- Ce… n’est rien... chère… amie…

Cette démone serpentine avait écrasée la trachée de Brendan qui s'en retrouvait la voix toute enrouée. Par chance, il ne semblait pas bien plus blessé que cela et seul sa verve en pâtirait.

- Nous allons… défendre notre cause… face au juge naga. Avez-vous… quelqu’un… en tête… pour vous?

Comme elle l'avait dit à leur mystérieux hôte, elle ne voyait que la Tour Blanche pour la défendre.

- Les miens répondront sûrement à mon appel, bien que trois jours leur laisserons peu de temps de réaction étant donné que nous sommes quasiment de l'autre côté de la carte. Au pire des cas je me défendrais seule, en espérant que ce juge ne soit pas à l'image de ceux que nous venons de croiser.

Elle se doutait que Brendan n'aurait pas trop de soucis à se faire quant à lui. Sa faction était des plus puissantes et se situait à quelques lieux de là. Sans parler de la révélation qu'il venait de faire à Cylicia, selon laquelle il serait le fils du roi. Mais le roi le savait-il? Notre héroïne ne le croisa qu'une seule fois jusqu'alors et l'affaire fut trop protocolaire pour qu'elle ne puisse s'avancer à son sujet.

- Quand à vous j'imagine aisément que vous allez faire aux Gardiens, me tromperais-je?...

Mais la réponse du chasseur de démon fut tout autre, à la grande surprise de notre héroïne.

- J’espère… que les soigneurs… feront du bon… boulot. Je compte… assurer… ma propre… défense.

La situation était plus désastreuse que prévue et expliquait peut-être le comportement anxieux de Brendan qui analysait la pièce à la recherche du moindre avantage qu'il pourrait en tirer. Notre héroïne en avait un tout trouver qu'elle comptait bien partager avec Brendan mais elle préféra d'abord éclaircir certains points, pensant qu'il ne lui avait peut-être pas tout dis sur la nature de sa mission.

- Quoi qu'il en soit tant que nous n'aurons pas vu ce procès de nos yeux, et Dieu sait quelle nature celui-ci prendra, je ne serais trop vous conseiller d'être discret sur vos affaires... Je pense néanmoins avoir quelque chose qui pourrait nous donner un avantage si le contexte s'y prête.

Elle se mit alors dos à Brendan et lui continua :

- C'est un peu gênant mais... Dit elle en plongeant sa main sous sa chemise, semblant se débattre avec celle-ci. Ils n'ont pas poussé le vice jusqu'à me priver de ceci.

La Purificatrice sorti alors un deux petits bouts de métal longilignes et se tourna vers Brendan, c'était les baleines métalliques de son sous-vêtements qu'elle venait de décrocher.

- Ca nous fera toujours un outil ou une arme dans le pire des cas...

Elle en donna à un chasseur de démon, gardant l'autre pour elle-même dissimuler dans sa chaussure.

- Enfin, la vérité suffira peut-être à nous sortir de ce mauvais pas. Mais il serait bon de... Dit-elle en parlant de plus en plus discrètement. De nous mettre d'accord sur certains points! Depuis quand avez-vous femmes et enfants?! Enfin je ne vous jugerais pas mais mettons nous au moins d'accord sur une version...

Calvaire éthique pour Cylicia, c'était mentir ou sauver son ami. Mentir était péché mais trahir Brendan  était une hérésie. Elle résolu néanmoins assez vite cette préoccupation car par dessus tout il fallait bien tenter d'éviter la moindre victime innocente.

-  Enfin je ne vous jugerais pas mais mettons nous au moins d'accord sur une version...

On pouvait entendre au loin des bruits de pas venant d'on ne sais où et dont la direction était encore plus inexacte. Aucun moyen de savoir si cela les concernait ou non. C'était un début difficile et incertain dans cette prison pour nos aventuriers, leur plus grand espoir reposait sur une justice étrangère à leurs moeurs. Fallait-il encore qu'ils arrivent au jour du procès, leur étrange hôte ayant qualifié ce lieu de cimetière.

Après avoir, non sans gêne, démonté son corset de façon à en sortir les baleines, elle m’en tendit discrètement une et je vérifiai d’un rapide coup d’oeil si personne ne nous observait depuis le couloir. Une fois la chose faite, je rangeai mon surin de fortune dans mon pantalon, caché sous ma chemise, de façon à pouvoir dégainer rapidement en cas de besoin. J’allais aussi sûrement m’occuper de le rendre plus perçant et mortel, car une baleine basique représentait un danger assez moindre.
Baissant un peu la voix, Cylicia finit par me faire signaler que ma tentative de diplomatie, avant qu’on se fasse lamentablement enfermé, présentait des mensonges et qu’il serait donc bon de se mettre d’accord sur la version officielle. A la moue qu’elle tirait, je compris rapidement que son ethique ne préconisait pas le mensonge, quel que soit l’urgence de la situation, mais elle semblait tout de même accepter l’idée à contre-coeur. Sûrement que son abnégation avait plus d’importance à ses yeux que ses principes. Durs dilemnes auxquels font face les honorables. Mais personnellement, je n’avais pas d’honneur à défendre. Si tuer pouvait me permettre d’avancer plus vite dans mon objectif, et qu’il n’impliquait pas de pertes civiles - sauf cas de force majeure - je n’hésiterais pas à tuer. Cylicia, elle, était bien trop emplie de principes qui, dans l’idée, étaient respectables mais qui, dans les faits, contraignaient beaucoup trop la purificatrice dans son champ d’action. Je lui répondis donc, ma voix ayant toujours du mal à se former, et restant donc au stade de râle:

“Chère amie, vous avez bien trop de principes qui vous empêchent d’agir. Vous êtes une bonne personne, avec de bons idéaux, mais vous vous bridez en ne vous laissant pas aller au mensonge, à la duperie, à la manipulation ou que sais-je…”

Je me rapprochai alors de l’oreille de Cylicia, afin que les bruits de pas qui se rapprochaient ne soient pas une menace à notre secret, et enchaînai:

“J’ai menti bien sûr, car je ne possède ni femme ni enfants, mais est-ce que cela fait de moi une mauvaise personne? Parfois, la fin justifie les moyens. Les “méchants”, eux, ne prennent pas la peine d’avoir des principes. Ils vous tuent, vous violent, vous pillent, et ce sans état d’âme. Si vous ne jouez pas avec les mêmes armes qu’eux, vous vous mettez des bâtons dans les roues tout seul. Vous devriez prendre le temps d’y réfléchir, Cylicia. Je ne voudrais pas qu’un démon ait raison de vous un jour car vous avez préféré vos principes à votre vie.”

Je lui tapotai l’épaule amicalement et me tus au moment où les bruits de pas s’arrêtèrent devant notre cellule. Je vis à travers les barreaux une silhouette fine, vraisemblablement humaine. Elle ouvrit alors la porte, tout en s’annonçant froidement et presque mécaniquement:

“Je suis la guérisseuse et j’entre.”

D’instinct, j’eus envie de saisir mon surin et de lui sauter dessus afin de la prendre en otage pour m’enfuir, mais le fait que Cylicia puisse payer pour ma tentative me fit me raviser. Et puis, malgré le passage à tabac, notre hôte naga n’avait pas l’air de nous vouloir mort. Peut-être que passé ces trois jours le procès allait tourner en notre faveur, après tout?

Je lui fis un signe de tête pour lui montrer que j’étais là, et me mis assis sur la couchette tout en levant le cou pour lui montrer ma gorge, sûrement tuméfié. En espérant qu’elle puisse y faire quelque chose.

Le Garde Royal accepta sans broncher le piètre outil que lui proposait Cylicia. Elle-même espérait ne pas avoir à s'en servir mais au vu de la situation tout était bon à prendre. Quand à lui, elle avait du mal à savoir quelles étaient ses intentions. Il avait cacher la baleine dans sa chemise, voulant assurément se servir de celle-ci plus comme une arme que comme un outil. Enfin, les questions que se posait notre héroïne trouvèrent vite leur réponse lorsque Brendan lui dit le fond de sa pensée.

- Chère amie, vous avez bien trop de principes qui vous empêchent d’agir. Vous êtes une bonne personne, avec de bons idéaux, mais vous vous bridez en ne vous laissant pas aller au mensonge, à la duperie, à la manipulation ou que sais-je…

Oh cela elle ne le savait que trop bien. Déjà elle s'était imaginée maintes fois user de leurs propres stratagèmes contre les Stryges Noirs, le moment venu elle allait bien devoir passer à l'acte. Mais, lorsqu'il ne s'agissait pas de ces démons ailés, une seule réponse venait par automatisme dans son esprit et c'est ce qu'elle répondit alors à Brendan, pas tout à fait convaincue et de façon presque inaudible.

- Tout cela est pure hérésie...

Mais il ne s'agissait pas de ce genre de débat idéologique. Au fond, elle s'en rendait compte au ton que son ami prenait malgré sa voix enrouée. Il voulait simplement la sauvegardée de ses propres faiblesses. Au final il avait ce qu'il voulait, Cylicia allait mentir. Ce que le chasseur de démons dit par la suite ne fit que confirmer ses doutes.

- J’ai menti bien sûr, car je ne possède ni femme ni enfants, mais est-ce que cela fait de moi une mauvaise personne? Parfois, la fin justifie les moyens. Les “méchants”, eux, ne prennent pas la peine d’avoir des principes. Ils vous tuent, vous violent, vous pillent, et ce sans état d’âme. Si vous ne jouez pas avec les mêmes armes qu’eux, vous vous mettez des bâtons dans les roues tout seul. Vous devriez prendre le temps d’y réfléchir, Cylicia. Je ne voudrais pas qu’un démon ait raison de vous un jour car vous avez préféré vos principes à votre vie.

La Purificatrice était troublée. D'un côté elle n'avait pas une vision aussi manichéenne des choses. Non, ce n'était pas cela qu'on lui avait enseigné mais plutôt les paroles d'un sage de leurs anciens, grand auteur qu'elle admirait et souvent tristement oublié : "Les fautes des femmes, des enfants, des serviteurs, des faibles, des indigents et des ignorants sont la faute des maris, des pères, des maîtres, des forts, des riches et des savants."* Voilà en quoi Cylicia Condoris croyait au plus profond d'elle-même. Mais, d'un autre côté, un côtés bien plus obscure, il y'avait eux. Eux dont l'existence même moquait ses convictions. Eux, lourd carcan autour des 15.000 Stryges Blancs voulant le bien en ce monde. Eux au final qui avaient réussi à rendre cet enfant innocente haineuse, dangereuse même. Pour eux elle n'avait qu'une pensée, leur extermination par tous les moyens nécessaires.

C'est dans ce chaos éthique que Cylicia ne sut répondre autre chose qu'un timide oui de la tête. De toute manière, l'on venait à eux et mieux valait garder cette affaire de mensonges entre eux.

- Je suis la guérisseuse et j’entre.

Cela la ramena dans le présent qui était encore moins évident à gérer que son dilemme moral. D'instinct, elle jeta un regard noir à Brendan qui voulait dire : surtout, ne tente rien maintenant! Ils ne savaient encore rien de leur conditions de détentions exacte. Si un otage aurait été très certainement utile, cela aurait très certainement compromis leur procès et leur sécurité. C'était d'ailleurs à cela que Brendan pensait sans qu'elle ne s'en aperçoive, sa sécurité.

Alors que la guérisseuse s'appliquait à examiner les blessures du Gardien, notre héroïne s'était tranquillement assise dans le côté opposé à la pièce. Elle gardait un oeil sur ce qu'il passait, tout en gardant la main près de son arme de fortune. Comme tout semblait aller dans le bon sens, elle en profita pour faire part à Brendan de l'impacte qu'il avait eu malgré son absence.

- Je voulais remercier, Brendan, pour ce mot que vous m'avez laisser dans mon livre de prière... Il me fut fort utile en un moment trouble...

Puis, souriante, elle entra dans le jeu qu'il avait lui-même initier.

- J'espère que, de votre côté, vous avez garder ma plume, qu'elle vous a porter chance... Et que votre femme n'y ait rien vu d'inconvenant.

Cela l'amusait assez d'imaginer Brendan dans une vie de famille ordinaire où il aurait femme et enfants. Pourtant elle l'espérait tout de même pour son avenir, un peu de repos pour cet homme aurait été plus que mérité. Se souvenait-il seulement de ce que cela faisait?

Mais revenons à nos héros bien concrets et au plus insignifiant de ceux-ci : Darmok. Il avait heureusement été rendu à son amie et le pauvre chérubin s'inquiétait à présent du sort du compagnon de Brendan, Loyal. Ainsi était faites ces créatures, elles ne considéraient pas beaucoup plus importante la vie de tel ou tel être selon qu'elles les sentaient l'âme honnête. C'est donc pendant que la guérisseuse finissait son travail que le chérubin en profita pour allez jeter un coup d'oeil en dehors de la cellule. Rien de ce qu'il vu ne lui inspirait confiance et encore moins ces ombres qui circulaient librement. Ce qui frappa le plus Cylicia, c'est que la guérisseuse ne semblait pas se soucier du tout du comportement de Darmok. La cellule était d'ailleurs toujours ouverte. Etaient-ils donc libre d'allez et venir comme ils le souhaitaient? Les Nagas avaient-ils donc autant confiance en leur prison? Elle décida de se lever et d'aller vérifier par elle même. Une fois sur la pas de la porte, elle eut un immense sentiment de liberté que la guérisseuse qui en avait terminer vint vite ramener à la réalité.

- Ceux qui restent sagement dans leur cellule ont trois fois plus de chances de survie.

Son ton mécanique et sans âme était énervant, mais au moins elle n'avait en rien dit qu'il était interdit de circuler. Trop de questions. Allaient-ils devoir se débrouiller pour l'hygiène et la nourriture? Et quels genre de malfrat y'avait-il en ces lieux? Si il ne s'agissait bien que de malfrat. Elle s'en remit à l'avis de Brendan, retournant dans la cellule.

- Apparemment nous sommes libres de circuler, ce ne serait peut-être pas une mauvaise idée... Comment va votre gorge?

*:

La guérisseuse qui venait d’entrer vint rapidement à mon chevet et commença ses soins, ses paumes s’illuminant d’une rassurante lumière verte, alors que Cylicia me lançait un regard sans équivoque: si je prévoyais d’attaquer, ce n’était pas maintenant qu’il fallait que je le fasse. Mais qu’elle soit rassurée, je ne prévoyais pas d’attaquer. C’était trop risqué pour nous - pour elle. Elle n’avait pas besoin de mon esprit de contestation purement humain pour se retrouver dans la panade, et je me laissai donc faire par la guérisseuse alors que ma compagne purificatrice me lançait:

“Je voulais remercier, Brendan, pour ce mot que vous m'avez laisser dans mon livre de prière... Il me fut fort utile en un moment trouble… J'espère que, de votre côté, vous avez garder ma plume, qu'elle vous a porter chance... Et que votre femme n'y ait rien vu d'inconvenant.”

