Sujet: Le Bon, la Fourbe et le Vétéran (PW. Caelan) Lun 27 Mai 2024 - 11:50
Spoiler:
Elle était devenue une habituée des tavernes. Depuis qu'elle avait fuit Ishtar, c'était au sein de la confortable et réconfortante Stellaraë que Charme avait élu domicile. Aucune auberge ni aucune taverne ne lui étaient inconnues puisque nombreuses furent ses venues. Sa soif de divertissement était incessante et, comme à l'accoûtumé, elle se complaisait dans sa routine ; oeillades, divination et parfois même quelques chants pour envoûter quiconque osait l'admirer. Oui, Charme n'était plus inconnue à Stellaraë. Chacun des mots soufflés par ses délicates lèvres embrassaient l'ouïe d'autrui avec douceur, chaque danse émise par ses prunelles emportaient, en une valse ennivrante, l'attention de leurs interlocuteurs, maniant l'art de paraître mieux que quiconque. Elle était aussi grâcieuse que la vague d'un océan qui, finissant sa lasse course aux abords d'un sable fin, n'osait jamais s'y donner totalement, pour se retirer tranquillement, accordant à chaque rencontre sa bonté d'âme, sa délicatesse et, surtout, sa réconfortante présence. Aux yeux des ivrognes, elle était cette âme chaleureuse qui ne remettait jamais en doute leur honteuse dépendance. Pour les fiancés, elle incarnait l'interdit et la tentation, ce semblant d'espoir qui leur miroitait l'idée qu'ils étaient encore désirables. Au regard de certains, elle était cette bonne amie qui écoutait tous leurs maux sans jamais s'y désintéresser, cette oreille attentive qui ne jugeait point. En réalité, Charme était décrite différemment selon les clients et leur tempérament mais tous semblaient d'accord sur un point : si elle rencontre votre regard, fuir est déjà trop tard. Rares étaient ceux qui la pointaient du doigt pour la véritable sirène qu'elle incarnait, celle de ces mythes qui hypnotisait les marins trop naïfs, car trop peu voyait en elle l'océan déchaîné qu'elle incarnait. Tous ignoraient que cet innocent portrait voilait les vagues de ses vices, celles qui trompaient le calme, qui fracassaient les plages avec plus d'entrain pour emporter tous secrets dans son courant et qui délaissaient dans son sillage l'amer goût d'une trahison salée. Les informations récoltées par cette perfide créature n'était que le prix à payer ; celui pour avoir osé croire qu'il était possible de l'utiliser sans contrepartie. Après tout, Charme n'était que le fruit d'Ishtar et ses pêchés.
Ce soir là, ses prunelles croisèrent le regard d'un homme, celui étouffé par un passé refoulé mais à la pupille dilatée par le pêché de l'ivresse. Son oeil droit était dissimulé par un cache fait de cuir noir, rappelant Ishtar aux yeux de l'ancienne courtisane. Il avait la face ridée par les guerres et rosie par l'alcool, qui appréciait lui soutirer quelques sourires nostalgiques pour dévoiler sa dentition jaunâtre. C'était un solide gaillard que le temps n'avait épargné. Sa pilosité non entretenue rongeait ses joues creusées par les remords d'antan et sa chevelure grisonnante se mourrait sur son front plissé et les cicatrices qui ravageaient son tant marqué visage. L'unique chose qui avait réellement maintenu l'attention de la belle était ce tabard qu'il revêtait par dessus ses vêtements tâchetés ; celui de la garde royale. Ce mince maillot de coton blanc dévoilait ses bras nus et brunis par le soleil stellarois pour montrer cet art rustique militaire des membres que la guerre façonnait chez les Hommes. Bien que celui-ci ne semblait plus que l'ombre d'un passé, telle distinction poussa les pas de Charme jusqu'au vétéran pour découvrir tous ses pêchés.
« Une bien belle soirée, n'est-elle pas ? » dit la charmante demoiselle à ce rustre personnage alors qu'elle prenait doucement place face à lui, à sa table. La chaise boisée grinçait sous le poids léger de la douce femme qui croisait déjà les jambes pour prendre toutes ses aises. Elle n'attendait pas de réponse à cette banalité puisqu'elle les poursuivit aussitôt. « Venez-vous ici fréquemment ? C'est une taverne agréable, faut-il dire. » demanda-t-elle simplement pour captiver l'oeil de l'ivrogne. Elle feintait l'ignorance mais Charme savait que cet homme-ci était un habitué. Il venait fréquemment oublier sa peine immense dans ses murs, dans cet alcool qu'était la gnôle, celui qui avait pour luxe de faire oublier les tourments, le temps d'une soirée uniquement. Là non plus, elle n'espérait pas de réponse puisqu'il parraissait bien trop confus par l'éthanol ingurgité, mais il la regardait, à présent. Alors, pour combler ce silence, elle raconta sa vie de tavernes stellaroises, poétiquement, de façon à faire vibrer dans le coeur de cette âme en peine cet amour niais de la rencontre pour refléter les jours solitaires de ce vieux loup de guerre. Son récit était accompagné d'une approche non-théâtrale, sincère, aux douces oeillades et à l'intonation réconfortante, semblable à la caresse d'une brise printanière. Elle désirait alourdir le coeur de ce vétéran pour manipuler son esprit déjà affaibli par l'alcool, pour délier sa langue par son approche faussement amicale et son discours chaleureux. Elle mettait implicitement en avant la solitude que devait supporter ce bout d'homme, et qu'il était injuste de la part des dieux de lui imposer telle souffrance.
Oui, Charme ne faisait plus qu'un avec le personnage qu'elle incarnait puisqu'elle espérait soutirer à cet homme tous les secrets qui l'accablaient, tous ses désirs les plus enfouis et toutes les raisons qui le maintenaient encore en vie. Peut-être allait-elle être en mesure de récupérer une information importante que beaucoup payeraient pour entendre, mais ce qu'elle ignorait, c'est que cette histoire allait la remetre sur la piste d'une ancienne rencontre qu'elle ne pensait jamais revoir.
« N'ayez nulle crainte, mon ami, je vous dédie toute mon ouïe. » certifia-t-elle dans un sourire carnassier que l'alcool eut pour malin plaisir à déformer aux yeux de l'ivrogne, pour lui offrir l'illusion d'une approche purement sympathique et délicate.
« Mon charme, mon arme, envoûte ton âme, Pour que, sans mes lames, Ton or, je réclame. »
Sujet: Re: Le Bon, la Fourbe et le Vétéran (PW. Caelan) Lun 27 Mai 2024 - 20:01
Le Bon, la Fourbe et le Vétéran (PW. Caelan)
FEATURING. Mademoiselle Charme
Le comptoir de “La chope fringante” était à cette heure-ci pas des plus fréquentés. En ce début d’après-midi, demeuraient essentiellement des voyageurs, des gens de passage venus se désaltérer du soleil de plomb du centre de Dùralas. L’essentiel des tenanciers de l’établissement étaient occupés en cuisine pour le repas du soir ou à l’étage pour préparer les couchers de cette nuit. Le tavernier, un solide vieux nain, surélevé d’une rampe pour dépasser le comptoir fumait sa pipe et prêtait oreille aux conversations des voyageurs en faisant mine d’être totalement inintéressé.
“ Un cousin à moi faisait escale par la route du sud en revenant d’Ishtar, commençait un autre nain.Il est tombé sur tout un groupe de malandrins prêt à l’égorgé et le détrousser !”
“Ton cousin Falgarad ?” demanda l’humain à sa droite.
“Ouais, lui-même.” répondit-il en levant le coude.
“Déjà qu’il voit tout en noir, voilà qui va pas l’arranger.”
“Une chance qu’il s’entoure toujours de garde-du-corps. Il y a eu du grabuge, mais rien de bien sérieux. Les mercenaires ont zigouillaient un malfrat. ça a fait fuir les autres.”
L’aubergiste nain qui écoutait la conversation en exhalant d’épaisse fumé de sa pipe, décrocha son regard du sol et le porta sur un autre client, discret, à l’autre bout du comptoir qui ne pipait mot.
Capuche sur la tête, l’homme était grand, robuste et les saisons avaient balafrés son visage au rythme du fil de l’épée. La vieillesse chez cet homme laisser entendre beaucoup d’expérience acquise, glaive à la main et adversaire plus ou moins honorable à vu.
“Le pire c’est qu’il m’a dit qu’il était à peine à un mille de Stellaraë !” s’indigna le nain.
“C’est quand même catastrophique la situation, si même les honnêtes marchands se font détrousser à peine sortit de la capital ! Je ne sais pas ce que fou la Garde Royale ici, mais ils pourraient se sortir les doigts quand même !” éructa l’homme couvert de boutons.
Le tavernier lança des regards de plus en plus inquiets envers le vieil homme comme s’il avait peur que le poison proférait par les deux marchands ne contaminent ce dernier mortellement.
“Ah, ça pour faire les marioles en ville, il y a du monde, mais pour se frotter aux bandits des grandes routes, il y a plus personnes !” enchaîna le nain gueulard et faisant remuer sa grosse barbe.
“A part torcher le cul du Roi…” lança l’humain avant de se faire interrompre.
L’aubergiste pour mettre un terme sec à la conversation avait fait claquer un de ses tonneaux de bière qui les fit sursauter.
“Messieurs, si vous voulez dire du mal de notre bon Roi et de sa garde, je vous conseille une autre auberge.” dit-il calmement.
Certainement trop éméché pour avoir une discussion sensé sur quoi que ce soit, les deux individus posèrent leurs pintes et quittèrent l’établissement en s’excusant. L’aubergiste débarassa leurs consommations et se dirigea tranquillement vers l’homme à l’autre bout du comptoir qui fixait sa pinte. Le nain le regardait d’un regard désolé tandis que le vétéran semblait perdu dans ses pensés.
“ J’ai connu un mec une fois qui se serait levé pour leur faire fermer leurs claquots.”
“Humpf” parvint à émettre le vieil homme, désabusé.
“Aujourd’hui ce même mec préfère fixer son verre d’absinthe” continua le nain.
