Macha déambulait au milieu des ruelles dans sa maigre robe noire, les mains enfoncées dans les poches de sa cape noire rabattue sur ses cheveux. Les bottes de grand chemin enserrant ses jambes fines se trainaient mollement sur le chemin, soulevant la poussière. La vie manque cruellement de piquant quand on est une ado solitaire avec des hormones en ébullition et des rêves de grandeur mais que le pouvoir immense que l'on sent poindre est tellement instable qu'on ne parvient à rien. Macha était frustrée, à plus d'un titre, et la frustration l'amenait à faire toutes sortes d'expériences étranges pour tenter d'apprivoiser un pouvoir dont elle ne savait rien. A cette heure les échecs s'accumulaient et l'ennui la gagnait petit à petit, l'amenant à baisser sa garde et à devenir de plus en plus intrépide pour le tromper. Elle en avait presque oublié que quelqu'un souhaitait sa mort, quelque part, et que ce quelqu'un pouvait très bien être à deux pas d'elle sans qu'elle le sache. Elle en avait marre de se cacher, elle voulait passer une nouvelle étape et profiter un peu plus de la seconde chance qui lui était offerte.

Elle fit alors quelque chose qu'elle ne s'était pas autorisée à faire depuis des mois: elle baissa son capuchon en pleine journée, en pleine rue, laissant le soleil inonder ses cheveux d'or pâle et leva son visage vers le soleil brûlant du milieu de la journée. Les rayons venant frapper sa peau d'albâtre diffusèrent une douce chaleur, faisant rayonner son visage, avant de laisser une sensation de brûlure. Il faisait chaud ici et sa peau n'était pas habituée. Très vite quelques rougeurs apparurent sur ses pommettes et elle rabattit le capuchon à contrecœur. Un grondement sourd monta de son estomac. La faim la tenaillait, elle était autrefois habituée à des repas riches et copieux mais désormais elle sautait de nombreux repas et les assiettes étaient bien maigres. La chasse n'avait pas été fructueuse et les nombreux étalages du marché débordaient de couleurs et d'une nourriture exotique dont ls effluves venaient lui chatouiller les narines, ce qui ne faisait qu'attiser sa convoitise.  Elle envisagea une nouvelle option: le vol. Elle avait déjà volé ses vêtements par le passé. Sa dague aussi était volée. Après tout, voler était une option comme une autre non?

Tu vas finir en prison. Ou manchote. Tu auras l'air maligne avec une main en moins tiens! T'es déjà pas douée mais alors là...Il ne te restera plus qu'à mendier! ironisa le Corbeau fantomatique perché sur son épaule.

Merci pour tes conseils ô combien avisés monsieur "je n'ai plus à me soucier de la faim", mais soit je réussis à trouver une solution pour manger, soit c'est la mort qui m'attend. Et je n'ai aucune envie de finir en charpie comme toi.

Désormais il lui fallait choisir sa victime. Les risques devaient être calculés: étant donné qu'elle risquait gros, il fallait que le risque en vaille la peine. Il y avait bien trop de pauvres gens autour d'elle, risquer la prison pour deux sous non merci. Il y avait beaucoup de marchands aussi mais Macha devinait qu'ils n'en seraient pas à la première tentative du genre et qu'ils risquaient bien de la repérer bien avant qu'elle ne touche au fruit de son larcin. L'apparence de certaines races qui lui étaient inconnues ne l'engageait pas des masses non plus, elle n'avait aucune envie de les voir se jeter sur elle ensuite. C'est alors qu'elle repéra une jeune elfe séduisante à la chevelure enflammée. Elle se mit à la suivre à bonne distance et pencha la tête de côté, l'observant. Au premier coup d'œil elle ne semblait pas être une menace des plus sévères, peut-être ferait-elle une proie idéale?

