Le LivrePersonnage Non Joueur
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| Sujet: Re: [Officiel]Horreur en Dùralas Sam 6 Fév 2021 - 13:02 | | | Le Hameau Un champ de maïs, jadis, faisait la fierté et la renommée d’une petite famille pas assez riche pour être connue mais loin d’être assez pauvre pour être ignorée. Dans ce champ d’une taille convenable c’était la terre, fertile, que les propriétaires adulaient ; chaque pousse croissait vite et bien, chaque épi naissait robuste et vigoureux, et au marché les denrées concurrentes pâlissaient d’autant de perfection. La ferme se situait aux alentours du Désert, à la parfaite convergence entre la forêt de Sapins, Harena et la Perracie, ce qui contre toute attente procurait d’excellentes conditions de cultivation aux mains qui décidaient de venir travailler les sols en ces lieux. Bientôt, les nouvelles du champ de maïs prospère s’étaient répandues au travers de Dùralas comme des dents-de-lion dispersées au vent, et des familles entières, désireuses de faire fortune grâce à cette terre que l’on disait bénie par Magnésie elle-même.
Un siècle suffit à faire des habitants du bourg, que l’on appelait familièrement « le Hameau » en raison de sa taille somme toute pittoresque, les plus fins connaisseurs en matière de légumes et cuisine puisqu’on trouvait là-bas les plus frais des ingrédients et les plus habiles des marchands, car les tarifs de leurs produits servaient bientôt de nomenclature aux lois des marchés tant ils étaient convoités. Un siècle passait, donc, où le Hameau prospérait exponentiellement, les récoltes précédaient souvent l’arrivée de plus de saisonniers encore qui eux aussi convoitaient l’or vert qui jaillissait des sols.
Le Hameau était en passe de devenir une ville capitale dans l’économie, une figure de proue dans l’agriculture. On murmurait que les Technophiles de BaldorHeim ayant repéré le potentiel faramineux du petit bourg agricole désiraient l’investir de leurs machines afin d’en décupler la productivité, on susurrait que le Roi des Humains ayant eut vent des affaires qui avaient le vent en poupe enverrait bientôt des coursiers livrer contrats et richesses aux producteurs locaux. Partout, on chantait les louanges des fruits et légumes du Hameau.
Mais certains hommes, mortels comme impérissables, esclaves d’une nature envieuse et toujours jaloux du succès d’autrui, voyaient d’un œil mauvais l’hégémonie du Hameau en les matières d’import et export, et un fait inédit fut même enregistré sous le signe de cette préoccupation cupide ; en Sylfaën, des vampires avaient joint leur expertise en matière de sorcellerie aux arcanistes elfiques, et préparaient secrètement la chute de leurs nouveaux adversaires commerciaux. Un rituel se préparait au milieu des cercles de pierre des forêts luxuriantes d’Endorial, silencieusement. Au milieu de nuits sans bruit s’élevaient des voix assurées qui commandaient à des forces par-delà la compréhension des simples paysans du Hameau. On invitait les sorcières, les diables, et les choses qui rôdaient dans la nuit à venir s’asseoir au cromlech elfique et on leur exposait un marché ; en échange de la chute du géant producteur qu’était le Hameau, on leur offrait un foyer. Les elfes savaient inviter les esprits mieux que les vampires, mais ces derniers savaient ce que désiraient les cœurs qui battaient pleins de ténèbres, et grâce à la diplomatie commune des deux peuples les êtres infernaux finirent par sceller un pacte avec les sorciers les ayant conjurés.
Pour la première fois en cent ans, le champ de maïs donnait des graines noires et des plants distordus cette année-là. Les vergers autrefois pleins de santé s’empourpraient, les feuilles tombaient pour ne jamais renaître, et certains fruits poussaient en des formes aussi étranges que l’ichor qui en remplaçait le jus. Les cannes à sucre au goût si pétillant, agréable, baignaient à présent en des eaux bouchées et stagnantes, si bien que les moustiques élisaient domicile en le Hameau et semblaient vouloir saigner chaque saisonnier cueilleur.