Ne sachant pas si je pouvais parler sans risquer de causer un perturbement dans le sortilège de soin de la guérisseuse naga, je préférais lui faire un simple signe de main en guise de réponse. Non, ma femme n’y avait rien vu d’inconvenant… héhé. Au moins avait-elle compris le message et semblait-elle plus encline à rentrer dans mon jeu sans que ça ne lui cause de dilemnes moraux trop important. J’aurais aimé lui répondre que j’avais toujours sa plume sur moi, conscient du cadeau qu’elle m’avait fait, et de la chance d’avoir reçu la plume d’un stryge. Mais j’attendis que la guérisseuse ait fini son travail - je ne ressentais d’ailleurs rien de particulier, j’espérais que ça avait quand même marché - et vis alors Cylicia se lever et se diriger vers la sortie de la cellule. Que faisait-elle au juste? Testais-t-elle les limites de nos geôliers? Les mains de la guérisseuse perdirent de leur éclat jusqu’à redevenir normal, et alors que je pensais qu’elle allait foncer sur Cylicia pour l’empêcher de sortir - je posai d’ailleurs par réflexe ma main sur la “garde” de mon surin - elle dit simplement, de son ton pragmatique et sans émotion:

“Ceux qui restent sagement dans leur cellule ont trois fois plus de chances de survie.”

Etonné par sa réponse, je remis mes mains le long de mon coeur et entreprit de me relever, jetant un regard interrogateur à Cylicia. Est-ce que ce genre de menace l’intimidait elle? Pour ma part, pas du tout. Cette prison était loin d’être au niveau de celles du Pandémonium, après tout. Cylicia revint vers moi et me dit alors que la guérisseuse repartait simplement:

“Apparemment nous sommes libres de circuler, ce ne serait peut-être pas une mauvaise idée... Comment va votre gorge?”

Je lui répondis, la voix étonnament plus claire qu’auparavant:

“Un deux, un deux… Ma voix semble aller mieux, visiblement! Et pour répondre à votre question, j’ai gardé votre plume oui. Bien sûr que je l’ai gardé, je sais la chance que j’ai d’avoir reçu une de vos plumes, et c’est un honneur que de la garder. Je crois qu’ils me l’ont enlevé avec le reste de mes affaires, en revanche. Quoi que ce n’est pas forcément une mauvaise chose, vous m’en auriez voulu en voyant son état. Il faut dire que ma vie aventureuse ne réussit pas fort à votre plume, qui est un peu plus décharnée chaque jour. Mais même si elle finit par n’être plus qu’un rachis sans barbe, je vous assure que je la garderais près de moi avec autant de déférence que quand elle était complète et en bon état.”

Je lui fis un sourire réconfortant avant d’ajouter, une teinte de malice dans la voix:

“Quant à la menace même pas voilée de la guérisseuse à écaille, franchement, vous pensez que ce genre de choses m’intimident? Allez, allons explorer ma chère.”

Non sans avoir machinalement vérifié que j’avais toujours mon surin à la bonne place, je sortis de la cellule pour la première fois, Cylicia sur mes talons. Face à moi, un couloir semblait serpenter jusqu’à une salle éclairée, plus loin. Bien sûr, nous n’étions pas dans l’unique cellule du couloir, et alors que je marchais à travers le corridor faiblement éclairé par quelques torches bienvenues, je vis les détenus qui se reposaient dans certaines cellules. Il s’agissait pour beaucoup de skarniens, de créatures des marais probablement trop intelligentes pour être considérées comme de simples bêtes sauvages, et d’étranges personnages à la race inconnue. Tous dégageaient une aura menaçante que j’avais appris à reconnaître, à force de traîner dans des milieux infréquentables. Les règles d’un vieux bagnard me revinrent en tête alors que j’arrivais à ce que j’avais pris pour une salle éclairée au bout du couloir mais qui semblait en fait être la sortie vers l’extérieur:

“Les prisonniers ne respectent qu’une seule chose: la force. Si tu commences à te faire marcher dessus, tu es mort l’ami. Mais je suis sûr que tu as tes chances si tu finis un jour derrière les barreaux, héhé! J’aurais pas voulu me retrouver avec toi à dos quand j’écoulais ma peine, ça c’est sûr.”

Gardant donc ses sages paroles en tête, je mis le pied dehors, et atterrit dans ce qui semblait être la cour. Là, plusieurs prisonniers étaient en train de se détendre, de discuter, de se chamailler, sous le regard attentif des gardiens nagas. Visiblement, ils n’intervenaient pas quand une bagarre éclatait, tant que cela ne semblait pas impacter le bon fonctionnement général de la prison. C’était bon à savoir en cas de…

“Tiens tiens, mais c’être un chose-humain et une chose-stryge qui être les nouveaux-nouveaux!”

… déconvenues. Et visiblement, déconvenues il y allait avoir à entendre le ton condescendant du skarnien qui venait de s’adresser à Cylicia et moi-même. Je me retournai juste à temps pour voir un groupe de skarnien nous encercler. Et bien, la guérisseuse disait vrai visiblement. Sortir de sa cellule nous exposait au danger, et ce même pas cinq minutes après. Enfin, si tant est qu’on ne s’appelait pas Brendan.
Le skarnien qui semblait être le chef - il était un peu plus grand que les autres et avait l’air plus agressif - continua, un sourire malsain s’affichant sur son sale petit visage d’homme-rat:

“Vous êtes nouveaux-nouveaux, alors je vais vous expliquer les règles-règles ici. Je être le chef-chef, et vous devez payer-payer si vous voulez être en sécurité. C’est entendu, chose-esclave?”

Jetant un rapide coup d’oeil à Cylicia, je cherchais dans son regard ce qu’elle voulait faire. Se battre à mains nues ou les suriner et griller notre atout tout de suite? Car il n’y avait pas d’autres alternatives. Comme le disait ma vieille connaissance bagnarde, si nous commençions à nous laisser marcher dessus, nous nous condamnions.

Brendan avait retrouver la voix avec toute la superbe de son phraser. Tandis qu'il répondait à la Purifiicatrice, celle-ci se sentait touché au plus profond. Alors qu'elle s'apprêtait déjà à lui offrir une nouvelle plume plutôt que celle décharné qu'il avait, celui-ci parvint à la convaincre du contraire. A la fin de son discours, déjà, elle s'était attachée à cette insignifiante partie d'elle, à présent transformée en relique. Tout son être voulut alors se rapproché de cette homme, à l'image de cette plume, mais c'était un sentiment aussi vint qu'interdit pour la jeune Cylicia.

- Quant à la menace même pas voilée de la guérisseuse à écaille, franchement, vous pensez que ce genre de choses m’intimident? Allez, allons explorer ma chère.

Notre héroïne qui avait retrouvée du poil de la bête répondit avec beaucoup d'entrain :

- Allons donc alors, ce n'est pas ici qu'on nous enterrera! Darmok, reste bien près de moi.

Le petit chérubin vint se niché dans l'espace entre l'épaule et l'aile de se maîtresse et n'en bougea plus. Nos deux héros partirent alors de leur cellule et s'aventurèrent dans les sombres couloirs de cette prison. Un bon nombre de prisonniers étaient présents. Apparemment, ça raflait large dans les marais. Parmi eux, certains avaient l'air innocent et d'autres avaient l'air des plus coupables. Mais comme bien souvent dans ces cas là, il était impossible à dire si ceux-ci jouaient les innocents parce-qu'ils étaient coupable ou si ceux-là jouaient les coupables par instinct de préservation. Malgré quelques regards agressifs envers Brendan et mal placés envers Cyilica, ils arrivèrent à ce qui semblait être une des cours de la prison. Tout de suite, la stryge leva les yeux au ciel pour y déceler une possibilité de salue. Encore quelques fois, les prisons qui n'ont pas pour habitude d'accueillir des stryges faisaient l'erreur de laisser le ciel ouvert à certains endroits. Autant vous dire qu'ils retiennent vite la leçon. Il l'avait bien appris ici en tous cas, car une grille couvrait l'accès à l'espace aérien.

De toute façon, je ne peux pas laisser Brendan seul ici... Pensa-t-elle, alors qu'une bagarre éclata au loin, sous les regards indifférents des gardiens. Cylicia voulu intervenir, mais déjà nos deux aventuriers avaient leur propre problème à résoudre. Un bande d'hommes-rats s'étaient avancé vers eux et les encerclaient à présent.

- Tiens tiens, mais c’être un chose-humain et une chose-stryge qui être les nouveaux-nouveaux!

Ainsi s'était adressé à eux le plus grand de ceux-ci. Notre héroïne, qui avait étudiée cette sombre race pour les besoins de la guerre, put reconaitre avec assez d'efficacité les caractéristiques de ceux-ci. Autant visiblement que par déduction, ils devaient apartenir au clan Yhnfest qui avait fait parler de lui dans l'Ouest. D'après leur réputation, elle les trouvait moins répugnant que prévu bien qu'il ne s'agisse probablement là que de simples guerriers.

- Vous êtes nouveaux-nouveaux, alors je vais vous expliquer les règles-règles ici. Je être le chef-chef, et vous devez payer-payer si vous voulez être en sécurité. C’est entendu, chose-esclave?

Payer, oui, le peuple stryge n'avait rien contre de bons arrangements, surtout quand ceux-ci promettaient la paix. Mais payer avec quoi? Ils étaient dépourvu de toute possession et, qui plus est, il s'agissait tout de même là de Skarniens! Cylicia regarda Brendan, intriguée, qui lui aussi se demandait si l'affaire allait pouvoir se résoudre sans en venir aux mains. Etait-ce une bonne idée que de se mettre tous les Skarniens de la prison à dos? Le "chef-chef" trancha à leur place, sans doute avait-il lu leur jeu de regard dénué de peur.

- Choses-mortes! Dit il avec un sourire malicieux qui sembla ravir toute sa petite troupe.

Aussitôt, un skarnien puis l'autre sautèrent sur nos héros. Ils avaient en quelques secondes sortis des armes typiques de ce genre de milieu, faites de bric et de broc en tous genre, sans doutes empoisonnées maison. La première vague ne résista pas longtemps à la supériorité naturelle de ce qui pouvait ressembler à deux colosses du point de vue des hommes-rats. L'entrainement fit le reste, chacun de leur assaillant étaient à présent au sol, dans l'incapacité de riposter. Mais ce n'était que le début de leurs mésaventures dans cette bataille et cette prison. Bientôt, les ennuies arriveraient aussi vite que les Skarniens.

Les skarniens ne tardèrent pas à voir que ses menaces ne prenaient pas, et ils eurent tôt fait de nous attaquer, l'air ravi d'avoir de la chair fraîche avec laquelle jouer. Rah, si j'étais armé de ma claymore, ils feraient moins les malins, assurément. Ne doutant pas de nos chances de victoire, je me mis côte à côte avec Cylicia et ensemble nous déviâmes les coups de surins que nous envoyaient les premiers assaillants, non sans une certaine agilité du côté de la stryge blanche, et nous en occupèrent assez rapidement. Je mis un grand coup de poing en plein dans le nez de mon premier ennemi, qui l'eut brisé à l'impact. Le deuxième, dont la lame du surin suintait d'un liquide verdâtre probablement empoisonné, tenta une nouvelle attaque mais je parvins à parer le coup en lui saisissant le bras puis, d'un habile tour de pugilat, à lui briser sans plus de cérémonie. Rapidement, les autres skarniens finirent par prendre la fuite, leur chef et ses principaux acolytes vaincus. Autour, certains détenus sifflèrent, exprimant probablement un certain respect pour nous autres nouveaux qui venaient de découvrir le monde de la prison des nagas et qui y avaient survécu sans soucis. Sürement n'était-ce que le début de nos peines, mais je préférais que cette première tentative de nous briser reste gravé dans les mémoires de chacun. M'assurant qu'il n'y avait pas de gardes présents - il n'y en avait pas l'ombre d'un, comme si la cour n'était pas surveillé - je sortis mon surin de fortune et le planta dans le crâne du skarnien assomé qui succomba sans voir le coup venir, et criai à l'intention de ceux qui regardaient la scène, un air réellement menaçant:

"Que cela soit vu comme un avertissement! Que personne ne se mette en travers de notre route!"

Puis je laissai retomber le corps désormais mort du chef des skarniens sans ménagement, avant de me tourner vers Cylicia pour m'assurer qu'elle allait bien, baissant la voix pour que seul elle m'éntende:

"Ca va, vous ne vous êtes pas fait toucher? J'ai cru voir le scintillement du poison sur leur lame de fortune. Faites gaffe à ne pas vous faire toucher si d'aventure ils osent relever la main sur nous. Quoi que le message est sûrement bien passé."

L'assaut avait été facilement repousser par les deux comparses. Le reste des Skarniens prirent la fuite, restant fidèles à leur image, tandis que Brendan achevait le chef de ses derniers à grand coup de baleine dans le cerveau. Les autres détenus se mirent soudainement à siffler, ce qui ne manqua pas de faire monter le stress de Cylicia qui ne comprenait pas cette coutume. Elle était sur la défensive et cela se voyait. Brendan sauva néanmoins la situation par une intimidation qui, de la part de ce grand gaillard, ne passa pas inaperçue.

- Que cela soit vu comme un avertissement! Dit il d'une voix que notre héroïne ne lui connaissait pas. Que personne ne se mette en travers de notre route!

Les choses semblaient avoir été misent au point, le Gardien vint aussitôt se préoccuper de l'état de la Purificatrice. La voix basse, sans doutes de façon à ce qu'ils ne montrent point de signes de faiblesses, il lui dit :

- Ca va, vous ne vous êtes pas fait toucher? J'ai cru voir le scintillement du poison sur leur lame de fortune. Faites gaffe à ne pas vous faire toucher si d'aventure ils osent relever la main sur nous. Quoi que le message est sûrement bien passé.

Elle inspecta vite fait ses membres pour voir si une éraflure n'était pas passez inaperçue et fut rassurer de pouvoir encore croire que son dieu veillait sur elle.

- Tout va bien, merci, lui dit-elle à voix basse également. La simple hygiène de ces créatures aurait put nous provoquer une infection, j'ai pris mes précautions ne vous inquiétez pas.

Elle inspecta quelques instants la cour, les regards n'étaient plus aussi vindicatifs qu'auparavant. Le message de Brendan était bel et bien passé mais Cylicia ne pouvait se résoudre à ne voir que fange immonde dans cette masse. Son devoir, toute sa raison d'être même, ne pouvait se résumer à sa simple survie. La difficile voie du Sacrifice portait bien son nom.

- Brendan écoutez, c'est la complète anarchie ici. Tout cela ne me dit rien qui vaille, j'ai bien l'impression qu'il s'agit d'une farce... Peut-être nous observe-t-on alors garder votre sang froid, cela ne m'étonnerais pas qu'ils inculpent plus de prisonniers pour leur crimes ici que pour leurs actes à l'extérieur.

Elle parla alors d'une voix un peu plus basse, faisant fi de ne parler de rien de bien important.

- Restons sages jusqu'au jour du procès... D'ici là, fomenter une émeute me semble le meilleur moyen de s'échapper d'ici. La division et la peur les tiennent sans doutes plus en cage que leurs geôliers... Je m'en vais convertir ces païens à notre cause qui ne doit pas être bien éloignée de la leur. Ne nous éloignons pas trop, et crions au besoin, qu'en dites-vous?

