Fin du combat

Fin du combat

De nouveau, et comme Dilon Deraborne jouait avec son épée légendaire, Sobek Elpoemer Grey ressentit un appel du vide irrésistible : comme ces flammes semblaient douces d'envoûtement, délicates de violences, promesses nuptiales d'un destin sinistre ! Les âmes en lui chantaient pour Svërdd, et il dû, toujours courbé devant le Gardien, regarder le sol en serrant fort la mâchoire pour ne pas sauter s'empaler sur sa lame.

Il releva simplement la tête pour dévisager l'objet que l'homme avait trouvé au sol. Avant de se figer, les yeux gros comme les couilles d'une Wyverne, et de balbutier :

Sans vraiment savoir pourquoi il avait débité ce pan de lore Dùralassien face à un simple verre, il tapait du pied, martelant les adjectifs possessifs, comme un enfant. Il doutait fort qu'il ne s'agisse là que d'un simple calice de beuverie, car quelque chose l'attirait en la coupe, et sa dernière facétie consistait simplement en une fourbe tentative de dissuader l'homme de garder l'artefact. De toute manière il connaissait les Gardiens, que feraient-ils de cette coupe à part des concours d'ivrognes au Canari Jaune ? Il détestait ce concours. Styx n'avait jamais gagné, et ce qu'il ne gagnait pas était vraiment nul comme activité.

Au cas où, il glissa une main discrète dans une de ses poches, enserrant un poignard. Prêt à planter Dilon pour un chocobon.

Même s'il remerciait profondément Dilon de s'être occupé de son minou aussi énergiquement, il demeurait lucide quant à l'importance d'accumuler les richesses.

L'étrange babiole émit un son métallique lorsqu'il tomba au sol.

Car Sobek Elpoemer Grey avait tremblé au moment de se saisir du calice rongé par la crasse. Ses yeux exorbités avaient eu le temps de détailler l'artefact dans sa chute, un instant qui porté par la diffusion d'une primitive magie dans l'avant-bras du vampire s'étira inlassablement jusqu'à déformer l'espace-temps.

Sobek Elpoemer Grey voyait des brillances dorées, sorte de poussière solaire, envelopper l'objet de sa convoitise, des traces d'un rouge néon se dessiner autour de ses anciens rubis. Cette image statique eut le temps de s'inscrire durablement sur le fond ténébreux de la caverne Speluncienne, et le temps qu'un violent tintement métallique ne se révèrbère sur les parois un présage se grave dans les rétines de Saint Sobek.

Usurpateur par dévoration de son statut semi-divin, Styx n'avait envisagé les épiphanies que grâce aux drogues juqu'ici. L'idée qu'un Dieu veuille s'exprimer à lui était à la fois absurde, ironique, et leçon d'humilité pour son hubris.

Il se figeait, la mine fermée, et contemplait un enfer de lumières.

Au-dessus de Spelunca une Lune Rouge hurlait aux oreilles de ses habitants la nuit qui ne finirait jamais. Une soirée de cauchemars où lui, tout de rouge vêtu, regarderait l'horizon s'embraser verre de sang en main. Traversée par un sceau dont les arêtes étaient gravées de géométries insensées, Château-Rouge serait soufflée par une illusion éternelle. Sans spectacle ni fanfare, les ombres engloutiraient sa châtellerie, placeraient au-dessus des toits et tours un fin linceul hypnotique.

L'unicité de toute chose en des lumières aux couleurs horriblement fausses. Un orange morne et malade, et des accents violacées étouffants, une touche de beige bourdonnant aussi. Alors les digues se rompraient pour noyer les hauteurs hallucinées de Château-Rouge pour y déverser les larves d'une nouvelle ère.
Jusque là assoupis, des vers cérébraux creuseraient des sillons affamés dans les crânes de tous ceux qui dans la grâce du Père avaient communié et Adam accorderait la bénédiction de son savoir aux vampires.

Accordons-leur des yeux, Sobek Elpoemer ! Plantons des yeux à l'intérieur du liquide encéphale qui baigne leurs si jolies têtes !

Un Âge d'une réalité singeant le vrai, l'Âge des astres morts et le triomphe du superficiel. Le sang fuserait de toute part, des gouttes se formeraient dans les rues, couleraient le long des gouttières et se déverseraient avec fracas devant les portes du château. L'Empire serait abreuvé d'une ambroisie viciée, réceptacle à une forme de vie nouvelle ; extraplanaire.

Oh, Sobek, demande et tu recevras, mon enfant !

Pour la première fois depuis son existence qui précédait l'ombre de la première éclipse, Styx fut transi d'effroi devant le pouvoir d'un Dieu Dùralassien, lui qui n'avait que supputé a propos de celui qu'il comptait ingérer. Aucune formule de ces laboratoires, aucune recherche de l'Université n'avait envisagé qu'Adam puisse se rire profondément de ses fils ; que certains Dieux par la morosité de l'éternité trouvent réconfort dans les plaisirs viscéraux de l'annihilation.
Là, dans l'ombre des cavernes dont les murs laissaient danser des ombres folles, Styx trouvait écho en son Dieu Vampire et dans la terreur que celui-ci commandait.

Adam lui accordait ses faveurs non pas par clémence, mais par curiosité débridée et jouissance nihiliste. Le Dieu à l'ombre qui pulsait sans rythme cardiaque désirait voir son sang transformé par le stupide Dévoreur qui s'essayait à vouloir manger plus gros que son ventre.

Soudainement, Styx n'était plus certain de vouloir le calice, mais, en un sourire crispé et mal-assuré, il constata le tenir fermement à deux mains lorsque son épiphanie se termina. Ayant soudainement égaré sa nonchalance, et sa bonne humeur, il tourna vers Dilon Deraborne un air vaseux et inquiet :

Le calice était de nouveau silencieux, sale et encroûté de poussière, mais Sobek Elpoemer Grey se demandait si Dilon entendait son appel cacophonique et ses promesses de rivières de sang. Le Calice d'Adam n'était nulle sainte relique, mais bien la farce d'un cruel créateur envers la déraison de son œuvre.

Le souffle court, il sourit à l'humain de son air narquois d'antan. En voilà un rebondissement excitant ! Hinhinhin