Les travailleurs désertaient, les familles agricoles s’attristaient. Toutefois les récoltes continuaient à être grasses et généreuses, mais d’une manière ironique aux yeux des paysans. Le maïs noir épousait la couleur des pommes flétries à peine cueillie, et même les bêtes de trait gagnaient kystes et plaies purulentes que les insectes des eaux polluées ne tardaient pas à infecter. Les habitants épuisaient bientôt leur richesse à faire venir chamanes et chiromanciennes, guérisseurs et magiciennes ; tous répondaient que des êtres habitaient déjà les lieux, et que dans chaque larve de mouche lovée dans les chairs des chevaux et bœufs couvait un mal bien plus grand. Il fallait abandonner l’endroit, finissaient-ils tous par affirmer aux hommes des champs.
Mais à nouveau, la nature des hommes, soient-ils mortels ou non, les attache bien souvent à quelque chose d’aussi dénué de sens qu’une parcelle, un hectare, quatre murs et un toit. Les propriétaires terriens du Hameau refusaient catégoriquement de s’en aller, de laisser derrière eux des terres que leurs grands-parents avaient rendues abondantes et léguées afin que l’on perpétue leur mémoire. Tous étaient d’accord sur ce point, on aimait le Hameau et personne ne s’en irait. Les tropismes qui vivaient dans les âmes de chacun les convièrent néanmoins, et très ironiquement on en conviendra, à se tourner vers les solutions décidées par ceux qui avaient commandité le mal qui rongeait les terres du bourg maudit. Les hommes, par le dernier soir du mois, à la parfaite convergence de la forêt de Sapins, Harena et la Perracie, se plaçaient en un cercle et allumaient un feu de joie. Rendus ivres par le chagrin de voir le résultat du labeur de plusieurs générations anéanti, ils prirent une extase malsaine à jeter chaque fruit gagné par les vers dans les flammes, leurs oreilles se délectant de l’implosion sous la chaleur des larves grasses. On jouissait à voir les maïs noirs sautiller sur leur lit de feuilles morose, et on laissait les poumons s’intoxiquer des fumées blanches qui, pensaient-ils, purifiaient leur terre.
Cette nuit-là, les sorcières, démons, diables et autres choses qui rôdent dans la nuit, scellèrent de nouveau un pacte avec d’autres mains. Le sang coula une ultime fois afin de garantir l’avenir du Hameau, par des langues putrides et des yeux rouges des promesses proférées trouvèrent grâce aux oreilles des humains et leurs têtes acquiescèrent, portées par le désespoir et la folie aussi, face à l’aide des engeances du mal. Lorsque le lendemain, pour le marché du Dimanche, un groupe venait contempler la déchéance de l’autrefois prospère Hameau, ils trouvèrent l’endroit profondément transfiguré. Les habitations, vergers, champs et étables avaient disparu, les hommes, enfants, hybrides et thérianthropes ne seraient plus jamais vus, à la place, seul trônait un champ de citrouilles à la mine moqueuse. Tout au centre de la montagne de cucurbitacées à l’affreux sourire trônait une bien étrange calebasse géante, qui à ceux qui passaient par là de nuit soufflait de bien macabres idées. La dame drapée de Rouge et le Dragon Il était une fois, dans ce qui n’avait de Dùralas que le nom, un petit royaume sans prétention, dirigé par un roi capable et digne que son peuple aimait. En ces temps reculés, le château qui surplombait la ville n’avait pas vocation à impressionner car les peuples commerçaient très peu, et les échanges interraciaux étaient presque nuls. Bien sûr, on racontait, d’oreille en oreille, dont l’origine du ragot se trouvait quelque part dans les dires d’une bouche de marchand plus aventureux que les autres, comment les hommes commerçaient à l'Est avec d’étranges êtres inaffectés par le temps.
Mais là n’est pas le sujet de cette histoire, revenons au château et à sa modeste enceinte, et dirigeons-nous vers la salle du trône où un garçon de ferme, la mine livide, s’exprime les mains jointes et les genoux tremblants à son bon suzerain :
- Votre Altesse, un Dragon ! Rouge comme le sang et plus grand qu'un moulin, il a volé au-dessus de notre ferme et enlevé trois de nos plus solides vaches sans grand mal ! Qu'allons-nous faire ?!
