Perchée sur son dromadaire, le visage et la tête cachés par sa capuche et son masque, une elfe sylvaine bien loin de chez elle se balançait au rythme des pas de la caravane, se laissant porter sous le soleil montant et cruel d'Harena. Les deux volumes ovoïdes blancs qui servaient d'yeux au masque laissaient aux pupilles d'Hissaëyia l'entièreté du spectacle du désert matinal, ainsi que les tons dorés et bruns qui montaient derrière les dunes, derrière l'infini océan étincelant du désert. Le soleil ne montait au-dessus de l'horizon que depuis un heure à peine, et pourtant déjà la chaleur montait, aujourd'hui encore.
En admirant l'aurore, plusieurs sensations vinrent chatouiller la mémoire de l'elfe rousse : des draps soyeux, un lit moelleux, une chaleur sur son visage, l'odeur de l'écorce, et la fraîcheur du vent des cimes... Cela faisait désormais deux jours qu'elle voyageait en compagnie de la caravane. Un coup du sort qui lui permettait d'éviter les complications, elle savait la traversée du désert souvent périlleuse. Et pendant ce temps, elle avait pu observer quelques-unes des habitudes de ces marchands du désert.
Alors qu'elle pensait en regardant défiler les vagues ambre, une voix retentit à l'avant de la caravane.
“Oasis en vue ! Nous y serons bientôt.”
Les yeux de la jeune Min'Arinth se tournèrent vers l'avant de la caravane. Ses yeux elfiques perçurent facilement petite tâche verte au milieu du jaune sable omniprésent. Elle avait entendu les autres parler de l'oasis, nombreux étaient ceux qui étaient impatients de se rafraîchir parmi les arbres, de se désaltérer sans retenue, ou de commercer au grand campement orc. Des orcs. Hissaëyia n'en n'avait jamais réellement rencontré. Elle en avait croisé, Endorial était grande et attirait de nombreux voyageurs, ainsi il était possible de tomber sur une peau-verte dans ses rues, mais elle ne leur avait jamais adressé la parole. Pas le temps ? Pas l'envie ? Pas d'intérêt ? Tout cela à la fois, conclut-elle silencieusement. Mais elle allait devoir faire en sorte que ça change, elle devrait acquérir des contacts partout pour ce qu'elle avait à faire.
Mais la première étape ne serait pas forcément aujourd'hui. Elle reviendrait plus préparée, après avoir mieux étudié la question, depuis Stellaraë sans doute. Pour l'instant, elle essaierait simplement de glaner le plus d'informations possible, et surtout de se préparer pour le départ de la caravane en fin de journée. Et de se nettoyer à l'eau, principalement.
Quand elle discerna plus distinctement les différents arbres de l'endroit, ainsi que le camp de l'autre côté du point d'eau, Hissaëyia se surprit à avoir hâte d'y être, et faillit soupirer. Le voyage était éreintant, et elle se félicitait de passer le moment le plus chaud de la journée à l'Oasis, étant donné que la caravane ne se déplaçait que durant l’aube et le crépuscule, afin de pouvoir s’abriter durant le froid de la nuit, et durant le chaleur intenable du jour.
Le groupe commençait à s’agiter, des appels fusaient à travers la caravane alors que chaque pas rapprochait les nomades de l’Oasis, et donc du camp des orcs où ils comptaient aller commercer pendant la journée. On demandait d’un côté combien il restait de mètres d’un tissu rare, de l’autre s’il y avait suffisamment de sacs d’épices… Tout le monde était en effervescence, et la rousse observait le tumulte qui se déroulait autour d’elle quand elle capta un feuille ondulant au vent à côté d’elle. Elle leva les yeux vers le palmier qui se penchait au-dessus de sa tête, une touche de vert, la première vraie touche de vert depuis qu’elle avait quitté les derniers bois de Hukutav.
Cette vue lui tira un sourire sous son masque, et elle faillit ne pas remarquer que le groupe s’était arrêté. Fort heureusement, son dromadaire, lui, avait l’instinct grégaire. Regardant toujours les feuilles qui se balançaient au dessus de sa tête, sous le regard interrogateur du jeune guerrier qui chevauchait à côté d’elle, elle retira son masque, et libéra ses cheveux de sa capuche, laissant son interminable tresse couleur automne tomber dans son dos, serpentant jusqu’à la moitié de ses cuisses.
Elle se laissa glisser sur le sol enfin herbeux et Feuille la renarde rousse, détala sans attendre dans la verdure, sans doute pour chasser. Le soleil n’était pas encore haut dans le ciel. L’humain à côté d’Hissaëyia l’observait. C’était lui qui avait poussé la jeune femme à voyager avec la caravane, au moins sur une partie du chemin - avait-il précisé avant d’apprendre qu’ils avaient la même destination. Mais plus il l’observait, plus il se posait de questions à son propos. Elle était grande, très grande. La plus grande personne qu’il ait probablement jamais vue. Elle faisait environ deux mètres vingt en même temps, et il s’était souvent demandé si elle n’était pas affiliée aux géants dont il avait entendu des rumeurs. Et il la trouvait aussi terriblement belle. Elle paraissait froide et sévère, pour sûr, mais étrangement magnifique.
Il ne put, à cause de cette pensée, s’empêcher de détourner le regard lorsqu’elle s’adressa à lui.
“Je vais passer du temps dans l’eau avant que le soleil ne soit haut. Vous allez monter le camp pendant ce temps non ? Je serai de retour pour le repas. ”
Elle avait parlé sans émotion, et sans laisser de place à tout éventuel doute : rien de ce qu’elle n’avait dit était une question, c’était juste ce qui allait se passer. Mais le jeune homme ne put s’empêcher de l’imaginer se baigner nue, et il rougit, avant de s’éclaircir la voix…
“J… Je préviendrai les autres, si vous arrivez en retard j.. Je vous garderai votre part !”
Il était jeune, fougueux, courageux, idéaliste, naïf, et très manifestement puceau. Il avait presque l’air d’un enfant épris d’une princesse en prononçant ces mots. Il déglutit en attendant la réponse de la rousse :
“Très bien, fais comme ça.” dit-elle avant de s’éloigner à travers les arbres, laissant le pauvre jeune homme s’occuper des dromadaires.
Alors qu’elle avançait vers le point d’eau au centre de la verdure de l’Oasis, elle rangea son masque dans sa sacoche, manipulant délicatement le cuir noir et la boucle d’argent en forme de renard de cette besace offerte par son maître. Elle arriva au bord de l’eau.
Elle se délesta de son manteau noir, de sa besace et de ses bottes, elle laissa son arc caché sous son manteau. Elle était désormais habillée d’habits de tissus légers et moulants, gris, qu’elle avait cousus au cours de son temps libre, avant son départ. Ils laissaient bien passer toute la fraîcheur de l’oasis, et protégeaient pourtant ses bras et jambes du soleil.
Elle s’apprêtait à les retirer aussi, pour pouvoir se glisser dans l’eau, avant que le soleil ne monte, mais elle cru remarquer un mouvement du coin de l’œil, et s’arrêta, baissant la main vers la dague accrochée à sa cuisse gauche, par précaution.
“Qui est là ?”
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