Les Nagas avaient bien confiance en eux, peut-être pour des raisons que nos deux aventuriers n'avaient pas encore découvert d'ailleurs. Mais rester là à attendre un procès qui s'annonçait à l'image de cette prison ne lui annonçait rien qui vaille. Cylicia ne reconnaissait en rien cette autorité hérétique et comptait bien venir en aide à ceux devant la subir. Bien entendu, la chose s'avérait compliqué. Il n'y'avait pas que des enfants de coeurs dans cette prison, la présence de Skarniens l'attestait bien.

Le calme retombait doucement alors que doucement je voyais les regards de certains détenus se poser sur les skarniens assomés face à nous. Ils attendaient probablement le moment opportun pour aller les détrousser, et je commençai à comprendre un peu mieux le fonctionnement de cette geôle. C'était la loi de la jungle, et la cour était probablement la partie de la prison la moins surveillée. Rien de bien effrayant pour quelqu'un qui bravait milles horreurs chaque nuit, cela dit. Je jetai donc un regard perçant à ceux qui osaient lorgner sur les skarniens, et commença à les fouiller alors que Cylicia répondait, probablement encore un peu sous le choc:

"Tout va bien, merci. La simple hygiène de ces créatures aurait put nous provoquer une infection, j'ai pris mes précautions ne vous inquiétez pas."

Je soufflai du nez, amusé par la remarque aussi drôle que vraie, et acheva rapidement de fouiller nos victimes du jour. Sur eux, je ne trouvai pas grand chose d'utile, si ce n'est quelques lames de fortune et de la nourriture à laquelle je ne préférais pas toucher, vu l'allure inquiétante qu'elle avait. J'écrasai donc les vivres sous mes bottes, et je perçus le regard déçu de plusieurs détenus qui pensaient en faire leur quatre heure. Se faire respecter, ça passait aussi par ce genre de gestes forts. Puis je brisai les lames que j'avais trouvé une à une - avec précaution par peur qu'elles soient empoisonnées - avant de les jeter sur les corps des hommes-rats d'un geste hautain. Qu'ils viennent nous attaquer avec leur morceau de ferraille, maintenant. Cylicia reprit, pensive:

"Brendan écoutez, c'est la complète anarchie ici. Tout cela ne me dit rien qui vaille, j'ai bien l'impression qu'il s'agit d'une farce... Peut-être nous observe-t-on alors garder votre sang froid, cela ne m'étonnerais pas qu'ils inculpent plus de prisonniers pour leur crimes ici que pour leurs actes à l'extérieur."

Elle enchaîna ensuite, plus bas, afin que vraiment personne ne puisse nous entendre:

"Restons sages jusqu'au jour du procès... D'ici là, fomenter une émeute me semble le meilleur moyen de s'échapper d'ici. La division et la peur les tiennent sans doutes plus en cage que leurs geôliers... Je m'en vais convertir ces païens à notre cause qui ne doit pas être bien éloignée de la leur. Ne nous éloignons pas trop, et crions au besoin, qu'en dites-vous?"

Je ricanai légèrement, la situation qu'elle présentait comme terrible ne me semblant pas si désespérée que ça. J'avais survécu à bien pire et ce n'était pas un petit tour aux geôles d'Hukutav qui me ferait peur. Je lui répondis donc, l'air assuré:

"A côté des nuits que je passe dans le Pandémonium, ce genre de prison et les pseudo-menaces qu'elles contiennent sont risibles. Si les nagas aggravent nos charges, cela nous laissera plus de temps pour préparer une évasion, ou une émeute comme vous le proposez. Je doute que le procès soit vraiment équitable, mais qui sait? En tout cas, si nous sommes libérés dans trois jours, nous n'aurons pas trop le temps d'organiser une émeute ou une évasion. Préparons néanmoins le terrain. Au pire cela nous servira s'il s'avère qu'on va rester plus longtemps que prévu, et si nous sortons je serais bien content d'avoir insufflé un souffle de révolte dans ce trou à rat qu'ils appellent prison. Je vous laisse essayer de convertir les gens à notre cause, de mon côté je vais glaner des informations sur qui fait quoi, qui dirige quoi, et le fonctionnement en général."

Alors que Cylicia s'apprêtait à partir de son côté, je la stoppai en posant ma main sur son bras, et ajoutai, l'air réellement affecté:

"Faites attention à vous d'accord? Je ne veux pas qu'il vous arrive quelque chose de fâcheux."

Et c'était vrai, cela faisait maintenant plusieurs fois que nos routes se croisaient, à tel point qu'une certaine proximité était en train de se créer entre nous, proximité que je n'avais pas connu depuis bien longtemps. Mes compagnons de routes ayant tendance à survivre assez peu longtemps, je ne voulais pas que le même genre de tragédie arrive à Cylicia.

- A côté des nuits que je passe dans le Pandémonium, ce genre de prison et les pseudo-menaces qu'elles contiennent sont risibles.

Cylicia, qui était étonnée de voir Brendan prendre la situation avec autant de légèreté, se rendit enfin compte qu'il s'agissait à peu près de vacances pour le chasseur de démon. Lui qui, chaque soir, connaissait les affres du pandémonium était loin d'être aussi inquiet que Cylicia qui, malgré toute sa bonne volonté, perdait ses moyens à l'idée d'être enfermée. Elle ne voulait plus jamais avoir cette impression d'impuissance face à l'adversité et à la souffrance des autres.

- Si les nagas aggravent nos charges, cela nous laissera plus de temps pour préparer une évasion, ou une émeute comme vous le proposez. Je doute que le procès soit vraiment équitable, mais qui sait? En tout cas, si nous sommes libérés dans trois jours, nous n'aurons pas trop le temps d'organiser une émeute ou une évasion.

Notre héroïne hocha la tête, il était vrai que le temps leur manquait et qu'ils ne connaissaient encore rien des lieux. Mais Cylicia restait butée, un plan de plus ne pouvait pas leur faire de mal et finalement Brendan était du même avis.

- Préparons néanmoins le terrain. Au pire cela nous servira s'il s'avère qu'on va rester plus longtemps que prévu, et si nous sortons je serais bien content d'avoir insufflé un souffle de révolte dans ce trou à rat qu'ils appellent prison. Je vous laisse essayer de convertir les gens à notre cause, de mon côté je vais glaner des informations sur qui fait quoi, qui dirige quoi, et le fonctionnement en général.

Le Gardien était parfait de son rôle. Sa carrure et son physique impressionnants allaient sans doutes délier quelques langues, surtout après qu'il venait d'offrir aux prisonniers. Notre héroïne acquiesça et s'apprêta à partir de son côté. Elle aurait aimer lui témoigner un geste d'affection mais ils étaient à la vue de tous et il était difficile de dire quelle faiblesse ces malandrins allaient bien pouvoir utiliser contre eux. Alors qu'elle se retournait, elle sentit la main de Brendan se poser sur son bras. Les joues rosies par l'émotion elle se retourna et regarda l'ancien mercenaire d'un air interrogateur.

- Faites attention à vous d'accord? Je ne veux pas qu'il vous arrive quelque chose de fâcheux, dit-il.

Touchée par ce geste, elle perdit quelque peu ses moyens et se contenta de dire, un peu hébétée :

- Mais... Oui, bien sûr... C'est mon métier, ne l'oubliez pas!

Elle se détourna à nouveau de lui et partie de son côté, ne lui laissant que ces paroles :

- Revenez moi entier également, je ne vous pardonnerais pas de me laisser seule dans ce bourbier...

Ainsi nos deux aventuriers se séparèrent, le prince maudit d'un côté et la Purificatrice attendrie de l'autre.

Sans son impressionnant garde du corps, les regards s'étaient durcies à l'encontre de la jeune Cylicia. Ils avaient évidemment plus de mal à s'imaginer la tête écraser par cette enfant de coeur que par le Gardien qui l'escortait. Enfin, pour l'instant personne ne voulait s'attirer la foudre de Brendan un fois qu'il serait de retour, c'était le moment d'en profiter pour s'immiscer dans la vie carcérale de ces prisonniers. Ainsi, après une minutieuse observation de la situation, elle s'en alla vers l'être le plus solitaire et angoissé qui soit dans les environs. Un abyssal qui avait l'air toujours à l'affût tout en restant tranquillement assis dans son coin. Il devait probablement être le seul de son espèce dans les environs, aussi loin des cités sous-marines. Il se leva tout de suite lorsque notre héroïne approcha et se mit à serrer les poings.

- Qu'est-ce que tu m'veux toi?! S'en alla-t-il directement.

La Purificatrice lui décocha un de ses sourire bienveillant et tenta de le rassurer.

- Ne vous inquiéter pas, je veux juste vous poser une question... Je viens juste d'arriver vous comprenez...


L'abyssal se détendit un peu mais recula tout de même d'un pas.

- J't'écoute...


Cylicia s'approcha afin de pouvoir parler avec plus de discrétion et lui posa cette question :

- J'aurais besoin de savoir qui est la plus grosse raclure des environs...

L'abyssal, dont le nom nous échappe, se sentit plus tranquille.

- Ah, bon... Tu fais bien, il m'a fallut du temps avant de comprendre qui fallait pas trop emmerder par ici! Vient par là.

Cylicia se plaça à côté de lui et l'inconnue commença ses explications.

- Tu vois l'orc baraqué près du mur là bas?

La Purificatrice acquiesça, elle avait déjà remarquer ce mastodonte à côté de qui Brendan aurait sembler être un jeune apprenti.

- Oui, je l'avais déjà remarquer. C'est lui donc?

- Non, justement! J'ai jamais vu ce mec s'en prendre à quelqu'un depuis que je suis ici. Au final, il en pas vraiment besoin. Personne n'ose se mettre sur sa route de toutes manières.

Cela semblait assez logique, il fallait en avoir dans le ventre pour se frotter à un pareil colosse.

- Le vrai danger, c'est ce mec là bas avec son tatou sur la gueule.

Effectivement, elle avait remarqué la popularité artificielle de ce prisonnier qui était toujours très entouré. C'était un homme de corpulence moyenne mais musculeux, entouré par six de ses sbires qui rigolait grassement à ses réflexions.

- Avec les Skarniens de tantôt, c'est eux qui mènent la danse par ici. Raquettes, viols, paris, assassinats ils ont quasiment le monopole côté humain... Baisse les yeux longe les murs si tu les croises... Hey, attends!

Cylicia s'en était aller en direction du tatoué sous les yeux ébahis de son interlocuteur. Convaincue qu'elle exerçait le plus beau métier du monte, elle entama la première partie de son plan avec l'espoir que Brendan ne luit en veuille pas trop.

- Ainsi ils auront pour noms Purificateurs, glaive vengeur de la Justice, du Bien, et de la Dignité.

Psalmodiant, elle redressa ses manches prête à exercer ce qu'elle pensait être dans son bon droit. Les regards se tournèrent sur cette étrange scène alors que certains sbires du tatoué jouaient déjà les gros bras.

- Leur route sera source de Joie pour le Juste et de misère pour l'Hérétique.

Un premier gaillard se mit sur la route de la Purificatrice bien décidée à aller jusqu'au bout de son plan kamikaze.

- Où tu vas comme ça? Lui dit il alors qu'elle continuait sa marche.

Un coup de poing bien placer dans la gorge vint éclaircir ses intentions alors que le reste de la bande se mettait en marche, bien décidée à faire démonstration de leur autorité.

- En eux vivra à jamais le feu du Dragon Noir...

Le deuxième membre de cette clique arrivait alors sur la stryge, prêt à lui asséner un coup de poings en plein visage. On entendit les os du malheureux se briser sur le front de la Purificatrice à travers toute la salle, suivi des cris du malheureux. Un coup de pieds bien placer dans l'entre-jambe vint achever son reste de combativité et il se retrouva au sol à l'instar de son partenaire s'étouffant quelques pas derrière.

- Qu'est-ce que c'est qu'ce bordel?! S'en alla la tatoué en se dirigeant vers le combat.

-...foyer des uns, bûcher des autres!

Au même moment, un troisième luron vint tenter un plaquage au niveau de la taille de la Purificatrice. Les pieds solidement ancrés dans le sol, Cylicia tint bon jusqu'à ce que le malheureux tente un suplex, manoeuvre semi-aérienne très mal choisie. En effet, aidée par ses puissantes ailes, la stryge s'envola d'un coup et, d'une roulade aérienne impressionnante, inversa le paradigme de la prise. Le dos de son adversaire vint se briser sur le sol alors qu'elle se relevait en fasse des quatre derniers de la bande, tatoué compris.

- Bon, fini de jouer maintenant ma belle, dit le chef.

Tous sortir alors des armes de prisonniers, un peu comme celles des Skarniens de ce début de séjour carcéral. L'un avait ce qu'il semblait être un tibia taillé en pointe, l'autre sorti des gants sur lesquels étaient encastrées des dents, le derniers des sbires avait un pavé attaché au bout d'une corde à la manière d'un fléau, et enfin le chef de la bande sorti une lame forgé apparemment dans des conditions désastreuses.

- Ils frapperont juste, pareils à la foudre du Grand Morkez...

Alors que ses adversaires se regardaient, amusés par les fous propos de la stryge, celle-ci s'envola subitement et décocha un coup de pied retourné dans la tête de l'homme au tibia.

- ...Et pourfendant les ténèbres de Son Jugement.

Les choses se compliquèrent alors pour la Purificatrice. Lorsqu'elle se retourna, prête à combattre, elle reçu le pavé de l'homme au fléau en plein sur le côté gauche de son visage. Le choc fut tel que le pavé était en miette et Cylicia à terre, déboussolée.

- Voilà ce qui arrive quand on croit à la justice, RETENEZ LE TOUS!

La Purificatrice rampait à quatre pattes à terre, sa tête tournait violemment et elle en oubliait presque comment elle s'était retrouvé dans cette situation. Cette journée avait été des plus folles, entre les hallucinations, Brendan et la prison, rien ne pouvait plus la surprendre si ce n'était l'imminence de sa mort. Un coup de pied dans les côtes vint la retournée et la rappeler à la dure réalité. Son visage était à moitié gonfler et ensanglanté mais toujours loin d'être inquiet. De son seul oeil valide, elle voyait devant elle la silhouette tatoué du chef de la bande.

- Ca, c'était bien une stupide façon de mourir, dit-il avant de lui lancer  un cracha.

Cylicia sourit alors. Elle se rappelait son enfance lorsqu'elle s'amusait avec les enfants humains. Il y'avait plein de petites choses qui les surprenaient toujours, oubliant les six membres dont disposait la jeune stryge... Il ne fallut pas une seconde à la Purificatrice pour se relever, assénant un violent coup de boule à sa cible. A peine avait-elle eut besoin de ses pieds, ses ailes suffisaient amplement. De suite elle se saisit du bras armé du tatoué, le brisa et lui vola sa lame de piètre qualité. Se retournant alors vers les deux qui restaient, elle leur fit un regard qui les fit décamper en vitesse. Où allait-ils? L'avenir nous le dira surement, pour l'heure Cylicia devait finir son coup d'éclat. Elle s'agenouilla alors sur le tatoué tramblottant de douleur qui tenait son bras semblant maintenant avoir une articulation en trop. Elle s'adressa ensuite à la foule.

- Suivez leur chemin car il vous conduira à la Joie et à la Liberté!