Le Roi, immédiatement frappé par le sérieux de la situation car à cette époque les Dragons vivaient avec les Hommes, pour le meilleur comme pour le pire, décidait d'envoyer son plus féroce guerrier parcourir le Massif à sa recherche et ordonnait qu'on occise sans sourciller la créature. Le Roi respectait les Dragons, et feu son père avait conversé avec l'un d'entre eux, mais s'il venait tourmenter ses sujets alors il devait agir.
Le plus brave des chevaliers partit dans la journée, monté sur le plus fier destrier, avec une lame forgée dans l'acier le plus solide. Un magicien enchanta l'arme afin qu'elle ne transperce facilement les écailles de la Bête, et à la nuit tombée tous retenaient leur souffle en pensant au chevalier; réussirait-il sa formidable épopée ? On en était persuadés. La réponse vint le lendemain, à l'heure exacte à laquelle le valeureux aventurier était parti la veille. Son corps calciné, à demi-dévoré, vint s'écraser sur les remparts, et on dénota ce jour-là la disparition d'un troupeau entier de moutons.
Le Roi envoya dès lors une escouade de dix hommes qu'il avait pris soin de recruter dans les meilleures maisons des plus puissantes familles de son royaume. Cette fois-ci, l'échec n'était pas envisageable, et comme tous s'aggloméraient pour voir partir l'équipe, les âmes oubliaient l'échec du plus vaillant Chevalier du royaume et les cœurs s'emplissaient d'espoir. Des semaines s'écoulèrent sans qu'on eût de nouvelles de la part de l'expédition, et alimentés par l'absence de nouvelles attaques du Dragon Rouge, des ménestrels chantaient déjà le triomphe des hommes de la montagne de Spelunca sur la divine engeance dont la tyrannie était finie.
On crut aux chants enjoués, et on trinqua aux espoirs de lendemains sans afflictions, attendant le retour des héros dans la béatitude que procure la sérénité d'un problème réglé. Le Roi lui-même organisait un banquet où tous étaient conviés afin de soulager les consciences jusqu'ici troublées, ce fut au cours de celui-ci qu'un paysan entrait précipitamment au milieu des célébrations pour rompre le bruit des cordes, et écraser la mélodie des flûtes de sa voix pleine de terreur.
- Votre Altesse, un Dragon ! Rouge comme les roses et aussi grand que votre château ! Il est venu et demande à converser avec vous, puisque tous sont conviés à ce banquet !
Et au Roi, livide, de s'en aller palabrer avec son némésis. Il s'absenta longtemps, et bien qu'on essaya de braver l'obscurité qui voilait toutes les fenêtres de toutes les pièces, même les mieux éclairées, du château, personne n'entendit ni ne vit quoique ce soit. Le Roi revint au levé du soleil, tremblant et semblant plus vieux que jamais, annoncer ce qui avait été dit par le Dragon. À présent, comme l'astre solaire s'érigeait haut dans le ciel, tous pouvaient apercevoir celui qui les tourmentait depuis des saisons ; grand il était, en effet. Rouge, aussi, mais d'une couleur rendue irréelle par la brillance des rayons sur ses écailles. Assis majestueusement aux frontières de la ville, ses iris reptiliennes surplombaient toutes les constructions humaines d'un air de tranquillité propre à celui qui se sait supérieur. On tremblait face à une créature de légende, plus encore lorsque le monarque rendit compte-rendu:
- Salomé, ma fille, il désire t'épouser car tu ressembles en tout point à Magnésie, et cette dernière l'aurait fâché il y a bien longtemps. Il t'a aperçue alors que tu chassais en son territoire, dissimulé par les pouvoirs qui sont les siens, et s'est éperdu de toi. Voilà sa condition à notre paix ; ta main, ma fille.
Salomé, qui avait été élevée pour servir son bon père et son cher royaume, n'hésitait pas longtemps. Elle ne paraissait même pas avoir réfléchi lorsqu'elle sortait bien vite du banquet pour se rendre face au tyran draconique ; simplement, élégamment, comme à l'accoutumée, princesse Salomé accomplissait son devoir.
Elle s'approcha de son futur époux, et en caressa l'une des griffes qui à elle seule projetait une ombre gargantuesque sur les pierres Spelunciennes:
- Père m'a dit que vous vouliez ma main, Sire Dragon. Me voilà, prête à vous épouser.
