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'Attaque - Elfe' :

Les joueurs l'emportent. Ils gagnent 27 points d'expérience, 22 pièces d'or, 1 essence sylvestre.

Le RP peut continuer.

    Le jeune Ent sembla s’acharner sur l’homme lézard. Ses bras aux bois noueux frappaient avec frénésie le pauvre naga qui, à terre, parait chacun de ses coups certes puissants mais prévisibles. Il était dans l’impasse, incapable de se relever sous les assauts répétés de la créature. Celle-ci semblait infatigable alors que les bras de l’homme lézard commençaient à le faire souffrir. Mais il devait tenir. Il ne pouvait pas mourir face à cette créature, pas maintenant. Il n’avait pas accompli le destin que Srishti avait vu et qu’il s’était juré d’accomplir par tous les moyens nécessaires. Mais alors que l’Ent allait frapper une nouvelle fois, ses bras se figèrent dans les airs et il poussa un hurlement grave. C’était l’elfe. Le naga, l’avait presque oubliée dans ce combat. Elle avait planté la dague que l’homme lézard lui avait remise dans le dos de la créature. Peut-être était-ce de la chance, mais elle semblait avoir trouvé son cœur qui avait servi à ensorceler l’arbre et le rendre agressif. Les lueurs verdâtres dans les orbites de la créature s’éteignirent avant qu’elle ne s’effondre aux pieds de l’homme lézard. Il regarda l’elfe aussi surprise que lui de ce qui venait de se produire.

- M…merci,  balbutia-t-il.

    Il ne trouva pas grand-chose à dire de plus et resta figé. Dans ses pensées, défilait le combat en boucle jusqu’à la mort qu’il avait évité de justesse. Il se rendit compte que tout pouvait basculer en quelques secondes. Pourtant, il avait déjà fait expérience de cela étant jeune lorsque Srishti avait lancé une malédiction sur sa famille. Mais ce sentiment, depuis qu’il l’avait rejointe au Temple, il ne l’avait jamais ressenti à nouveau et avait même finit par l’oublier. Hors du confort et de la protection du Temple, tout pouvait advenir. Mais heureusement, dans les combats qu’il menait, il n’était pas toujours seul.

    L’homme lézard resta coi devant la dépouille de l’arbre. Il aurait dû faire mieux, il aurait dû être meilleur et ne pas avoir autant de difficulté à l’affronter. S’il voulait défendre sa Déesse lorsqu’elle fera à nouveau son apparition sur ce Monde, il faudra qu’il soit bien plus fort. Un rejeton maléfique d’un arbre ensorcelé et sans cervelle ne pouvait le vaincre. Le naga ressentit une boule de frustration au creux de l’estomac. Il n’avait pu s’en sortir que parce qu’on lui avait sauvé la vie. Si l’elfe n’était pas intervenue, il serait peut-être déjà mort à l’heure qu’il est. Sa frustration se transforma en honte même s’il essayait de se rassurer en se répétant qu’elle avait pris le monstre au dépourvu et qu’en plus, elle l’avait tué avec la dague que l’homme lézard lui avait confiée. Donc techniquement, elle l’avait tué mais avec l’aide de Sslozmek. Son sentiment de honte parut soudainement moindre mais il ne l’oublia pas pour autant même lorsque l’elfe lui tendit la main pour l’aider à se relever. Il l’empoigna avec force et se hissa sur ses longues pattes. Couvert de poussière, il épousseta la crasse et la sève séchée qui avaient salis sa tunique de cuir. Puis il plongea ses yeux dans ceux de la jeune elfe.

-Je vous l’ai dit, ce n’est pas de votre faute. Ne vous sentez pas responsable pour quelque chose qui n’est pas de votre fait mais du miens. Je les ai attirés chez vous et en plus, vous m’avez sauvé la vie contre l’un d’eux. Je ne saurai comment vous remercier. Goûter vos recettes me semble bien insuffisant pour m’acquitter de ma dette.  

    Il regarda alors la fenêtre de la petite maison, brisée par les puissantes racines de l’Ent. Au moins, il pourra l’aider à boucher le trou avec des planches et ramasser les bris de verres en attendant qu’elle se procure des nouvelles vitres. C’était la moindre des choses pour réparer son manquement après avoir profité de l’hospitalité de l’elfe. La voyant hésiter, il ajouta :

-Laissez-moi au moins vous aider à réparer la maison dans laquelle vous m’avez si gentiment accueillie.