S'en suivit un tabassage en règle du malfrat. Ne s'arrêtant que pour le laisser à moitié mort. Elle espérait avoir réussit à transformer le paradygme dans cette zone. Ils n'auraient plus à craindre cet homme et pourront plus tard plus aisément se joindre aux rangs des émeutiers. Ne restait plus qu'à espérer que ses blessures guérissent avant le retour de Brendan et que ce dernier n'ait pas à subir les répercutions de son attitude folle.

Ma fidèle compagne aux ailes blanches me rassura en disant que sa formation lui permettait de gérer la situation, et me renvoya l’ascenceur en m’intimant de ne pas mourir. Je souris en coin alors qu’elle s’éloignait d’un air déterminé, prête à semer les graines de la discorde. Moi, mourir? J’étais passé si près de la mort un nombre si hallucinant de fois que je ne pouvais pas mourir d’une façon si pitoyable, dans une vieille prison naga où les dangers les plus importants venaient de finir brisés sous mes coups sans avoir pû nous blesser. Non, j’allais survivre, et même mieux que ça: j’allais sortir d’ici, en n’oubliant jamais le visage de celle qui avait failli me tuer et m’avait capturé pour m’emmener ici, cette salope de naga à la lance, dont le visage était bien imprimée dans mon esprit. A l’intérieur de ma tête, je crus percevoir comme un écho de satisfaction, une petite voix qui me confirmait que la vengeance était l’unique solution.
Sans plus de cérémonie, je me dirigeai quant à moi de l’autre côté, vers la cellule qui nous avait été assigné. En effet, nous n’avions pas été nourris depuis notre arrivée ici, et j’allais vérifier s’il ne nous avait pas apporté de quoi nous sustanter entre-temps, avant de mettre mon plan à exécution pour déterminer la meilleure approche dans le contexte actuel. Alors que je quittais la cour, pénétrant dans le sombre couloir donnant sur les cellules, j’entendis une voix, cette fois-ci bien réelle, lancer derrière moi:

“Alors comme ça le chasseur de démon vient faire un petit tour à l’ombre?”

Je haussai mes sourcils, surpris que quelqu’un ait mentionné ma vocation et me retournai pour voir de qui il s’agissait. Vers l’entrée du couloir, adossé à un mur, se trouvait un elfe à l’air jeune, les cheveux longs et blonds attachés en queue de cheval et le visage tiré par la vie carcérale. Il arborait une fine musculature, typique des elfes qui malgré les clichés étaient plus solides qu’ils en avaient l’air. On pouvait néanmoins apercevoir que la prison avait mis à mal sa constitution, ses traits émaciés en étant une preuve flagrante. Il me regardait de ses yeux bleus perçants avec une lueur de défiance dans le regard. Je n’arrivais pas à cerner s’il représentait une menace ou non, ainsi je décidai de m’approcher afin de tirer au clair sa visible accointance avec moi. Car de mon côté, je ne le connaissais pas.

Je fis quelques pas afin de me retrouver face à lui, la posture droite et les bras croisés, et lui dit d’un air méfiant:

“A qui ai-je l’honneur?”

L’elfe, qui ne faisait pourtant pas partie des plus solides gaillards de ce trou à rat, semblait avoir plus de courage que toutes ses vermines réunis. Il se releva de son appui contre le mur, me faisant face sans une once de peur dans le regard, et me dévisageai avec un regard de plus en plus sombre, puis il me dit, son visage à seulement quelques centimètres du mien:

“Mon nom, tu ne le connais pas, et personne ne le connaît ici. Appelle-moi simplement Discret, comme tout le monde. Et tu ne sais probablement pas qui je suis, mais moi je ne te connais que trop bien, Brendan, chasseur de démon. C’est toi qui as tué ma soeur. Ma pauvre petite Cynna.”

A mesure qu’il enchaînait sa réponse, sa voix se faisait de plus en plus acerbe et rageuse. Je vis ses poings se serrer et compris rapidement qu’il faisait partie de ses quelques personnes qui avaient croisé ma route au cours de ma croisade, et qui en avait payé le prix. Je mis seulement quelques instants à fouiller dans ma mémoire, avant que le nom de Cynna ne prenne forme: c’était une jeune elfe à qui j’avait proposé de l’aide pour traquer le démon qui avait tué son père. Mais sa rage avait pris le dessus sur sa raison, et elle en avait payé le prix. Le larbin sous les ordres du démon lui avait tranché la tête, profitant du manque de discernement et d’entraînement de Cynna. Si je n’avais pas pleuré sa mort, j’avais tout de même était satisfait de l’avoir vengé, plus que d’avoir abattu une créature du Pandémonium, et si je n’étais pas très porté sur les sentiments, j’avais tout de même offert une cérémonie à cette jeune elfe, une victime de ma croisade parmi tant d’autres. Je comprenais la colère de ce dénommé Discret, et ne remettait pas en doute son prétendu lien avec Cynna. Il ne pouvait pas inventer l’histoire, et même si les traits de Cynna s’estompait dans mon esprit, il me semblait bien reconnaître là ce même regard de défi, ses mêmes cheveux blonds et ce même nez arqué. J’avais en face de moi les conséquences de mes actes. Devant mon silence apparent, l’elfe continua dans sa lancée, se laissant maintenant tout à fait aller à la colère et haussant le ton:

“Tu l’as tué, toi qui te targue de défendre les dùralassiens face aux démons! Au final, tu es une engeance bien pire qu’eux, chasseur, et je ne vois pas ce qui me retient de te planter ici et maintenant!”

Je serrai les dents devant ce cri empli de vérité. Mes pensées allèrent vers Cylicia, que je rencontrais toujours dans des moments troubles et dangereux. Il avait raison, et ne m’apprenait rien, mais cette détresse faisait écho avec mes convictions profondes. Ma malédiction, j’avais eu le temps de l’aborder, de vivre avec, ainsi elle n’était plus une menace pour moi mais au mieux une habitude. Non, la réelle menace de ma malédiction était pour les autres, et toutes mes rencontres ne faisaient que le prouver. Je pris alors une décision risquée, mais une décision par dépit. Discret venait d’asséner un coup à ma volonté, et je posai donc un genou à terre, ployant l’échine face à l’elfe qui parut surpris d’un tel geste. Je lui répondis alors, faisant fi des regards étonnés de ceux qui observaient depuis la cour:

“Tu as raison, jeune elfe. Ma malédiction est un fardeau qui emporte autant de victimes qu’elle en sauve. Tu as raison, jeune elfe, ta soeur est morte par ma faute. J’ai voulu l’aider dans sa quête de vengeance mais n’ai pas pu la sauver de son destin tragique. Tu as raison, jeune elfe, j’ai tué Cynna et lui offrir une cérémonie décente ne l’a pas ramené et rien ne pourra le faire. Je ne mérite pas le pardon, et je ne te laisserais pas m’emporter car cela enverrait à la tombe le plus fervent chasseur de démon de Dùralas. Mais bats moi tout ton soûl, si cela peut te faire du bien. Ou demande moi ce que tu veux, dans la mesure du raisonnable, et je t’y aiderais. Cynna n’est qu’une des nombreuses victimes de ma croisade, mais je me souviens de son visage comme je me souviens du visage de tous les autres. Si je ne la pleure pas car elle est morte en défendant l’honneur de son père, je regrette son destin funeste. Fais, Discret, fais et ne regrette pas.”

Puis je me relevai et écartai légèrement les bras, comme pour lui signifier qu’il avait le champ libre. Je ne laisserais pas me tuer, mon instinct de survie ne le permettrait jamais et j’avais trop de choses à faire dans ce monde pour laisser quelqu’un m’abattre de la sorte. Mais si cela me permettait de payer une des nombreuses dettes, même infime, que j’avais, alors je le ferais sans sourciller. La douleur ne me faisait pas peur. Discret eut un instant d’hésitation, ne s’attendant certainement pas à ce que j’assume mes responsabilités, surtout après avoir démontré ma force dans la rixe d’il y a quelques minutes. Il desserrait légèrement les poings, et me répondit, la mâchoire toujours serrée:

“Je… Je ne te pardonne pas, Brendan. Mais tu sembles sincère quand tu dis te soucier de la mort de Cynna. Dis-moi comment elle est morte, et je ne te broierais pas tous les os du corps.”

Je pinçai légèrement les lèvres, trop pris dans mes interrogations pour prêter attention à deux marauds courant de la cour aux cellules d’un air effrayé. Devais-je lui dire exactement la manière sordide avec laquelle sa soeur avait été exécutée? Décidant finalement de jouer franc-jeu, je lui dis d’un ton neutre, avec une pointe de compassion:

“Elle est sortie de notre couverture, aveuglée par la colère, pour abattre le courreur qui avait abattu votre père, et il en a profité pour lui charger dessus et la décapiter d’un coup de griffe. Je n’ai pas eu le temps de réagir, mais j’ai abattu le courreur qu’elle avait au préalable affabli d’une flèche, et fait sa peau au démon qui le contrôlait. Puis j’ai mis la dépouille de Cynna sur un bûcher que j’ai monté, et j’ai attendu qu’il s’éteigne avant de repartir en chasse. Voilà la stricte et triste vérité. Elle est morte en faisant ce qu’elle pensait juste.”

Les poings de mon interlocuteur se recrispèrent légèrement et il me lança, plus sur le coup des sentiments que de manière réfléchie:

“Elle n’avait pas à mourir! J’aurais dû être à sa place. J’aurais dû... ”

Il ne finit pas sa phrase et je sentais qu’il retenait ses sanglots. Peu habitué à réconforter qui que ce soit, je ne me permis pas de lui tapoter l’épaule affectueusement et me contentai d’attendre face à lui, la mine grave. Cela dura plusieurs secondes, dans un silence de mort, et il finit par dénouer sa gorge et me dire, la voix plus calme et les sanglots disparus comme s’il avait perdu le coeur à montrer ses sentiments:

“Je te remercie de m’avoir dit la vérité, chasseur de démon. Je ne te pardonne pas, mais je ne te tuerais pas non plus. Tu as tantôt dit que tu me dois une faveur, alors je vais te dire comment tu vas pouvoir m’aider. Vois-tu, la détresse dans laquelle la mort de ma soeur m’a plongé m’a fait faire de mauvais choix. C’est comme ça que j’ai atterri ici, néanmoins je trouve cela bien cher payé pour de simples paris truqués. Je ne suis pas comme ces saloperies de criminels enfermés ici, et si j’ai réussi à m’en sortir jusqu’à maintenant, je ne compte pas faire de vieux os dans le coin. Tu veux m’aider? Soit, alors fais moi sortir d’ici. Après ça, on sera quitte. Et si je recroise un jour ta route, j’aviserais sur ce que je ferais de toi.”

Je haussai un sourcil, légèrement surpris par sa demande, mais aussi quelque peu soulagé. Si son désir le plus cher était de quitter cet endroit, malgré la difficulté de l’entreprise, je ne pouvais que l’aider. Car Cylicia était déjà en train de semer les graines de la discorde, et nous venions de trouver notre premier allié. Même s’il se présentait sous la forme d’une des victimes collatérale de ma croisade éternelle. Je hochai premièrement la tête, avant de répondre, le ton plus neutre qu’auparavant, et la voix plus basse afin que personne ne nous entende:

“Je m’engage à t’aider à t’évader d’ici, tu as ma parole, Discret. Mais avant de préparer notre plan, parle moi un peu plus du fonctionnement de la prison. Suite à quoi, je te présenterais une amie qui, je pense, aura très envie de te rencontrer.”

Le tour de force était suffisant pour aujourd'hui. Personne n'osa s'en plus s'en prendre à Cylicia, n'y même s'en approcher. Mieux valait attendre le lendemain pour commencer une propagande en bonne et due forme, les laisser cogiter pour le moment. Toute cette énergie gaspiller avait finit par donner faim à notre héroïne. Une fois qu'elle s'était assurée que ses blessures étaient guéries, elle se dirigea vers leur cellule où Brendan devait logiquement se trouver. N'ayant pas de miroir, elle n'avait aucune idée de son état mais sentait bien que ses blessures s'étaient résorbées. Seuls le sang sécher et la crasse pouvaient à présent témoigner d'un affrontement quelconque.

Elle finit par arriver à la cellule, en ayant bien pris soin de vérifier si personne ne comptait la poignarder en chemin. Là, se trouvait Brendan, heureusement en pleine forme, accompagné d'un jeune elfe malingre. Ils n'avaient pas l'air tous deux en très bons termes bien qu'il n'y'ait aucune agressivité directe entre eux. Cylicia entra donc dans la cellule et dit :

- J'ai fait ce qu'il fallait mais cela prendra plusieurs jours, comme vous vous en doutiez.

Elle prit une pose pour regarder l'elfe avec interrogation. C'était plus là une façon d'interroger Brendan, la Purificatrice ne se fiant pas à quiconque d'autre en ces lieux.

- Et de votre côté?...

Fatiguée et affamée, la Stryge se permit de s'asseoir contre un mur de leur cellule. La journée avait été chargée en effort autant qu'en émotions et, à part l'ayahuasca psychotrope et le maigre repas qu'elle avait partager avec Brendan, elle n'avait rien avaler. On entendit d'ailleurs son estomac gargouiller, ce qui l'a gêna quelque peu devant le prince maudit. Nonobstant ces quelques soucis, elle avait hâte d'entendre les nouvelles du Gardien tout en espérant qu'elles soient bonnes.

"Alors, elle va arriver ton amie? Je te préviens, si c'est un coup fourré, tu vas finir avec un surin entre les deux yeux, guerrier émérite ou non."

Je lançai un regard blasé à mon nouveau compagnon du jour qui venait de prononcer ces mots méfiants, et lui répondit d'un air tout aussi las:

"Je suis conscient que mes excuses n'ont peut être pas suffit à apaiser ta peine, mais n'est ce pas une preuve suffisante de ma bonne foi? Il va falloir nous faire un minimum confiance si..."

C'est ce moment là que choisit Cylicia pour arriver, un regard en arrière probablement pour vérifier qu'aucun détenu ne tentait de lui caler un coup de couteau entre les omoplates, et me dit tout en se posant:

"J'ai fait ce qu'il fallait mais cela prendra plusieurs jours, comme vous vous en doutiez."

Elle jeta alors un regard à notre nouveau compagnon de cellule provisoire, l'air étonné mais surtout interrogateur, et reprit:

"Et de votre côté?..."

Je me permis de lui expliquer alors que l'elfe dévisageait la stryge d'un air toujours méfiant, mais aussi curieux:

"J'ai promis à notre nouveau camarade de l'aider à s'échapper d'ici. Il me semble que cela ne va pas en opposition avec nos plans initiaux, et je pense pouvoir me porter garant de sa fiabilité."

Je ne sus si le regard que venait de me jeter Discret était reconnaissant pour la confiance - que je lui devais presque - ou étonné de mes mots, mais mes réflexions furent couper par le ventre grondant de Cylicia qui semblait être impatient d'être rassasié. Je souris en coin et commenta d'un air amusé:

"Il faut croire que même une défenseuse des justes aussi ardues que vous a besoin de se nourrir. Tu sais quand est-ce qu'ils servent les repas, Discret?"

