Le soir tombait sur la forêt de sapins, le ciel changeant, prenait peu à peu ses teintes roses et orangées. L’ensemble de la forêt semblait s’apaiser, les bruits distants de ses habitants laissaient place à un paisible silence. Cyrus, alors sous sa forme humaine, avait longuement voyagé, mais avait enfin fini par arriver à cette forêt dont il eut entendu parler dans sa jeunesse. Ce ne fut pas un voyage des plus reposant pour cet aventurier en devenir. La faim le tenaillait et ses vêtements avaient subi les affres des rudes conditions d’un voyage mal préparé. Sa chemise blanche était marquée par la saleté et semblait bien ample pour un jeune homme de sa taille. Ses bottes étaient usées et ne semblaient tenir uniquement grâce à de petites réparations de fortune. Il marchait alors presque sans but, s’enfonçant un peu plus à chaque instant dans ce bois si vaste. La luminosité semblait baisser lorsqu’il sentit une odeur singulière au loin. Il sentait le bois de pin brûlé, une odeur trop discrète pour un incendie, mais assez forte pour ne laisser aucune place au doute de sa présence. Y avait-il quelqu'un d’autre ici ?

C’est en avançant avec difficulté que son esprit divagua vers des souvenirs anciens. Il se rappela de ce Minotaure qui disait vivre au milieu de la forêt de sapin. Peut-être était-ce lui ? Peut-être qu’il saura me venir en aide une seconde fois ? Se dit-il.

C’est lorsque le soleil était à moitié derrière l'horizon qu’il tombât sur la source de cette odeur. Une cabane, assez haute en taille, mais qui semblait bien vétuste. Sa structure était couverte par endroit d’une mousse verte. La toiture semblait avoir été à peine rafistolée. Une lueur en émanait, celle d’un foyer actif. Il entre aperçu derrière un angle de la bâtisse, une silhouette plus imposante que lui se mouvoir. Et c’est sur un ton manquant d’assurance que le jeune lycan, toujours humain, s’exclama:


"Monsieur le minotaure, est-ce bien vous ? C’est humblement que je viens vous demander votre aide une nouvelle fois."

C’est en entendant la voix féminine et craintive que Cyrus se dévoila pleinement. Il fit face à son interlocutrice à moitié cachée, se fiant à sa brillante chevelure pour la repérer, non sans une certaine facilité. Il prit soin de mettre ses mains en évidence pour prouver sa bienveillance. Il était là, se tenant à l’extrémité du potager, le regard inquiet qui cherchait à identifier la nature de la femme qui se tenait devant lui. Puis il reprit la parole, s'efforçant de se montrer le plus rassurant possible avec son habituelle voix suave et chaleureuse.

“Pardonnez-moi ! Je ne voulais pas vous faire peur. Je ne vous veux aucun mal, vous pouvez vous dévoiler pleinement.”

il garda une certaine distance, non pas par crainte, mais plutôt par respect pour la peur qu’une rencontre impromptue, comme lui, pourrait avoir sur une personne insouciante. Ne sachant comment réagir autrement, le jeune homme profita de sa forme humaine pour tenter une révérence polie vers la biche. Mais son origine d’artisan se rappelle bien vite à lui lors de l'exécution de cette dernière. Ses mouvements étaient peu précis et la révérence grossièrement faite. Mais peut-être que cela allait être suffisant pour rassurer son interlocutrice, sinon, cela aurait peut-être l’effet d’être comique.

C’est au milieu de sa révérence qu’il eut un déclic sur la nature de la majestueuse créature à qui il s’adressait. il relava la tête en direction de l’être craintif et reprit:

“Seriez vous … la fille de ce vieux minotaure ? Ash…”  

il eut bien du mal à trouver les syllabes manquantes dans cette situation ou sa mémoire lui jouait des tours.