    L’elfe était plutôt bornée. C’était bien à cause de lui et de sa traversée du bosquet maléfique qui avait entraîné les monstres à aller à sa poursuite. Il s’était simplement trouvé au mauvais endroit au mauvais moment. La forêt était dangereuse et il aurait dû se méfier d’avantage. Il avait d’ailleurs failli tomber nez à nez avec un troll juste avant de se retrouver dans ce bosquet à l’aura malfaisante. Mais on ne l’y reprendra pas à deux fois à tenter de trouver un raccourci parmi les bois. Si sur le moment la plupart de ses décisions lui semblent judicieuses, il ne devait pas oublier qu’il était en territoire inconnu. Sylfaën n’était pas les marais. Dans les deux cas il y résidait des créatures dangereuses et des environnements inhospitaliers. A la différence que Sslozmek avait grandit dans les marais. Il y avait chassé depuis son enfance et connaissait les moindres recoins comme sa poche. La faune, la flore et les paysages variés n’avaient plus vraiment de secrets pour lui. Le seul endroit qu’il n’avait pas encore eut l’audace de visiter était la prison d’Alquateraze. Cela ne risquait pas d’arriver. Ce lieu était hanté au moins autant que le bosquet maléfique si ce n’est plus. Des créatures puissantes y régnaient mais grâce aux efforts de nagas courageux, elles n’étendaient pas leur influence. Ces soldats dévoués traquaient et tuaient tout ce qui daignait sortir d’entre ses murs.

    Une fois que Lariela eut disparut, Sslozmek fit craquer son épaule et son cou avant t’entamer l’état des lieux de la maison dont l’une des fenêtres avait été éventrée par les bras noueux de l’Ent. Ramasser les morceaux de verre était une tâche fastidieuse mais nécessaire. De plus, Lariela marchait pieds nus. Certes, les pattes de Sslozmek étaient également à nues mais ses écailles étaient plus épaisses au niveau de ses doigts. Les chances de se couper étaient alors moindres par rapport à l’elfe ce qui le désignait pour cette tâche. Il ramassa alors les morceaux de verre, un par un en les stockant sur l’appui-fenêtre. Si son action était répétitive, elle avait au moins le mérite de libérer son esprit. Ses pensées s’évadèrent jusqu’à sa fille. Elle lui manquait. Chaque fois que son esprit n’était pas occupé, c’était systématiquement vers elle ou Srishti qu’il se dirigeait. Elles étaient toute sa vie. Elles étaient sa seule famille. Chaque jour, pourtant, il avait l’impression de s’éloigner de plus en plus de la prêtresse et perdait de plus en plus espoir de retrouver sa fille. Plusieurs méthodes s’offraient à lui pour tenter de la retrouver mais aucune ne semblait encore avoir porté ses fruits. Cela dit, il n’avait pas encore tenté les avis de recherche. C’était un moyen qu’il abhorrait. Néanmoins, il n’aura peut-être pas d’autres choix pour couvrir un rayon plus large. Fouiller tout Dùralas lui prendrait certainement toute une vie. Il n’avait pas autant de temps à consacrer. Il avait alors commencé par les arènes où il s’était illustré malgré lui, pensant la trouver là-bas, elle qui aimait se battre. Mais si son objectif était toujours de rester discrète, il y avait peu de chance de tomber sur elle dans ces endroits. Il se devait de trouver d’autres solutions, de réduire le champ des recherches.

    Il fut sorti de ses songes par une vive douleur qui s'était déclarée lorsqu’un minuscule morceau de verre trop aiguisé avait percé la paume de sa main. Il l’extraya à l’aide de ses griffes et le plaça avec les autres morceaux. L’homme lézard regarda le travail accompli et essuya son front en sueur d’un revers de sa manche.  S’il restait encore du verre, Sslozmek en avait déjà retiré une grande majorité.

-Une bonne chose de faite, s’exclama-t-il.

    Il restait encore quelques débris de bois mais le plus gros et le plus fastidieux était déjà accompli.