L’homme sembla prendre conscience de la réalité dans laquelle il se trouvait en décrochant son regard du fond de son verre. Il fixa l’aubergiste avec l’intensité du désespoir qui habitait l’homme.
“Je suis à la retraite, Jorck. Ce qu’on dit sur la Garde Royale me concerne plus.”
“Alors pourquoi tu portes encore ton tabard ?” demanda Jorck.
Les deux épées croisaient d’or et rouge royale arboraient le torse du vieil homme par dessus sa chemise froissée.
“Une habitude.”
Le fameux Jorick lâcha un soupir d’exaspération teinté d’empathie envers son vieil ami qui n’était visiblement plus que l’ombre de lui-même.
“Je n’sais pas ce que t’as fais pendant toute ces années ou tu étais absent, mais c’est depuis ton retour d’il y a deux ans que t’es comme ça.” fit remarquer l’aubergiste en grattant une allumette pour rallumer sa pipe.
“Rempli moi ce verre au lieu de dire des conneries” répondit Eaque en faisant glisser le verre sur le comptoir jusqu’aux grandes mains du tenancier.
Jorick affiche un rictus. Les deux compères savaient que Jorick avait raison, mais Eaque n’était pas prêt pour cette conversation. En tant que soldat de métier, son fardeau était de vivre avec toute ces cicatrices, ses souvenirs de guerres et surtout ses regrets.
Il y a 20 ans de cela, le vieux Eaque était alors un soldat au sommet de sa force et de son honneur. Après plusieurs succès et faits d’armes exceptionnelles, on lui proposa une préretraite militaire en participant à un projet des plus inédit dans l’histoire de Dùralas : celui de l’Agogé.
Eaque a toujours était habité par quelques velléités pour la transmission et la pédagogie. N’ayant jamais eu d’enfant, il avait à coeur d’avoir un élève ou plusieurs pour transmettre ce qu’il savait. De plus, de ce qu’il en comprit ils allaient, lui et ses frères d’armes de même acabit, forger la garde Stellaroïse de demain. Un honneur de contribuer au futur de la Garde Royale, grassement payé qui plus est.
Il aurait de compte à rendre envers son supérieur, Mercer qui est en charge de l’éducation militaire des jeunes. Il connaissait évidemment le pedigree de son supérieur, un honneur supplémentaire de servir sous ses ordres.
Eaque se souvient encore du premier jour. De jeune orphelins arrachaient à leurs mères de substitutions à l’orphelinat. Ils avaient sept ans tout au plus. Eaque se souvint encore de leurs yeux perdus, innocents et incompris. Ils avaient établi un campement très avancés au beau milieu de l’enfer des terres désolés du sud.
En guise d’acceuil, ils ont dû courir aussi vite qu’ils le pouvaient autour du camps aussi longtemps que possible. Les derniers qui abandonnaient seraient les premiers à manger. Les autres se contenteraient de l’eau de leurs gourdes.
“N’est-ce pas un peu rude pour des enfants ?” demanda Eaque, voyant les enfants courir autour du camp.
“Ce ne sont pas des enfants, Eaque. Ce sont des futurs soldats. La discipline enseigné ici est le fruit d’une intense recherche sur le développement humain. A 20 ans, croyez-moi mon bon Eaque, ils seront bien plus préparés au cruauté de notre monde que nous-mêmes à leurs âge.” répondit implacable Mercer.
Jorick interrompit les songes du vétéran de la Garde Royale en claquant le verre d'absinthe en face de lui.
“ C’est pas que de voir un client régulier vider mes fûts et remplir mes caisses me déplaît, mais tu vois aucune solution ?”
“A part boire pour oublier ?” dit-il en portant le liquide brûlant à ses lèvres.
“J’ai un cousin qui a essayer de boire dans cet optique. Je peux te dire que ça marche pas comme ça.”
“Je préfère faire mon expérience moi-même alors.” dit-il en buvant le breuvage brûlant et un tantinet toxique.
“Nom d’une enclume ce que t’es bourricot ! Va voir tes supérieurs et explique toi avec eux, j’sais pas moi ! “ s’impatienta Jorick, plein de bonne volonté.
“ Ils en ont rien à secouer ! s’agaça le vieil homme. Non, ce n’est pas envers eux que j’ai des regrets…” dit-il dans un presque murmure qui sonnait comme une lourde confidence.
Il affichait le regard symptomatique de celui qui pense à un souvenir douloureux. Celui ou il dû fouetter le dos d’une des recrues devant le camp entier parce qu’elle avait tenter de fuir l’Agogée. Eaque réprimait ses larmes devant les jeunes et ses supérieurs. Le jeune soldat lui saignait pour son impudence.
Après une pause ou Jorick semblait réflechir, il lâcha finalement un :
“Ecoute, mon vieil ami, j’ai du boulot qui m’attend en cuisine là donc je vais te laisser. Mais si je peux te dire un truc. Va voir les personnes pour qui tu as des regrets. L’absinthe ne te rendra pas ta conscience.”
Il remit son tablier, descendit du marche-pied de derrière le comptoir et tourna les talons. Ce fut un sommet de crâne chevelu qui dépassait à peine du comptoir qui disparu en cuisine.
Une idée le traversa comme en un éclair : celle de missionner quelqu’un pour retrouver ces pauvres diables qu’il avait encadré en enfer. Pourquoi faire cela ? Il n’en avait aucune idée. Il ne cherchais pas un quelconque pardon, car lui-même ne se pardonnait pas ce qu’il avait fait. Seulement, il voulait savoir ce qu’ils étaient devenu après cette fameuse nuit de révolte.
Le problème lorsque l’on es alcoolique depuis si longtemps, c’est que la boisson s’accapare toute vos pensées quand bien même un instant de lucidité vous attrapent de temps à autre. Il replongea dans sa beuverie et fixant le fond de son verre. Oubliant quasiment cette idée un peu saugrenue de retrouver les jeunes Gardiens de l’Agogé.
Les heures devinrent des secondes et il somnola une bonne partie de l’après-midi. A son réveil, la soirée était bien entamée. Son alcoolémie étant redescendu à un stade ou sa lucidité cotoyé son esprit brumeux, il scruta l’assemblé rassemblé dans la taverne. Sa vu n’était plus aussi bonne qu’avant, il discerna seulement plusieurs tâches floues en mouvement dans une énergie de fête innocentes.
Même avec ses sens engourdies par la gnôle et l’âge, la voix qui s’adressa à lui lui fit l’effet d’un baume apaisant sur une brûlure récente.
La douceur avec laquelle s’exprimait la jeune femme était semblable à de l’eau délicieusement tiède sur un feu vif à ses oreilles. Quand bien même cette dernière, lançait dans un premier temps des banalités.
“Je ne sais plus.” répondit-il de sa voix rauque et graveleuse avec un rire sans joie étouffé.
“Je viens ici tous les jours pour oublier. La seule chose que j’ai oublié, c’est depuis quand je viens ici…”
Tellement de regret à son actif dont il souhaiterai être oublier juste pour finir sa longue vie tranquille, paisible. Comme l’a dit son ami Jorick, la conscience ne fonctionne pas comme ça.
Même si son taux d’alcoolémie était à un niveau gérable pour un grand buveur comme lui, sa désinhibition elle, était bien de la partie entre lui et la jeune demoiselle. Il regarda son tabard rouge et reconnaissable de la Garde Royale. Il était tâché et cela fit naître une larme à l’oeil du vétéran.
“C’est tout ce qu’il me reste de ma vie de soldat au service de mon Roi, le grand Brendan IV. Cette tâche est un peu comme la dernière faveur que l’on m’a demandé : (élevé le futur de la Garde Royale, Eaque.) dit-il, visiblement en imitant grossièrement le ton employé. Connerie !” coupa-il court.
Il ne ressentait ni le poids du devoir, ni le danger de briser un secret prêté sous sermon. Il ne ressentait que l’envie de parler, motivé par la peine.
“L’Agogée, hein ? Vous connaissez pas ? C’est normal, comme tout le monde. Ils voulaient élevaient des gamins pour en faire des super soldats ! Ah !”
Il s’interrompit, voyant sa chope vide. Il plongea sa main dans sa bourse bien rempli et interpella une serveuse en lui jettant quelques pièces.
“Je veux pas voir le fond de ce verre et tu sers ce que veut la p’tite dame.” dit-il maladroitement, mais sans méchanceté.
La serveuse visiblement habitué à Eaque attrapa les pièces de sa main libre et se dirigea vers le tenancier.
MALICE
«Que la force me soit donnée de supporter ce qui ne peut être changé et le courage de changer ce qui peut l'être mais aussi la sagesse de distinguer l'un de l'autre.»
Sujet: Re: Le Bon, la Fourbe et le Vétéran (PW. Caelan) Mer 29 Mai 2024 - 21:07
« Un verre de vin rose. » demanda Laetitia au garçon fièrement vêtu, dans un sourire naturellement charmant. Douce soirée, propice à la négociation, où y mêler ce divin présent lui permettrait de faciliter cette future collaboration, pour que survive cette précieuse relation, et surtout, afin d'alléger son esprit torturé de mille et une réflexions. Elle patientait l'arrivée de l'aîné Turner, dans ce restaurant d'Ishtar portuaire, plutôt côté, au milieu de ces tablées de monde endimanché. Elle lui était promise car ce lien familial permettrait un embourgeoisement capital et un gain en puissance notable pour les deux jeunôts. Tous deux n'avaient que seize années chaudes et, si tôt, ils se sont dits oui, sans jamais avoir échangé un mot ni même un regard. Se sacrifier pour la famille n'était qu'une coûtume pour Laetitia. L'aîné s'était détaché de toutes les responsabilités des Cavazza au détriment de la cadette qui, à son petit âge, fut déjà contrainte aux lois de la bourgeoisie. Et s'il était laid ? inintéressant ? pire encore, et s'il était violent ? vieux ? Portée par ce flot de pensées, elle en oublia le verre qu'on lui tendait, qu'elle récolta dans un sourire cordial. Malgré son jeune âge, elle savait tout de l'art du vin. Elle en observait la robe, les couleurs, se délectait des senteurs qui émanaient du verre avant d'en faire tourner le contenu, d'un geste habile, pour que toutes ses saveurs s'y diffusent en une danse tourbillonnante. Néanmoins, nulle quiétude ne l'animait, malgré sa gestuelle délicate. C'est ainsi que Laetitia but son verre en trois grandes gorgées, sans guère de grâce, dans l'unique but de faire taire ses pensées au travers de cette brûlante traversée.
