Une rencontre inattendue

Une journée paisible commençait. La brume courait encore au dessus de la mousse couvrant le sol de la forêt. Urua et Diagoras, son compagnon Mouss'Queterre venaient de se réveiller dans l'aube fraîche, sous un ciel clair.

- Alors le programme de la journée? demanda le petit épéiste.

- On va patrouiller un peu, chercher quelque chose à manger, on y va tranquillement, il faut trop beau pour se surmener.

Une fois équipés, Diagoras avec son gilet de cuir et son sabre, Urua avec son armure et sa rapière, ils sortirent de leur sanctuaire et se mirent en route, leurs yeux et oreilles les guidant vers les bruits qui pourraient être inhabituels. Jusque-là, ils n'avaient pas eu à intervenir. Après tout, ils n'étaient que des recrues de la Garde Zéphyr mais ils tenaient à prouver leur valeur et à vivre déjà selon les principes qu'ils avaient adopté.

Il devisaient calmement, autant pour éviter de déranger la faune locale que pour ne pas se faire repérer au cas où ils tomberaient sur une quelconque activité illicite lorsque le lion s'arrête brusquement en pleine phrase. Le Mouss'Queterre savait depuis le temps qu'ils voyageaient ensemble que quelque chose avait perturbé son compagnon et attendit en silence qu'il s'explique. Un regard lui suffit pour comprendre. Ils n'étaient pas seuls.

Urua avait senti la présence d'un autre créature qui se tenait judicieusement hors de son champs de vision. Il ne semblait pas y avoir de danger. S'ils avaient du être attaqués, ils l'auraient été depuis longtemps et s'il s'agissait de braconniers, ils ne seraient pas restés sur place. Sans reprendre son chemin, il observa intensément dans la direction d'où venait l'odeur étrangère, curieux de savoir qui ou quoi l'observait et pourquoi la créature ne se manifestait-elle pas.

Codage par Libella sur Graphiorum

Une rencontre inattendue

Sans un mot, Urua regarda Diagoras et lui enjoint de faire comme lui. Si une créature aussi timide se cachait d'eux, elle était certainement effrayée et très probablement inoffensive. Aucune effluve d'agressivité ne parsemait l'air. Toutefois, le lion avait l'impression de connaître cette nuance olfactive. Elle lui rappelait un parfum omniprésent dans la clairière d'Arhiann. Il ne pourrait être sûr de ce qu'il percevait qu'avec des sens plus concrets. Quand il verrait enfin leur compagnon invisible.

Il s'assit sans prévenir jambes croisées sur le sol, posa ses énormes pattes antérieures sur ses genoux et ferma les yeux. Il sentit que Diag faisait de même sur son genou et ils s'apprêta à patienter dans cette position le temps qu'il faudra. Une douce vibration montait de la gorge d'Urua, destinée à apaiser leur invitée et à la rassurer, un message de paix et de confort.

Codage par Libella sur Graphiorum

Une rencontre inattendue

Plus le temps passait et plus le lion se détendait. Ses propres ronronnements semblaient avoir un effet même sur lui. Il restait simplement assis, émettant ce son si particulier qui apaisait naturellement toute créature sensible. Il sentait les muscles de son corps tout entier se relâcher et ne se préoccupait plus de devoir se tenir droit, laissant son inconscient faire le travail.

À mesure que la tranquillité l'envahissait, il percevait de plus en plus de détails de son environnement et la distance à laquelle il sentait les choses augmentait. Il restait alerte sur les bruits et odeurs alentour mais se concentrait bien plus intensément sur une d'entre elles. Elle semblait se fortifier petit à petit. L'inconnue approchait.

Il ne pouvait toujours pas se décider sur ce qu'elle était bien que son sexe ne faisait aucun doute. Il pouvait le sentir aux hormones qui flottaient légèrement dans l'air. De plus, il gardait les yeux fermés pour ajouter de l'impact à sa technique pour rassurer l'intruse.

Lentement, tellement lentement que le mouvement en était presque imperceptible, il leva la patte opposée à celle qui reposait près de Diagoras. La paume en l'air, griffes rentrées au maximum, coussinets doux et satinés sous la lumière diaphane, il espérait que l'invitation à approcher serait évidente et serait saisie.

Codage par Libella sur Graphiorum

Une rencontre inattendue

L’énorme Löwen ne fut pas surpris par le sursaut que provoqua son mouvement, si délicat fut-il. Il était conscient que sa présence, ajoutée à celle de Diagoras qui ne semblait pas intimidant mais qui restait tout de même une créature de plus, ainsi que sa carrure pouvait intimider. Il avait assez travaillé sur ce point. Pourtant, pour une fois, il souhaitait être plus chétif, moins imposant pour pouvoir entrer en contact avec cette mystérieuse inconnue qui l’intriguait.