    L’homme lézard observa Lariela revenir les bras chargés. Il y avait de quoi fabriquer les contours des vitres mais avait-elle le savoir-faire pour les assembler correctement ? Il ne serait pas étonné que ce soit le cas, même s’il l’imaginait mal manipuler un marteau et des clous. Cela dit, elle vivait seule loin de tout et n’avait d’autre choix que d’être un peu bricoleuse auquel cas sa maison partirait en morceaux. Les yeux de l’elfe s’attardèrent alors sur les débris que l’homme lézard s’était échiné à entasser. Elle avait raison. Il allait falloir s’en débarrasser mais, parmi les nagas, il ne connaissait aucun verrier. Chez eux, peu d’habitations avaient des fenêtres. A cause de l’humidité des marais, il était nécessaire, surtout en été, de toujours maintenir un courant d’air au risque que des moisissures ne s’installent avec tous les risques de maladies qui les accompagnaient. Les toits étaient suffisamment larges pour éviter que la pluie ne rentre par les ouvertures. Si besoin, les nagas les calfeutraient avec du bois et se chauffaient avec un bon feu dans l’âtre. Malgré l’absence de fermetures hermétiques, les nagas vivaient dans un minimum de confort. Ce n’était pas aussi bien que chez les humains mais cela forgeait aussi le caractère.

    Le Temple, lui, se démarquait des masures du peuple. Les murs étaient si épais que l’humidité ne traversait pas la roche. C’était l’un des rares bâtiments munis de fenêtres de toutes formes voir même de vitraux. La plupart avaient été réalisés par des artisans humains de passages avant d’être sacrifiés pour éviter que leur art ne tombe entre d’autres mains mais surtout pour honorer la déesse. Le sang d’artistes, comme celui de magiciens était précieux et la contentait d’avantage que celui de mourants ou d’individus sans talents particuliers. Même si, pour l’heure, les sacrifices étaient insuffisants pour la ramener. Mais au moins, où qu’elle soit, elle pouvait avoir accès à l’art et à la magie. L’homme lézard espérait toujours que cela la rende reconnaissante envers ses enfants qui faisaient tout ce qui était en leur pouvoir pour la sauver.

    Même si cela faisait bien longtemps que des humains n’avaient pas faits de séjours prolongés chez les nagas, l’homme lézard pouvait affirmer que c’était bien cette race qui possédait les verriers les plus nombreux et qualifiés. Certains réalisaient des vitraux de couleurs différentes pour apporter une autre atmosphère à la pièce. Le verre était teinté grâce à des minéraux de diverses natures. C’est ce qui leur donnait des teintes bien particulières. La plupart des artisans résidaient à Stellaraë. Cela risquait de coûter une petite fortune à l’elfe. D’autant qu’il fallait se faire livrer et vu où elle habitait, il serait peut être difficile de convaincre un humain de venir dans ces bois bien peu hospitaliers et carrossables. L’homme lézard poursuivit sa réflexion. Ce n’était pas lui qui allait la conseiller sur des artisans elfiques, il n’en connaissait aucun. Des forgerons peut être, du moins pas personnellement, mais il avait quelques inspirations parfois de leur art lorsque lui-même il s’adonnait à ce métier. Mais cela était bien peu utile dans la situation actuelle.

    Il réfléchit alors et repensa à son maitre de forge. Il s’agissait d’un géant qui avait failli être sacrifié pour la Déesse. Mais son jugement avait été retardé lorsqu’il avait offert ses services au peuple Naga en échange de sa vie. Bien sûr, ce n’était que partie remise le temps que Sslozmek devienne aussi bon que lui. Il se prénommait Vorna’Tüu. Un être dont les capacités magiques le rendaient sensible à tout ce qui était lié à la terre. Uniquement par la pensée, il pouvait extraire du minerai qui coulait alors le long de ses énormes mains capables de façonner des objets tous droits sortis de l’imaginaire. Il lui serait alors aisé d’extraire la silice et d’en faire du verre ou même de créer d’autres vitres en réassemblant les fragments de celle qui avait été brisée par l’Ent. Cela ne coûterait pas grand-chose à l’elfe et Sslozmek était tout à fait capable de lui apporter lui-même le résultat de l’œuvre du maître forgeron. Néanmoins, le géant n’était pas vraiment libre de faire ce qu’il désirait, et, encore fallait-il qu’il accepte. Ce n’était pas gagné mais l’homme lézard ne voyait pas vraiment d’autre solution.