Cyrus était bien conscient que sa révérence était risible. Cependant il n’en était pas honteux ni déçu car son but fut atteint. Il était satisfait de voir qu’elle eut l’effet  d’adoucir la tension dans l’air et rassurer son interlocutrice. C’est en revanche avec une certaine surprise que le jeune homme observa la grande biche dans toute sa splendeur, s’avancer vers lui. C’est principalement la différence de taille qui le marqua en cet instant et le laissa sans voix quelques secondes. Alors que sa sombre chevelure, portée par une douce brise glacée, se voyait virevolter quant d’autre mèche rebelle viennent s'abattre contre les formes creuse de ses joues, il prit la parole:

- j’apprécie votre proposition madame, mais je ne viens point chercher des soins. J’avais espéré demander à votre père son hospitalité, au moins pour une nuit avant de repartir à l’aube.

Il marqua une courte pause et regarda Ashaisha, visiblement toujours sur ses gardes

- Je suis navré d’apprendre qu’il a disparu. C’était … c’est un Minotaure bien. Auriez vous des pistes ?

Il était debout, toujours pataugeant dans la boue du potager, son regard balayait souvent la scène, et regardait les lointains pins faiblement illuminés par les derniers rayons du jour. Un bref soupçon d’inquiétude semblait se dessiner dans ses yeux lorsqu’il plongeait son regard dans l’horizon. Puis enfin il admira le potager et les nombreuses plantes qui y poussaient. Son esprit divagua un bref instant, il s’imaginait les différents mélanges et parfums que pourraient fournir certaines plantes. Ses vêtements, en salle état, laissaient péniblement distinguer une marque sur sa peau parcourant son torse. Celle de griffes lacérantes qui ont laissé sur leur sillage une blessure qui s’est depuis longtemps refermée.

Voyant la larme perlant sur les courbes de la joue de l’élaphaure il voulut porter sa main sur elle en signe de réconfort mais finit par se raviser en la voyant se reprendre et afficher un demi-sourire. Elle était bien affectée par cette disparition, comme le serait tout enfant envers la disparition d’un membre de sa famille. Mais elle était également douée d’une force mentale impressionnante et d’une certaine forme de sagesse qui marqua Cyrus.


- J’espère de tout coeur que vous finirez par le retrouver, sachez que si je peux vous aider dans cette quête je le ferai. Et je vous remercie pour votre hospitalité. Asha donc, je veillerais à faire attention à ne plus vous appeler madame.

le panier en main, il posa un genou à terre près des pieds de haricots pour en commencer la récolte. Son genoux s’embourba dans le sol humide et frais tandis qu’il posa son panier d’osier tressé à ses côtés. Sa main venait habilement se saisir des fruits de cette plante et les décrocher avec un mouvement subtil du poignet et un coup sec. Le fruit de sa récolte commençait à s’accumuler au fond de son panier formant un anarchique tapis verdâtre. Son travail était peut-être machinal mais il prenait soin de ne récupérer que les meilleures cosses et cela le laissait libre de discuter avec son hôte.


- Je m’excuse, je ne me suis pas encore présenté, vous pouvez m'appeler Cyrus.

Il marqua une courte pause tout en continuant sa récolte avant de reprendre d’une voix douce teintée d'interrogation.

- vous dîtes que vous avez donc une bête sauvage qui rôde dans les environs mais que vous l’avez apprivoisée ? Vous semblez parler comme étant certaine qu’elle viendra. Comment pouvez-vous en être aussi sûr ? Vient-elle régulièrement pour se nourrir ? Devons-nous lui préparer un repas ?

Son regard quitta un bref instant son travail pour se porter à nouveau sur l'horizon. Et plus particulièrement sur la cime des arbres. Il semblait chercher ardemment les quelques rayons de soleil qui perçaient les épais branchages. Bien que la lumière venait à diminuer à chaque instant, le jour éclairait encore brièvement la forêt. Un semblant d’inquiétude se dessinait dans le regard perçant et ambré du jeune homme. Pour sortir de ses pensées, il se dressa avec le panier suffisamment plein pour le présenter à son hôte. Un peu de terre avait trouvé son chemin dans le fond du panier et venait partiellement entacher de brun le resplendissant vert des cosses de haricots.


- Je n’ai pas exactement la main verte, mais j’espère que cela aura suffi pour le repas de ce soir. En revanche, j’ai quelques connaissances en cuisine, je pourrais peut-être vous aider à la préparation.

dit-il avec un sourire chaleureux presque enfantin. fier de pouvoir proposer ses talents de cuisine à son hôte, si toutefois tel était son désir.

