Mes premiers coups, qui avaient plus pour but de cerner l'art martial de Cylicia que de faire mouche, furent facilement parés, et je me rendis compte de la vivacité des coups de Cylicia. Elle était rapide, leste, et la contre-attaque qui suivit avait presque quelque chose d'harmonieux, en contradiction totale avec la puissance brute qui se dégageait de mon style de combat. Elle immobilisa en un coup le bras qui l'avait attaqué, et semblait poursuivre sa lancée vers les parties de mon corps les plus utiles en combat, à savoir les bras et les jambes. Epuisé par ma nuit à errer dans le Pandémonium, et de toute façon bien moins agile que Cylicia, je ne pus bloquer que quelques coups, et dû faire preuve de résilience pour encaisser les autres.
A plusieurs reprises lors de nos échanges, je tentai des prises afin de l'immobiliser ou la forcer à abandonner, mais à chaque fois elle esquivait telle une anguille, parfois in extremis, parfois largement. Au fond de moi, et malgré le calme que m'avait enseigné ma mère, quelque chose bouillonait. Un désir profond mais intense, une sorte de plénitude dans le combat, discrète mais présente. Je voulais gagner face à la camarade que je respectais. Lui montrer que ma survie ces trentes dernières années n'étaient pas dûes au hasard.

"Laisse parler ta rage, chasseur de démon." susurrait insidieusement une voix dans ma tête. Probablement ma conscience?

Je souris alors que je venais de tenter une feinte que Cylicia avait malheureusement percé à jour. En effet, elle n'avait plus rien à voir avec la faible marchande pour qui je la prenais lors de notre rencontre. Ses mouvements étaient assurés, quoi que j'y notais une certaine réserve. Après tout, ce n'était qu'un entraînement stimulant, et nos vies n'étaient pas en danger. Je tentai un nouveau coup, content d'avoir pu trouver une compagne d'entraînement aussi talentueuse, mais ce fut le dernier de la séance. Alors que mon poing frôla ses aisselles, elle parvint à l'aggriper avant qu'il ne finisse sa course, et en un instant, sans trop comprendre, je me retrouvai en train de tomber à la renverse, le bras fermement maintenu par la purificatrice. Le combat était perdu, mais mon instinct pris néanmoins le relais. Profitant de l'inertie de la chute, j'aggripai Cylicia avec mon bras restant et l'attirai avec moi sur le sol froid de la geôle, dans le but de l'envoyer voler contre le mur derrière moi. Mais réalisant au dernier moment que c'était là un des rares combats où ma défaite ne signifiait pas ma mort, j'hésitai et je n'achevai donc pas mon mouvement de balancier, terminant ma chute au sol, Cylicia dans mes bras. Vu de l'extérieur, on aurait sûrement pu croire que je lui témoignais de l'affection, alors que mon but initial avait été de l'expulser violemment contre le mur. La situation prompt au qui proquo me fit sourire, et je me mis à ricaner, le corps de Cylicia toujours serré contre moi:

"Ah! Ah! Ah! Vous m'avez eu, Cylicia. Je m'avoue vaincu."

C'était le moment. Cylicia avait réussit à se saisir de Brendan de manière à pouvoir mettre à terre cette masse sans trop d'efforts. L'humain prouva cependant une nouvelle fois son aptitude au combat. A la place de lutté contre la force qui l'entrainait, comme l'aurait fait beaucoup de débutant, il choisit d'accompagner le mouvement de la Purificatrice. Surprise de ce sang froid, la Purificatrice s'imaginait déjà envoyé droit dans le mur par la projection qui s'annonçait. Mais sa chute s'arrêta brutalement, il était clair que Brendan avait anticipé la violence du choc qui aurait put fortement blessé un être ordinaire. Se retrouvant à terre, dans les bras de son aimer. Cylicia se contenta de rougir face à lui et se surprise elle-même à profiter du moment.

- Ah! Ah! Ah! Vous m'avez eu, Cylicia. Je m'avoue vaincu.