Urua sentit plus qu’il n’entendit son invitée approcher. L’odeur se faisait tellement présente qu’elle en était intoxicante. C’était une odeur emprunte non seulement de sauvagerie, de celles qu’on trouve chez les créatures peu ou pas habituées à la présence de la civilisation, mais aussi d’innocence qui caractérisait d’autant plus ce genre d’individu qui n’avait jamais ressenti la corruption ou la malveillance. On y décelait le musc des animaux qui parcouraient la terre sans chercher à se travestir de parfums ou de cosmétiques afin de plaire à ceux qui ne se contentaient que des apparences. Une note fleurie était aussi présente, comme une fleur qui n’attendait qu’à être découverte, à la périphérie de notre vision, restant cachée pour ne pas se faire cueillir.

Lorsqu’il ressentit l’intruse à quelques pouces de lui, presque à le toucher, très lentement, il ouvrir ses yeux fauves, emprunts d’une expression qu’il voulait amicale et rassurante afin de découvrir l’identité de celle qu’il avait tenté d’amadouer depuis plusieurs dizaines de minutes déjà. Sans discontinuer ses ronronnements, ses pupilles parcourèrent la silhouette qui lui faisait face. Une apparente jeune fille était accroupie, le regard intense rivé sur cette créature qui avait osé tenter de la faire approcher. Elle était nue et très pâle. Elle n’avait effectivement pas du croiser beaucoup de monde pour ne même pas connaître les conventions sociales de l’habillage, ni avoir été plus maltraité que ça. Il fallait reconnaître qu’une jeune femme, d’autant plus de cette beauté, se promenant nue dans une forêt avait peu de chance d’en réchapper indemne en croisant la plupart des spécimens masculin de quelque race que ce soit.

Plus choquant encore furent les cornes qui ornaient sa tête. Deux protubérances recourbées jaillissaient de sa chevelure désordonnée pour terminer en pointes qui semblaient assez acérées pour éventrer la plus féroce des bêtes qu’on pouvait trouver dans ces bois. Ces excroissances étaient proches de sa tête. Urua gloussa intérieurement en se rappelant la façon qu’avaient les chats de diriger leurs oreilles en arrière en cas de malaise. Il se demanda s’il était face à un phénomène ressemblant.

Puis, tout doucement, il cligna des yeux, exercice qui lui prit plusieurs secondes afin de ne pas trahir de mouvement brusque et effrayer la jeune femme cornue. Sa patte restait tendue devant lui, les coussinets dirigés vers le ciel. Il ne savait ce qu’il espérait. Tout ce qu’il pouvait comprendre de ses sentiments confus était qu’il était fasciné par cette apparition et qu’il voulait moins que tout au monde l’effrayer et la voir s’en aller. Il voulait connaître cette inconnue, comprendre ce qui le poussait tant à vouloir l’approcher.

Codage par Libella sur Graphiorum

Une rencontre inattendue

Tout se passait lentement, très lentement. Les deux êtres s'observaient intensément, essayant de savoir à quoi ils avaient affaire et gravant le plus de détails possible dans leur mémoire. Nul doute que l'apparition comparait Urua avec tout ce qu'elle avait pu observer jusqu'ici. Sa réaction était tellement incongrue qu'elle n'avait jamais du apercevoir une créature telle que lui jusqu'à maintenant.

Le Löwen, quant à lui, se délectait de la vue qui s'offrait à lui. La jeune femme, faute de meilleur mot, car on ne pouvait pas vraiment la nommer faune et qu'elle était sans aucun doute de sexe féminin, s'était assise dans une position qui ne semblait pas naturelle à Urua mais qui devait être confortable pour elle. Cette position laissait libre cours à la vision de ses jambes. On eut dit des jambes de satyres mais recouvertes d'une écorce, comme une fourrure végétale qui protégeait et isolait ses membres inférieurs. Il se demanda brièvement si son écorce poussait comme les poils qu'il avait lui-même sur les siennes mais se garda bien de formuler ses interrogations de peur d'effrayer sa nouvelle invitée.

Pour la première fois depuis qu'ils s'étaient rencontré, Urua avait totalement oublié la présence de Diagoras sur son genou. Il se sentait hypnotisé, attiré inexorablement vers cette nymphe des bois qui brossait délicatement sa longue chevelure de ses doigts, dissimulant, sans grand succès, les parties de son anatomie qu'une créature féminine éduquée aurait plus volontiers cachée. Il n'avait d'yeux que pour cette semi-humaine qui venait d'entrer dans sa vie, et se demandait pourquoi et surtout, où cela allait-il le mener.

Codage par Libella sur Graphiorum

Une rencontre inattendue

Les yeux d'Urua ne bougeaient pas d'un poil. Il pouvait voir aisément ce qui se passait devant lui en ne se focalisant pas sur les détails mais en observant la vision générale qui s'offrait à lui. Le temps s'égrainait inlassablement et il vit la jeune faune se détendre petit à petit. Dans la pénombre de cette partie de la forêt, il ne pouvait pas suivre la course du temps, aussi ignorait-il s'il s'était passé des minutes ou des heures lorsqu'elle esquissa enfin un mouvement.

