Depuis son entrée à l’Institut, la nordienne sentait son lien avec les esprits gardiens se renforcer. Il était maintenant temps de rendre l’un de ses liens plus stable en combat. Mais pour celà, il lui fallait accomplir un certain rituel. Fouillant dans ses effets, Hilda remarqua qu’il lui manquait plusieurs composantes pour se lier à l’esprit qu’elle avait choisi. D’abord vérifier ce qui était en sa possession. Fouillant dans ses pots, fioles et sachets, la demi-Elfe nota avoir quelques pétales de narcisses séchés et un éclat de grenat,  mais pour le reste, il lui faudrait chercher. Il lui faudrait donc trouver du houx, de la jusquiame noire et de l’amanite tue-mouche. Heureusement, tout se trouvait dans cette forêt apparemment. La nordienne prépara donc son sac, y fourrant sa tenue de rituel, son sachet de rune et tout le reste. Elle accrocha ensuite son épée à sa ceinture, prit son bâton à trophées et se dirigea en premier lieu vers la salle de cours de potions et alchimie afin de vérifier si la professeure possédait quelques ingrédients qu’il lui manquait, mais ce n’était malheureusement pas le cas. Du coup, la voilà qui prenait la route vers le village des Elfes. Peut-être que là-bas, la nordienne y trouverait son bonheur. Sauf si elle trouvait par elle-même à l’état sauvage, bien sûr.

Hilda prit donc la route. Prenant son temps, elle put cueillir quelques brins d’écorce de houx ainsi que quelques amanites, mais la jusquiame restait introuvable. La demi-Elfe avait beau chercher, rien n’y faisait, ce n’était plus la bonne saison pour cette plante. Elle souhaita donc intérieurement en trouver au villages des Elfes.

Quelques jours après son départ de l’Institut, la jeune femme y était enfin. Aussitôt, elle fit le tour des quelques boutiques des environs, ainsi que des apothicaires, mais rien. Il y avait bien eu l’achat d’un flacon d’écorce de châtaignier, pour un rituel ultérieur, mais sans jusquiame, elle ne pouvait rien faire. Il ne lui restait que deux boutiques. Croisant les doigts, la nordienne entra dans la première.

Plein de choses étaient nouvelles pour elle dans ce village. Déjà, Hilda n’avait pas l’habitude de croiser autant d’Elfes, ayant grandi dans un village humain dans le fin fond des Fjords. Ensuite, il n’y avait évidemment pas que des Elfes à Sylfaën, mais des Hybrides aussi. Et une Abyssale, puisque la volvä avait croisé une virtuose de ce peuple quelque temps auparavant. Une histoire de dard et de venin de reine des guêpes géantes. Les deux femmes ne s’en étaient pas trop mal sorties. Au moins, cela lui avait permis d’en apprendre un minimum sur le peuple marin. Restant dans ses pensées, la demi-Elfe commença à fouiner dans les bocaux et produits offerts dans la boutique.

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Il y avait décidément de tout dans cette boutique. La nordienne, si elle avait eu les fonds, y aurait volontier fait des réserves conséquentes, mais bon, elle devrait se contenter du strict minimum pour son rituel. Continuant sa recherche de jusquiame, se fut finalement un bocal de pétales de belle-de-jour séchées qui tomba entre ses mains. Tournant son regard vers Muninn perché son son épaule, Hilda s'adressa à lui dans sa langue natale :

- T’en penses quoi ? J’pourrais convaincre Ansur d’être avec nous en permanence en t’offrant sa puissance.

L’oiseau ne lui répondit que d’un croassement. Prenant cela pour un oui, la nordienne se mit à chercher de nouveaux ingrédients, gardant le bocal de belle-de-jour en main. Malheureusement, son sachet d'éclats de pierres précieuses et semi-précieuses ne contenait pas déjà un éclat de lapis-lazuli, du coup, elle aurait besoin de visiter la boutique d’un orfèvre en plus. Après un moment, elle aperçut un autre bocal, contenant de l’écorce de tilleul cette fois, non loin d’un homme-lézard entré en boutique récemment. Il lui était d’ailleurs vaguement familier, peut-être la nordienne l’avait croisée quelque part ? ”Bah, peu importe.” La nordienne s’approcha de lui, mais uniquement parce qu’il se trouvait non loin du bocal d’écorce dont elle avait besoin … bocal qui finalement s’avérait être plus haut que prévu. Pourquoi avoir hérité de la taille de sa mère humaine aussi ? La demi-Elfe déposa le pot qu’elle avait toujours en main et tenta de s’étirer au maximum afin de prendre sa prochaine acquisition, sans succès. ”Bon, quand on a pas le choix …” Revenant au dùralassien, elle s'adressa à la créature écailleuse.

