisqu'il remarqua à peine la présence de cette dernière.

La charmante jeune femme marchait d'un pas décidé vers le cambrioleur puis, d'une vitesse foudroyante, se posa devant le pauvre homme qui ne comprenait pas ce qui venait de se passer. Rania était resté devant lui à le regarder de bas en haut comme pour le provoquer. Son plan marcha parfaitement et celui-ci se déchaîna sur elle, du moins il essayait, sans succès. La scène qui se déroulait sous mes pieds semblait se rapprocher plus d'une valse que d'un combat. La jeune vampire esquivait simplement les coups qu'essayait de lui porter le malfrat, prenant plaisir à ce petit jeu. Le cambrioleur s'énervait de plus en plus et comme pour combler le tout, telle la cerise sur le gâteau, la douce Vampire nargua le pauvre homme, riant à gorge déployé tout en continuant à esquiver ses coups-bas. Elle s'était éloignée brièvement pour récupérer son arme dans sa botte et fit signe à son adversaire de venir, s'il en avait les foies.

J'étais resté assis en retrait, sur le toit, pour mieux assister au combat, mais le grincement d'une tuile non loin de moi me fit comprendre que je n'étais pas seul sur ce toit. Je tournais la tête délicatement et dévisageais l'humain qui se tenait au bout de la toiture, sur la pointe des pieds. Voyant que sa discrétion laissait à désirer, il abandonna sa posture furtive et sorti de son veston deux dagues qu'il tenait fermement, quant à moi, je saisis ma faux et chargeai instantanément le cambrioleur. Celui-ci, ne s'attendant pas à une attaque aussi soudaine de ma part, tomba en arrière et roula sur les tuiles avant de se rattraper, évitant mon attaque involontairement. La chance lui avait sauvé la vie, du moins pour quelques temps... Je n'allais pas lui laisser d'autre choix que de mourir silencieusement dans ces rues sombres. Je me tins prêt à encaisser le prochain coup et à contre attaquer par la même occasion.

Garràn & Rania – Deux Cambrioleurs

La venue de ce piètre cambrioleur avait brisé la si bonne ambiance qui régnait sur ces toits que je désirais maintenant le pendre par ses tripes. Grassouillet comme il est, je n’aurai pas de mal à découper sa chaire. Il peina à se relever se ressaisit avant d’attaquer. J’avais anticipé son attaque et m’étais déjà déplacé en conséquence, mais à mon tour, je fus victime d’une chute involontaire, les tuiles étaient de bien mauvaises qualités… Le sournois en profita pour me planter sa dague dans le ventre. J’avais tout de même réussi à dévier sa trajectoire, sinon je ne serai probablement plus de ce monde. Je me laissais dégringoler du toit, tombant à pique dans le vide, et me rattrapais comme je pus d’un grand battement d’ailes. Rania se trouvait à quelques pas, le regard sombre et ténébreux, mais ceux-ci ne me dévisageait pas moi, mais autre chose. C’est au moment où la deuxième dague se planta que je compris que j’étais tombé au mauvais endroit, au mauvais moment. Je tombais à pique pour le bandit contre qui la douce vampirette se frittait.

Je réussis à me dégager à l’aide de mes ailes, repoussant mon assaillant comme je pus, dégainant tout en même temps mes dagues caché sous ma veste. Mon arme de prédilection étant tombé un peu plus loin, je préférai charger sans. Les deux lames se plantèrent dans le thorax du pauvre voleur qui m’attrapa par le col avant de s’écrouler sur le sol. Il ne restait plus que son copain sur le toit, certainement en train de fuir après avoir vu son pote crever devant lui. Pouvait-on seulement appeler ça un ami ? Fuir et abandonner ses amis ? Il allait le regretter, très cher …

Je partis ramasser ma faux, équipais le tout, et m’apprêtais y retourner, mais la première blessure était plus profonde que je ne le pensais, prendre mon envol dans cet état reviendrais à aggraver ma situation. Mais qu’importe, je pourrais me reposer autant que je le souhaite après ça … La belle brune traversa la ruelle pour rejoindre ce qui restait du deuxième voleur et y ramassa sa dague qui s’était planté un peu plus tôt. Je lui avais volé sa proie et j’en étais parfaitement conscient, mais je n’y pouvais pas grand-chose… J’allais pouvoir me rattraper avec l’autre truand.

Garràn – je vais faire le tour par là. Je pointais la ruelle adjacente à l’immeuble ou se trouvait le cambrioleur, conseillant à Rania d’en faire de même de l’autre côté, ainsi il sera fait comme un rat. J’esquissais un large sourire, plongeant mon regard dans celui de la jeune brunette. Premier arrivé …