Peut-être savait-elle comment apprécier du vin, quelque soit sa couleur, mais sa jeunesse ignorait tout de l'alcool et ses contrecoups. Celui-ci lui monta si vite à la tête que ses joues en devinrent rouges, imposant à son regard cette mine idiote que possèdent ces gens pompettes. Il était là, dressé devant elle, sculpté dans la pierre. Il était ce curieux mélange de l'homme en devenir, du garçon en transformation ; l'un de ceux qui sont promis à la beauté mais qui n'eurent encore le temps de totalement éclore. Grand, mince de taille mais aux épaules déjà travaillées, il avait la peau brune et la chevelure aussi noire que le plumage d'un corbeau. Sa rudesse physique se cachait derrière une tunique courte de lin, ceinturé, qui tombait sur son pantalon fait de cuir. C'était là la spécialité des Turner ; le travail du cuir. Elle ignorait si la beauté qu'elle lui trouvait n'était pas là influencé par ses sens chamboulés, mais la douce en perdit les mots.
Cette première rencontre ne l'avait laissée indifférente, comme fouettée par ses sens, néanmoins, les souffles de l'éthanol rendait la mémorisation de ce précieux souvenir difficile. Ô si seulement elle n'avait jamais prononcé cette phrase :
« Un verre de vin rose. » demanda Charme à la serveuse joufflue, dans un sourire faussement séduisant. Douce soirée, propice à la nostalgie, où s'abandonner au travers d'un unique rosée lui permettrait de mieux feinter l'intérêt qu'elle portait au vétéran, pour que ne se meurt point sa charmante magie. Elle se beigna dans les émotions de son interlocuteur afin de s'en imprégner. Ici, le verre reposait entre ses fins doigts qui s'amusèrent à porter le divin met à ses lèvres, pour en apprécier chaque lampée, chaque gorgée, comme pour ne jamais oublier. Oui, Charme ne buvait point pour le silence. Les saveurs, les odeurs, même les couleurs, débloquaient en elle des souvenirs qui la fuyaient. Son interminable vie de courtisane semblait prendre bien trop de places dans ses pensées, elles étaient étouffantes, écrasantes de chocs. Autrefois, c'était au travers d'une nouvelle rencontre qu'elle vivait les émotions ; à présent, c'est le goût du risque qui l'anime.
« J'ai à coeur de croire que l'alcool n'est pas ce refuge solitaire que beaucoup espèrent. Non, il permet la rencontre en brisant les masques, pour nous offrir la vérité là où l'étiquette est oubliée. » lui adressa-t-elle dans la confidence. Elle sourit. C'était là un sourire nostalgique, mais il n'était point chose aisée de reconnaître une quelconque authenticité, et pourtant, elle semblait pénétrante de sincérité.
« Une... Agogée, dites-vous, monsieur ? Vous sembliez être un homme à forte responsabilité. » certifia-t-elle en déposant une main chaleureuse contre la sienne, si tant est qu'elle reposait sur la table. « Utilisé puis oublié... il est parfois injuste d'être un noble soldat au service de notre roi... » et alors qu'elle retira la main de la sienne, elle poursuivit ses attaques. « Allons... il est dans votre droit de vous exprimer. Nous sommes entre camarades de beuverie. » Et dans un ultime sourire, elle leva son verre de vin en sa direction, comme pour le remercier pour ce cadeau alcoolisé, mais peut-être aussi, pour ce qu'il pourrait bien lui rapporter.
« Mon charme, mon arme, envoûte ton âme, Pour que, sans mes lames, Ton or, je réclame. »
Sujet: Re: Le Bon, la Fourbe et le Vétéran (PW. Caelan) Ven 31 Mai 2024 - 13:47
Le Bon, la Fourbe et le Vétéran (PW. Caelan)
FEATURING. Mademoiselle Charme
La force de séduction de la jeune demoiselle était indéniable, mais encore insuffisante pour venir à bout de l’entêtement d’Éaque. Il retira sa main lorsque cette dernière tenta de la frôler, plus par étourderie que par réel rejet volontaire. Déjà assez imperméable à la flatterie et à la séduction en étant sobre, cela n’allait pas changer avec l’alcool.
Le vétéran eut une réaction vive lorsque la demoiselle de charme mentionna que le fait d’être soldat allait souvent de pair avec l'injustice.
“Hop là, gamine ! Attention à ce que tu dis avec ta langue de velours,” mis en garde Éaque, l’index pointé vers Charme, les autres doigts sur la hanse de sa chope. “Je suis fier de chaque goutte de sang que j’ai versée pour mon roi et mon royaume, que ce soit celui de mes ennemis ou le mien,” dit-il avec un léger balancement de la tête, symptomatique de l’ivrogne.
Il laissa le soin à sa charmante compagnie de rétorquer, car Mademoiselle Charme était rodée à ce genre de discussion à la fois lunaire et pleine de vérités douloureuses. La corde de ses années de service était sensible. Le mal-être ne résidait donc pas exactement dans ce qu’il avait fait en tant que soldat. C’était ailleurs que le levier devait être actionné.
Il descendit bien la moitié de sa grande chope, comme pour effacer ce qu’ils venaient d’échanger et toujours pour enlever cette culpabilité, mais en vain évidemment.
“Pardon, gamine. Je veux dire… Ma vie de Gardien était exemplaire. Tu sais, quand on est soldat aux ordres de la hiérarchie, on se salit les mains, mais on se raisonne en se disant que c’est pour le bien commun. Un petit mal pour un grand bien. On enlève des vies aux portes de notre belle cité pour permettre à un vieil ivrogne et à une fillette d’échanger autour d’un verre.”
“Non, le dernier ordre que j’ai reçu… On m’a demandé d’être autre chose qu’un soldat. Autre chose qu’une figure armée, un prêtre de la mort… L’idée m’a paru chouette au début. J’allais enfin créer au lieu de détruire.”
Les propos de l’ivrogne, pleins de pathétisme mais quand même très touchants par leur sensibilité et leur sincérité, étaient un peu confus. Mademoiselle Charme ne devrait avoir aucun mal à trouver le fil conducteur du vieux Éaque et sur quel sujet appuyer pour le manipuler à sa guise.
MALICE
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Sujet: Re: Le Bon, la Fourbe et le Vétéran (PW. Caelan) Jeu 6 Juin 2024 - 18:51
« Vous avez raison, monsieur, et c'est là tout à votre honneur. Je ne remettais nullement en doute la légitimité de notre roi. Voyez en mes paroles qu'une inquiétude quant à votre état ; il est chose aisée que d'appercevoir ô combien votre passé est un poids pour vous. » certifia-t-elle, accompagnée de ce sourire éternel, celui qui ne s'acquittait jamais de la chaleur de ses lèvres.
Voilà un brave pantin dont les fils furent coupés, aussitôt devenu obsolète, qui errait sans ambition ni volonté de vivre, pour s'oublier au gré de ses gorgées. Lamentable, pensait-elle. Méprisable, songea-t-elle. Il n'était là que le reflet des possibilités qui menaçaient Charme, si les démons de son passé avaient eu raison d'elle ; plongée dans l'alcool, rongée par l'éthanol, hors du temps, distordu par la peine et les verres, pour remettre toute sa destinée aux mains des dieux. Toutefois, malgré ses blessures d'autrefois, ce n'était pas elle qui buvait à outrance pour faire taire toutes ses souffrances. Lui, ce vétéran qui était fier d'avoir versé du sang au nom du Roi, se pavanait ridiculement, animé par la main de l'alcool. Ironique qu'une âme qui fut aussi sûre d'elle quant à la légitimité du souverain se trouvait face à elle, à chasser son passé, à oublier ses précédentes actions. Pour Laetitia, il n'en était rien. Ce dégoûtant gouverneur avait délaissé Ishtar dans une situation politique problématique et, quelque part, oui, son désastreux avenir était sa faute. Que serait-il arrivé s'il avait renforcé la sécurité du sud ?
S'il n'était pas là quelqu'un d'anciennement important, c'est accompagnée de son verre que Charme s'en serait allée. Barbant, voilà qu'il continuait à défendre les privilèges de la couronne avant de se lamenter sur son pauvre petit passé. Rouler des yeux, souffler, pianoter la table boisée, voilà des gestes qui hantaient son esprit, sans jamais céder. Son air plein de compassion ne fléchissait pas.
« Je vous l'accorde, monsieur. En tuant pour votre nation, vous permettez, déjà, aux autres d'entreprendre de plus belles constructions. Cependant, vous me voyez ravie d'entendre qu'il vous ait été possible d'aider autrement qu'en croisant le fer. Avez-vous aidé les orphelins de notre belle cité ? Faites-vous, peut-être, de la charité ? » demanda-t-elle innocemment. « La jeunesse est curieuse d'apprendre auprès de votre sagesse. » assura-t-elle en se désignant d'un geste de la main.
Elle conclut ses paroles en se penchant légèrement au dessus de la table pour offrir son menton à la paume de sa délicate main et plonger son regard dans le sien, la mine curieuse.
« Mon charme, mon arme, envoûte ton âme, Pour que, sans mes lames, Ton or, je réclame. »
Sujet: Re: Le Bon, la Fourbe et le Vétéran (PW. Caelan) Sam 8 Juin 2024 - 13:32
Le Bon, la Fourbe et le Vétéran (PW. Caelan)
FEATURING. Mademoiselle Charme
La carcasse du vieux Eaque remua sur sa chaise péniblement. Engourdi par l’alcool, l’âge et la culpabilité, on l’imagine mal livrer un combat quelconque aujourd’hui. Triste retour des choses. Il fixa de nouveau le fond de son verre et laissa quelques silences dans la conversation après les propos mielleux de Charme.