Son cœur se mit alors à battre à tout rompre. Elle avait volé jusqu'ici, certes, mais elle n'avait fait que ramasser la dague quand elle était tombée, et voler ses pauvres vêtements sur une corde à linge. Le vol à la tire, c'était encore bien différent! Un mélange de peur et d'excitation l'envahit alors que ses pas se faisaient plus pressés pour l'amener plus proche de sa cible. Sa respiration s'accéléra encore, elle était si proche qu'elle pouvait la toucher, elle sentait même les effluves qui émanaient d'elle. Prenant son courage à deux mains elle entreprit alors de faire un pas plus rapide afin de la bousculer, sa main plongeant vers son sac au même moment, cherchant à atteindre l'or.
Elle n'aurait pas dû, et elle le savait, mais la curiosité la poussa au même moment à tourner la tête pour voir son visage. Ses yeux couleur de glacier croisèrent deux yeux verts et elle se rendit compte que l'elfe ne devait pas être beaucoup plus vieille qu'elle. Elle se sentit brusquement intimidée et le rouge lui monta aux joues, la troublant. Son pouvoir se fit à nouveau instable et c'est par télépathie que, bien malgré elle elle envoya à l'adresse de la jeune elfe:

"Laisse-toi faire..."

J'aimais me promener au marché. Pour me vider la tête, profiter du soleil vif de la ville oasienne. Couverte de soieries volant autour de moi tel un halo rosé à chacun de mes pas. Elles ne laissaient que peu transparaître ma peau laiteuse et mes boucles blondes afin de les protéger au mieux des morsures de l’astre brûlant, je marchais d'un pas lent. Celui de la balade, de celui-là même qui prend son temps. Lune, petite âme azurée à l'apparence de louve à la fourrure de jais, marchait à mes côtés, mettant devant elle patte après l'autre paresseusement.
Si de sombres pensées venaient de temps à autre troubler le calme de mon esprit, je les chassais bien vite, désireuse de maintenir cette paix éphémère si difficilement trouvée.

J'avais décidé que, pour un temps du moins, je devrais laisser mes obligations de côté, m'octroyant pour ainsi dire, un peu de repos bien mérité. Le traiter était bien couvé, le démon, annihilé, la régence, assurée. Lune et moi étions enfin seules et pour une fois, on ne désirait rien de plus. Il serait bien temps de s'inquiéter du reste plus tard.
Je ne regardais pas particulièrement les nombreux étalages qui embrassaient la route, profitant simplement des odeurs, des sons et des images qui ravissaient mes sens.

Et puis, je la sentis, cette curieuse fragrance qui vint chatouiller mon odorat de fin limier. Celle de la Magie… De la Source… Pour y goûter régulièrement, et telle une abeille pistant le miel, je ne pus résister à la tentation de la suivre.
Je ne réussi pas à la localiser tout de suite, serpentant en son chemin entre les passants pressés. Puis, je ressentis les vibrations de l'air, les pulsions d'une aura et un écho dans le vent. Et sans ménagement, je pris le bras de la gamine d'une main, lui faisant lâcher le sac de l'elfe qui ne réagit qu'à moitié.

« J'ignore ce que tu lui fais, mais arrête ça tout de suite, tu veux ? » Grondais-je en plantant mes yeux vairons dans le regard gelé de la jeune femme. J'attendis quelques secondes, avant de claquer des doigts de ma main libre devant le visage pâle de la roussette qui, sortant de sa torpeur, sursauta avant de me fixer d'incompréhension.

« Veuillez excuser ma petite sœur, madame… Telle une pie elle laisse traîner son bec un peu partout à la recherche de la breloque la plus brillante qu'elle puisse trouver. Aller vient, on s'en va. » J'avais dit tout ça sans pour autant lâcher le bras de la voleuse, libérant ma prise qu'une fois éloigné de sa pauvre victime qui hésitait encore entre rouspéter ou passer son chemin.

« Depuis combien de temps, tu traînes dans les rues toi ? Le vol à la tire, ça ne s'improvise pas tu sais… Tiens, mange ça, ça te fera du bien. » Avant qu'elle ne décide de fuir, ou de me sauter à la gorge, je lui tendis un gâteau fourré au lard sorti tout droit de ma besace. Le gâteau de la paix.
Lune ne cessait de lorgner le corbeau perché sur l'épaule de la jeune femme, écumant le moindre de ses faits et gestes.