En entrant dans la demeure, Cyrus fut impressionné de la hauteur de la pièce et des proportions tout aussi importantes du mobilier. Il faisait bien petit face à ces dimensions, du haut de son mètre soixante-quinze. A peine invité par son hôte à s’installer au fourneau qu’il esquissa un sourire face à cette grande cuisine qu’il avait devant lui. Les idées de plats fusaient dans son esprit, il se voyait déjà mélanger et travailler les ingrédients les uns après les autres. Il voyait pourtant qu’un ingrédient manquait à son plan, des œufs. Qu’importe, cela n’aura pas la texture parfaite qu’il envisageait, mais la recette resterait envisageable. Par respect pour le régime de son hôte, aucune viandes ou protéines de ce genre ne sauraient finir dans l'assiette cette dernière.

Il prit alors les devants en commençant pas se débarbouiller un peu et assurer une hygiène convenable des mains pour commencer sa cuisine.

- Asseyez vous asha, mettez “sabots sous table”, c’est la moindre des choses que je puisse faire pour mon hôte.

dit-il avec un grand sourire.
Il commença par allumer un feu dans le foyer afin d’assurer une température convenable dans la pièce mais également pour la cuisson. Un couteau en main, il prit les patates pour les soulager de leurs peaux. Si elles pouvaient s'avérer utile dans certaines recettes, ce n’était pas le cas ici. Il fit de même avec les carottes avant de les jeter dans une casserole pleine d’eau salée accompagnées des patates épluchées. Puis, il plaça le récipient sur le feu afin d’en faire bouillir l’eau et cuire les légumes qui s’y trouvaient.

- Vous dîtes qu’elle vient à chaque pleine lune ? J’en conclus donc que c’est la pleine ce soir également, n’est ce pas ?

Il marqua un petit temps de pause et semblait préoccupé par quelque chose de totalement différent à sa cuisine.  Son regard se porta un bref instant vers les vitres qui menaient à l’extérieur. Un petit regard en coin se posa un bref instant sur la biche avant de se reprendre et de continuer son œuvre.

Alors que chauffait cette préparation, Cyrus se lança dans l’accompagnement. Une poêlée de fèves et de champignons. Dans une grande poêle en fonte, il ajouta une grande noisette de beurre qu’il aida à fondre d’un coup de spatule en bois. Il prenait garde à retirer du feu sa poêle pour ne pas faire brûler le beurre lorsque ce dernier commença à virer au brun. Il ajouta alors les fèves et les champignons coupés en dés grossiers. Les aliments commençaient alors à dorer sur le feu lorsque d’une pincée de doigt il saupoudra du sel et des herbes finement ciselées et deux ails en chemise pour parfumer le sauté de légumes.

C’est une fois sa poêlée chaude qu’il reprit sa casserole et précisément les carottes et les patates pour les égoutter. Il plaça alors le tout dans un bol en bois de grande taille avant de mixer à l’aide d’un mortier, les deux types de tubercules. Créant alors une purée fine et délicate aux couleurs orangées. Il ajoute un peu de fromage émincé que Asha lui avait donné ainsi qu’un peu de farine tout en continuant de remuer sa préparation pour lier le tout.

Alors que l’on pensait la préparation finie, il mit dans une poêle chaude, des petits pâtons de cette préparation. Sous son propre poids, les pattons s'affaissaient pour former des petites galettes.


Il conclut alors son instant cuisine en venant servir son hôte en premier. Dans un coin de l’assiette en bois, la poêlée de fèves et champignons accompagné d’un peu de leurs sauce. De l’autre côté, deux galettes de pommes de terre - carotte. Cependant sans oeufs, la texture de ces galettes était moins aérée.

- Bon appétit Asha, j’espère que cette préparation vous plaira.

Cyrus s’installa à la table devant Asha, de par sa taille, assit, n’était pas une option propice pour obtenir la bonne hauteur devant ce mobilier fait pour des gens de plus grandes tailles.
Ainsi il resta debout à la table, face à son hôte. Il esquisse un grand sourire satisfait en voyant celle qui l’avait accueilli prendre plaisir à savourer ce qu’il avait préparé. Un plaisir vorace non dissimulé alors qu’elle dévore sa portion. A n’en point douter elle avait un grand appétit, ce dit Cyrus. Mais ce sourire disparu un bref instant alors qu’il s'apprêtait à répondre aux questions d’Asha.