-Je connaitrais peut être quelqu’un, oui. Vorna’Tüu. C’est un géant qui m’a tout appris sur l’art de la forge. Mais hormis cela, il a des dons magiques vraiment puissants. Il est capable de manipuler le minéral, de le sentir à travers la terre. Si les nains le connaissaient, ils arracheraient ses talents pour en faire un détecteur de minéraux ambulant. Peut-être acceptera-t-il de créer de nouvelles vitres mais je ne peux rien promettre.

    L’homme lézard sourit lorsque lariela se perdit dans ses réflexions. Visiblement elle était une personne qui pouvait être parfois dans la Lune. Peut-être était-elle un peu rêveuse au point de s’égarer dans ses propres pensées et d’en perdre le fil. Sslozmek se surprit à trouver ce trait de caractère charmant. Il ne l’avait retrouvé chez aucune autre personne qu’il avait rencontrée. Hormis peut-être des enfants. C’était cela. l’elfe semblait avoir conservé son âme d’enfant. L’éloignement avec le Monde extérieur ne devait pas être étranger au développement de cette personnalité. Lorsque l’on était confronté à la réalité et la dureté de la vie, dans le monde extérieur à son cocon imaginaire, on se rendait bien vite compte que les rêves ne devenaient pas toujours réalité ou avaient besoin de temps et de dur labeur pour être réalisés. Il afficha à son tour un large sourire qui dévoila ses dents pointues.

    Vorna’Tuü était certes un géant mais possédait des talents autres que la plupart des individus de sa race. Ils étaient connus pour leur force, leur brutalité et leur intelligence plutôt limitée. Lui, était cultivé, s’intéressait à tout ce qui l’entourait et demeurait un être pacifique. Il respectait la vie sous toutes ses formes et parvenait à manipuler à sa guise les minéraux enfouis au plus profond de la terre. Sslozmek ne lui avait jamais demandé comment il avait acquis ou développé ses dons. A vrai dire, cela ne l’avait jamais vraiment intéressé. Ce qui l’importait, c’était d’apprendre le métier de forgeron et non connaître l’étendu de la vie de celui qui le lui enseignait. Peut-être le lui demanderait-il en temps voulu.

-Ce n’est pas un géant comme les autres. A vrai dire, c’est le seul que j’ai rencontré mais disons qu’il va à l’encontre de leur réputation de benêts tout juste bons à frapper leur voisin et jouer au lance-mouton. Je vous propose de lui demander directement lorsque je retournerai au marais. Je vous enverrai ensuite une lettre pour vous informer de sa réponse.

    Il regarda les alentours. Vu qu’elle habitait loin de tout, il sera bien difficile de lui faire parvenir du courrier. Il se corrigea :

-Je vous apporterai moi-même le fruit de son labeur ou une éventuelle réponse négative. Je ferai de mon mieux pour qu’elle vous parvienne le plus rapidement possible si vous le souhaitez. Sauf si vous préférez trouver un artisan elfe par vos propres moyens.

    Qu’est-ce qu’il n’avait pas dit là ? Il avait déjà oublié que cette elfe avait une soif insatiable de connaissances. Le sourire de l’homme lézard se fut instantanément plus discret avant de s’effacer complètement. Elle était pleine d’enthousiasme et cela lui fit presque de la peine de devoir le réfréner.

-Oui, Vorna’Tuü est un bon maître de forge et un géant tout à fait singulier.  

    Il réfléchit quelques secondes à une solution qu’il pourrait envisager.

-Il réside dans les marais avec les autres membres de ma race. Il a…comment dire. On lui a accordé le droit de rester sur nos terres le temps que je devienne un bon forgeron, capable de créer des armes fonctionnelles et de qualité. Ensuite, il partira.  

    C’était une façon détournée de dire qu’il allait terminer sa vie sur un autel pour avoir l’honneur d’être sacrifié pour la Mère des Nagas. Mais Sslozmek n’allait pas se lancer dans une présentation des rites nagas. Lariela risquait de ne pas vraiment comprendre. D’autant plus qu’il s’agissait de mort, un concept lointain et bien au-delà de la compréhension de beaucoup d’elfes. Il ajouta :

-Vous, ce n’est pas le cas. Certains pourraient être agressifs à votre égard. Il existe une sous espèce de nagas un peu « sauvages ». Ils reconnaissent les leurs mais considèrent les étrangers comme hostiles. Alors si je peux vous donner un bon conseil c’est de ne pas vous y rendre seule.  