C’était seulement une question de temps avant que son taux d'alcoolémie ne vienne à bout de son sens du devoir. Aidé bien sûr aussi par ses remords.
“L’idée était d’enlever des enfants orphelins de la cité pour en faire autre chose que des orphelins. Tu sais, gamine, avec les conflits et les guerres, ça en fait un paquet qui ont perdu leurs parents et cela alors qu'ils marchent à peine. Ils les ont réquisitionnés. Hop ! Les pièces d’or qui servaient à la charité pour ces gamins, maintenant servent à l'armée ! De simples orphelins, ils devenaient des futurs Gardiens !”
Il fit signe à son collègue nain de le resservir d’un geste lourd et maladroit. Il remplit donc les verres en faisant la moue.
“Merci, camarade. À coup de fouet, ces petits garçons ont appris à ne ressentir aucune douleur. On les a forcés à s'entre-tuer pour survivre. Avant d’en faire des soldats, on en a fait des bêtes sauvages. L'agogé ! Elle les affame ! Au beau milieu des Terres Désolées du sud. Beaucoup sont morts durant l’agogé. Qui peut s'en soucier ? Des enfants sans famille ? Personne ! Et…”
Il releva le coude et claqua son verre sur la table.
“Je n’ai jamais eu de femme non plus. Ni d'enfant à moi”, dit-il sur un ton beaucoup plus plaintif et triste.
Il se surprit lui-même de cette confidence et se ressaisit instantanément.
“Ces enfants devenus jeunes adultes étaient tous des machines à tuer. Vraiment, même moi au sommet de ma force, je n'aurais pas eu le dessus sur aucun des survivants ! Alors, forcément, à un moment donné, ils se sont mutinés. En une nuit, les vétérans étaient hors jeu ! Et moi, ils m'ont épargné. J'ai toujours été bon avec eux. Voilà ce qu'ils m'ont dit.”
“Accepteriez-vous d'accorder un semblant de paix à un vieux soldat éprouvé ? Retrouverez-vous ces enfants ? Antarxès, Virgile, Ené, Arkhantos… Je pourrais tous citer leurs noms de mémoire. Julius, Demos, Illias, Alekos, Kaliclès, Caelan, Thalis…”
MALICE
«Que la force me soit donnée de supporter ce qui ne peut être changé et le courage de changer ce qui peut l'être mais aussi la sagesse de distinguer l'un de l'autre.»
Sujet: Re: Le Bon, la Fourbe et le Vétéran (PW. Caelan) Sam 8 Juin 2024 - 22:13
Sa longue complainte prenait l'allure d'une mélopée, bien que l'alcool enraillait sa voix grasse, un brin étouffée par sa barbe. L'honnêteté et la solitude qui frappaient ce brave homme soufflèrent une pincée de compassion au coeur de la comédienne. Elle ne sortait jamais sans son masque mais elle n'en était pas un monstre pour autant, et ce, malgré la grande rancoeur qu'elle éprouvait envers tous ses semblables, mais surtout, envers les mâles de ce monde. Il en fallait bien plus pour l'émouvoir, mais force est de reconnaître qu'elle n'était pas sculptée dans la pierre et l'histoire racontée la plongea dans une respectueuse écoute.
Elle ne le quitta point des yeux. Lorsqu'il parlait, elle opinait du chef pour lui faire part de son écoute. Quand il se lamentait, elle lui offrait une main chaleureuse afin d'apaiser ses doutes. Chaque fois qu'il posait diverses questions rhétoriques, elle lui répondait par de doux sourires. Peut-être fut-elle sincèrement troublée par la détresse de ce vieillard ?
« Vos principes vous ont guidé jusqu'à eux car vous faisiez ce qui vous semblait juste sur le moment. » affirma-t-elle sans l'ombre d'un doute. Les mots qu'elle soufflait de sa douce voix furent animés par ses lèvres qui, étirées, formaient un autre de ses sourires éternels, ceux qui réconfortaient, pour adoucir le timbre de sa voix murmurée. « S'ils vous ont épargné, mon bon monsieur, c'est qu'ils voyaient en vous un bon tuteur, une belle âme, malgré les possibles horreurs que vous leur infligiez à toutes heures. » certifia-t-elle, réconfortante. En réalité, Charme n'en avait que faire si ses mots n'étaient là qu'un tissu de mensonges. Si le vieux Eaque revêtait un masque, qu'il mentait également pour la piéger, cela n'aurait, en réalité, aucune incidence sur cet échange, ni même leurs existences. Et alors qu'elle commençait à perdre tout intérêt, l'énumération des prénoms suscita un tout nouvel appêtit, une curiosité carnassière chez elle.
« Oh, mon bon monsieur... Je ne suis qu'une jouvencelle qui arpente les tavernes, dénuée de ses sous ! Je survis plus que je ne vis, ici, à Stellaraë. Néanmoins, je connais un informateur qui pourrait vous aider. Contre quelques deniers, je m'engage à lui donner ces précieuses informations, pour qu'il puisse retrouver vos... mh, amis, ainsi que ma plus grande discrétion. » dit-elle en en ajustant le noeud carmin qui coiffait quelques de ses mèches brunes. « Je peux vous aider car, me semble-t-il, que j'ai déjà entendu un ou deux de ces prénoms énoncés. Que désirez-vous savoir ? S'ils sont encore en vie ? S'ils ont un avenir radieux ? » demanda-t-elle sans s'acquitter de sa bouille innocente mais très intéressée.
« Mais... ces informations ne dépendent pas que de moi, non, mais aussi de vous et... de cet informateur, oui. » Caelan. Kaliclès. Ces prénoms résonnaient en elles et lui volèrent ce sourire éphémère des lèvres, brisant son masque le temps d'un court instant. Elle paraissait amusée, même étonnée, par cette ribambelle de prénoms, bien qu'elle prit soin de paraître impartiale lors de l'énonciation, pour que son interlocuteur ne puisse entrevoir ceux qui ont su éveiller en elle cette insatiable curiosité.
La douce fixait désormais ses ongles alors éprise d'intenses réflexions, avant, d'enfin, porter toute son attention sur celui qui avait suscité en elle de plus sombres intentions.
« Mon charme, mon arme, envoûte ton âme, Pour que, sans mes lames, Ton or, je réclame. »
Sujet: Re: Le Bon, la Fourbe et le Vétéran (PW. Caelan) Lun 10 Juin 2024 - 17:43
Le Bon, la Fourbe et le Vétéran (PW. Caelan)
FEATURING. Mademoiselle Charme
Un certain silence s’était installé à la suite des questions de la dame de séduction. Un silence durant lequel notre vieux vétéran fixait le fond de son verre comme s’il se trouvait au milieu d’une brume opaque, les yeux perdus dans le vide. Il semblait lutter pour conserver un semblant de lucidité avec tout l’alcool ingurgité. Il était presque au bout de son idée : engager quelqu’un pour chercher tous ces jeunes devenus des tueurs professionnels qui se sont retrouvés subitement dans la nature.
Est-ce que cette dame habituée des tavernes était la bonne personne pour cela ? Aux grands maux, les moyens désespérés. Surtout qu’elle avait dit qu’elle en connaissait un ou deux.
“Tu as déjà entendu un de ces prénoms ?” dit-il, choqué. “Vraiment ? Qui ? Tu l’as vu quand ? Ici ?”
Il balançait ces questions comme si la demoiselle de charme avait l’élixir à tous ces maux, caché dans un des revers de sa manche, prêt à le lui enfoncer dans le gosier et alléger sa lourde conscience.
“Si tu peux les trouver, je te donnerai 10 pièces d’or par Agogéen que tu ramèneras devant moi ! Je sais bien que ce n’est pas pour ma gueule que tu es venue me parler, mais pour ça.” dit-il en décrochant sa bourse bien remplie qu’il faisait tinter dans sa main droite.
Sa longue et brillante carrière chez les Gardiens l’avait mis à l’abri de tout ce qui est du domaine du manque. De quoi boire jusqu’à plus soif tous les jours et ce jusqu’à ce que mort s’en suive.
“Et si ça permet d’enlever la seule épine de mon pied dans ma longue carrière, tu auras droit à un bonus.”
Il la replaça aussi délicatement que son alcoolémie le permettait à sa ceinture avant de reposer ses bras lourds sur la table.
MALICE
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Sujet: Re: Le Bon, la Fourbe et le Vétéran (PW. Caelan) Dim 16 Juin 2024 - 20:39
Retrouver ce "Caelan" ne devait pas être une tâche difficile, ce fut là les pensées de l'audacieuse. Néanmoins, en apprendre plus sur le mystérieux "Kaliclès" n'allait pas être de tout repos, encore moins sur le reste de cette étrange agogée. Charme n'y voyait là qu'un projet suspicieux, aux ambitions et à la morale douteuses, qui, malgré elle, suscitait un intérêt certain et une curiosité mal placée. Il était la clef pour mieux comprendre les désirs d'un roi, de son armée, et de tout un passé. De telles informations valaient bien plus que de l'or.
« Je l'ai vu de mes propres yeux, mon cher monsieur. » affirma-t-elle dans un sourire espiègle tout en l'observant de son regard sincère, sans pour autant dévoiler celui dont elle parlait. « J'ai pu échanger quelques mots en sa compagnie. Qu'il était beauuu... » dit-elle alors qu'elle accentuait cet ultime mot qui ne servait qu'à appuyer son honnêteté, dans cette confidence. Il ne maîtrisait point la verve, encore moins les manières, mais le vieillard ne manquait pas de perspicacité lorsqu'il daigna dévoiler ces précieuses pièces dorées, endormies au fin fond de cette bourse, pour captiver l'attention de son interlocutrice. Brillantes, devaient-elles être, et suffisamment nombreuses pour que Charme puisse vivre convenablement, le temps de quelques journées. Comment un homme d'une telle corpulence et à l'esprit seulement nourri par les vices de l'alcool pouvait avoir l'audace de se promener avec une telle somme d'or, dans les rues de Stellaraë ? Cette remarque silencieuse amusa Charme qui observait le vieil homme d'un nouvel oeil ; il n'était pas à sous-estimer, l'ivrogne.
