Aux abords de l'Institut de Magie, nichée au creux de la forêt Silfaën, la centauresse faisait route vers la clairière des centaures. Elle savait qu'elle n'atteindrait jamais les hautes sphères magiques de cet édifice à la différence de son ancien mentor, jadis. La tradition voulait que pour être accepté en ces lieux il fallait être doué de magie. Semblerait-il que cette condition émanait directement du Père Tungstène ; une sorte de purification naturelle des lieux. Cela importait peu pour Veronia, mais même s'il elle n'était jamais entrée en ces lieux, elle appréciait rôder autour de la forteresse végétal quand elle regagnait sa terre natale.

Ainsi elle contourna la structure, et remarqua-t-elle, sous le regard insistant d'un chat noir, lui-même perché sur un gros rocher. Assis là, immobile, il ne cessa de regarder en là direction de l'équidé. Cette dernière commença à s'inquiéter, non pas par crainte, mais plutôt pour l'image qu'auraient pu avoir les membres de l'institut si, d'un coup d'un seul, une escarmouche des plus ridicules se déclarait sous leurs fenêtres... Veronia ne changea pas de trajectoire. Désormais à portée du félin, ce dernier s'allongea, remuant une fesse après l'autre comme prêt à bondir.

Soudain, le bougre s'éjecta sur la centauresse qui s'était préparée à contrer l'attaque d'un coup de bouclier, parée à l'empêcher de la griffer ou de la mordre, mais c'était sans compter sur l'objectif réel de l'animal. Ni une, ni deux, il s'était servit de la croupe équestre de l'hybride pour se propulser à nouveau sur un rongeur dissimulé dans les fourrés.

Arrivant à la clairière des centaures elle reconnut quelques têtes qui la saluèrent, quelques jeunes centaures vinrent l'accueillir avec un peu plus d'entrain, lui offrant au passage un panier de fruits. Elle ne dégusta qu'une fraise dont la saveur agréable la laissa en suspens quelques secondes. Puis, elle déposa le réceptacle sur une table en pierre - elle n'était pas ici pour se goinfrer pardi - et s'en alla pour réaliser ce pourquoi elle était venue ; couper du bois.

Marchand:

La centauresse s'était rapidement remise au travail. La pause déjeuner n'avait été que trop longue pour Veronia qui n'appréciait guère de laisser filer inutilement les précieuses minutes de son temps. Approchant les trois siècles de vie en cette bonne terre, elle commençait à voir venir le bout du tunnel comme certains aimaient à le dire. Bien entendu, elle était probablement moins en forme qu'à l'époque de sa fervente jeunesse, mais elle n'en perdait pas ses atouts d'antan. C'est donc naturellement que temps à autre, elle venait en aide à son peuple en assurant l’approvisionnement de troncs d'arbres issus de Silfaën. A défaut de couper du bois, elle le transportait vers ses congénères.

Harnachée à la croupe avec le matériel adéquat, traîner un tronc d'arbre n'était point rebutant pour l'équidé. Elle y trouvait un intérêt majeur quant à l'entretien de son anatomie. D'aucuns disaient que l'âge imposait quelques restrictions sportives, mais c'était une vision qu'elle ne partageait guère. Seule la volonté et la détermination comptait. Évidemment, les âges défilant, les activités et leurs intensités respectives pouvaient s'amoindrir, mais cela n'était pas une raison de se laisser aller vers la perdition.

Bien que désormais en sueur, les gouttes perlant sur son visage et son buste à demi-découvert, elle continua à avancer, lentement mais sûrement, vers sa destination : la clairière des centaures. Un engagement devait être respecté, et aujourd'hui, n'ayant point prévu de couper des arbres, il fallait bien contribuer à la prospérité, si maigre fusse-t-elle, de sa contrée natale. C'était ainsi que fonctionnait ce semblant de civilisation, chacun devait apporter sa pierre à l'édifice, quel qu’en soit la méthode. En ces lieux anciens elle n'était pas la sœur d'armes de la compagnie Egide, plutôt une fille de Magnésie parmi sa multitude de progénitures.