    Une autre quête l’attendait mais si l’elfe insistait il pourrait peut-être envisager de l’accompagner jusqu’à sa forge, même s’il en venait. Ou elle attendrait qu’il revienne. Il ne voudrait pas qu’il lui arrive quoi que ce soit surtout si la soif de connaissance risquait de l’emporter sur la prudence.

    Elle semblait oublier que venir chez elle n’était pas une étape que Sslozmek avait prévue dans son voyage. Il se rendait normalement vers l’académie de magie pour y étudier la magie noire. Il voulait savoir avant tout comment la combattre et délivrer sa fille du mal qu’il avait lui-même créé. Mais il se doutait que le prix serait terrible et il n’avait toujours pas de solutions pour remplacer celle qu’il avait choisie pour la sauver de ses nombreuses maladies. Aucune solution ne semblait bonne et pourtant, le moment venu il devra faire un choix.

    Retourner dans les marais et avorter son voyage ne lui plaisait pas mais d’après tout il devait bien cela à l’elfe. Il avait promis de l’aider et elle lui donnait l’occasion de tenir sa parole même s’il aurait préféré que ce soit dans d’autres circonstances.

-Aucun.  Mentit-il. Je suis équipé pour me rendre jusqu’à Endorial et bien plus loin, alors je n’aurai aucun problèmes pour rebrousser chemin.  

    Puis il chercha une solution pour que la présence de l’elfe ne paraisse pas suspecte pour ses congénères. Ils se rendaient à sa forge et Sslozmek eut l’idée de concocter un petit mensonge.

-Donnez-moi votre dague. Je vais l’abimer. Si jamais quelqu’un nous pose des questions je vais prétexter que vous êtes l’une de mes clientes, que je vais réparer la dague et que vous êtes curieuse de savoir comment je forge mes armes.  

    Il n’aimait pas mentir. Il était particulièrement malhabile pour cela. Néanmoins, si un mensonge contenait des demi-vérités, alors dans ce cas, il était bien plus à l’aise pour jouer la comédie.

    Il acquiesça. Le voyage n’était pas très long. Deux journées de marche, pour quelqu’un d’habitué à voyager sur plusieurs semaines, ce n’était pas grand-chose. Pour un être habitué à la proximité avec la nature et connaissant suffisamment celle-ci pour se nourrir sur place, c’était encore plus facile.

-Oui, je vous montrerai comment je forge.  

    Il prit délicatement la dague quasiment neuve et la posa sur le tronc dont il s’était servi pour se reposer. Il dégaina ensuite son épée courbe et frappa le tranchant de la lame de la dague à l’aide du pommeau. Après plusieurs dizaines de coups acharnés, cela eut l’effet escompté. Rapidement, la dague s’en retrouva émoussée et ébréchée. Rien d’insurmontable en dégâts mais suffisamment pour qu’elle soit quasiment inutilisable. Cela lui fit presque mal au cœur de massacrer le travail qu’il avait accompli en plusieurs heures mais c’était pour la bonne cause. Il examina l’arme, pas vraiment satisfait et la rendit à sa propriétaire.

-Ça devrait faire l’affaire si jamais il y a des curieux.

    Après lui avoir demandé de le suivre, Il rentra à l’intérieur de la maison de son hôtesse et il déballa la plupart de ses affaires sur la petite table où il avait goûté la recette végétale de l’elfe. Il tria son matériel de survie avec ses rations de viande séchée qu’il ne consommait qu’en cas de dernier recours s’il n’y avait rien pour se nourrir sur place. Il présenta alors tout son attirail en précisant que pour aussi peu de temps, il n’y avait pas vraiment besoin de tout cela, surtout s’ils étaient deux. Apporter du matériel en doublon n’était pas forcément nécessaire.

-Suivant où je veux me rendre, je ne prends pas forcément toujours les mêmes choses. Sauf si je sais que je vais partir longtemps alors dans ce cas, j’essaye d’être prévoyant.  

    Il sortit alors un gros manteau de fourrure qu’il avait au préalable plié en se servant de tout son poids.

-Ca, c’est pour les Baldors.  Ajouta-t-il en sortant également des piolets pour grimper des falaises de glace. Mais ce dont je me sers le plus, lorsque je dois cuire ma viande c’est ceci.