Malheureusement pour notre héroïne, ou bien heureusement pour sa vertu, Brendan ne semblait pas comprendre le regard attendrit qu'elle lui faisait. Il aurait pourtant été si simple de lui voler ce baiser tant attendu dans cette position. Mais cela aurait été brisé une bien vieille promesse faite à son dieu, quelque chose qu'elle ne pouvait se permettre. Elle reprit alors soudainement ses esprits, tentant de s'extraire de cette béatitude naïve dans laquelle elle s'était plongée, puis, se releva, un peu perdue. Elle finit par tendre sa main au chasseur de démon pour l'aider à se relevé et, toujours les joues rosies par l'émotion, lui parla en ces termes :

- Allons donc Brendan, j'ai bien vue que votre dernière intention n'était point de gagner ce duel... Merci de m'avoir épargner la dureté de ce mur en plus du poids de la défaite.

Cette attention lui aurait été agréable même venant de quelqu'un d'autre. Elle avait remarquer que les mâles humains avaient souvent du mal à gérer leurs égos, et cela été toujours un possible de voir un peu d'humilité et de bienveillance chez l'un d'eux. Suite à cela, elle reparti de son côté de la cellule et commença à se préparer pour leur évasion rocambolesque.

- J'espère bien avoir ma revanche un jour... Mais pour l'heure, concentrons nous sur ce que nous avons à faire et rejoignons Discret.

Ainsi, dans le devoir, parvenait-elle toujours à fuir ses sentiments. Il était cependant vrai que leur situation était inquiétante au milieu de cette prison. Faire fit de son bonheur était sans aucun doutes le bon choix, surtout lorsqu'on connaissait les goûts de Brendan en matière d'amour. Souvenons nous cependant que Cylicia avait encore du mal à reconnaître ses sentiments. Ces préoccupations de jeune fille n'étaient plus pour elle d'actualité, et elle s'était faite à l'idée de finir sa vie seule et sans enfants.

Cylicia mit un peu de temps à réagir, et ses joues se rosirent devant cette promiscuité pas tout à fait désirée. Je me rendis compte de l'étrangeté de la situation, et elle finit par se relever, me laissant dans mes doutes. J'espère que je n'avais pas froissé ses convictions de Purificatrice, ou que je ne l'avais pas blessé, cela m'aurait gêné. Mais avant que je ne puisse m'en enquérir, elle tendit sa main pour m'aider à me relever, et me dit, dissipant mes doutes:

"Allons donc Brendan, j'ai bien vue que votre dernière intention n'était point de gagner ce duel... Merci de m'avoir épargner la dureté de ce mur en plus du poids de la défaite."

Je souris légèrement, rassuré, et lui répondit plus enjoué que d'habitude:

"Je n'étais pas sûr que casser la colonne vertébrale de ma partenaire de crime soit un choix judicieux pour ce qui nous attends ses deux prochains jours."

Elle était déjà repartie de son côté de la cellule, commençant à se préparer à la journée qui nous attendait. Elle me lança, à mon grand étonnement vu qu'elle avait gagné:

"J'espère bien avoir ma revanche un jour... Mais pour l'heure, concentrons nous sur ce que nous avons à faire et rejoignons Discret."

J'acquiesçai et remis ma chemise après m'être assuré que mon arme de fortune était toujours sur moi. Si ce que disait Cylicia était vrai et qu'elle avait énervé les mauvaises personnes, il fallait sûrement s'attendre à des retombées. Une fois prêt, j'allai pour me diriger à l'extérieur quand une figure familière se présenta devant la porte de la cellule: Discret. Finalement, c'était lui qui était venu à nous. Il n'avait visiblement pas encore eu le temps de faire sa queue de cheval, aussi ses longs cheveux blonds sales s'écoulaient sur ses épaules comme une cascade d'or. Il nous jeta un regard interrogateur, s'assurant que nous n'étions pas occupés, et nous lança, une teinte d'espoir retenu dans la voix:

"Alors, vous avez pris votre décision?"

Je jetai un coup d'oeil à Cylicia, dont je connaissais déjà la réponse, et répondit en notre nom:

"On en est, Discret. D'ailleurs, Cylicia m'a fait part ce matin d'une action qui pourrait compromettre votre sécurité. Elle s'est attaqué à un groupe d'humain qui faisait la loi ici, aussi serait-il peut-être plus sage que vous restiez avec nous. Ou qu'on ne se montre pas ensemble devant les autres prisonniers."