- Eh bien, j’avais pour but de me rendre à BaldorHeim. A vrai dire, je cherche à affûter mes compétences et mes talents afin de pouvoir m’assurer un minimum de chance de survie, de quoi me lancer réellement dans le métier d’aventurier.

Il se saisit alors d’une de ces galettes avant de la porter à sa bouche pour se délecter de sa préparation. il Poursuit le repas quelques instants avant de reprendre:

- Tout à l'heure vous m’avez assuré qu’il s’agissait de la pleine lune. J’ai peur que vous ayez raison, j’ai bien peur de quelque chose. Mais il ne s'agissait pas de votre compagnon. Voyez, je ne pensais pas devoir vous dévoiler ceci. Je suis un lycanthrope, un lycanthrope qui ne se maîtrise pas entièrement sous l'influence de la pleine lune. Ma crainte trouve sa source dans ma volonté de ne point vous blesser, mais sous cette forme je ne peux l’assurer.

Votre amie, sa présence répétée les soirs de pleine lune. Cela me laisse à penser qu’elle serait peut-être comme moi.

Son visage s'adoucit, légèrement gêné par cet aveu sur sa véritable nature. Il appréhendait également la réaction de la biche qui s’était montrée très généreuse à son égard. Son assiette n’est qu'à moitié entamée, son regard figé sur la biche alors qu’il attendait une réaction qui pourrait être craintive ou hostile.

Il laissa échapper un petit soupir du nez amusé lorsqu’il vit la voracité de la jeune biche qui semblait savourer son repas. Lorsqu’elle lui parlait de l’accompagner vers BaldorHeim il se sentit comme soulagé. C’est vrai qu’être accompagné diminue grandement les chances de s’exposer à des rencontres dangereuses. Et l‘élaphaure semblait être de bonne compagnie. Il hocha la tête à cette proposition.

-Je pourrais également vous aider dans vos préparatifs pour votre voyage.

Alors qu’il reprit une bouchée de son plat, Cyrus leva un sourcil intrigué en remarquant que son hôte n’avait visiblement pas la moindre peur à son égard après cette révélation. Un mélange étrange et contradictoire de soulagement et d’inquiétude. S’il venait à perdre le contrôle, il préférait très certainement éviter de se défender ou d’attaquer l’amie de jeune femme. Malgré tout, cela restait une option plus préférable à celle de porter la main sur une personne qui venait de lui venir en aide. S’enfermer dans une pièce pourrait aussi s’avérer être un bon plan pour se cacher de la bête, tant qu’elle n’est pas assez intriguée pour rentrer dans ladite pièce.

toujours confiant de sa théorie concernant la nature réelle de cette amie, le jeune homme reprit:

- Vous ne l’aurez peut-être pas su au bout de trois années parce qu’elle n’est présente que sous sa forme animale les soirs de pleine lune. Gardez tout de même cette idée en tête asha. Mais qu’importe sa véritable nature, ça n’aura de toute façon pas d'impact sur votre relation de ce que j’ai cru comprendre, vous la portée en haute estime et il semble qu’elle vous fasse assez confiance pour vous retrouver chaque soir de pleine lune.

Cyrus entendit bien moins clairement le rugissement bestial qui avait résonné au loin. Cependant elle avait remarqué le sourire de la cervidé et le réflexe d’orientation de ses longues oreilles. A n’en point douter il n’avait pas rêvé ce bruit et cela semblait même faire esquisser un sourire à Asha.

- C’est elle, n’est ce pas ?

conclut-il avec un sourire également aux lèvres. Les rayons du jour semblaient peu à peu s’éloigner derrière l’horizon pour ne laisser place qu’aux délicates lueurs tamisées du foyer. La nuit ne tardera pas à se dévoiler accompagné de son astre splendide.

L'élaphaure , visiblement bien plus accaparé par les bruits distant de sa compagnon que par les dires de son invité, n’écoutait déjà  plus que d’une oreille voir plus du tout ce que Cyrus avait à dire. Il s’en rendit bien vite compte et c’est légèrement irrité qu’il cessa simplement de tergiverser pour laisser son hôte se réunir avec son amie de longue date.