    Il montra alors un vieux briquet à amadou datant d’au moins son grand-père qu’il n’avait jamais connu. Il en existait des plus modernes et des systèmes plus simples à base d’huile mais le principe restait le même : créer une étincelle pour embraser un combustible. Ici, une petite roue en métal venait frotter contre un silex pour enflammer une mèche qui n’était plus d’origine depuis le temps. La mèche incandescente était ensuite enfouie dans des brindilles et de la mousse séchée pour les faire prendre feu. Cet objet était une véritable fierté pour Sslozmek puisque c’était la seule chose qu’il lui restait de son héritage familial.

    Il trouva inutile de déballer corde, couteau à dépecer, torches et couverts. Après tout, ils n’allaient pas jusqu’à Ishtar.

-Certains s’équipent aussi de tente et peaux pour leur confort. Personnellement je n’en ressens pas forcément le besoin. J’en apprécie encore d’avantage les étapes dans les auberges. Je pense que vous savez à peu près tout maintenant. Beaucoup de choses sont peut-être un peu évidentes mais pour deux jours de marche, nous n’aurons à passer qu’une seule nuit en pleine nature.

    Le lézard sourit face à cette marque d’attention et d’empathie et tressaillit légèrement à cause du manque d’habitude d’avoir un quelconque contact avec une personne étrangère. Certes, il s’était déjà pris des grandes claques dans le dos et des poings aux épaules mais rien de très délicat contrairement au geste de Lariela qui ne respirait que la bienveillance et non la taquinerie ou la bonne camaraderie de beuverie ou de jeu. Il se souvint alors que cela faisait bien longtemps qu’il n’avait pas eu le droit à un tant soit peu de tendresse, même de la part de sa propre compagne. Ce n’était pas suffisant pour le bouleverser mais les combats et les voyages lui avaient presque fait oubliés ce que c’était d’avoir de la vraie compagnie. Cela lui manquait de plus en plus mais risquait aussi de l’écarter de ses devoirs. Ce n’était pas le moment de se montrer égoïste alors qu’il avait une fille à trouver et Le Basilic à libérer de ses chaînes. Pour l’heure, il n’avait obtenu de résultat ni pour l’une, ni pour l’autre. Mais à force de persévérance, il était certain de parvenir à ses fins. Du moins, il essayait de s’en convaincre.

    Lariela, curieuse comme elle était, eut son attention portée sur l’objet aussi ancien que peu banal. Même s’il s’agissait d’un bien auquel l’homme lézard tenait, il avait confiance en elle et la laissa en approcher la main puis découvrir elle-même la manière dont il fonctionnait. Ce n’était pas vraiment sorcier, quoi qu’il faille avoir un peu de dextérité et de force dans les doigts pour pouvoir créer plusieurs étincelles qui viendraient enflammer la mèche. Il était rare que les flammes apparaissent dès la première rotation de la petite roue crantée. Sslozmek, lui, avait l’habitude de s’en servir depuis tout jeune et n’avait aucun problème. Mais pour une néophyte, il était possible qu’elle s’y reprenne à plusieurs fois avant d’allumer la mèche.

    Il fouilla dans sa mémoire ce qui pourrait s’avérer indispensable pour un voyage aussi court. Il avait déjà tout le nécessaire pour partir sur plusieurs jours voire semaines mais Lariela n’avait pas l’air d’avoir d’équipements spécifiques.

-Si vous avez plusieurs outres d’eau, il me reste de la place dans mon sac. Si vous avez le vôtre et que l’envie vous prend de cuisiner avec les ressources à disposition entre la forêt et les marais vous pouvez prendre de quoi concocter quelque chose si vous le souhaitez. Des vêtements chauds ne seraient pas de trop ainsi qu’une couverture à laquelle vous ne tenez pas trop. Les nuits sont plutôt fraîches sous les arbres.

    Il rangea alors un à un les objets qu’il avait sortis en vérifiant l’intégrité de chacun d’eux. Il avait déjà effectué cette action avant de partir des marais et il n’y avait pas vraiment de raisons qu’ils se soient dégradés durant le trajet. Une simple habitude qu’il avait prise avant chaque départ en voyage, surtout d’une grande ville où il était possible de renouveler son matériel. Une fois les préparatifs effectués, il n’y avait plus qu’à se diriger vers les marais en évitant de traverser le bosquet maléfique. Sslozmek ne se sentait pas en état d’affronter de nouvelles créatures.

