Au moment de cette histoire, le récit de la barrière de Spelunca était déjà considéré comme un mythe inventé par un quelconque conteur en recherche d’un auditoire captivé par ses mots. Il n’y avait pas de conflit ouvert, nous étions dans une sorte de statu quo avec nos ennemis naturels. Mais il était régulier qu’un ou deux énergumènes viennent asticoter nos jeunes.

Hier comme aujourd’hui, les jeunes aiment les défis pour prouver leur force, pour éprouver leur endurance… Ce n’était donc pas rare qu’un conflit éclate et que nos enfants reviennent blessés. Je n’étais qu’une gamine, je crois même que je n’avais jamais encore subi ma première transformation, quand la décision fut prise de partir.

Notre cheffe était une Louve très respectée, elle avait fait beaucoup pour la sécurité de la meute, mais quand l’un de ses deux enfants fut tué durant l’un de ces trop nombreux accrochages, elle changea du tout au tout. De maternelle et bienveillante, elle devint sanguinaire et forma une petite escouade de loup qui partait attaquer les enfants ennemis.

Il n’y a pas de violence qui n'entraîne pas de violence et il y eut des répliques. Toutes ces années de pseudo-tranquillité avaient laissé place à une franche guérilla entre deux clans. Le nôtre, et celui d’un vampire voisin. Je ne sais pas combien de temps exactement a duré cette bataille, et personne n’osait remettre en débat les choix de notre Alpha.

Mais finalement, sa sœur le fit. Elle avait perdu son conjoint, et ses enfants venaient de naître. Il était sans doute hors de question pour elle de les faire grandir dans cet environnement, alors, pendant que notre Alpha et son escouade étaient partis pour une énième représaille, elle parla à la meute.

« Je pars. Mes enfants et moi partons. Ceux qui veulent partir sont et seront les bienvenus. Je ne sais pas où nous allons, je ne sais pas quand nous trouverons notre chez nous, mais nous ne pouvons plus rester ici. »

Ce fut simple, mais il n’en fallait pas plus. Il ne restait plus grand monde quand les combattants rentrèrent, et si certains d’entre eux restèrent auprès de la Cheffe, une autre partie prit la route pour rejoindre les fuyards.

Je n’ai pas grand souvenir du voyage, mais je me rappelle parfaitement les différents clans qui nous ont accueillis à bras ouvert le temps d’une ou de plusieurs nuits. Nous devions avoir l’air pitoyables, mais je ne m’en rendais pas compte. Les enfants vivent toujours ce genre de choses comme une aventure.

Nous avons donc croisé la route de beaucoup de monde, mais ceux qui m’ont le plus marqué, c’était un clan d’Orcs. Ils étaient nomades, simples à mes yeux d’enfant. Ils étaient magiques aussi. Ils avaient un chaman qui crachait du feu de toutes les couleurs dans l’unique but d’amuser les plus jeunes.

Ils nous ont laissés au bord de la forêt, celle qui s'étend au pied de nos montagnes. Au départ, nous nous y sommes installés, mais je crois que nos chasseurs ont préféré les proies des montagnes, car petit à petit nous nous y sommes installés. Je ne sais plus qui exactement à trouvé cet endroit, cette luxuriante petite vallée.

C’est vrai que nous sommes assez hauts dans les montagnes, que nous sommes presque dans les bois, mais nos maisons y sont à l'abri du vent, et notre terrain de chasse est immense. Nous ne croisons que peu de monde, et sommes assez isolés des autres peuples. Si au départ, c’était pour une question de survie, je crois que c’est devenu une habitude que nous aurions bien du mal à outrepasser aujourd’hui.