La hâte dont fait preuve la jeune biche dans cette situation surprend le jeune homme qui voit la table manqué de se retourner. Il s’empressa de retenir la table grossièrement ouvragée dans du bois massif, tandis qu’elle sortait à toute berzingue de sa cabane, laissant ce dernier seul quelques instants.

Alors qu’il laissait échapper un soupir soulagé d’avoir sauvé cette table d’une chute bruyante, Cyrus fut ébloui par l'éclat singulier qu'il craignait tant. La lune gratifia le ciel de sa présence et repoussait les ténèbres de la sombre forêt de sapin. C'est alors que Cyrus fut assailli par une vive douleur dans sa poitrine. Son rythme cardiaque semblait s'emballer, surpris il tomba genoux à terre, sa respiration s’accélère alors que la douleur se propageait dans son être. Il ne laissa échapper qu'un juron avant que la douleur ne le fasse taire.

Ses mains, qui peinaient à se tenir sur le rebord de la table à nouveau stable, se virent peu à peu changer. Ces dernières s'allongeaient de quelques centimètre et gagnaient de tranchante griffes d'un noir d'encre en leurs extrémité avec lesquelles ils vient escinter accidentellement le meuble qu'il venait de secourir.
Cette transformation rapide et soudaine pousse le jeune lycan à laisser échapper plusieurs râles de douleur qui se transforment peu à peu en grognement bestial. L'éclat de la pleine lune avait fini par rattraper Cyrus. Malgré son héritage, la maîtrise de la lycanthropie lunaire restait pour lui un mystère et c'est à présent plus par instinct bestial qu'il agit.

Le bruit des os craquelants laissèrent place au pas lourd d'une masse bestial dans la petite demeure, l'écho de cette transformation résonnait alors que les objets légers étaient projetés au sol dans un fracas de bois et de vaisselle.
Il ne fallut que quelques instants pour que la transformation ne soit complète, mais sa nature brutale et rapide la rendait particulièrement audible à ceux assez attentif et proche pour voir les son viscéral remonter à leurs oreilles.

Le pelage noir du loup était pleinement dévoilé, il se tenait sur ses quatres pattes tel une bête au milieu de la petite pièce à vivre. Les quelques parties de sa peau noiratre exposées étaient couverte de perles d'eau qui glissaient le long de ses courbes et de sa musculature.
Sa respiration saccadée bombait son dos légèrement courbé et se voyait ponctuée d'un grondement canin incontrôlé. Le bruit clair de ses pattes griffues caressant le sol rustique de la petite cabane trahissait chacun de ses mouvements tandis qu'il cherchait à explorer sous cette nouvelle forme, son environnement.

Sa truffe plus aiguisée le laissait apprécier le repas du soir sous de nouveau parfum plus puissant. Le vent portait à lui la délicate odeur de son hôte et celle d'un autre prédateur très proche. Son esprit n'était plus assez clair pour parler, plus inquiétant encore, aveuglé par l'éclat de la lune, son humanité ne semblait n'être qu'un passager impuissant dans ce corps guidé par une animosité lupine. Une animosité qui ne se sentait alors que légèrement désorientée et qui vouait une insatiable curiosité pour son environnement étrangé.

Il fallut quelques instants au lycan pour reprendre son souffle après une telle transformation. Une respiration lourde, profonde et à l’arrière son bestial. Un bref silence s’était installé qui laissait raisonner dans la petite pièce, le son distinct des griffes caressant le bois accompagné de quelque couinement canin aigu de souffrance.

Le loup, alors encore un peu étourdi, s’efforça à se ressaisir, sachant qu’un prédateur concurrent était non loin. Ce dernier, au parfum félin, confirma sa présence en poussant divers cris et feulements agressifs en direction de la cabane et par extension du jeune loup. Sachant que l'animal s’approchait de lui, le canidé poussa un grognement le plus agressif possible, les babines relevées pour dévoiler des rangées de crocs qui s'avéraient être de redoutables armes au même titre que ses longues griffes tranchantes.