    Il rangea le briquet à amadou à l’intérieur de son sac. L’objet semblait avoir beaucoup intéressé l’elfe, c’est pourquoi il lui donnera sûrement l’occasion de s’en servir à nouveau lorsqu’ils monteront leur bivouac. Lui qui y tenait beaucoup, il appréciait grandement que Lariela en prenne le plus grand soin. Encore une fois, il constata qu’elle n’était pas comme les autres elfes. A elle seule, elle allait peut être le réconcilier avec cette espèce qui l’avait si mal accueilli à Endorial. Mais peut-être n’étaient ce que les citadins de la capitale qui étaient d’un naturel hautain, méfiants et malpolis.

    Après avoir fait l’inventaire de tout ce qui était nécessaire d’emporter pour un voyage de moyenne durée, il vit Lariela grimper les marches de son solide escalier. Pendant son absence de plusieurs minutes, l’homme lézard, d’un naturel curieux, détailla tous les recoins de la maison. Son regard se posa sur la cuisine puis balaya la pièce en s’attardant sur chaque meuble, la façon dont ils avaient été fabriqués, leurs matières plus ou moins nobles. Il caressa le bois d’un buffet qui l’attirait particulièrement. L’essence lui était totalement inconnue. Cette espèce, totalement absente des Marais,  ne devait pousser qu’en Sylfaën. Même si les deux régions avaient de la flore et de la faune en commun, forcé de constater que le climat n’était globalement pas le même et par conséquent les espèces qui y vivaient différaient, surtout lorsque l’on s’éloignait de la frontière.

    Une fois l’elfe vêtue d’une tenue appropriée pour voyager, ils se mirent en route en direction des marais. Vu d’où ils partaient, il sera difficile de rattraper la route principale qui n’était d’ailleurs qu’un chemin suffisamment large que pour faire traverser une large charrette. Le voyage risquait bien de prendre le temps que l’avait estimé l’homme lézard. Sans cela, une journée aurait probablement suffit. Surtout que les deux voyageurs ne se risquèrent pas à s’aventurer en bordure du bosquet maléfique et firent un large détour. Les entités devaient déjà y être en colère, c’était inutile de les provoquer à nouveau au risque d’avoir à faire à encore plus dangereux que les créatures qu’ils avaient combattu.

   Ils s’enfoncèrent alors dans la forêt en contournant soigneusement le bosquet maléfique. Pour l’heure, Sslozmek parvenait à se repérer. La boussole qu’il emportait toujours avec lui sera probablement utile mais pour le moment, il savait approximativement dans quelle direction ils allaient. Naturellement, ils entendaient les habituels bruits de la forêt. Des animaux de faibles envergures fuyaient leur présence, quelques oiseaux s’échappaient d’un arbre en piaillant leur mécontentement d’avoir été dérangé par des individus bruyants tandis que d’autres, plus courageux, piaffaient pour défendre leur territoire si durement acquis. Mais l’homme lézard fut interpelé par un son régulier et sourd qui semblait venir dans leur direction. Des pas lourds qu’il associa à ceux d’un troll. Mais cela pourrait très bien être quelque chose d’encore plus massif et dangereux. Le meilleur moyen de savoir si la chose en avait après eux était de se déplacer discrètement dans une direction aléatoire et d’attendre patiemment que le monstre passe tout en restant caché. Lariela avait peut-être une approche différente, peut être grimpait elle aux arbres pour échapper à un éventuel assaillant trop pataud pour se hisser au sommet des branches. Mais Sslozmek, lui, préférait se dissimuler dans un buisson qu’il trouvait plus adéquat si jamais il devait s’échapper. Evidemment, aucune raison de fuir si jamais ils n’étaient pas repérés. Mais sait-on jamais.