Mon interlocuteur haussa légèrement les épaules et me lança d'un ton neutre:

"Je n'ai pas de montre à gousset sur moi, mais je dirais qu'ils ne devraient pas tarder. Ne vous attendez pas à un repas de luxe, vous aurez déjà de la chance si la bouffe ne vous cause pas d'indigestion."

Je hochai la tête, résolu à faire confiance à mon estomac plutôt que de mourir d'inanition, et repris sur un ton plus bas, épiant que personne ne passe près de notre cellule au même moment:

"Bien. Une idée de comment mener à bien notre projet, Discret?"

Ce dernier plissa les yeux, hésitant encore un peu à nous faire pleinement confiance, mais finit par se livrer, conscient que deux solides guerriers tel que nous lui permettrait probablement d'avoir ses chances pour s'échapper:

"Et bien... J'ai déjà noté en tête tout les allés-et-venus des gardes, depuis le temps où je suis ici. J'ai aussi relevé les quelques cas d'évasions, même si les évadés ont probablement fini en charpie à cause des bêtes qui rôdent près de la prison. Souvent, ils sont parvenus à déjouer la sécurité en soudoyant les gardes, mais nous n'avons pas les moyens de nous faire apporter de l'argent ici. En revanche, y en a un qui avait un bon plan selon moi. Il n'a pas réussi à s'échapper, car il s'est fait tuer la semaine dernière, mais on comptait s'évader tous les deux comme ça. Je vous explique."

Il se rapprocha, sa méfiance semblant avoir momentanément disparue. L'heure était à la stratégie et à la réflexion, plus aux méfiances mal placées. Il nous dit alors, une fois que nous nous fûmes tous mis à portée pour s'entendre chuchotter:

"Voyez-vous, les gardes ne viennent que très rarement surveiller, car ils savent qu'au moins faux pas ils pourraient facilement nous mater, surin ou pas surin. Ils ont quelques mages dans leur rang, et nos surins ne feraient que riper sur leur lourde armure écailleuse. Il y a néanmoins déjà eu une ou deux émeutes depuis que je suis ici, et c'est à ce moment là que la sécurité est le plus affaiblie. Je pourrais vous guider vers la sortie via les quelques cachettes que j'ai pû trouver en explorant la prison, mais on va quand même devoir se frotter à quelques gardes sur la route. Vous vous doutez bien que l'entrée est toujours gardée, même en cas d'émeute. Le plus simple pour l'émeute serait de provoquer une grosse bagarre générale, mais le problème c'est qu'elle serait matée assez vite vu qu'on se battrait tous comme des chiffoniers au lieu de concentrer nos efforts sur les gardes. Le mieux, donc, serait d'attiser les flammes de la colère en abattant un des gardes, afin que les autres prisonniers, galvanisés, lancent l'émeute ensemble. Bien sûr, ça ne sera pas une tâche facile, je vous préviens, et on risque de mourir. Si un garde nous voit l'attaquer et qu'il parvint à nous défaire, ne vous attendez pas à un procès. On sera exécuté sur-le-champ."

Il laissa un léger blanc, afin de nous faire peser les risques encourrus dans notre tentative de fuite. Je hochai la tête avec un air résolu. Je connaissais les risques et étaient prêt à les encaisser sans broncher. Nous tournâmes tous les deux la tête vers Cylicia pour nous assurer qu'elle avait la même chose en tête - même si je n'en doutais pas trop - et Discret reprit alors:

"En général, il y a une patrouille toutes les semaines qui vient inspecter les cellules, confisquer les armes et/ou les marchandises de contre-bande, voir récolter leur pot-de-vin. Attaquer cette patrouille pourrait être jouable si nous étions une vingtaine, à moins que vous ayez une pleine confiance de vos capacités. En revanche, une fois par semaine également, mais pas le même jour, deux gardes viennent récupérer les cadavres pour en faire les esprits seuls savent quoi. Je pense que c'est ce moment que nous devrions choisir pour lancer notre plan. Je n'ai pas de formation militaire, contrairement à vous, mais je pense pouvoir les distraire suffisamment pour que vous vous en chargiez. Après ça, faites un joli discours pour attiser la haine des prisonniers à l'égard de nos tortionnaires, et profitons de ce moment pour nous barrer en suivant mes instructions. Qu'en pensez-vous?"

Je répondis d'un air qui se voulait rassurant, mais néanmoins objectif:

"Nos chances sont maigres, mais c'est probablement l'une des seules méthodes pour sortir de cet endroit. J'en suis, et je vous fais confiance pour couvrir mes arrières car je couvrirais les votres. Et toi, Cylicia?"

Je tournai mon regard vers la purificatrice, attentif à son avis. Je ne voulais pas lancer le plan sans elle, quel que soit la promesse que j'avais fait à Discret. Son aval comptait pour moi, et je ne comptais pas la laisser croupir ici pendant notre fuite.

- J'ai promis à notre nouveau camarade de l'aider à s'échapper d'ici. Il me semble que cela ne va pas en opposition avec nos plans initiaux, et je pense pouvoir me porter garant de sa fiabilité.

Dans quoi s'était donc fourrer le chasseur de démon? Cylicia le savait loyal et courageux, mais pas du genre à mettre en péril leur situation pour un inconnu. Enfin, au moins se portait-il garant pour lui, elle ne pouvait que lui faire confiance après tout ce qui s'était passé. Mais le visage suspicieux de la Stryge montrait bien son étonnement. Vint ensuite le temps de parler des victuailles, apparemment celles-ci n'étaient de premières qualité mais, après avoir dû mangé la jambe d'un de ses codétenu, Cylicia l'estomac de Cylicia était prêt à tout.

Brendan demanda ensuite si cet elfe, Discret apparemment, avait au moins une idée de comment s'échapper. Il est vrai qu'ils n'étaient là que depuis un jour seulement, et avoir quelqu'un avec plus d'expérience leur permettrait assurément de mettre un meilleur en plan en place. Cylicia s'imagina alors que telle était la pensée du Gardien, loin de s'imaginée qu'il s'agissait d'une affaire personnelle. L'elfe connaissait bien les allées et venues des gardes ainsi que la géographie des lieux. Son plan était à peu de choses près similaire à celui de Cylicia, profiter d'une émeute pour se faire la malle. Cela tombait bien, comme elle venait déjà de mettre en place le début de cette stratégie mais l'idée tuer un garde innocent la rebutait au plus haut point. Certes, les Nagas qui les avaient arrêtés s'étaient fourvoyer, mais quid du garde innocent qui devait bien faire son métier? Quand Discret eut fini l'exposé de son plan, Brendan intervint de la sorte :

- Nos chances sont maigres, mais c'est probablement l'une des seules méthodes pour sortir de cet endroit. J'en suis, et je vous fais confiance pour couvrir mes arrières car je couvrirais les votres. Et toi, Cylicia?

Elle s'était plongée dans une profonde réflexion, visible à ses sourcils froncés. Avait-elle vraiment le droit d'ôté la vie d'un innocent? Et ce Discret, qu'avait-il fait pour se retrouver ici au juste? En l'honneur de ce que Brendan avait déjà fait pour elle, elle se devait bien de lui faire confiance. Mais il y'avait trop de recul dans ce plan, trop de froideur à l'égard des autres et de la vie. Si Cylicia Condoris n'avait aucune pitié pour ce qu'elle considérait comme être le Mal, elle ne pouvait se résoudre à devenir bourreau à son tour et piétiner un innocent par pure intérêt. D'un autre côté, si ce procès qu'elle ne pensait pas équitable échouait, c'était une solution toute choisie. Une fois qu'elle eut pris sa décision, elle se releva et dit aux deux hommes le fond de sa pensée avec détermination.

- Vous savez que je ne peux trahir ma Foi, bien que celle-ci m'ait apprise que le Mal est parfois nécessaire en vue d'un Bien supérieur. Je ne doutes pas de mon utilité en dehors de ces geôles, en toute objectivité, ni de la votre Brendan, chasseur de démon. Mais si en effet nous devons sacrifiez la vie de quelqu'un, même si il s'agit d'un de ces Nagas hérétiques,  sachez seulement que je ne le ferais pas en vue d'aidez cet inconnue qui est là pour je ne sais trop quelle raison qui ne me dérangeraient pas de savoir d'ailleurs.

Elle dit cette dernière phrase en regardant Discret avec dédain, puis Brendan avec fierté en rajoutant cela :

- Bref, je vous suivrais... Laissez moi juste tenter de diriger cette émeute dans le bon sens, je ne veux pas d'un bain de sang.

Brendan avait une sacrée tendance à la repoussé dans ses retranchement, mais maintenant qu'elle avait pris sa décision il n'était plus question d'y revenir. Elle était inquiète par rapport à la tournure des choses et cela se sentait, son meilleure espoir pour rester en respect avec ses valeurs étaient à présent le procès, chose qu'elle n'aurait jamais imaginer avant cette discussion.

Cylicia semblait en proie à la réflexion, et finit par répondre au bout de quelques secondes, une réponses que j’aurais dû attendre de la part de notre pieuse purificatrice:

“Vous savez que je ne peux trahir ma Foi, bien que celle-ci m'ait apprise que le Mal est parfois nécessaire en vue d'un Bien supérieur. Je ne doutes pas de mon utilité en dehors de ces geôles, en toute objectivité, ni de la votre Brendan, chasseur de démon. Mais si en effet nous devons sacrifiez la vie de quelqu'un, même si il s'agit d'un de ces Nagas hérétiques, sachez seulement que je ne le ferais pas en vue d'aidez cet inconnue qui est là pour je ne sais trop quelle raison qui ne me dérangeraient pas de savoir d'ailleurs.”

Je fis une légère moue en ne sachant pas réellement si elle était d’attaque ou si le fait de tuer un garde la rebutait de trop. Je comprenais ses appréhensions, même si mon pragmatisme m’empêchait d’y adhérer. Elle finit par ajouter, pour confirmer sa position:

“Bref, je vous suivrais... Laissez moi juste tenter de diriger cette émeute dans le bon sens, je ne veux pas d'un bain de sang.”

Je jetai un regard à Discret qui semblait ennuyé par la situation. Probablement pensait-il que tout le monde allait être d’accord et que nous allions exécuter le plan et triompher, chose que j’espérais aussi avant de me rappeler de la pureté de Cylicia. Je pris alors la parole, compatissant:

“Je comprends votre appréhension Cylicia, mais nous n’avons pas le choix. Quand bien même nous n’aurions pas rencontré Discret, le plan que j’étais en train de faire mûrir tout seul impliquait forcément des morts, et je ne vois pas de scénario où l’on s’échappe sans que quelqu’un meurt. C’est la triste réalité, dure à encaisser, mais la seule véritable réalité. Soit on essaie de sortir via le simili-procès qu’ils nous préparent, soit on reste pourrir ici, soit on prends les choses en main et on fait les sacrifices qui s’imposent. Si cela peut vous rassurer, ma chère, je peux exécuter le plan avec Discret et vous laisser intervenir lors de l’évasion, vous épargnant ainsi d’avoir à tuer qui que ce soit. C’est un maigre lot de consolation, mais c’est tout ce que je peux vous proposer.”

Hochant la tête à mes propos, Discret se permit d’ajouter, une légère teinte d’orgueil dans la voix:

“Je comprends votre méfiance, tout à fait louable dans un lieu aussi corrompu, mais vous vous méprenez sur moi. Est-ce que, parceque certains des détenus ici sont des psychopathes, je dois imaginer que vous êtes vous aussi des criminels endurcis qui ne méritez pas le salut? J’aurais quelques doutes concernant Brendan, mais j’ai rarement vu de stryges blancs criminels. Je me trompe peut être. Quoi qu’il en soit, si vous voulez savoir, je suis ici parceque j’ai truquer des paris dans un village naga à quelques lieux d’ici. Voilà pourquoi je me retrouve entouré de saloperie de la plus basse extraction.”

Ses oreilles pointues frémirent à l’idée qu’on l’ait enfermé avec des criminels endurcis tels que les skarniens auxquels nous avions fait face à notre arrivée. Puis il se leva, et lança avant de s’éclipser:

“Vous avez jusqu’à demain pour changer d’avis. Passé ce délai, je considèrerais que je peux compter sur vous pour qu’on mène à bien notre projet. Et pas de coup fourré, Brendan. Je vous ai à l’oeil.”

Il me jeta un regard légèrement inquisiteur avant de partir, nous laissant tous les deux seuls dans la cellule. Comprenant qu’il n’y avait plus grand chose à faire aujourd’hui, à part cogiter, je me couchai sur ma paillasse, face au plafond, les jambes croisés et un bras derrière la nuque, avant de lancer à Cylicia:

“Nous voilà seuls. Peut-être voulez-vous me parler de quelque chose en privé, maintenant que Discret est parti?”

Les deux hommes étaient, à juste titre, embêtés par le manque d'investissement de notre héroïne. Brendan insista auprès de Cylicia, bien qu'elle ait déjà accepter leur offre difficile. Sans doutes voulait-il la rassuré, ou lui enlevé ce poids de la conscience.

- Je comprends votre appréhension Cylicia, mais nous n’avons pas le choix. Quand bien même nous n’aurions pas rencontré Discret, le plan que j’étais en train de faire mûrir tout seul impliquait forcément des morts, et je ne vois pas de scénario où l’on s’échappe sans que quelqu’un meurt. C’est la triste réalité, dure à encaisser, mais la seule véritable réalité. Soit on essaie de sortir via le simili-procès qu’ils nous préparent, soit on reste pourrir ici, soit on prends les choses en main et on fait les sacrifices qui s’imposent. Si cela peut vous rassurer, ma chère, je peux exécuter le plan avec Discret et vous laisser intervenir lors de l’évasion, vous épargnant ainsi d’avoir à tuer qui que ce soit. C’est un maigre lot de consolation, mais c’est tout ce que je peux vous proposer.

La Purificatrice se serait senti encore plus coupable de laisser le sale boulot à quelqu'un d'autres. Avant que Cylicia ne puisse répondre, Discret y apporta son grain de sel, répondant ainsi à l'attaque ad personam  que notre héroïne lui avait faite.

- Je comprends votre méfiance, tout à fait louable dans un lieu aussi corrompu, mais vous vous méprenez sur moi. Est-ce que, parceque certains des détenus ici sont des psychopathes, je dois imaginer que vous êtes vous aussi des criminels endurcis qui ne méritez pas le salut? J’aurais quelques doutes concernant Brendan, mais j’ai rarement vu de stryges blancs criminels. Je me trompe peut être. Quoi qu’il en soit, si vous voulez savoir, je suis ici parceque j’ai truquer des paris dans un village naga à quelques lieux d’ici. Voilà pourquoi je me retrouve entouré de saloperie de la plus basse extraction.

Ce n'était pas un bien grand crime, elle avait vu pire pour de l'argent. Mais qu'importe ce que disait cet elfe, il pouvait tout aussi bien raconter n'importe quoi bien qu'il ait l'air sincère. Au final, elle décida de lui accorder sa confiance pour une raison qu'elle ne se gênait pas de spécifier :

- Et bien, si Brendan se porte garant pour vous, je vous crois volontiers...

L'elfe se mit alors sur le départ, précisant tout de même :

- Vous avez jusqu’à demain pour changer d’avis. Passé ce délai, je considèrerais que je peux compter sur vous pour qu’on mène à bien notre projet. Et pas de coup fourré, Brendan. Je vous ai à l’oeil.