Malgré les avertissements bestiaux, la jeune puma passa sa tête derrière l'encadrure de la porte pour porter son regard vers le potentiel danger que représentait l’individu qu’elle ne connaissait pas. Une menace trop grande pour le loup qui se releva sur ses deux pattes pour porter une attaque plongeante d’une patte en direction de Kawisenta. Un réflexe de l’agile félin lui évita de se faire frapper mais laissa le cadre de la porte bien amoché par l’impact du coup.

Cyrus porta un second coup moins létal qui propulsa Kawisente en arrière et laissa le loup se dévoiler aux yeux de la grande biche sous les lueurs froides de la lune. Un loup bipède à la musculature plus dessinée et au pelage noir, grognant et rugissant de manière bestiale face à la menace qu’il affrontait. Son regard luisant ambré, bien plus profond que sous sa forme humaine, se porta sur la silhouette de la biche. Une vue presque apaisante d’une personne qui lui avait été agréable mais qui semblait bien apeurée par la situation. Ne représentant aucune menace pour le lycan pour le moment, cela l'incita brièvement à se calmer. Brièvement en effet car bien qu’il ne semblait faire montre d’aucune hostilité envers l’hybride, elle était gardée par une autre créature bien moins calme.

Dressé sur ses pattes arrière, fièrement debout malgré sa taille plus petite que la bête qu’il affrontait, il se montrait prêt à en découdre. Griffes apparentes et écartées, prêtes à porter de violents coups lacérant. Sa peau, plus proche du cuir à présent, semblait parfaitement prête à encaisser les griffes et crocs de la bête qui lui faisait face. Il poussa vers le félin, un rugissement guttural puissant qui résonne dans un écho distant dans la forêt.

Éclairée par le scintillement de la vive lueur de la lune, la bête lupine se tenait au milieu de cette terre boueuse qui jonchait le sol devant le cabanon. Une boue sèche en raison du climat frais typique de la forêt de sapin qui rendait bien salissant la moindre traversé..

Sa posture, qui se voulait menaçante change brièvement face aux agissements étonnants de la part de la biche. Devant cette nouvelle approche, le lycan pencha un instant sa tête sur le côté, laissant interprété un soupçons de surprise et un air intrigué par la stratégie de ce cervidé. Il en profita pour s'approcher lentement de cette dernière, d’abord reposant sur ses deux puissantes pattes arrière. Chacun de ses pas frappaient le sol avec une certaine lourdeur, qui enfonçaient quelque peu dans la terre meuble et humide ses pattes canines et laissaient après leur passage des traces lupines détaillées.

Tout en s'approchant, Cyrus veillait à surveiller du coin de l'œil les agissements de Kawisenta. Cette dernière, imitant son amie, s’était recroqueviller sur elle même, réduisant la menace quel pouvait représenter. Mais il n'en restait pas moins méfiant, particulièrement dû au précédent grondement et échange de coups,ainsi Cyrus n'hésitait pas par moment à grogner et montrer les crocs pour s'assurer le maintien du statu quo entre les deux créatures.

A mis distance, Il contemplait les options qui se présentaient à lui. Son instinct vacillait entre l'opportunité de s'enfuir dans les bois offerte par l'accalmie instaurée par le courage de la quadrupède mais de l'autre, il voyait en ces deux créatures un potentiel délicieux repas saignant.

Maintenant, à quelque mètre de finir son approche, le loup posa ses quatre membres au sol se déplaçant à l'instar d'un canidé. Son esprit toujours embrumé, le força à s'approcher en retenant constamment de longs grognements entre ses crocs. Il était là, proche, continuant d’avancer à pas de loup. Quelques précieux centimètres de plus qui mettaient la jeune Asha en portée de griffe. Il continua pourtant encore, outre passant l'espace vital de la jeune cervidé. Oppressant malgré lui de sa présence. Lentement, sa mâchoire garnie de crocs s'approcha des coubres délicates du cou de sa proie, de son amie, de son hôte, de son repas… lui-même ne savait pas, ne savait plus. Un souffle humide et chaleureux, échappé de la gueule entre ouverte de la bête sombre, caressa la douce peau dénuée de teinte de l'albinos, ponctuant ce moment dans un très bref silence. Peut-être offrait-il une ultime action à sa jeune comparse ou peut-être cherchait-il quoi faire en cet instant.