« Vous le "retrouver" ? Cela ne doit pas être bien difficile, mais, ehm... que désirez-vous ? Une preuve de son vivant ? Vous souhaitez renouer les liens avec lui ? Sachez qu'ehm... mon in-for-ma-teur est même capable de vous livrer sa jolie bouille, vivante, jusqu'à vous. Vos ambitions ne nous importent peu, seule votre requête compte. » Là furent les mots murmurés par la douce. Ils reflètaient l'indifférence cinglante qui émanait de la courtisane, couverts par une intonation aussi délicate que le bruissement automnal des feuilles.
Elle se redressa et caressa le dossier de sa chaise pour l'empoigner. Avec grâce, la demoiselle osait approcher de Eaque pour rendre cette conversation plus intime, afin de fuir les oreilles et les regards indiscrets, en s'asseyant à ses côtés.
« Il est normal d'aider un homme qui a tant donné pour sa nation. Il vous suffit simplement d'ordonner, et mon informateur ira en mission. » lui chuchota-t-elle, paume de sa main tendue. Elle semblait réclamer un début de paiement, un petit quelque chose qui la mettrait en confiance avant cette chasse à l'Homme, une sécurité dans un geste empli de sincérité, pour ne pas être bernée.
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Sujet: Re: Le Bon, la Fourbe et le Vétéran (PW. Caelan) Lun 17 Juin 2024 - 19:50
Le Bon, la Fourbe et le Vétéran (PW. Caelan)
FEATURING. Mademoiselle Charme
Elle semblait lui avoir posé une colle. Que comptait-il faire une fois retrouvé ? L’alcool n’aidant en rien sa réflexion, il fit silence durant laquelle il sonda le fond de son âme : retrouver l’un d’eux, mais pourquoi faire ? Avait-il l’audace de leur parler après ce qu’il s’était passé ?
“Écoute, gamine, retrouve l’un d’eux. Peu importe, Caelan ou un autre, et je te donne de quoi te poudrer la façade pendant au moins un mois,” dit-il en se levant, tant bien que mal.
Il fit traîner les pieds de sa chaise sur le sol, attirant quelque peu l’attention sur lui, le barman en tête. Dominant à présent la demoiselle de charme, il lui adressa :
“Je serai là tous les jours à attendre. Si jamais tu le trouves. Et récupère ta main ! Je te la remplirai d’or seulement lorsque je verrai la trogne d’un de ces gosses, pas avant. Sur ce…”
Il tenait étonnamment bien l’alcool au vu de la lourdeur de ses pas. Bon nombre de buveurs auraient été assommés avec ce qu’il avait ingurgité de boissons. Ce soir, ce n’était pas l’alcool qui venait d’alléger sa lourde conscience. C’était l’espoir que venait de lui insuffler Mademoiselle Charme. Allait-elle retrouver Caelan ?
MALICE
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Sujet: Re: Le Bon, la Fourbe et le Vétéran (PW. Caelan) Mar 25 Juin 2024 - 21:58
Le soleil commençait à brûler son visage et la poussière des rues ensablées agaçait les yeux de l'ancienne courtisane. Des deux côtés de la place se développait une cité interminablement imposante et animée. Difficile fut cette quête qu'elle pensait si simple ; celle de retrouver un homme aussi grand que blond, ce qui semblait relever du miracle dans une foule mouvante. Les heures devinrent des jours, et les jours fânèrent en une semaine. Elle ignorait encore tout de son plan, ne sachant guère si ses agissements se devaient d'être honnêtes ou malintentionnés, mais fallait-il encore mettre la main sur le pieux, ce qui ne la réussissait guère. La chasse à l'homme, dans le bastion de l'humanité, n'était pas chose aisée et, alors, puisqu'aucune journée ne semblait la gracier, c'est dans le réconfort de la nuit que Charme se réfugia, pour trouver des réponses auprès d'âmes infortunées, celles qui n'auraient eu guère de peine à offrir un renseignement, en échange d'un sourire ou d'un peu d'argent.
Pour s'y oublier, s'y perdre et s'y aventurer, Laetitia omit ses superficialités et sa théâtralité afin d'uniquement revêtir un accoûtrement suffisamment pudique pour ne pas être reconnue, pour que personne ne se souvienne de sa présence. Sans une once de maquillage, aussi pâle qu'une colombe et son plumage, elle se voilait derrière une capuche, un masque, et une tenue aussi obscure que celle du corbeau.
Les tavernes furent oubliées, puisqu'il n'était pas adepte de l'alcool, mais non pas celles qui offraient le plaisir de la chair. Aux yeux de Laetitia, il ne pouvait exister un homme suffisamment innocent pour ne pas succomber à la tentation, à cet instinct viscéral qui gangrenait la nature d'un être ; la luxure. Elle le savait, et elle avait raison. C'est là, dans cette taverne, qu'il fut apperçu quelques temps auparavant, à discuter avec un être mi-homme mi-démon. Peu importe les raisons qui l'avaient poussé à pénétrer dans une telle bâtisse, puisque, à tort, Laetitia en conclut ce qui semblait arranger son histoire, comme pour réconforter ses actions et ce temps investi.
Ses consoeurs du lapanar et du trottoir lui concédèrent quelques informations ; là où il fut apperçu et ceux avec qui il fut entendu. C'est ainsi que Laetitia parvint à trouver l'unique auberge où Caelan logeait, et mieux encore, la chambre où il dormait. Après tant d'années à côtoyer la piraterie et ses vices, elle avait acquis une débrouillardise exemplaire pour sauver sa trogne et sa dignité, bien trop piétinée. Alors, après s'être assurée que nulle âme n'habitait la chambre convoitée, et puisqu'il fallait le retenir à Stelleraë, aussi longtemps que possible, Laetitia déroba le double des clefs à l'aubergiste, après une feinte maîtrisée. D'apparence, du moins. Un caillou fut lancé à l'encontre d'une fenêtre, d'une chambre aléatoire, pour en briser un carreau ; de quoi attirer la fougue du seul réceptionniste disponible à cette heure si tardive.
Dès que la clef embrassa sa serrure pour en déverouiller ses goupilles, Laetitia s'inséra dans la pièce pour la fouiller en toute hâte. Ses doigts gantés effleurèrent les draps avant de s'en emparer et de les soulever, à la recherche d'un bien, de ce petit quelque chose suffisamment important qui, lorsque volatilisé, forcerait Caelan à rester ici, quelques jours de plus. Peut-être que le bougre était dépossédé de richesse ? Peut-être qu'ici, Laetitia, fut bien trop ambitieuse ? Que pouvons-nous voler à celui qui se contente de peu ? Au grand malheur de l'ascète, l'épicurienne tomba sur sa plus grande richesse ; ses pensées. Lorsqu'il encrait sa plume en la baignant dans un petit encrier ciselé, qu'il l'animait sur ses pages autrefois immaculées pour les marquer de ses sentiments les plus profonds, Caelan ignorait certainement qu'une vile masquée violerait l'impossible ; ses mémoires intimes.
Sous la lueur de la lune, réfléchie par les carreaux de l'auberge, sa silhouette enlaçait une partie de l'obscurité, où seules ses prunelles émeraudes brillaient intensément, elles qui se nourrissaient de ces lignes pour assouvir une curiosité indiscrète.
Spoiler:
« Mon charme, mon arme, envoûte ton âme, Pour que, sans mes lames, Ton or, je réclame. »
Sujet: Re: Le Bon, la Fourbe et le Vétéran (PW. Caelan) Ven 28 Juin 2024 - 19:47
Le Bon, la Fourbe et le Vétéran (PW. Caelan)
FEATURING. Mademoiselle Charme
C’est une sensation assez étrange que de se faire déposséder quand bien même on ne possède quasiment rien. Ce qui perturbait le plus Caelan en cet instant, c’était que son petit chez-soi avait été souillé par les dieux savent quel genre d’individu. Les draps en dessous-dessus et les tiroirs des meubles de rangement renversés par terre. Pas moyen non plus de savoir ce que le voleur recherchait avec tant de zèle, à moins que…
“Hum” vibra sa voix grave, bouche fermée.
Son journal de pensées. Il fallait bien avouer, il s’agissait là de son unique bien de valeur à ses yeux. Un travail quotidien où il couchait de sa plus belle plume son flux de pensées et s’évertuait à faire de lui un être encore meilleur, jour après jour. Citant des paroles philosophiques de sa propre conception ou de penseurs célèbres en Dùralas, ce journal représentait beaucoup pour le jeune agogéen, mais seulement pour lui. Pour n'importe qui d’autre, c’était un simple livre d’un obscur auteur sans aucune valeur.
De toute évidence, subtiliser le journal de Caelan ne signifiait qu’une chose : quelqu’un voulait quelque chose de lui. Un individu convoitant la sagesse de ces pages ne se serait pas rabaissé à le dérober. En homme sage, il aurait préféré converser avec l’auteur directement.
“Mais bon sang ! Où sont donc passées ces clés ?!” résonna la voix du réceptionniste jusqu’à l’étage où se trouvait Caelan.
Peut-être savait-il quelque chose ? Caelan tourna les talons sans prendre la peine de refermer derrière lui (il n’y avait vraiment plus rien à voler). Il descendit les marches de bois jusqu'au hall d’accueil et aperçut le pauvre réceptionniste fouillant chaque recoin derrière son comptoir.
“Que se passe-t-il, monsieur Girel ?” demanda Caelan poliment, en sachant pertinemment la réponse.
Il se redressa de toute sa hauteur en se tenant le dos, comme si fouiller dans les recoins de son comptoir lui avait déplacé toutes ses vertèbres. Il posa lourdement ses deux mains sur le comptoir et fixa Caelan intensément :
“Pas moyen de remettre la main sur ce trousseau de clés, chef !” répondit-il en s’avouant vaincu.