Brendan ne semblait pas plus tenir compte des menaces de l'elfe que Cylicia. De toutes façons, ils ne comptaient pas lui faire de coup fourré. Le chasseur de démon s'installa alors dans l'une des paillasses qui leur servirait de lit, l'air songeur.

- Nous voilà seuls. Peut-être voulez-vous me parler de quelque chose en privé, maintenant que Discret est parti?

Cylicia s'était aussi installée dans la paillasse qui était de son côté. Que pouvait-elle ajouter de plus? Oh, elle aurait pu dire qu'elle s'était préparée toute sa vie pour faire ce dont personne n'était capable, pour prendre des risques que personne ne voulait prendre et subir ce que personne ne voulait subir. Mais à quoi bon? Son côté logique voyait bien que c'était la solution la plus évidente pour sortir d'ici, quand bien même son côté compassionnel lui disait de ne pas se plier à cette décision.

- Ne vous inquiétez donc pas trop pour mon cas de conscience Brendan... La doctrine Conséquentialiste me dit bien que vous laissez ici causerait la mort de bien des innocents qui croiseront la route des démons que vous n'avez pas pourfendue, sans parler pour ma part de toutes les injustices qui resterons impunies en mon absence et des orphelins de Stellaraë qui attendent mon retour. Ce garde là manquera sûrement à quelqu'un, ou pas, je ne saurais le dire, mais, à moins qu'il ne s'agisse d'un Saint, le poids de sa vie, de toute évidence dédiée au faux Dieu Basilic, n'équivaut à priori pas notre liberté. C'est ainsi que je vois les choses.

Ainsi, Cylicia montrait à Brendan qu'elle pouvait aussi faire preuve d'une froideur extrême elle aussi. Certes, cela ne l'enjouait pas de devoir en arrivé là, mais si il le fallait elle n'hésiterais pas une seconde. Soudainement, et comme par magie, un bout de pain sec et un bouillon fort claire apparurent à côté de Cylicia, pareillement du côté de Brendan.

- Bon appétit, s'empressa de dire Cylicia dont la faim ne s'était toujours pas calmé, mangez, qu'importe le goût que ça a ou ce que ça peut bien être.

Dans le bouillon, on pouvait voir des insectes flottés, et quelques morceaux de racines des marais. La Purificatrice y trempa le pain sec et mordu à grand coup de dents. Apparemment, ils ne s'étaient pas gênés pour y mettre d'autres ingrédients que du blé ou du maïs. Des algues sèches ressemblant à du foin parsemaient la miche, le goût était atroce et le tout était difficile à mâcher. Cela ragaillardi carrément notre héroïne qui commença à manger comme si il s'agissait d'un met succulent, n'en perdant pas une miette. Si c'était leur apport calorique, mieux valait ne pas faire de gâchis.

- Chi chela ne vous dérange pas, je prendrais le second tour de garde... Dit-elle la bouche à moitié pleine.

Elle était fatiguée de son combat de tout à l'heure. La régénération était efficace mais lui demandait tout de même une certaine quantité d'énergie, sans parler des kilomètres avalés et des deux combats précédents. Tout en disant cela, elle se demandait si elle Brendan allait avoir la nuit tranquille. Quoi qu'il en soit, elle comptait veiller sur lui comme il se devait.

Ma partenaire de cellule venait de s'installer à son tour sur sa paillasse, et me dit comme pour me rassurer sur ses intentions:

"Ne vous inquiétez donc pas trop pour mon cas de conscience Brendan... La doctrine Conséquentialiste me dit bien que vous laissez ici causerait la mort de bien des innocents qui croiseront la route des démons que vous n'avez pas pourfendue, sans parler pour ma part de toutes les injustices qui resterons impunies en mon absence et des orphelins de Stellaraë qui attendent mon retour. Ce garde là manquera sûrement à quelqu'un, ou pas, je ne saurais le dire, mais, à moins qu'il ne s'agisse d'un Saint, le poids de sa vie, de toute évidence dédiée au faux Dieu Basilic, n'équivaut à priori pas notre liberté. C'est ainsi que je vois les choses."

Ce genre de discours, que d'aucun jugerait pragmatique, me surprit de la part ce Cylicia. Je ne pensais pas qu'un tel courant de pensée existait au sein de Purificateurs, un courant de pensée qu'elle avait nommée "Conséquentialiste", en accord avec le genre d'opinion que j'avais sur le monde. Je resta silencieux face à ses révélations, hochant la tête d'un air entendu. Cela m'embêtait que mon amie ait à faire autant d'effort pour nous, et j'admirais son sens du devoir. Au même instant, je vis apparaître un quichon de pain sec et une sorte de bouillon à côté de nos paillasses, et j'examinai la nourriture un instant, circonspect qu'autant de moyens soient déployés pour éviter aux gardes tout contact avec les détenus. Cylicia enchaîna alors:

"Bon appétit, mangez, qu'importe le goût que ça a ou ce que ça peut bien être."

Je commentai simplement en attrapant la nourriture en même temps que la purificatrice:

"J'ai mangé bien pire au cours de ma vie, ce n'est pas...". Je regardai plus en détail les victuailles peu râgoutantes que l'on nous proposait. "...quelques insectes mixés dans de l'eau qui vont me faire peur."

Je fus surpris de voir ma compagne de cellule manger notre pitence sans retenue ni délicatesse, à la manière d'un barbare affamé devant un bon poulet rôti. Elle était vislblement elle aussi habituée à des repas plus drastiques, et ne perdit donc pas une miette du bouillon et du pain que l'on nous avait donné. De mon côté, je mangeai avec un peu plus de retenue, mes bonnes manières durement inculquées par Léana n'ayant jamais pû disparaître tant elles me les avaient ancrées dans le crâne, et Cylicia reprit la parole alors qu'elle finissait de manger avant moi:

"Chi chela ne vous dérange pas, je prendrais le second tour de garde..."

Je secouai la tête alors que les quelques insectes que j'ingurgitais craquaient sous mes dents. J'avais déjà mangé pire, sans nul doute, mais je devais avouer que ce n'était pas là un met de premier choix. Ca avait le mérite de remplir l'estomac, certe, mais le goût n'était pas vraiment au rendez-vous. Je lui répondis, prenant le temps de finir ma bouchée:

"Aucun soucis ma chère, je n'ai de toute façon pas envie de retourner au Pandémonium tout de suite tant que j'ai la tête à réfléchir. Dormez sur vos deux oreilles, je plains le maraud qui essaierait de faire quoi que ce soit pendant votre sommeil. Je vous cède mon quignon de pain même avant de dormir, vous m'avez l'air affamé."

Je lui tendis la moitié restante de la miche sèche que j'avais en main, que j'avais découpée à la main et non avec les dents au préalable. Cela ne m'aurait pas dérangé de me remplir un peu plus l'estomac, mais je savais que nous devions être tous les deux au meilleur de notre forme si l'on voulait tenter une évasion, et j'étais capable de surpasse mes limites physiques si nécessaire. Cylicia aussi, probablement, mais étant une femme je préférais qu'elle évite de se surmener plus que nécessaire. C'était peut-être un peu vieux jeu, mais c'était ainsi que Léana m'avait élevé, et je ne comptais pas la décevoir.

Avant qu'elle ne s'endorme, j'ajoutai, car je savais que le moral était important pour la réussite de notre opération prochaine:

"Je sais que la situation que nous vivons en ce moment est difficile, mais je vous promets que vous serez en sécurité avec moi. Quand bien même je devrais tuer tous le personnel de la prison à mains nues."

Ma voix était ferme et assurée, et si je me savais vulnérable et mortel, j'étais persuadé que mes expériences passées me permettraient sûrement de prendre quelques coups pour que Cylicia ait le temps de s'échapper si notre plan tombait à l'eau. J'avais passé quelques temps en geôle, autant dans le Pandémonium que dans quelques villages reculés où mon aura de chasseur m'avait valu quelques torts.

Alors que Cylicia s'endormait, et que j'entendais sa respiration devenir plus calme et régulière, je me mis à fixer l'entrée de la cellule, qui comme par magie commença à se fermer toute seule alors que les derniers rayons de soleil venant de la cour au bout du couloir s'atténuaient. Nous étions désormais enfermés dans la cellule, et ce que je pressentais arriva. La nuit, dans les geôles, il était fréquent que les nouveaux détenus commencent à pleurer, regrettant leur liberté et le traitement désastreux qu'ils subissaient dès leur arrivée ici. Ainsi, tout au long de ma garde, des lamentations s'élevaient un peu partout dans les cellules alentours, souvent en langage commun, parfois dans des dialectes plus personnels. Parfois, comme pour ponctuer cette douce cacophonie, des jurons et des insultes sifflaient, venant des prisonniers plus endurcis qui eux essayaient de dormir. Je n'étais pas non plus un spécialiste du domaine carcéral, mais j'avais déjà vécu ce genre d'incommodités et je me reposai donc sur ce silence inexistant pour rester éveillé, espérant intimement que Cylicia puisse trouver le sommeil malgré les bruits. Cela dura plusieurs heures, sans que je ne puisse quantifier exactement le temps, et je n'entendis rien d'inhabituel à part les pleurs et les insultes. Cela me permit de réfléchir au plan que nous avait présenté Discret, en faisant abstraction des distractions alentours. Au final, je ne trouvai rien à redire à son plan, qui était pourtant imparfait sur bien des aspects. Il était difficile de trouver de meilleures chances de s'en tirer, la prison n'était après tout pas faite pour qu'on puisse s'y échapper si facilement et sans sacrifices. Je finis donc, alors que le sommeil commençait réellement à me ronger, par réveiller Cylicia d'une petite tape sur l'épaule, en lui disant à voix basse:

"C'est votre tour, partenaire. Je vous souhaite bonne chance. N'oubliez pas notre objectif, et n'oubliez pas que je suis à vos côtés jusqu'au bout. Le moral est important, tâchez de ne pas vous laisser miner par ce que vous entendrez au cours de la nuit."

Puis je revint à ma paillasse et m'y coucha de nouveau pour un voyage dans le Pandémonium. Avec de la chance, j'atterrirais dans un endroit désert où je pourrais éviter les affrontements. Si les blessures que je me faisais dans le Pandémonium n'était que superficielle quand je me réveillais, je préférais éviter autant que faire se peut de me fatiguer pendant mon sommeil, car cela se répercutait toujours, à moindre échelle, sur ma fatigue lors de mon réveil. Je fermai donc les yeux, confiant en la vigilance de Cylicia, et avec un seul objectif en tête: sortir d'ici ensemble, et si ce n'était pas possible, lui permettre de sortir coûte que coûte.

Brendan mangeait aussi proprement que les notables de la Tour Blanche, inutile de vous dire que Cylicia finit par être un peu gêner de cette situation. Enfin, elle ne souhaitait pas non plus que le chasseur de démon pense qu'elle ne change d'attitude de sa faute alors elle continua comme cela lui venait naturellement, contente qu'il eut l'estomac à manger ces victuailles infâmes.

- Aucun soucis ma chère, je n'ai de toute façon pas envie de retourner au Pandémonium tout de suite tant que j'ai la tête à réfléchir. Dormez sur vos deux oreilles, je plains le maraud qui essaierait de faire quoi que ce soit pendant votre sommeil. Je vous cède mon quignon de pain même avant de dormir, vous m'avez l'air affamé.

Malheur, finit-elle par pensé, il a donc remarqué que je me goinfrais... La Purificatrice hésita ensuite à se saisir du morceau de pain de Brendan. Il avait sûrement plus besoin de forces qu'elle pour mobiliser la masse musculaire dont il disposait. Après réflexion, ce quignon de pain pouvait leur être utile pour leur projet, elle l'accepta donc mais le mis de côté pour l'instant.

- Merci bien, je commence déjà à m'assoupir. Cette journée fut interminable...

La fatigue prenait de plus en plus le pas sur notre héroïne. Doucement, elle commençait à bailler, trouvant cette misérable couche de plus en plus confortable. Alors qu'elle était à deux doigts de sombrer, Brendan lui dédia ces quelques mots :

- Je sais que la situation que nous vivons en ce moment est difficile, mais je vous promets que vous serez en sécurité avec moi. Quand bien même je devrais tuer tous le personnel de la prison à mains nues.

Le pauvre coeur de Cylicia ne fit qu'un tour. Certes, les paroles de Brendan étaient quelque peu obscures, mais la passion dans celles-ci réveilla violemment celle de la Purificatrice. A présent, elle s'en voulait presque d'avoir autant objectivé son propos plus tôt alors que lui ne pensait qu'aux liens qui les unissaient. Quels liens d'ailleurs? Pour notre ingénue Purificatrice, la brume entourant ses sentiments commença doucement à s'évaporer bien que c'était encore un peu flou. L'aimait-elle? Assurément, bien qu'elle ne se l'avoua pas encore. Et lui, l'aimait-il? Non. Sans doutes Brendan avait-il depuis longtemps fait une croix sur l'amour et sur toute possibilité de vie à peu près normale. Fardeau de ceux dont la vie n'a été que trop longtemps survie.

- Merci Brendan, vous pouvez comptez sur moi vous aussi...

La fatigue, mêlé à un étrange sentiment de quiétude, eut raison des dernières forces de notre héroïne. Elle sombra dans les abysses de son sommeil où l'attendaient ses pires angoisses ainsi que ses espoirs les plus enfuis. Lorsqu'elle se réveilla, tous ses rêves s'étaient envolés de sa mémoire. Elle senti la solide main du Gardien la rappelé dans notre monde, lui disant :

- C'est votre tour, partenaire. Je vous souhaite bonne chance. N'oubliez pas notre objectif, et n'oubliez pas que je suis à vos côtés jusqu'au bout. Le moral est important, tâchez de ne pas vous laisser miner par ce que vous entendrez au cours de la nuit.

Elle lui fallut un instant pour se rappeler qu'elle était en prison, puis elle se releva doucement. Le pauvre avait du avoir une journée des plus longues.

- Mmmh... Merci Brendan, ne vous inquiétez pas pour moi, dormez donc, lui dit-elle d'une voix encore somnolante.

Elle se frotta vigoureusement le visage puis mit un certain temps avant de s'habituer à la noirceur de la nuit. Très vite, elle comprit ce que voulait dire Brendan. Des lamentations surgissaient des fins fonds de la prison, quelques fois suivies d'insultes ou de menaces. Même la nuit, tout le monde était tendu dans cet endroit de malheur. Elle attendit que la respiration de Brendan se fasse plus régulière, signe certain d'évanouissement, avant d'entamé une mélopée réservée tout aussi bien aux malheureux détenus dans ces geôles qu'au chasseur de démon qui allait commencer son propre combat.




Elle continua ainsi ce doux chant maternel, jusqu'à ce que les esprits les plus rudes s'attendrissent et que le calme revienne dans les geôles. Brendan semblait bien dormir pour l'instant, mais ce n'était peut-être que temporaire. Tout en le regardant somnoler comme un enfant, elle se rappela qu'elle avait oublier de le mettre au courant de son coup d'éclat de la veille. Peut-être certains membres de la bande qu'elle avait mise à mal voudrait se venger d'elle. Sachant qu'elle était plus tôt avec Brendan, il était lui aussi en danger.

