Les aventures s’enchainèrent et le temps passa, l’enfant du Nord se retrouva mêlé à de nombreuses périphéries dans de nombreux lieux de Dùralas et participa à plusieurs actions en tant que Gardien. Quelques années auparavant, Elijah quitta les ennuyeuses, mais si chaleureuses terres de son village natal au sein des plaines d’Aràn pour prendre la route vers le centre du continent, la capitale nommée Stellaraë. À cette époque, le jeune garçon rêvait d’aventures, mais surtout d’une pléthore de paysages aussi variés qu’impressionnants. Le jeune aventurier se voyait déjà parcourir les terres connues aux quatre coins des points cardinaux, il se voyait ensuite découvrir les terres par-delà le continent voire même découvrir de nouveaux lieux au sein même de ce continent. Nullement héros dans l’âme. Nullement vengeur dans l’âme. Le désir originel d’Elijah Arturson était simplement de parcourir le monde et de marquer de son pas les terres de ce monde tandis que l’image de ces nombreux paysages s’imprimerait dans son esprit et sa mémoire.  

La réalité était une chose qui se voulait particulièrement amère et qui avait tendance à confronter le garçon qu’il le veuille ou non et c’est en s’imposant à lui qu’il se retrouve à le changer petit à petit en l’homme qu’il deviendra. Fils de milicien, Petit-fils d’un demi-géant nordien, cadet d’une fratrie de trois garçons, l’enfance d’Elijah Arturson n’était pas parfaite, mais ce dernier avait pu grandir dans un cocon remplit d’amour et de sécurité qui lui avait permis d’agir comme bon lui semblait sans qu’il n’ait à faire face aux événements. Malheureusement, cette protection s’arrêta le jour où il confronta son père afin de pouvoir quitter sa famille et vivre la grande aventure.  

Lui qui désirait voir du paysage se retrouva alors à voir bien plus qu’il n’en aurait désiré. Plus précisément, le jeune garçon se retrouva à percevoir la réalité du monde au travers des actions d’autrui, mais aussi des siennes. Il vit couler le sang de créatures telles que les kobolds, il découvrit la rudesse de la vie et de la nécessité de l’argent, il blessa de nombreuses personnes et fut blessé en retour, il se découvrit un certain intérêt pour les femmes d’un certain âge... Il vit la mort de personnes qu’il côtoyait, il découvrit un artéfact et devint une sorte de magicien, il rencontra de nombreux individus amicaux ou non, il rejoint l’académie de magie, il travailla dans les mines... Le jeune homme fut confronté aux ténèbres de certains individus, il se retrouva face à une marée de corps sans vie et de personnes gravement blessées, il finit même par être lui-même à l’origine de la mort d’un autre être humain.  

Mais derrière toute cette noirceur, derrière ce sang, l’homme du Nord rencontra des personnes de confiance avec qui il put grandir - même certains vinrent à titiller sa boussole morale -. Au travers de ce voyage, il se découvrit et redécouvrit lui-même et devint une version de lui-même bien différent de ce qu’il attendait sans que cela soit forcément pour le pire. S’il en venait à s’arrêter maintenant et à retourner dans son village, il aurait déjà assez d’histoires à raconter pour passer le reste de sa vie en tant que Héros du village et à faire briller le regard des jeunes générations jusqu’à sa mort. L’épéiste retrouverait son cocon d’amour et de protection, il pourrait aisément y vivre une vie simple en reprenant la forge avec son père - même s’il devait sûrement refaire son apprentissage n’ayant rien forgé depuis son départ - et pourrait y fonder une famille avec un amour de jeunesse. Le Gardien repensa à plusieurs jeunes femmes – et d’autres moins jeunes – qui avaient attisé son cœur, sa pensée et autre chose dans son adolescence. La jeune fille du fermier voisin, la jeune chasseuse du village d’à côté, la bagarreuse qui rêvait de devenir une Milicienne, la grande sœur du gros Erik... la... mère de son ami Viggö.  

Oui, Elijah Arturson serait sûrement un grand nom pour son village s’il en venait à rentrer, aujourd’hui. Malgré que sa flamme fût malmenée au cours de ses voyages et que son ambition première finit par se taire et laisser place à d’autres objectifs de vie, le brasier de son âme restait toujours là et le Guerrier du Nord comptait continuer à l’alimenter.  

Allongé sur son lit, par-dessus les couvertures, il entendit les oiseaux qui discutaient entre eux tandis que le soleil se levait peu à peu. Sa chaleur marquant petit à petit la peau de l’épéiste. Il ouvrit les yeux et regarda par la fenêtre. Les gens s’éparpillaient, se hâtaient, se disputaient, commerçaient. Les différents étals s’affairaient déjà à attirer des clients par-ci, par-là. Il prit une grande inspiration et expira lentement en observant le paysage lointain, au-dessus des autres bâtisses, par-delà l’horizon. Sa pensée fut interrompue par une voix roque et portante qui semblait lui être adressé, il chercha l’individu du regard et croisa celui d’un marchand :  

“Hé ! M’sieur ! Ouais, vous là ! Une pomme, ça vous diraut pô ? Elles sont bieng sucrées et bieng juteuses mes bonnes pommes, j’vous l’jure sur m’un nom !  

Combien ? demanda le Nordique.  

Un sou, l’pomme ! Ni plus ni moins !  

Je t’en prends trois, alors, sourit-il.  

J’t’offre l’quatrième vu qu’tì m’as l’air bieng sympô ! Se targua le bonhomme bedonnant.”  

Le guerrier s’habilla rapidement en laissant son équipement défensif dans sa chambre, il se contenta de placer sa lame à sa ceinture avant d’ouvrir la porte de sa chambre. Il descendit et salua la tavernière d’un sourire accompagné d’un geste de la tête. Hors de la taverne, Elijah s’avança jusqu’à l’étal du marchand de pommes et lui dit :  

“Me voilà !  

Hé bah ! T’avaut faim, tì ! cria le marchand en souriant à pleines dents – enfin presque vu qu’il semblait lui en manquer pas mal -.  

Voici les 3 sous, dit-il en lui tendant l’argent.  

Allez, goûte meuh ça et n'hésite pô à rev’nir !”  

Le Gardien se balada un peu dans les ruelles en mangeant l’une des pommes. Le marchand ne lui avait pas menti, elles étaient délicieuses, sucrées et bien juteuses. Elijah croisa un groupe de trois enfants qui chahutaient dans les ruelles, il les appela et leur tendit le sachet de pommes en leur souhaitant le bon appétit tandis qu’il léchait ses doigts.