Tout doucement, elle se pencha. Urua sentit, plus qu'il ne vit, Diagoras s'écarter vivement des cheveux de la jeune femme mais elle ne sembla pas le remarquer. Une chance sinon, elle aurait sûrement reculé, tant physiquement que socialement, et tout aurait été à reprendre. Plus sa main avançait, plus le Löwen avait du mal à la garder dans son champs de vision. S'étant d'abord assuré que le regard de sa compagne du jour était fixé ailleurs, il baissa lentement les yeux pour suivre les doigts qui se dirigeait vers sa cuirasse. C'était un exercice difficile de ne bouger que ses yeux, ainsi que de voir par delà sa truffe qui commençait à envahir le paysage à force de loucher. Il devait offrir un spectacle désopilant ainsi.

La réaction qu'elle eut en touchant son armure fut pour le moins étrange mais totalement attendrissante. Du genre à vous demander si tout était réel et à vous briser le cœur de tendresse en même temps. Elle n'avait pas du croiser beaucoup de métal sous cette forme si elle restait dans ces bois toute sa vie. Elle s'appliqua donc à tenter toute sorte d'expériences avec les plaques, faisant glisser le bout de ses doigts sur la surface lisse, tapotant à la manière d'un joueur de tambour qui voudrait échauffer ses peaux. La mélodie ne manquait pas de rythme ni d'originalité mais elle ne sembla pour autant pas satisfaite et retira vite sa main, continuant de l'observer avec une étrange expression.

Urua pensa que, puisqu'elle avait tenté un mouvement vers elle, il pouvait lui aussi tenter sa chance. Il leva donc sa patte droite, celle qui n'était pas du côté où Diagoras observait avec patience mais incrédulité ces scènes. La tournant paume vers le ciel, il l'avança avec une lenteur calculée, tentant de reproduire la délicatesse et la patience dont elle avait fait preuve. Le temps ne devait pas avoir la même signification pour une enfant des forêts que pour des aventuriers plus habitués aux champs de bataille et aux créatures hostiles. Tout ce qu'il espérait était d'arriver à amener sa patte à mi-chemin sans effrayer cette apparition qui l'avait tant chamboulé. S'il y arrivait, il arrêterait son mouvement, la laissant venir à lui et découvrir une autre sensation que le métal froid et dur.

Codage par Libella sur Graphiorum

Une rencontre inattendue

Tout semblait se passer bien. Elle ne fuyait pas et ne semblait pas apeurée par l'initiative du lion géant. Peut-être son instinct de survie n'était-il pas spécialement développé. Elle vivait effectivement dans une partie plutôt calme de la forêt. Ou peut-être avait-il enfin atteint son but : apprivoiser la satyre sauvage. Tout cela était nouveau pour lui. Il passait son temps dans l'urgence et la comapgnie rugueuse des soldats. Même son compagnon, Diagoras, avait choisi librement de le suivre et était encore moins réservé que l'énorme lion. C'était une sensation grisante que de participer à cette expérience nouvelle.

La jeune femme tendit même sa main, sans hésitation aucune, pour la poser sur la grosse patte velue qui se présentait à elle et il put sentir le contact chaud et doux contre ses coussinets sensibles. C'était comme s'ils se comprenaient. Comme s'ils communiquaient réellement mais en utilisant un tout autre langage. La main n'était pas très propre mais peu importait à Urua. Lui qui se déplaçait tantôt sur ses pattes postérieures, tantôt à quatre pattes quand il était fatigué ou qu'il voulait voyager rapidement mais surtout, il fallait se l'avouer, quand personne n'était alentour pour le constater.

Un sourire naquit sur le visage, image même de l'innocence, et Urua se sentit fondre. Même la canopée dense, qui bloquait la plupart des rayons du soleil dans cette partie de la forêt n'arrivait pas à estomper l'éclat de ce sourire ni la lumière qu'il alluma dans le cœur du guerrier. On aurait dit que le monde n'avait été que nuances de gris jusqu'à ce moment où il se remplit de couleurs, comme si le prisme du sourire de la jeune femme décomposait les rayons de sa joie et les envoyait rayonner droit dans les yeux fauves du félin.

La satyre se lança à son tour. Elle tendit sa paume vers Urua, de la même façon qu'il l'avait fait quelques instants auparavant. Son geste était sûr, empreint de douceur et de confiance. Leur relation évoluait. Urua refit donc le geste qu'elle avait fait et posa légèrement, sans y mettre de poids, sa patte énorme sur la main frêle qui lui était offerte. Son geste trahissait toujours une sorte de fébrilité et une crainte de l'effrayer ou de la brusquer. Quelle ironie que, des deux, c'était le plus massif qui eut peur et la plus chétive qui était, à présent, pleine de confiance. Il lui rendit son sourire, évitant de découvrir ses crocs, vision qui avait de quoi donner des cauchemars, quand bien même elle n'aurait été dévoilée que dans le but de plaire.

Codage par Libella sur Graphiorum