Face à tant d'innocence et de pureté, réellement subjugué par la candeur de Salomé dans sa robe blanche et aux cheveux plus ambrés que les blés en été, le Dragon Rouge lui répondit :
- Il t'a menti, mon enfant. Je désirais le sacrifice de l'un de ses enfants et il m'a dit ne pas vouloir sacrifier Bartholomé, ton frère, car celui-ci lui permettrait de perpétuer sa lignée. Il a alors tiré aux dés votre sort, et c'est toi qui es sortie perdante.
Un vent de fureur s'était emparé de la jeune Salomé tandis qu'elle entrait dans la bouche du Dragon Rouge. Une tempête de colère, une tornade effroyable, des sentiments qu'elle n'avait jusqu'ici jamais ressentis éclataient en elle. Jamais elle n'avait remis en question sa place au sein de la famille ou du royaume, jamais elle ne s'était plainte de passer seconde ou d'être ignorée car femme. Elle obéissait, car elle croyait en la sagesse de son père et en l'avenir de son frère. Mais à présent, comme elle chutait dans le gosier du Dragon, Salomé ne croyait plus en tout cela. Elle écumait de rage. Meurtrie, désabusée, attristée par le mensonge éhonté du Roi, elle sentait tonitruer en son sein une rage primale qui l'effraya quelques instants avant d'au contraire la rassurer. Elle comprit à l'instant où les sucs digestifs commençaient à lui ronger les chevilles qu'elle n'aurait jamais dû placer son destin entre les mains de son père, ou de le sacrifier à son frère. Elle rejeta instantanément, avec le mépris qu'elle aurait dû avoir pour ces règles idiotes, les humiliations qu'on infligeait aux siennes dans le royaume. Elle n'était née pour épouser personne, et encore moins pour être monnaie d'échange.
Alors ses ongles se muèrent en griffes, et ses dents en crocs affûtés. Sa peau repoussa l'acide gastrique, et son âme laissa s'échapper toute l'amertume qui la secouait.
Salomé sortit du Dragon Rouge en l'éventrant, après avoir dévoré le cœur de la bête et s'être drapée d'un voile rouge fait de ses entrailles. Sa soudaine transformation, amorcée par une existence de passivité et de soumission à des normes qui l'excluaient depuis toujours en raison de sa simple naissance, était aussi sauvage qu'impromptue, et lorsqu'on la vit jaillir du ventre de la Bête, annoncée par une pluie de sang et une symphonie de tendons rompus, le Roi lui-même se précipita pour accueillir sa fille le sourire aux lèvres.
Mais Salomé ne décolérait pas. Elle ne décolérerait jamais, car elle s'était abreuvé du sang du Dragon Rouge et s'était vêtue de sa chair, et à jamais, en commençant par son père et son frère, elle se nourrirait aussi du sang des mortels et partagerait son immortalité avec ceux qu'elle désirait voir à jamais vivre en Spelunca. Elle tirerait aux dés le sort des autres. Les rats d'Hukutav Dans les marais d'Hukutav, avant même que le Grand Basilic n'enserre de ses anneaux le territoire des hommes et ne sécrète son poison sur les terres des Elfes, vivait un clan de chaque race, en harmonie. Les humains, par leurs caractéristiques robustes et infatigables d'adaptation mettaient au service des Elfes leur labeur, et ces derniers par leur connaissance des arts et des magies adoucissaient les mœurs et guérissaient les maux.
L'alliance respective des deux races datait de temps immémoriaux, et lorsque les aînés, chefs des clans, venaient au monde, ils étaient bercés dans des histoires de paix et d'entraide. La diplomatie entre les peuples était établie au travers de moyens naturels et innés ; on mariait souvent des femmes à des elfes, et des elfes à des hommes, on buvait tous ensemble et le temps des danses et des rites de bénédiction n'était jamais loin. On s'aimait, en somme, et jamais une ombre de rivalité ne se profilait.
Jusqu'au jour où un incident banal eut lieu.