Mon interlocuteur eut un petit ricanement, visiblement amusé, et répondit sans l'ombre d'une crainte:

"Allons Brendan, tu penses que l'on m'appelle Discret pour quoi? Personne ne me remarque ici, et j'ai déjà eu maille à partir avec des détenus, et je m'en suis sorti. Ne vous inquiétez pas pour moi, je saurais me défendre si besoin. J'en impose pas comme ça, mais c'est ce qui fait ma force. Du coup, on suit le programme? On commence à instiller un air de révolte dans ce trou à skarnien?"

Je hochai simplement la tête, ne voulant pas remettre en doute l'assurance de notre camarade d'évasion. S'il disait avoir les épaules assez solides pour se défendre, soit. Je laissai Cylicia répondre en lui intimant, la mine sérieuse:

"Vu l'impression qu'on a fait aux autres prisonniers hier, Cylicia doit avoir deux trois pistes de personnes qui pourraient rejoindre notre cause. J'ai moi aussi repérer quelques personnes que je pourrais essayer de convertir à notre cause, comme le gros orc qui se tenait contre un des murs de l'enceinte hier. Une montagne de muscle comme ça, mise à contribution de notre émeute, ça sera un coup de pouce non négligeable."

Les deux héros finirent alors de se préparer pour ce jour fatidique qu'appréhendait Cylicia. Enfin, elle avait tout de même en grande partie finit de se convaincre que cette prison était une ignominie, crée par les affreux disciple du démon-dieu Basilic. Alors que Brendan s'apprêtait à sortir de leur cellule pour partir à la recherche de Discret, ce dernier fit la surprise d'apparaitre au devant de lui. Voilà qui allait leur faire gagner du temps. Réitérant leur volonté de suivre le plan, ne restait plus qu'à l'exécuter.

- Je ne peux être sûre que leur coeur penchera bien de notre côté, mais ce serait pour ces malheureux perdre une bien belle chance de quitter ces lieux... Discret, combien de temps avons-nous avant l'arrivée des gardes? Finit-elle par demander à l'elfe.

Celui-ci semblait bien emballer par ce plan chaotique, mais la Purificatrice sentait bien que le pauvre elfe avait sans doutes perdu une partie de sa raison dans ces lieux. Son passé avec Brendan semblait, qui plus est, aussi sinistre que le chasseur de démon en avait la triste habitude.

- Oh, une bonne heure!

- Parfait, ne traînons pas de trop.

Les aventuriers se dirigèrent alors vers la court intérieur qu'ils avaient découvert la veille. Là, Cylicia pris la parole de manière confiante. Les deux nouveaux qu'ils étaient avaient déjà eut le temps de s'acquérir une certaine réputation au vue de leurs exploits, tant avec les Skarniens qu'avec les prisonniers.

- Prisonniers de ce marais putride! Lança-t-elle alors tout haut. Aujourd'hui est le jour de votre rédemption, peut-être même de votre liberté! Ce choix est votre, mais nous vous ouvrirons la voie! Ayez Foi, frère de tout horizons, en face de vous se dresse Cylicia Condoris, échappée déjà de la funeste Tour Noire! A mes côtés, Brendan, le chasseur de démons, échappé du Pandémonium lui-même! Ces murs ne nous retiendrons pas plus longtemps en ces lieux, pas plus qu'ils ne vous retiendrons vous! Selon que vous soyez acteurs ou témoins, la liberté sera votre car, en vérité, je vous le dis, il n'est nul prison pour le déterminé!

Un lourd silence s'installa. Certaines bandes de prisonniers causèrent entre elles, d'autres se moquèrent mais certains signes de tête montraient bien que d'autres encore allaient rejoindre la partie. Qu'avait-il à perdre au fond? Si ce n'était de continuer de pourrir en ces lieux indignes. Toujours adossé à son mur, comme la veille, l'Orc balèze finit par se lever, rejoignant le petit groupe.

- Besoin d'aide? Demanda simplement celui-ci en direction de Brendan.

Cylicia sourit alors Brendan. Jusqu'ici, tout semblait se passait comme ils le désiraient. La Purificatrice s'en voulait néanmoins quelque peu d'avoir ainsi instiguer l'espoir dans le coeur des prisonniers. Elle comptait naïvement sur le Dragon Noir pour faire le tri entre les méritants et les indignes...