Jour 1 :

Je me réveille, je peux sentir le sable sur mon visage. À peine les yeux ouverts, je me rends compte de la triste réalité.
Je me rappelle de tout maintenant. Des vagues titanesques, un vent glacial tonitruant, Ϸórr¹ se déchaînant avec ses éclairs, l'âpre adrénaline envahissant l'âme des mortels avant la mort. Mon voyage aux vastes landes de Northumbrie a bel et bien tourné au carnage. Tous mes hommes ont péri. J'ose espérer qu'ils tenaient une arme, et je me dis que je prierai pour qu'Φɠinn² les acceptera parmi ses vaillants einherjis³. Ils ne méritent pas de finir leur existence chez Freya. Je ne verse pas la moindre larme, me disant que ce n'est qu'un au-revoir.

Pour le moment, je suis seul. Ma famille est encore à Wódengatt, à une distance probablement infinie d'ici. Je me considère donc un homme sans valeur, jusqu'à ce que je réussisse à reformer une famille digne de ce nom*. Comme disait mon père, svá segir hugr mér, je dois suivre mon hugr, mon instinct de nordique.
Je prends le temps d'analyser ma situation. Aucune trace de mon navire. Dommage, ce Knörr⁴ avait certaines pièces qui auraient pu m'être utile dans une telle situation. J'aperçois vaguement des collines, au loin.
Mais mon corps manquant cruellement d'énergie ne m'aide pas. Mes membres protestent au moindre de mes mouvements, ma vision est brouillée, et je sens mes poumons gorgés de sel. J'éprouve du mal à respirer normalement.
J'ai énormément voyagé dans ma vie, aucune côte de méditerranée ne m'est inconnue, mais cet endroit ne m'est aucunement familier.
Je n'ai plus rien à ma disposition, il me faut obligatoirement une arme, et de la nourriture. Je ne ferai pas long feu avec mes vêtements déchirés. Même LifrÞasir⁵, ma fidèle lame, s'en est allée. Je l'ai dégainée au dernier moment avant que notre Knörr ne percute cette vague titanesque, pour être élu des Valkyries.

Comme si les dieux n'ont pas étanché leur soif de torture de mon fylgia⁶, Sól⁷ se déchaine sur moi à son tour. Heureusement, j'ai toujours mon pendentif marteau, seul vestige de ma vie d'avant. je passe mes doigts dessus... ai-je offensé les dieux ? Était-ce simplement le Destin*, ou alors un avertissement ? Dans ce cas, j'aurais préféré que les morts me reviennent en rêve sous forme de draugr terrifiant dans mes rêves plutôt qu'à endurer ça. Une quarantaine d'homme et leurs familles n'ont pas à souffrir pour la grâce d'un seul mortel.
Noralya, ma fidèle louve qui ne m'a jamais laissé tomber, même dans les batailles les plus meurtrières. Fénrir en serait jaloux. Je ne la reverrai pas avant un long moment. Lóki lui-même a sûrement eu un rôle à jouer dans cette tragédie, pour oser séparer un homme de sa fidèle monture.
J'avance lentement vers ma nouvelle vie en chancelant, sans me défaire de la pensée que les dieux ont été horriblement injustes.

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