Un enfant aux oreilles pointues et à la tignasse blonde, par un matin ensoleillé, s'était aventuré à l'orée des Marais pour récolter quelques champignons comestibles. On laissait les progénitures vaquer à des occupations oisives sans surveillance, car les sorts des elfes préservaient le village des rares monstres qui existaient en ces temps dans les Marais. Mais rien n'est fait pour durer, et comme les eaux des marécages montent inlassablement à chaque crue d'automne, la magie des barrières s'effritait inexorablement. Le jeune enfant, fruit de l'union des deux peuples, tendait la main vers le sol pour en ramasser le bolet, lorsqu'une figure hirsute et minime, velue et crasseuse, lui arrachait un doigt.
Un rat.
L'attaque fut éclaire, et si elle n'avait pas eut un résultat si marquant aurait été très vite oubliée. Mais l'enfant perdit son membre, avalé par la bouche pleine d'écume d'un bien vil rongeur, et il rentrait auprès des siens amputé. Son père, un elfe, vit dans l'arrivée de la vermine une corrélation aux allées et venues des humains dans les grandes villes, afin d'en ramener les engins et matériaux de construction nécessaires aux chantiers. Lorsqu'un conseil populaire, convoqué afin de discuter de l'intrusion des bêtes au-delà de la barrière supposée garder les maux à distance, discutait de la probabilité que les hommes aient de facto permis l'introduction des rats dans leur enceinte, les humains accusaient de leur côté les elfes d'avoir perturbé l'équilibre magique à cause de leurs recherches arcaniques.
De nombreux échanges avaient jusqu'ici été faits dans la plus grande amicalité entre les peuples, mais, à la manière de la plaie de l'enfant qui se nécrosait, minute après minute, les langues devenaient fourchues et chaque invective à l'autre était autant d'aiguilles qu'on enfonçait dans les cœurs. Par leurs discours envenimés du sirupeux liquide qu'est la peur, l'incompréhension et le désarroi, Humains et Elfes creusaient un fossé en leur réunion publique. Car en dépit de ce qu'on dira, la colère qui a un jour frappé ne peut jamais totalement être oubliée, on proclamera les excuses suffisantes et les amendes correctes, mais la vérité est que jamais un courroux ne peut être apaisé. Les ennemis survivent, la haine perdure, et, dans des pièces noires où ne filtre nulle lumière, elle croît. Monstre difforme et qui ne saurait être assouvi, elle commande à qui à offenser autrui d'achever le travail. C'est dans la nature de chacun d'entre nous, l'instinct du tueur qui s'éveille lors de la dispute désire chaotiquement abattre nos opposants. Le pardon n'est que maigre compensation à une fracture éternelle, car les hommes sont faillibles et leurs âmes plus fragiles encore. Les egos atteints, il n'y a aucune autre échappatoire que la mort. De l'un, ou de l'autre.
Alors on se retirait du conseil, chaque peuple de son côté, chaque homme guettant au-dessus de son épaule, chaque elfe verrouillant sa porte. L'alliance était rompue, non pas officiellement, mais bien pire, en secret, par un accord tacite. Cette nuit-là, trop accaparés à insulter ceux qui les avaient offensés sans un bruit, tous levaient les yeux au ciel sans voir qu'à leurs pieds une sombre machination était en marche.
Des semaines passèrent où les cas répertoriés de morsures de rat allaient toujours crescendo. Partout, sans distinction d'âge, de race, ou de sexe, on succombait à l'infection, et dans les fermes qui abritaient le bétail celui-ci aussi était gangrené par les maladies que véhiculait la vermine.
En un mois le chaos en Hukutav, dans le territoire partagé des hommes et des elfes, il n'y eut plus que folie et famine, et quand vint l'hiver plus aucun cœur ne battait. Car discorde et embrasement des egos font mauvais mélange, et en les affres d'un incident isolé naissent des pustules qu'aucun remède ne guérit. Lorsque l'hiver tombait sur Hukutav, seuls restaient les rats, formes velues noires et rapides, qui trônaient en chaque demeure où jadis vivaient amis et amants.
Apprenez donc que le lien qui nous unit aux autres est délicat, trop fin et fragile pour savoir résister à deux petites dents pointues, apparemment. Aujourd'hui, les rats abondent en Hukutav, les hommes et les elfes, beaucoup moins. Cette œuvre rapporte 1 bracelet d'abondance à Sobek E. Grey
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