La corrélation entre son cambriolage et le trousseau manquant était évidente.
“Ma chambre a été cambriolée et la porte n’a pas été défoncée. La personne qui m'a cambriolé avait les clés,” dit le jeune guerrier, calmement.
Monsieur Girel écarquilla grand les yeux, abasourdi par la nouvelle. C’était un homme très investi dans son travail et il prenait les affaires de son auberge très au sérieux.
“Aïe, aïe, aïe ! On m’a pété un carreau hier. Certainement des gosses et maintenant mes clés, et on vole dans mon établissement ! C’est pas bon pour les affaires, ça !”
Il fit la grimace en songeant au service onéreux du serrurier qui allait devoir changer toutes les serrures avec un nouveau jeu de clés. Il se gratta nerveusement l'arrière du crâne et parut gêné. Gêné de son incompétence à assurer la sécurité de son propre établissement.
“N’ayez crainte, le voleur n’a rien volé de grande valeur et votre chambre et ses effets n’ont subi aucun dégât.”
Face au calme olympien de Caelan, pour quelqu’un venant de se faire voler, monsieur Girel arrêta de se frotter la tête pour le regarder comme si c’était la première fois qu'il le regardait vraiment.
“C’est déjà ça ! Je suis désolé pour votre chambre, mon seigneur. Puis-je vous proposer une nuitée à mes frais pour me faire pardonner ?” proposa le gentil réceptionniste.
Caelan accepta chaleureusement en serrant la main du gérant. Monsieur Girel sembla se hâter pour réparer les dégâts tandis que Caelan prit le chemin de sa chambre afin de la ranger. Gravissant les premières marches de l’escalier, une idée lui vint en tête tel un éclair qui illumina sa conscience. Il se retourna, le sourire au coin des lèvres :
“J’ai une meilleure idée, mon bon monsieur Girel.” dit-il en redescendant vers le réceptionniste pour entamer une nouvelle discussion plus secrète et compromettante…
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Sujet: Re: Le Bon, la Fourbe et le Vétéran (PW. Caelan) Lun 22 Juil 2024 - 13:22
Piller le coeur de ses ennemis, leur désir voire même leurs sous, voilà que cela en devenait presque ennuyant et bien trop banal. S'attaquer aux pensées d'un homme ? C'était une première pour la pêcheresse. Ô grand jamais elle n'aurait pensé un jour que posséder l'intimité d'un être était possible par le biais de ces quelques phrases philosophiques inscrites sur de simples pages. Ce jour là, Laetitia comprit que certains Hommes ne vivaient pas qu'au travers de leur richesse matérielle, que leur or et leur diverses possessions n'étaient point une faiblesse, seulement du confort. Oui, pour certains de ces Hommes, c'est le savoir qui importait. L'oeuvre d'une vie, un recueil philosophique, des pensées profondes, peu importe ce que pouvait représenter ce journal intime qu'elle méprisait au fil de ses lectures, car les savants dépréciaient les ignorants, Charme en était convaincue, après tout, le savoir n'était-il pas pouvoir ? Peut-être que la belle était de ceux-là, mais ici, l'ancienne courtisane disposait du plein pouvoir sur Caelan et cette douce sensation ravivait ses sens d'excitation. Cette fois-ci, son plan serait méticuleux, ingénieux, pour que le pieux ne puisse la croiser, afin que le doute demeure éternel, et qu'elle reste intouchable. Cet or sera sien.
Au préalable, sa victime fut contrainte d'attendre, peu importe ce qu'elle pouvait manigancer, pour que chaque journée passée sans ses pensées fut un supplice. Charme désirait l'éprouver pour la rendre plus docile, enclin à accepter l'intolérable car un homme privé de ses désirs était un homme manipulable à souhait. Il devait suer pour les récupérer, paniquer, rougir de rage, supplier les dieux, ressentir toutes ces émotions qu'il étouffait tant, pour que la face cachée de Caelan, ses instincts les plus primaires et ses pensées les plus perverses, soient dévoilés au grand jour. Ce n'était point là de la corruption, au contraire, Charme se voyait comme une épreuve dans la vie du pieux, une étape à franchir pour en sortir grandi. En réalité, elle l'aidait à appliquer sa philosophie et à ne pas s'en éloigner. Si son plan échouait, la belle n'aurait aucun mal à jouer la carte de l'altruiste. Sa délicate trogne n'est que bienveillance et pureté, n'est-ce point ?
Et seulement là, le plan de la belle pouvait commencer.
Lors d'un soir égayé par les chants et cris des soûlards de l'auberge, la lucidité de Caelan pouvait l'éveiller ; un malfrat revient toujours sur les lieux du crime. Une délicate silhouette se trahissait dans la salle, le visage voilé par une capuche. C'était elle, il pouvait en être convaincu. Les talons de ses bottes ne claquaient pas le sol boisé pour que son approche demeure inaudible, derrière la foule d'ivrognes. Quelques de ses mèches brunes s'animaient gracieusement à chacun de ses pas qui la menaient jusqu'à l'étage, là où le piège l'attendait. Désormais devant la chambre de Caelan, la jeune femme poussa la porte sans attendre, pour zieuter l'intérieur tout en s'approchant de son lit. Il pouvait l'attraper maintenant, s'il le voulait, ou continuer à l'admirer pour mieux comprendre ses agissements, mais cet étrange sentiment ne cessait de le harceler ; tout semblait si facile.
« IL... vous salue. » dit la femme en insistant sur ce pronom, alors qu'elle déposait une lettre sur ses draps.
Qu'il bondisse sur sa proie, ou qu'il l'observe un peu plus, le résultat n'aurait guère changé. Charme n'était pas la femme qui lui faisait face, bien qu'étrangement, elles possédaient quelques traits en commun ; la chevelure brune et la taille grâcile. Néanmoins, si le pieux osait la confronter, il n'était pas difficile de comprendre que le visage de cette courtisane ne ressemblait en rien à celui qui tourmentait ses esprits. L'avait-elle fait exprès ? de trouver une courtisane presque semblable pour un peu plus le narguer ? ou n'était-ce que Caelan qui, s'étant fourvoyé, en faisait une obssession ? Après tout, cette demoiselle là semblait embauchée par un homme au vu de ses précédents mots. Et si Caelan s'était trompé depuis le début ? Peut-être que Charme n'y était pour rien ?
Lucie était son nom. Payée pour charmer le pieux, pour lui transmettre cette lettre, elle semblait tout ignorer de celui, ou celle, qui l'avait embauchée. « Qui peut oser dire non à de l'or ? » affirma-t-elle en gloussant, si Caelan avait osé la questionner. Contrairement à Charme, cette courtisane n'avait nulle envie de taquiner l'homme, au vu de sa carrure. Ainsi, s'il n'éprouvait aucun désir à consommer ce pour quoi elle fut embauchée, Lucie s'en alla, sans théâtralité.
Spoiler:
"Cher ami philosophe,
Vos pensées ont été subtilisées par les mains d'un voyou bien trop ignorant pour comprendre la réelle valeur de vos écrits. J'aurai pu me contenter de vous les rendre, sachant ô combien cela peut être douloureux de voir ses écrits disparaître, emportés par de mauvaises intentions, mais pour les avoir retrouvés, j'aimerai, sincèrement, et seulement si vous le souhaitez, vous rencontrer pour échanger en votre compagnie qui, j'en suis assuré, éveillera ma soif de philosophie.
Retrouvez-moi à l'auberge du Canari Jaune, lorsque le soleil sera au plus haut et où les ventres sont creusés par la faim, pour retrouver votre journal, autour d'un bon repas. Je vous invite.
Sincèrement, Luc de La Croix
La missive était parfaitement écrite ; chacune des lettres paraissaient élégantes, l'encre maniée tel un peintre qui s'exprimait sur sa toile du bout de son pinceau. Elle fut même scellée soigneusement. Tout laissait à croire qu'un véritable noble était derrière cette étrange affaire. Peut-être que cet individu lui souhaitait véritablement son bien ? Malgré ce qui semblait être un chantage, l'admiration qui émanait de cette lettre semblait sincère, et cette rencontre nullement dangereuse. Caelan allait-il se risquer à ce rendez-vous ?
De toutes les façons, peu importe les questions qui pouvaient malmener l'esprit de ce jeune soldat, puisqu'en réalité, nul noble n'était à l'origine de cette histoire. Charme, tirant les ficelles de ce chantage, espérait bien emporter Caelan jusqu'à son ancien mentor, qui avait également rendez-vous, à la même heure, à la même date et au même lieu. Ainsi, sans même avoir à se présenter à eux, son contrat aura été rempli, et elle n'aura plus qu'à récupérer sa délicieuse récompense auprès du vieil ivrogne, lorsque l'échange fut achevé, à l'abri des regards.
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Sujet: Re: Le Bon, la Fourbe et le Vétéran (PW. Caelan) Lun 22 Juil 2024 - 20:14
Le Bon, la Fourbe et le Vétéran (PW. Caelan)
FEATURING. Mademoiselle Charme
Il commençait à se demander si c’était vraiment une bonne idée d’attendre ainsi que le malfrat revienne sur les lieux du crime, tant l’attente lui paraissait interminable. Il avait eu le temps de nettoyer sa lame avec de l’huile d’olive, puis de l’affûter avec sa pierre de coticule. Parfait. Ensuite, il s'était engagé dans une série de pompes au sol. Sans prendre soin de compter, car il en faisait jusqu’à l’échec, il prit plaisir à cette souffrance bénéfique pour le corps. Puis, il voulut écrire dans son journal. C’était toujours de cette façon qu’il s’entretenait : son équipement, son corps et son esprit. La trinité du parfait guerrier sur le chemin de l’illumination. Sauf que là, son précieux journal manquait à l’appel et lui rappela pourquoi il attendait dans cette chambre voisine de la sienne initialement.