- Dites, vous pourriez me donner le pot d’écorce de tilleul, s’il vous plaît ?

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L’homme-lézard avait heureusement consenti à lui descendre le bocal de la tablette. Parfait, voilà qui lui ferait un ingrédient de moins à chercher. Elle remercia son “sauveur” d’un hochement de tête. La nordienne remarqua bien vite le nouveau client également, mais l’ignora. Elle n’était pas ici de prime abord pour rencontrer des gens … du moins, jusqu’à ce que le lézard lui adresse de nouveau la parole.

- Que comptez-vous faire avec cela, si ce n’est pas une question indiscrète ?

- Euh, et bien …

La jeune femme hésitait, visiblement. Pouvait-elle vraiment lui faire part de son projet ? Le rituel qu’elle voulait accomplir ne se faisait de base qu’avec des membres de son clan, et personne ne lui avait dit si c’était un secret volontaire ou non. Et dans le doute, il valait mieux ne pas en dire trop. D’un autre côté, s’il pouvait l’aider à trouver ce qu’il lui manquait … Rien ne l’empêchait non plus de parler de sa profession, sans entrer dans les détails.

- Et bien, je suis ce qu’on appelle une völva, qui pour la langue dùralassienne signifie chamane ou sorcière de mémoire. Bref, j’en ai besoin pour un rituel, tout simplement.

Voilà, la nordienne en avait assez dit. Et puis, la demi-Elfe songea à une hypothèse. Peut-être que ce lézard avait remarqué ce qu’elle cherchait dans la boutique, ou bien un endroit où s’en procurer. Après tout, la jusquiame restait une plante psychotrope, et Hilda ne savait trop comment les gens du coin abordaient ce genre de sujet. Mais encore une fois, si elle ne demande pas, comment savoir ?

- Au fait, je m’appelle Hilda. Hilda Lagertha Alfdóttir. Vous n’auriez pas vu un bocal de jusquiame noire dans la boutique ? Il n’y en a plus vraiment à cette période de l’année à l’état sauvage, et c’est l’un des ingrédients le plus important dont j’ai besoin.

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- Chamane ? Vous…

Mais le lézard n’eut pas vraiment le temps de terminer sa phrase. L’autre client du magasin s'était approché également.

- Quel genre de magie fait une völva ? Spirituel ? Onirique ? Je n'ai pas pu m'empêcher d'écouter votre conversation, Hilda Lagertha Alfdóttir. Je ne suis qu'Aeden et j'étudie la magie.

Hé bien, une bonne question que voilà, n’ayant jamais prit le temps elle-même de décrire sa magie. La nordienne prit tout de même le temps d’observer le nouvel interlocuteur. Un teint blême, des oreilles pointues, bien plus que les siennes, une étrange marque vermeille sur le front, bien que pâle, des yeux pourpres. Tous ces détails tendaient à dire qu’il n’était pas entièrement elfe, sans sembler être un hybride comme la völva. Voilà qui l’intrigua, n’ayant pas vraiment connu d’autres races que l’humain dans son village natal. Sa jumelle et elle étaient les seules exceptions. Mais encore là, Hilda ne savait presque rien de la culture elfique, une autre raison de sa présence en ses terres. Poursuivant son observation, la nordienne vit que le regard d’Aeden se reportait sur les articles de la boutique. Soit il cherchait quelque chose, soit c’était la jusquiame qu’il tentait de trouver.

-Je suis Sslozmek Hann. Je crains de ne pas connaître ce nom. Peut-être en a-t-elle un autre ? Dans quelle contrée pousse-t-elle ?

Les présentations étaient donc faites. Mais que voulait dire le lézard par cette histoire de nom ? La nordienne avait-elle loupé un truc en réfléchissant ? Autant répondre à l’autre Elfe et attendre la suite. Peut-être pourrait-elle alors faire comme si de rien n’était.

- Pour répondre à votre question, Aeden, j’aurais tendance à dire spirituel. Attendez, j’vais vous montrer.

Ansur, son esprit gardien du corbeau, venait de se poser sur son autre épaule. Invisible normalement pour les autres, la demi-Elfe puisa dans son essence magique, se concentrant assez pour faire apparaître l’oiseau spectral aux deux autres suffisamment longtemps pour qu’il leur soit visible quelques secondes. Ne pouvant encore utiliser sa magie trop longtemps, le volatile disparut bien rapidement.

- J’ai un don pour voir certains esprits gardiens de mon clan. Malheureusement, je n’ai pas encore la force requise pour les avoir avec moi en soutien plus longtemps. Ou du moins, visible pour les autres, parce que pour moi, il est encore sur mon épaule. Et vous, vous faites de la magie aussi ou vous ne faites que l’étudier ?