    Accroupi entre des fougères, la peau de l’homme lézard ainsi que ses vêtements aux teintes naturelles se camouflaient à merveille parmi les plantes. Une créature manquant d’attention pouvait aisément le manquer. Il parvint à ralentir la puissance de son souffle pour rester le plus discret possible et attendit en écoutant plus qu’en observant. Les pas ne semblaient pas se rapprocher d’eux, ce qui était plutôt de bon augure. Le monstre, quel qu’il soit, ne les avait pas repéré ou ne faisait pas attention à eux. Lariela, comme il l’avait deviné, s’était cachée dans un arbre comme lorsqu’elle chassait à l’arc. Elle aussi devait faire preuve de beaucoup de patience à attendre qu’une proie ne vienne directement au contact de sa flèche. L’homme lézard préférait se rendre directement dans l’habitat naturel des créatures pour les surprendre lorsqu’elles s’y attendaient le moins. Mais les deux techniques se valaient et il reconnut qu’attendre dans un arbre n’en était pas moins difficile. Il fallait repérer les habitudes du gibier et bien choisir son perchoir pour ne pas être détecté par l’animal que ce soit par sa vue ou son odorat.

    Sslozmek plaqua son ouïe au sol. Il lui sembla alors que le monstre s’était éloigné pour de bon. Il ne détectait que des pas d’autres animaux bien plus petits et rapides, rien de dangereux en soi. Mais mieux valait être prudent. Après quelques minutes, l’homme lézard se risqua à chuchoter :

-La voie est libre.

    Il se releva lentement et apparaissant entre les broussailles, chercha Lariela des yeux. Elle aussi s’était habilement dissimulée et il aperçut alors un pied s’appuyer sur une branche solide avant de descendre gracieusement et sans le moindre effort apparent. La jeune elfe semblait aussi agile qu’un primate dans son milieu naturel.  

-Vous avez appris toute seule à grimper aux arbres aussi aisément ?  Continua-t-il à voix basse avec une pointe d’admiration.

    Sslozmek se sentit bête. Evidemment, les elfes vivaient dans la forêt depuis des générations et avaient appris à l’apprivoiser à leur manière. Ils construisaient même dans les arbres. Alors ne pas savoir y grimper serait plutôt stupide. Tout comme les nagas vivaient dans des marais gorgés de vie et comportant de la faune dangereuse, ils étaient formés tout jeune à se méfier de certaines espèces et variétés de plantes vénéneuses. Savoir nager et pêcher dans les vastes étangs qui parcouraient les terres nagas était également indispensable à leur survie. Même si chacun prenait une voie différente en grandissant, c’était dans l’apprentissage de tous serpenteaux de savoir se débrouiller seul dans la nature. Même la fille de l’homme lézard, qui était censée devenir grande prêtresse un jour, était passée par ces étapes. Les elfes n’étaient pas bien différents et s’adaptaient à leur milieu. Cependant, il imaginait mal les elfes bourgeois à Endorial se salir et s’érafler les mains sur les branches noueuses d’un chêne pour atteindre sa cime. Sslozmek en conclut qu’il était bien possible que certains citadins elfes pouvaient perdre leurs capacités  avec l’âge et le manque de pratique.

    Mais une elfe de la trempe de Lariela, qui vivait en exil dans un lieu reculé au cœur de la forêt, se devait  de se débrouiller toute seule et se fondre dans la nature. Même si, malgré son apparence, elle devait être plus âgée que l’homme lézard, elle avait la même vigueur et s’était entraînée si longtemps que cela était devenu tout bonnement naturel d’escalader des arbres. Elle passait probablement une grande partie de sa vie perchée sur une branche à attendre une proie ou se déplaçait de branche en branche aussi aisément qu’un primate. Mais tout cela ne lui avait pas semblé évident. Il avait croisé bien peu d’elfes différents. La plupart étaient des hauts elfes appartenant à une certaine élite noble qui avaient l’air de bien s’accommoder du plancher des vaches. Ils ne semblaient pas vouloir retourner s’aventurer dans une forêt qui risquerait de déchirer leurs vêtements aux étoffes délicates.

-Oui, je suis bien d’accord avec vous. Les jeunes nagas apprennent également à s’adapter à leur milieu, sinon ils se retrouveraient vite tués par une créature dont ils ne se sont pas méfiés ou une plante vénéneuse qu’ils auraient ingurgitée par mégarde. Continua-t-il tout bas. Bien, mieux vaudrait ne pas rester ici. Nous ne devrions plus être très loin de la frontière avec les marais. Je reconnais quelques essences qui y poussent.  

    Il montra un champignon typique de sa terre natale ainsi que des clochettes violettes qui appréciaient les sols tourbeux des marais d’Hukutav.