La monotonie se brisa lorsqu’il entendit des pas légers dans les escaliers de la taverne. Il avait tellement fixé son attention auditive sur ceux qui montaient et descendaient qu’il pouvait reconnaître sans mal lequel de ses voisins de palier allait et venait. Or là, c’étaient des pas peu rassurés et inhabituels en ces lieux, qui n’avaient jamais résonné jusqu’aux oreilles du guerrier. Saisissant sa lame, il se rapprocha de la porte de sa chambre et tendit l’oreille.
Une voix de femme, fluette et tout aussi hésitante que ses pas, s’éleva :
« IL... vous salue. »
Qui “Il” ? Scrutant la personne à travers la serrure, il découvrit une jeune femme plutôt belle de visage et de corps dont il était aisé de deviner qu’elle n’avait rien à voir avec le vol du journal du stoïcien.
Excédé par la situation, Caelan ouvrit violemment la porte et surgit dans le couloir, dans le dos de l’inconnue. Elle eut un petit sursaut et fut effrayée par la soudaineté du jeune homme. Il ne dit rien, volontairement, fixant la jeune femme de ses yeux brûlants d’intensité. Elle lui tendit un petit mot que Caelan s’empressa de lire en vitesse. Lux de La Croix ? C’était lui qui détenait son journal ? Fort bien. Au prochain zénith, Caelan serait au Canari Jaune.
Le survivant de l’agogé questionna qui l’avait enrôlée pour cette tâche, mais bien évidemment, elle n’en savait rien. Il eut un moment de flottement où cette dernière semblait attendre quelque chose de Caelan. Ce dernier, très loin d’être dupe, avait parfaitement compris qu’elle était une courtisane à en juger par ses manières, ses vêtements et son odeur. Il installa derechef ce silence gênant, feignant l’incompréhension. Elle déguerpit sans attendre davantage.
Qu’avait-il à perdre dans ce rendez-vous ? Rien. Un assassinat dans une taverne était chose bien trop délicate pour espérer échapper à la Garde Royale aux yeux de tous. Écartant les pires scénarios quant à ce rendez-vous, Caelan prit donc son mal en patience en attendant l’heure annoncée.
Épée au fourreau et à la ceinture, Caelan se mit en marche pour le Canari Jaune. Il fit irruption et constata, selon lui, que toutes les tavernes se ressemblaient : comptoir, feu dans l’âtre de la cheminée plus ou moins vif selon la journée, serveur en tablier, assemblée de buveurs invétérés réunis en différents cercles et cette odeur de tabac mélangé à l’alcool difficilement supportable pour le nez délicat de Caelan.
Ne cherchant pas spécialement son commanditaire, car il n’avait aucune idée de qui il était, il resta debout à la vue de tous, attendant un signe de ce “Lux de La Croix” pour se joindre à sa table.
MALICE
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Sujet: Re: Le Bon, la Fourbe et le Vétéran (PW. Caelan) Mar 23 Juil 2024 - 11:11
Nul nuage ne couvrait l'horizon alors qu'un ciel bleuté s'étalait à perte de vue. Au plus haut brillait le plus beau des joyaux, fièrement perché dans son royaume d'azur, pour offrir une chaleur éreintante aux stellarois. L'intrépide Caelan était planté là, aux abords de cette autre taverne qui, à ses yeux, se ressemblaient toutes, sans doute. Il patientait l'arrivée de ce curieux intellectuel qui n'existait point. Nul noble n'allait se présenter à lui puisqu'aucun Luc de la Croix n'était vivant.
Charme n'avait pas oublié sa précédente humiliation, celle qui découlait du vol à la tir raté. Malgré la bienveillance dont avait fait preuve le pieux, aux yeux de la voleuse cette précédente rencontre conservait un goût amer, un désagréable souvenir ; celui de l'échec. Alors animée par la rancoeur - et peut-être un brin d'égo - elle s'amusait de le voir, au loin, patienter pour rien. L'heure qui lui fut donnée était erronée. Le voilà qu'il était contraint d'attendre quelques minutes supplémentaires pendant qu'elle se prélassait, à l'ombre des regards et de la chaleur étouffante, pour se délucter du spectacle qui se préparait.
Alors que les minutes s'écoulaient lentement pour agacer les nerfs de Caelan, si tant est qu'il lui était possible d'être contrarié, il apperçut enfin une silhouette notable au sein de cette foule agitée et inlassablement bruyante. Encapuchonnée sous un manteau de lin noirci par l'usure, pour protéger sa chair et sa vieille face de la chaleur stellaroise, elle marchait lentement en sa direction avant, d'enfin, se figer brutalement. Elle ne délivra aucun son comme frappée de stupeur alors qu'il n'était chose aisée d'entrevoir son visage. Peut-être était-ce enfin le noble en question ?
Ses doigts vulgaires vinrent abaisser la capuche pour dévoiler sa trogne marquée, fatiguée et ridée. Celle qui observait le jeune blond d'un oeil écarquillé, sourcils tous redressés. Ses cernes assombrissaient son regard et sa chevelure grisonnante et incoiffée le vieillissait davantage. Eaque était désormais face à Caelan. Il le détaillait, l'observait, sans un bruit, sans un souffle, par crainte que le moindre de ses mouvements, que le moindre mot prononcé, ne puissent être la raison de sa possible fuite. Il admirait un fantôme du passé. Son désir de revoir l'un de ces soldats d'exception fut enfin exaucé et, pourtant, il semblait pris au dépourvu, ignorant si la réalité dans laquelle il baignait n'était autre que le fruit de son imagination ou, pire encore, de son affreuse ivresse. Inversement, Caelan était désormais contraint de confronter son passé ; Eaque.
Peut-être savait-il que seule Charme pouvait être la cause d'une telle rencontre ? Peut-être la haïrait-il pour ça ? Un problème à la fois, devait-il penser ? car, ici, l'unique certitude était qu'un démon de son passé refaisait surface. Peut-être que ce désagrément n'était en réalité qu'une peine à affronter pour offrir réponses à ses questions ?
Laetitia, quant à elle, se contentait d'apprécier, au loin, le fruit de son plan qui, elle l'espérait, résultera de l'or que Eaque lui avait tant promis.
« Mon charme, mon arme, envoûte ton âme, Pour que, sans mes lames, Ton or, je réclame. »
Sujet: Re: Le Bon, la Fourbe et le Vétéran (PW. Caelan) Jeu 1 Aoû 2024 - 13:47
Le Bon, la Fourbe et le Vétéran (PW. Caelan)
FEATURING. Mademoiselle Charme
Caelan ne put s’empêcher de relire le mot plusieurs fois pendant qu’il patientait sagement pour son rendez-vous. Canari Jaune, Luc de La Croix, l’heure, son journal, bref, tout y était. Il balaya des yeux l’assemblée de la taverne, espérant reconnaître un visage, mais en vain. Entre les visages détériorés par l’alcool et la vie rude et les silhouettes encapuchonnées, Caelan demeurait un parfait étranger parmi eux. Il eut toutefois une vague impression diffuse de familiarité parmi ces gens, comme s’il connaissait quelqu’un et que ce quelqu’un le connaissait. Il ignora cette fausse impression et s’arma de patience, dont il était rempli.
Ce fut l’un d’entre eux, visage dissimulé par un capuchon de lin aussi fatigué que sa démarche, qui vint à sa rencontre : peut-être le fameux Luc de La Croix. Quelle ne fut pas sa surprise lorsque ce dernier fit tomber sa capuche pour laisser voir ce que le temps, l’alcool et les regrets avaient fait de lui. Éaque. Mentor de l’Agogé, qui prodiguait des cours de philosophie aux jeunes recrues telles que Caelan et tant d’autres.
Caelan était figé de stupeur. Il déglutit avec difficulté et fut submergé d’émotions aussi difficiles à décrire qu’intenses. Un mélange de peine, de colère, de pitié, et même de joie, évoluant au fil des souvenirs qui se précipitaient dans son esprit vif.
Éaque, comme préambule, sortit le journal de Caelan de dessous sa cape. Il était en parfait état. Éaque et Caelan ne se quittaient pas des yeux, comme si toute réaction pouvait éclater chez l’un comme chez l’autre.
“Tu es sur la bonne voie,”dit-il en lui rendant son œuvre.
À ces mots, Caelan se fit plus sombre. Sourcils froncés, il récupéra le précieux journal, recueil de philosophie et carnet de route de l'épopée du jeune guerrier. Il ne put s’empêcher de repenser à ses frères morts durant ce périlleux projet.
“Tout comme Kaliclès, j’imagine. Tlémon, Phénos...” énuméra-t-il tel des flèches acérées qu’il envoyait sur la conscience meurtrie de son ancien mentor.
Éaque réagit vivement à ces noms qui semblaient lui meurtrir le corps entier.
“Crois-tu que j’avais le choix ? Mercer et les autres mentors étaient mes supérieurs. Chaque jour, les noms et visages de tes frères résonnent dans ma tête !” répondit-il, sur un ton plaintif.
“Je n’ai que faire de vos regrets, vieil homme,” répondit froidement Caelan.
Se reprenant, Éaque effaça ses regrets pour opter pour une approche du problème qui les rassemblait :
“Et moi de ta pitié, Caelan. Tout sera bientôt fini pour moi,” dit-il en laissant planer le suspense et le sens mystérieux de ses propos.
Caelan, ne saisissant pas les intentions cachées de son ancien professeur de philosophie, sortit les questions qui le taraudaient depuis bien trop longtemps :
“Pourquoi avoir fait tout ça ? Qui est à l’origine de l’Agogé ? Le Roi est-il au courant de ce programme ? Des morts que cela a provoqués et du drame dans lequel nous étions ? Personne n’a essayé d’y mettre fin ? VOUS n’avez pas essayé d’y mettre fin ?”
Éaque semblait ailleurs, sans que Caelan puisse comprendre si c’était dû à l’alcool ou à un quelconque dessein. Le face-à-face des deux soldats avait éveillé l’attention de la population du Canari Jaune, également du tavernier nain juché derrière le comptoir, qui semblait comprendre l’enjeu qui se jouait ici-même.