Maintenant que la nordienne avait parlé de sa propre magie, elle était bien curieuse de connaître celle des autres. Bien que voulant accomplir son rituel rapidement, la demi-Elfe avait bien le temps de discuter un peu avec les locaux. Après tout, n’était-ce pas ainsi qu’elle pourrait en apprendre plus sur le monde ? C’était son rôle de gardienne du savoir de ramener le monde au village. C’est sur cette pensée qu’Hilda attendit la réponse des autres.

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- Jusquiame noire se nomme Nîgïlé Ïocyam en elfique. On la trouve un peu partout sur le continent, d’ordinaire. Mais elle ne fleurit que deux fois par cycle saisonnier. Autant dire, pas maintenant. Évidemment, il est encore possible de la trouver chez certains herboristes, mais elle est peu populaire auprès des honnêtes gens. J’ignore quels genres de rituels prépare une Völva, mais revenir d’un voyage pareil demeure du miracle, ou de la folie.
C’est une plante psychotrope, mais également extrêmement toxique. Un mauvais dosage vous coûtera la vie.

La nordienne eut un sourire. Bien sûr qu’elle était au courant des effets du jusquiame. Évidemment que la völva savait la plante toxique également. Il était là, l’enjeu des rituels.

- Je sais que cette plante est toxique. Ne vous inquiétez pas pour moi, cela doit faire, quoi, une bonne quinzaine d’années que j’en consomme pour nos rituels et que j’apprends les dosages. Cette plante est la base même des cérémonies de mon village. C’est ce qui nous permet de nous rendre plus facilement dans le monde des esprits, du moins pour les rencontrer une première fois. Ensuite c’est bien plus simple.

Et voilà que la jeune femme en disait sans doute trop. Mais il était important pour la demi-Elfe que les deux autres comprennent bien l’enjeu de sa situation. Sans cette plante, pas moyen de progresser. Hilda fit tout de même curieuse de la réponse de l’autre Elfe.

- Je pratique certaines formes de magies… Élémentaires, entre autres… J’étudie en grande partie pour parfaire mes capacités et combler certaines… Lacunes. Vos pouvoirs sont complexes et puissants, lorsque vous serez plus expérimenté, vous serez redoutable.

Et puis son regard se porta de nouveau sur les nombreuses tablettes de l’endroit, mais aller savoir si c’était pour lui ou pour donner un coup de main dans les recherches de la jeune femme. Ainsi donc, il faisait de la magie élémentaire ? Voilà qui était intéressant. Les jumelles Alfdóttir avaient chacune un don, mais aucune n’était liée à une forme de magie élémentaire. La jeune femme espéra alors qu’Aeden soit un élève de l’Institut, histoire d’en apprendre plus, et qui sait, peut-être s’en faire un ami ? Mais c’est alors que l’écailleux prit la parole.

- Redoutable ? La magie ne devrait pas être utilisée pour la guerre, si c’est dans ce sens que vous le pensez. Et si des pouvoirs recèlent ne serait-ce qu’une once de danger, alors ils devraient être enfouis plutôt que de chercher à les exploiter.

Voilà un avis qu’Hilda n’avait pas entendu souvent. Il fallait dire qu’avec son sang elfique et son éducation de völva, la magie coulait littéralement dans ses veines. Et puis, un pouvoir dangereux, s’il était réprimé, il arrivait alors que ce pouvoir refasse surface … en plus de faire bien des dégâts. Mieux valait alors apprendre à le contrôler. Seulement, restait à l’expliquer au lézard. Mais avec son ton devenu sec, il lui fallait définitivement trouver les mots justes.

- Certes, la magie peut rendre une personne … redoutable, comme vous dites, Aeden. Mais ce n’est pas la seule façon de l’être. Un bon bretteur peut très bien se révéler tout aussi puissant qu’un utilisateur de la magie. Pour ce qui est de ma propre magie, ça sera un long parcours pour atteindre un tel niveau, alors ça ne sera clairement pas de sitôt que je serais aussi redoutable.

La nordienne porta ensuite son regard vers Sslozmek.

- Pour le reste, je ne suis pas d’accord avec votre point de vue, mais je sais que nous avons tous notre propre opinion, et je n’obligerais personne à changer la sienne. Simplement, la magie n’a selon moi pas de bon ou de mauvais point. C’est à son utilisateur d’en juger. Un nécromancien n’est pas forcément mauvais, tout comme un photokinésiste n’est pas forcément bon non plus.

Il n’y avait pas grand chose de plus à dire. Maintenant, ce qui importait réellement, c’était de trouver cette fleur. Écoutant toujours d’une oreille, voilà que la nordienne parcourait de nouveau les tablettes de bocaux, cherchant avec le nom elfique qu’Aeden venait de lui donner. Qui sait, peut-être y en avait-il un brin sur place, malgré sa toxicité ?

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