Le reste de la nuit se passa sans encombres, Brendan eut quelques sueurs et fut un peu agité mais apparemment rien de dramatique. Notre héroïne se contenta de lui dédier une prière silencieux afin que Morkez puis l'accompagner durant son épreuve, puis elle attendit le lever du jour.


La porte de la cellule s'était déverrouillée tandis que les premières lueurs du jour firent leur apparition. C'était le moment de réveiller le Gardien. Elle s'approcha de lui et l'inspecta quelques secondes. Il était bon de le voir ainsi dormir. Elle se permit un petit écart, passant ses doigts à travers ses longs cheveux. C'était pour elle l'homme le plus beau du monde, mais il le lui rendit plutôt mal. Saisissant son poignée, Brendan n'avait pas perdue ses habitudes de loup solitaire.

- Brendan, c'est moi, Cylicia! Dit-elle un peu surprise également.

Une fois que le quiproquo fut résolu, Cylicia s'empressa de le mettre au courant quant à son oublie.

- Ecoutez moi, hier j'ai eut une violente rixe avec certains humains, ils voudront peut-être se venger aujourd'hui, prenez garde!

C'était un peu rude pour un réveil mais cet oubli l'avait tracassée toute la nuit. Elle se rendit compte finalement qu'elle aurait put mieux l'accueillir de son retour en Dùralas et enchaîna:

- Enfin, excusez-moi de vous accueillir ainsi, j'espère que votre nuit n'a pas été trop rude, je vous ai vue quelque peu agité...

La joie qu'elle avait de le revoir pouvait se lire sur son visage. Et pourtant, leur périple ne faisait que commencer à l'aube de ce deuxième jour. Aucun d'eux ne savait ce qui les attendait ni ce que le procès de demain allait bien pouvoir résoudre ou non.[/color]

Les lianes et les feuillages me fouettaient violemment le visage et le torse alors que je courrais du plus vite que je le pouvais, en pleine jungle, poursuivi par une sorte de rhinocéros cadavérique. Mon coeur battait la chamade alors que j'entendais derrière mon poursuivant rattraper la distance, exhalant un horrible râle mêlé à un puissant barrissement qui aurait glacé le sang à bon nombre de solides guerriers. Il fallait croire que je n'avais pas eu vraiment de chance cette nuit-là. Alors que j'aurais espéré me retrouver en plein milieu des zones désertiques du domaines de Balrath, là où peu de créatures se promènent, je m'étais finalement retrouvé dans le domaine de Kernal, le prince de la mort et le seigneur de la pestilence. C'était une jungle épaisse où il n'existait aucune zone sans danger. Les plantes pouvaient vous avaler, les monstres vous déchiqueter, et ne parlons pas des démons et de leur magie nécromantique et leur rituels de peste. C'était, à mes yeux, l'une des pires zones du Pandémonium, et le rhinocéros mort-vivant derrière moi ne pouvais que me donner raison.

Alors que j'arrivais dans une clairière plus ou moins dégagée, je bifurquai au dernier moment et me plantai derrière un rocher, croisant les doigts pour que le rhinocéros ne m'ait pas remarqué. Par chance ce fut le cas, et mon ennemi squelettique continuai sa course à grand coup de barrissement mortuaire, défonçant plusieurs arbre qui vinrent tomber non loin de ma cachette. Je retenais mon souffle, ce qui représentait un effort surhumain après cette course effrénée, et posai la main sur la garde de ma claymore alors que je sentais le râle putride de l'horrible créature se rapprocher. Je n'avais que peu de chance de m'en tirer face à une telle abomination, mais je ne pouvais plus fuir s'il m'apercevait. J'avais le souffle court, et commencer une course-poursuite à une telle proximité se solderait forcément par un échec. J'attendis donc alors que le rhinocéros cherchait dans la clairière, ne comprenant probablement pas où j'avais pû filer. J'avais tous les nerfs à vif, et aurait sursauté au moindre bruit pas naturel. Soudain, je sentis quelque chose me toucher le crâne.


D'instinct, j'aggrippai la chose qui représentait un danger et armai le poing, prêt à neutraliser toute menace. J'allais porter le coup quand je me rendis compte qu'il s'agissait de Cylicia Condoris, qui tenta de me rassurer d'un air surpris:

"Brendan, c'est moi, Cylicia!"

J'écarquilla les yeux, surpris moi aussi que Cylicia soit aussi. Qu'est ce que...? Alors que je reprenais doucement mes esprits et faisait le point sur la situation, Cylicia remit les choses en place quand elle mentionna:

"Ecoutez moi, hier j'ai eut une violente rixe avec certains humains, ils voudront peut-être se venger aujourd'hui, prenez garde!"

Je me frottai les yeux alors que tout redevenait clair. Je venais de me réveiller, et j'étais de retour à Dùralas, dans une prison naga pour être plus exact. Avec ma fidèle amie Cylicia pour l'être encore plus. Je mis du temps à analyser ce qu'elle venait de me dire, et avant que je n'ai tout à fait fini, elle enchaîna, comme si elle se rendait compte que je venais tout juste d'émerger:

"Enfin, excusez-moi de vous accueillir ainsi, j'espère que votre nuit n'a pas été trop rude, je vous ai vue quelque peu agité..."

Je plissai les yeux en la regardant, alors que son regard trahissait une certaine joie non dissimulée. Etait-elle content de me voir enfin debout? En y réfléchissant, la nuit n'avait pas dû être agréable pour elle, qui n'avait peut-être pas l'habitude des geôles. Je me détendis et finis par me mettre assis sur ma paillasse tout en répondant d'une voix qui se voulait rassurante mais qui était plus grave que d'habitude à cause du réveil:

"Il n'y a pas de mal, je suis désolé pour ma réaction, les vieux réflexes ont la vie dure. Si vous voulez savoir j'étais en pleine course-poursuite avec un rhinocéros mort-vivant en pleine jungle de Kernal."

Je devais avouer que pour un non initié au Pandémonium, ce genre de discours devait sonner étrange, et aurait même pû susciter le rire. Je souris donc légèrement, pour détendre l'atmosphère, et enchaînai pour répondre à son affirmation:

"Et merci de me prévenir ma chère. Mais soyez sans crainte, les humains sont de loin les créatures qui m'effraient le moins. Qu'ils viennent, cela me fera de l'exercice."

Puis je me mis à bâiller, récupérant doucement de mon réveil, avant de saisir le gobelet d'eau légèrement opaque qui traînait au pied de ma paillasse, qui devait probablement apparaître chaque matin dans la geôle des prisonniers. Je le bus d'une traite, afin de m'enlever la pâteuse, et commençai à examiner les nouvelles cicatrices que j'allais garder de cette nuit, ôtant mon haut pour analyser les quelques coupures provoquées par les lianes et les feuilles. Les blessures étaient superficielles, et ne représentaient rien en comparaison des centaines de cicatrices qui zébraient mon torse, parfois de coupure, parfois de brûlure, parfois non identifiées. Je renfilai mon haut après mon rapide examen, et ajoutai à l'encontre de Cylicia:

"Alors, quel est le programme aujourd'hui, ma chère?"

- Il n'y a pas de mal, je suis désolé pour ma réaction, les vieux réflexes ont la vie dure. Si vous voulez savoir j'étais en pleine course-poursuite avec un rhinocéros mort-vivant en pleine jungle de Kernal.

Ainsi répondit le chasseur de démon à notre héroïne. Celui-ci était encore à moitié endormi, cela pouvait s'entendre à travers sa voix rauque et sa façon plus lente de parler. Surprise par les détails donnés par Brendan et plus particulièrement par la nonchalance de celui-ci. L'on pouvait dire que sa nuit fut plus compliqué que la veille, ce qui y était déjà étonnant en sois. Brendan, qui semblait soudainement plus détendue ajouta :

- Et merci de me prévenir ma chère. Mais soyez sans crainte, les humains sont de loin les créatures qui m'effraient le moins. Qu'ils viennent, cela me fera de l'exercice.

Cylicia sourit en même temps que Brendan. Les propos étaient étonnant de la part d'un humain mais elle voyait où il venait en venir. Tous les monstruosité qu'il affrontait chaque nuit devaient presque faire paraître cette prison pour des vacances. Le chasseur de démon bailla et se servit d'un gobelet d'eau que la Purificatrice n'avait pas remarquer jusqu'alors. Encore un coup de l'étrange magie qui régnait en ces lieux, car elle aurait jurer qu'ils n'étaient pas là durant sa garde. Elle regarda de son côté de la cellule et put remarquer qu'il y en avait également un près de son lit. Alors que le gardien enlevait son haut, notre héroïne, surprise, en profita pour aller se désaltérer, laissant la pudeur de son camarade intacte. Durant le cours laps de temps qu'elle vu son torse, elle pensait y avoir vue de fraîches blessures bien que superficielles. Les dires du Gardien n'étaient plus à remettre en doutes après la nuit qu'elle venait de passer à veilleur sur lui et cette preuve flagrante.

- Alors, quel est le programme aujourd'hui, ma chère?

Cylicia, qui l'avait entendue se rhabiller, se retourna et lui expliqua son plan pour lequel Brendan allait être nécessaire pour des raisons évidentes de sécurité.

- Aujourd'hui, je pensais que nous pourrions jouer de propagande. Comme hier j'ai donner une bonne leçon à un caïd du coin, je pense avoir au moins inspiré le respect et un fin rayon d'espoir pour certains. Je ne suis pas très au clair sur l'organisation que les prisonniers peuvent avoir entre eux, il serait bien que Discret nous informe si il connait d'autres têtes pensantes ou si le groupe dont je me suis charger hier fait partie d'une organisation plus vaste. Ils tenteront sûrement de laver leur honneur aujourd'hui, et nous les attendrons au détour. En attendant luttez contre l'injustice de façon visible, dites aux gens qu'ils peuvent comptés sur nous, dénigrez les Nagas même si vous ne le penser pas, et, si tout se passe bien, les prisonniers serons de notre côté quand viendra l'heure d'attaquer les gardes. Il serait d'ailleurs bien de tourner cette situation comme si nous étions les victimes de ceux-ci...

A part l'attaque sournoises des gardes, c'est probablement ce qu'elle aurait fait de toute manière. Voulant s'assurer que Brendan soit d'accord avec ses propos, elle lui dit :

- Il y'a une voix dans chacun de ces prisonniers qui sait très bien situé l'injustice, je pense qu'en l'ayant de notre côté nous avons toutes les chances. Qu'en dites-vous?

Elle termina alors son gobelet d'eau dans une grimace qui ne laissait aucun doutes sur le goût de celle-ci. Si l'idée convenait à Brendan, ils retournerait se mélangé aux prisonniers bien que certains d'entre eux préparent sans aucun doutes déjà une vendetta à leur encontre. Les Skarniens d'un côtés, et le gang humain de l'autre.

Cylicia se retourna vers moi alors que je finissais de me rhabiller, et répondit, semblant avoir eu le temps de réfléchir au programme cette nuit:

"Aujourd'hui, je pensais que nous pourrions jouer de propagande. Comme hier j'ai donner une bonne leçon à un caïd du coin, je pense avoir au moins inspiré le respect et un fin rayon d'espoir pour certains. Je ne suis pas très au clair sur l'organisation que les prisonniers peuvent avoir entre eux, il serait bien que Discret nous informe si il connait d'autres têtes pensantes ou si le groupe dont je me suis charger hier fait partie d'une organisation plus vaste. Ils tenteront sûrement de laver leur honneur aujourd'hui, et nous les attendrons au détour. En attendant luttez contre l'injustice de façon visible, dites aux gens qu'ils peuvent comptés sur nous, dénigrez les Nagas même si vous ne le penser pas, et, si tout se passe bien, les prisonniers serons de notre côté quand viendra l'heure d'attaquer les gardes. Il serait d'ailleurs bien de tourner cette situation comme si nous étions les victimes de ceux-ci..."

Je hochai la tête, étonné que Cylicia ait décidé de pleinement accepter le petit sacrifice de ses principes pour nous permettre de nous échapper par l'entremise des prisonniers. Elle reprit, s'assurant de mon avis:

"Il y'a une voix dans chacun de ces prisonniers qui sait très bien situé l'injustice, je pense qu'en l'ayant de notre côté nous avons toutes les chances. Qu'en dites-vous?"

Elle finit son verre avec une petite grimace, s'étant probablement rendu compte du goût peu désirable de l'eau, et attendit ma réponse qui ne tarda pas à venir:

"Je ne vais pas vous cacher que même pour un pragmatique comme moi, je ne vais pas prendre plaisir à m'allier de prisonniers qui ont sûrement, pour certains, commis des actes qui pourrait les caractériser de démons aux yeux des honnêtes gens. Mais c'est un sacrifice nécessaire que j'ai consenti de faire depuis la seconde où je me suis réveillé dans cette geôle. Notre seul objectif pour l'heure, en tout cas le seul qui devrait nous importer, c'est de sortir ensemble de ce guêpier. Et si l'on pouvait également faire sortir Discret, cela allégerait ma conscience. Mais s'il devait mourir, et bien soit, je ne suis plus à ça près et ma conscience peut bien attendre."

Cylicia n'était probablement pas au courant de notre passif, ainsi je décidai de ne lui en parler que si elle voulait en savoir plus. Après tout, peut être ne voulait elle pas prendre le risque de posséder une information qu'elle regretterait avoir par la suite. Je repris finalement, afin de résumer notre programme de la matinée:

"Donc si je résume, nous commençons par aller voir Discret pour en savoir plus sur les forces en présence ici. Puis nous commençons à faire poindre les flammes de la révolte, nous défendons contre de potentielles attaques, puis demain, avant que le procès n'ait lieu, nous exécutons notre plan et croisons les doigts pour que ça marche. J'ai tout bon?"

Il valait mieux que nos violons soient accordés si nous voulions avoir une chance de réussir. Ainsi je préférais m'assurer qu'elle soit d'accord sur la marche à suivre. Il nous restait après tout encore du temps, la matinée ne faisait que commencer et la cour ne devait pas être si remplie aussitôt dans la matinée. Cela nous laissait donc largement le temps de tout planifier avant la journée d'aujourd'hui.
Alors que je finissais ma phrase, un bol de bouillon apparut à chaque pied de nos paillasses, achevant de nous convaincre que la journée commençait. Je me rapprochai du bol tout en écoutant la réponse de Cylicia, et commença à manger tranquillement, conscient qu'il allait nous falloir des forces pour mener à bien notre projet et surtout nous défendre.

- Je ne vais pas vous cacher que même pour un pragmatique comme moi, je ne vais pas prendre plaisir à m'allier de prisonniers qui ont sûrement, pour certains, commis des actes qui pourrait les caractériser de démons aux yeux des honnêtes gens. Mais c'est un sacrifice nécessaire que j'ai consenti de faire depuis la seconde où je me suis réveillé dans cette geôle. Notre seul objectif pour l'heure, en tout cas le seul qui devrait nous importer, c'est de sortir ensemble de ce guêpier. Et si l'on pouvait également faire sortir Discret, cela allégerait ma conscience. Mais s'il devait mourir, et bien soit, je ne suis plus à ça près et ma conscience peut bien attendre.