“La plupart des réponses, tu les connais, Caelan. Accepte-les. Ils voulaient élever les plus grands guerriers que le monde ait connus, peu importe les moyens. Quant aux implications de la royauté Stellaroïse… Vu les finances et les ressources requises pour un projet de cette ampleur, notre Roi Brendan IV a évidemment validé l’Agogé.”
Cette fois, c’était Caelan qui se prit la flèche acérée de la révélation d’Éaque en plein cœur. Le Roi en personne responsable de ce drame ? Il avait eu la naïveté d’imaginer qu’il n’était pas du tout au fait de l’Agogé. Imaginant de riches aristocrates Stellarois à l’origine de ce programme. Des citoyens riches et influents en manque de dépenses. Mais non. La colère de Caelan monta d’un cran tandis qu’Éaque reculait et s’enfonçait dans la taverne sans quitter son ancien élève des yeux. Les gens de la taverne faisaient silence et écoutaient attentivement le déroulé de la scène, essayant de comprendre ce qui se jouait avec une telle intensité entre les deux protagonistes.
Éaque bifurqua, toujours à reculons, d’une table à une autre avant de faire halte à une table précise où une seule personne était attablée. Dissimulé sous une capuche, on devinait aisément qu’elle était une femme avec ses courbes délicates. Caelan connaissait la mystérieuse inconnue, mais n’y prêta aucune attention. Il plongea la main sous sa cape et en sortit une bourse bien remplie, pleine à craquer de pièces d’or. Éaque tendit le bras au-dessus de la table et lâcha subitement la lourde bourse, qui s’écrasa sur le bois de la table dans un tintement de pièces.
“Merci pour tes services, gamine,” dit-il avec cette fois, un sourire satisfait de la situation.
Caelan essayait de comprendre au milieu de la révélation de son ancien professeur ce qu’il se tramait dans son esprit embrumé et malade. L’assemblée de la taverne retint son souffle. Un des serveurs du Canari Jaune, un jeune homme robuste et grand à la mine patibulaire, posa son plateau et vint attraper le bras du vieil ivrogne.
“Éaque, maintenant ça suffit. Si tu ne pars pas tout de suite, j’appelle la Garde Royale !” menaça-t-il.
Éaque élargit son sourire aux propos du serveur. Il plongea ses yeux dans ceux du serveur : Éaque avait les yeux non pas d’un buveur invétéré, mais d’un homme prêt à tout.
“Oh, mais elle est déjà là, la Garde Royale,” répondit-il tel un dément.
Le vieil homme, d’un geste fulgurant et d’une vivacité incroyable pour son âge et son état, dégaina la dague de sa main libre à sa ceinture et trancha la gorge de l’innocent serveur, qui déversa un flot de sang sur son tablier et sur le plancher du Canari Jaune. La clientèle, déjà en stress, recula davantage aussi loin que possible du fou furieux et s'horrifia des gargouillis qu'émettait l’aimable serveur en répandant son sang partout. Il se noya rapidement aux pieds d’Éaque.
Le sang de Caelan ne fit qu’un seul tour. Il dégaina son épée instinctivement et tenta une première attaque visant à désarmer la dague de la main d’Éaque en tranchant son avant-bras. Ce dernier esquiva, recula et sortit sa propre épée de son fourreau. Prêt à la confrontation.
Caelan se remit en garde et observa son adversaire. Il n’avait rien à perdre. Poussé par ses démons, il s’était retranché dans ses enfers : provoquer Caelan en duel de la pire des façons et mourir de sa main, espérant un ultime honneur dans cette joute d’épée.
Peut-être la mystérieuse commanditaire de cette funeste rencontre allait-elle se joindre à la bataille ou simplement ramasser son gain et partir. Le choix lui appartenait évidemment. Caelan, trop absorbé par la rencontre, n’a pas eu le temps de deviner qui elle était précisément. Si elle choisit la fuite, une fois le calme revenu, il comprendra qu’il s’agissait de Charme selon toute impression qu’il avait eue.
Pour l’heure, le combat risquait d’être sanglant, bien qu’Éaque cherchât à mourir de la main de son ancien élève. Il voulait quand même que le combat soit grandiose. Le dernier combat d’un guerrier désabusé par les remords et tiraillé par son devoir.
“Approche, Caelan. Ma chute sera ton ascension...” chuchota Éaque, sans que personne ne puisse l’entendre.
MALICE
«Que la force me soit donnée de supporter ce qui ne peut être changé et le courage de changer ce qui peut l'être mais aussi la sagesse de distinguer l'un de l'autre.»
Sujet: Re: Le Bon, la Fourbe et le Vétéran (PW. Caelan) Jeu 8 Aoû 2024 - 14:42
Autrefois, Laetitia appréciait sirotter son thé en compagnie de quelques ragots qu'elle trouvait palpitants. Dans la sphère bourgeoise, il n'était rare d'entendre le souffle peu discret de commérages malveillants pour ternir l'image d'autrui, afin de faire valoir ses propres intérêts et de captiver l'attention de ses auditeurs. C'était là un très bon moyen pour se tenir au courant de l'actualité bourgeoise et, à force de voir les langues se délier, il était aisé de reconnaître celles qui se meuvaient par malveillance et cupidité des autres plus bienveillantes et honnêtes. Au travers de cette rencontre, et de cet échange qu'elle avait imaginé agité, Charme espérait y combler sa soif de curiosité, ce mesquin plaisir qui ronge ces hautes-gens de la société avident de drames pour combler le vide qui ronge leur coeur. Quel mal pouvait animer ce vieillard, si ce n'est celui de l'ivresse ? Un ancien mentor face à un élève d'antan, nul malheur n'allait éclater, si ce ne sont des échanges animés, n'est-ce pas ? C'étaient là les pensées qui occupaient son esprit.
Le thé servi par ce vieil homme était des plus précieux ; il provenait de la garde-royale et tout son passé relatait le terrible échec de sa Majestée. Caelan en était le survivant, l'irréfutable preuve de cet or dépensé pour des vies volées lors d'une curieuse expérimentation, au nom d'une armée glorieuse qui n'avait jamais vue le jour. Peut-être que le blondinet n'était guère différent d'elle ; tous deux virent leur vie dérobée pour le plaisir d'autrui. Comment aurait-elle réagi face à celui qui lui avait tout pris ? Quels sentiments l'auraient animée si Kirek se pavanait devant elle après avoir été piégée ? Cette pensée la malmena de culpabilité, un bref temps, avant de la balayer bien assez vite ; lorsqu'il était question de survie, Charme n'en avait que faire et la promesse de ne plus s'émouvoir pour si peu demeurait. La différence entre Caelan et Charme, c'est que l'un fut assez naïf pour se confier. Une erreur que jamais la belle n'oserait émettre à nouveau. Alors, ainsi, elle consola ses remords ; elle venait de lui inculquer la plus sage des leçons de vie.
Dissimulée sous une sombre capuche, masquée par un tissu épais, Charme se complaisait dans ce coin de la taverne. Faisant dos à la scène, elle écoutait les pas de chacun, les intonations qui se dégageaient de leurs mots, pour ne jamais être surprise par leur approche ou par leurs agissements. Ainsi, celui qu'elle méprisait le plus dans cette assemblée, qu'elle ne convoitait que pour son or, daigna lui offrir ce pourquoi elle patientait. Nul mot ne fut soufflé de sa gorge ni aucun regard ne lui fut adressé. Si elle le pouvait, peut-être même aurait-elle déjà quitté les lieux. Elle n'avait plus rien à faire ici, après tout, et la présence de l'ivrogne l'insupportait, lui qui rappelait tant les clients dépravés du bordel qu'elle fréquentait. Cependant, le son dérangeant de la chair découpée propulsa en elle cette douce adrénaline, celle qu'elle convoitait énormément, pour agiter ses sens. Elle était désormais en alerte. Sans s'affoler, toujours assise, elle observait plus intensément l'échange et le cadavre gisant du jeune serveur. Venait-elle de lui prendre la vie indirectement ? Non, les folies de son employeur ne la concernaient pas. Ce n'était pas de sa faute, après tout, n'est-ce pas ?
La situation n'était plus sous contrôle, les clients fuyèrent la taverne, d'autres, terrorisés, furent frappés de stupeur et certains osèrent assouvir leur morbide curiosité en admirant le combat qui opposait cet inconnu de cet ancien membre de la garde-royale. Tout avait dérapé. Ce n'était pas là ce qu'elle avait imaginé. Pire, encore, l'ivrogne savait jouer de sa lame malgré son âge et les vices de l'alcool qui le rongeaient. Charme ne voulait pas se risquer au combat, la beauté de son visage lui était si précieux ; que serait-elle sans son arme la plus redoutable ? Puis, Caelan n'était qu'un homme après tout ! Des comme lui, il y en a partout dans la grande cité ! Mais son coeur, qu'elle pensait plus sombre qu'il ne l'était réellement, l'empêchait de fuir ; cela aurait été injuste pour le blondinet qu'elle venait de piéger.
Elle grogna dans son coin, se haïssant pour cette faiblesse. Néanmoins, sa couverture ne pouvait sauter. Peut-être avait-elle l'étoffe de l'antagoniste, mais une meurtrière ? elle n'avait encore jamais franchi cette effroyable limite et la mort de ce serveur ne la laissait point indifférente. Sans un mot ni un soupire, seul son regard d'émeraude dévoilé, elle se redressa vivement et elle porta ses fins doigts jusqu'au couteau de lancer qui dormait à sa ceinture. Aussitôt effleuré, il fut lancé, bravant l'air de la taverne pour espérer trouver refuge dans la chair de ce vieillard. Qu'il ne l'entaille seulement, ou qu'il s'y plante franchement, Charme n'avait guère réfléchi aux conséquences de ses actes ; elle espérait éviter le pire à celui qu'elle avait lâchement piégé.
Prête à user de son agilité pour épuiser son adversaire, Laetitia fit le malheur d'oublier Charme pour réparer son erreur.
« Mon charme, mon arme, envoûte ton âme, Pour que, sans mes lames, Ton or, je réclame. »
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Sujet: Re: Le Bon, la Fourbe et le Vétéran (PW. Caelan)