Cylicia acquiesça les dire de Brendan, mais de plus en plus elle se demandait ce qui pouvait bien le relier à Discret. Elle pensait d'abord qu'il venait de le rencontrer dans la prison, mais l'elfe semblait bien le connaitre et Brendan était anormalement attaché à la réussite de son évasion.

- Donc si je résume, continua l'humain, nous commençons par aller voir Discret pour en savoir plus sur les forces en présence ici. Puis nous commençons à faire poindre les flammes de la révolte, nous défendons contre de potentielles attaques, puis demain, avant que le procès n'ait lieu, nous exécutons notre plan et croisons les doigts pour que ça marche. J'ai tout bon?

Alors que Brendan terminait ce résumé, deux bols de bouillons apparurent dans la cellule. C'était tant mieux, le repas de la veille avait été plutôt maigre et ils allaient avoir besoin de force. Cylicia alla chercher sa portion et répondit à Brendan :

- C'est tout à fait cela. Seuls les personnes que la situation actuelle n'avantage pas auront des raisons valables de nous rejoindre. C'est à dire les Nagas, bien évidemment, et les clans mafieux que nous mettrons à mal. A ce sujet d'ailleurs... Loin de moi la volonté de remettre votre jugement en doutes, mais êtes-vous bien sûr que nous pouvons nous fier à Discret?...

Tout en disant cela, elle s'était installé pour boire son bouillon. Celui ci ressemblait un peu à celui de la veille avec un peu plus de légumes. Le tout restait tout de même assez peu goûteux et des insectes y flottait toujours. Tant mieux, se disait alors Cylicia contente d'avoir un minimum d'apport en protéines. Après une bonne gorgée, elle précisa à son ami :

- Si vous tenez tant à lui, d'ailleurs, il serait de bon ton qu'il reste auprès de nous ou qu'il fasse comme si il ne nous connaissait pas au contraire... Les ennemis que nous nous sommes faits pourraient lui tomber dessus également, Skarniens comme Humains.

Elle avait du mal à imaginer l'Elfe pouvoir s'en sortir dans une embuscade au vue de son gabarit. Le chasseur de démons en avait probablement conscience également mais elle tenait à lui faire comprendre que son problème serait le sien au besoin, malgré ce qu'elle avait pu dire la veille.

Sitôt mon résumé achevé, deux bols de bouillons apparurent magiquement à côté de nos paillasses, et je me saisis du mien pendant que Cylicia répondait:

"C'est tout à fait cela. Seuls les personnes que la situation actuelle n'avantage pas auront des raisons valables de nous rejoindre. C'est à dire les Nagas, bien évidemment, et les clans mafieux que nous mettrons à mal. A ce sujet d'ailleurs... Loin de moi la volonté de remettre votre jugement en doutes, mais êtes-vous bien sûr que nous pouvons nous fier à Discret?..."

Je haussai les épaules tout en commençant à avaler la soupe à l'allure peu ragoûtante, doucement, profitant de ce maigre repas pour essayer d'en retirer le maximum de force. Puis je répondis après avoir avalé quelques gorgées - croustillantes pour certaines, probablement dûe aux insectes flottant dedans - l'air hésitant:

"Pour tout vous dire, je ne sais pas bien si Discret est digne de confiance. Mais c'est le frère de quelqu'un que j'ai entraîné dans une chasse, un jour. Quelqu'un qui est mort en essayant de se venger. Une victime collatérale comme j'en laisse toujours dans mon sillage..."

Mes traits se durcirent et plusieurs visages apparurent à moi. Des dizaines. Des centaines. Toutes des victimes collatérales mortes lors de mes chasses, en essayant de m'aider, ou en se trouvant juste au mauvais endroit au mauvais moment. L'image de Cylicia apparut un instant à moi, et je la chassais immédiatement. La seule façon de voir Cylicia était en chair et en os, et non pas comme le souvenir d'un nouvel et énième échec. Je me tournai vers elle, le regard toujours plutôt sombre, alors qu'elle ajoutait:

"Si vous tenez tant à lui, d'ailleurs, il serait de bon ton qu'il reste auprès de nous ou qu'il fasse comme si il ne nous connaissait pas au contraire... Les ennemis que nous nous sommes faits pourraient lui tomber dessus également, Skarniens comme Humains."

Mes traits se détendirent maintenant qu'elle mettait en évidence une menace que je pouvais abattre, à l'instar des souvenirs qui me hantaient. Rapidement reconcentré sur notre situation, je lui répondis avec une voix plus assurée:

"Je ne tiens pas particulièrement à lui. Je veux dire... Je tiens à vous Cylicia. Discret, lui, n'est que la manifestation d'une dette que j'ai envers quelqu'un qui est mort par ma faute. J'ai causé du tort à beaucoup de monde, et je ne suis pas bien sûr que mes actes puissent rattraper ça un jour, mais ma mère aurait sûrement voulu que je l'aide. Et puis, s'il dit vrai, nous allons juste aider un tricheur. Rien de bien dangereux pour les honnêtes gens si vous voulez mon avis. Et s'il s'avère qu'il nous a menti..."

Mes traits redevinrent sombre l'espace d'un instant, alors que d'autres souvenirs refaisaient surface, bien différent des précédents. Des cadavres. Du sang. Des cris de terreur. Des gémissements. Des bourreaux devenus cibles. Des cultistes brisés. Des proies.

"... Je m'en chargerais personnellement."

J'avalai la moitié de ma soupe d'une traite en tentant de ne pas paraître incommodant pour Cylicia, de façon propre et sans vider la moitié sur ma barbe, puis je repris, redevenant neutre aussi vite que d'habitude:

"Mais vous avez raison, je ne sais pas bien si Discret saurait faire le poids face à la pègre locale. Nous devrions lui en toucher deux mots aujourd'hui."

Je finis rapidement ma soupe, qui mine de rien avait tout de même apaisé la faim qui me tiraillait presque inconsciemment depuis que nous avions été fait prisonnier, et me releva afin de faire les quelques échauffements d'usage, sautillant légèrement sur place. Puis, me souvenant que Cylicia était avec moi dans le cellule, j'ajoutai:

"J'ai l'habitude de faire un peu d'exercice physique au réveil, afin de me stimuler. Un petit entraînement, ça vous dit, purificatrice?"

Je lui fis un petit sourire et lui lança un regard de défi. Qui sait, peut être que cela permettrait aussi de remonter le moral de Cylicia. Elle n'avait probablement pas prévu de finir dans une cellule, et je savais d'expérience que maintenir le moral était une priorité dans ce genre d'endroit.

- ... Je m'en chargerais personnellement.

Un frisson parcouru l'échine de la Purificatrice sur cette phrase du chasseur du démon. Ce n'était apparemment pas un homme qu'il était bon de dupé au grand damne de ses adversaires. Mais cela semblait un détail encore à ce que Cylicia avait compris des propos de Brendan. Si il y'avait bien une chose que l'humain ne semblait plus supporter, c'était la perte de ses proches. Cela devenait de plus en plus évident pour notre héroïne, cette solitude et cette attitude distante qu'il avait étaient apparemment le résultat de cette angoisse persistante. Un instant, la Stryge se sentit chanceuse d'avoir put prendre une place dans sa vie mais se rappela bien vite qu'il était malheureux que son ami ait pareil traumatisme.

- Mais vous avez raison, je ne sais pas bien si Discret saurait faire le poids face à la pègre locale. Nous devrions lui en toucher deux mots aujourd'hui.

Eux deux avaient eux-mêmes eut sans doutes beaucoup de chances jusque là, le nombre de leurs ennemis n'était pas insurmontable jusqu'ici mais difficile à dire jusqu'où s'étendait cette prison et par la même jusqu'où s'étendait les pouvoirs de cette pègre locale.

- Très bien, commençons donc par cela, je m'inquiète pour lui. Darmok, dit elle alors que le chérubin s'était fait d'une discrétion absolue, reste planquer. Je ne t'oublierais avant le départ, sois en sûr...

L'on vit alors la paillasse de Cylicia remuer un peu, elle prit cela pour un oui. Alors que Brendan finissait sa soupe, Cylicia commençait à s'étirer. Les heures qui allaient suivre allaient être chargées, c'était le moment d'être en pleine force et Brendan semblait le comprendre tout aussi bien.

- J'ai l'habitude de faire un peu d'exercice physique au réveil, afin de me stimuler. Un petit entraînement, ça vous dit, purificatrice?

Cylicia fut alors surprise et amusée de l'air de défi qu'il y'avait dans le regard du chasseur de démon. C'était la première fois qu'elle voyait ce regard à son encontre et cela lui parut étrange. Il faut dire que dès leur rencontre, Brendan s'était fait protecteur de notre héroïne bien que sous couvert financiers. La Purificatrice hésita une seconde en faisant une moue de côté avec sa bouche en continuant à s'étirer  puis finit par se décider.

- Très bien mais ménageons nos efforts, les repas que nous avons ici, ainsi que nos objectifs, ne nous permettent pas tant de dépenses...

Sur ses sages paroles, elle commença alors à s'étirer chacune de ses ailes, avec le bras opposé de chacune, lançant à Brendan avec un sourire confiant :

- Je ne suis plus la petite marchande que vous protégiez autrefois, ne croyez pas trop vite en votre victoire l'ami.

Elle se mise alors en position. Pour l'occasion, elle utilisa alors le style dit de la harpie. Il s'agissait là d'une technique de combat Strygienne que l'on enseignait généralement aux femmes. A l'image de l'oiseau du même nom qui, malgré sa petite dizaine de kilogrammes, n'hésites pas à s'en prendre à de grands mammifères. Cette technique ayant pour vocations de compenser la différence de force physique avec l'adversaire. C'était aux yeux de Cylicia la meilleure option face à la force de Brendan qui pouvait la maîtriser à la moindre prise. De plus, elle voyait mal son ami lui porter des coups directes, ce qui la laissait présager pareil stratagème. Physiquement, cela ne se traduisait que par une souplesse accentuée aux niveau des articulations et une volonté de mouvement évidente dans les jambes.

- Allez, approchez vous donc, chasseur de démons... Lui dit-elle, taquine, en lui faisant signe de s'approcher.

Etait-ce bien le moment de s'occuper ainsi? Etant donné qu'ils allaient risqués leur vie d'ici peu, c'était sans doutes la chose à plus sage à faire. Pour eux deux, c'était sans doutes là un moyen de se vide l'esprit avant la montagne de défis qui les attendrait et dans le coeur de Cylicia, elle espérait que cela fasse oublier à Brendan, l'espace d'un instant, ce sombre passé qui le poursuivait jusqu'au fin fond des marais.

La jeune stryge demeura raisonnable et me répondit, sans pour autant décliner mon invitation en duel:

"Très bien mais ménageons nos efforts, les repas que nous avons ici, ainsi que nos objectifs, ne nous permettent pas tant de dépenses..."

Mais la raison fit rapidement place à l'étirement de ses ailes, et elle me lança alors avec un sourire confiant qui ne faisait qu'aiguiser mon envie de m'entraîner avec elle:

"Je ne suis plus la petite marchande que vous protégiez autrefois, ne croyez pas trop vite en votre victoire l'ami."

Elle se mit alors en position, une position que je ne connaissais pas et qui était sûrement tirée de sa formation de purificatrice. Elle semblait être une position plus défensive qu'offensive, ainsi je savais à quoi m'en tenir si je chargeais bêtement sur elle. Je me mis moi aussi en position, poing gauche devant le visage et poing droit légèrement plus bas, tel que ma mère m'avait enseigné la lutte. Le style de lutte que je pratiquais était vif, et très efficace en duel mais très peu contre plusieurs personnes. Par chance Cylicia était ma seule adversaire du moment, ainsi j'avais foi en mes capacités malgré la méfiance que j'avais vis à vis de ses propres capacités. Elle me lança alors, d'un ton de défi qui me plaisait:

"Allez, approchez vous donc, chasseur de démons..."

Je ne me fis pas prier et commençai à m'approcher d'elle doucement, tout en tournant afin de trouver une faille dans laquelle m'engouffrer. J'étais légèrement plus petit qu'elle mais également plus fort physiquement, elle avait donc une allonge légèrement meilleure que la mienne, là où j'avais sûrement une force de frappe plus conséquente. Je devais composer avec mes faiblesses et mes forces si je voulais avoir une chance face à elle. Et surtout, ne pas la sous-estimer. Je ne connaissais, après tout, pas du tout son style de combat, et il fallait donc que je demeure prudent. Elle aurait pû connaître le mien, en revanche, si elle s'était intéressé au style de lutte humain, car mon art martial était plutôt commun. Je décidai donc de tenter quelque chose afin de voir comment elle allait se défendre. Je fondis sur elle, rapidement, et tentai un premier coup droit dans ses côtes, accompagné d'un coup d'avant-bras vers la gorge. Des coups somme toute pas si difficiles à esquiver, mais c'était avant tout pour examiner sur quoi se basait son style de combat.

Brendan s'approchait timidement de la Stryge qui, de son côté, faisait de même pour tout simplement réduire l'écart entre elle et le mur. L'étroitesse de la cellule n'était pas à son avantage mais elle comptait bien faire avec, on ne choisissait pas toujours quand on se faisait agresser après tout. La position de Brendan ressemblait quelque peu à de la lutte, un art toujours utile lorsqu'on pèse son poids.

Doucement les deux être s'approchèrent, tournant l'un autour de l'autre, puis le Gardien lança l'assaut lorsque le moment lui sembla opportun. Le premier coup qu'il lança fut un coup de poing en direction de ses côtes. La Purificatrice fut quelque peu surprise, car elle s'attendait plutôt à une tentative de prise, mais elle eut le bon réflexe en abattant sa main sur l'avant bras du chasseur de démon, déviant ainsi son attaque. A peine eut-elle le temps de se reculer qu'un second coup vint presque lui effleurer la gorge. C'était le moment de contre-attaquer pour notre héroïne et de mettre en place cette pratique qui ne lui servait plus que très peu. Fidèle au style de la harpie, elle fondit sur sa proie, l'oeil vif, pendant que le chasseur de démon était finissait à peine son mouvement.

Quatre cible principale visait particulièrement cet art à moitié défensif. Les avants-bras et les jambes, à eux quatre seulement, dirigeaient tout le corps de la plupart des humanoïdes. Ainsi sont nés les concepts de "mains collantes" et de "jambes collantes" qui consistaient à empêcher l'adversaire d'usé de ses membres en priorité. Cet objectif en tête, Cylicia frappa tout d'abord sur l'avant bras de Brendan, celui avec lequel il avait tenté d'attaquer sa gorge, afin d'enrayer encore plus son mouvement, puis frappa cette fois-ci son bras dans la même lancée. On aurait dit qu'elle tentait plus de le repousser qu'autre chose. Une des grandes faiblesse de cette technique était son côté indirecte, mais si elle arrivait à mettre suffisamment de pression sur le Gardien, de part sa vitesse et sa technique, cela en valait la peine. Ainsi elle comptait continuer ses enchaînements, jusqu'à ce que son adversaire soit vaincu ou trouve une parade. Quelque chose d'étrange passa tout de même dans l'esprit de la Purificatrice, quelque chose proche de l'amertume. Même pour s'échauffer, elle supportait mal d'avoir pareils gestes envers lui...

HRP: