La psychologie de Styx est ce qui indéniablement a le plus changé depuis son arrivée en Dùralas. (En dehors de son statut)
Autrefois créature bariolée, excentrique, découvrant une toute nouvelle aire de jeu, l'arlequin a troqué ses cartes pour une double arbalète, et dans le même temps son amour du compliqué pour un goût du raffinement simple. Délaissant les spectacles macabres au profit de machinations parfaitement calculées, le jeune Dévoreur est désormais presque adulte et avec l'âge vient l'accalmie. Toute relative, soyons clairs, en essence Sobek demeure sauvage, uniquement mû par son éternelle famine d'âmes à engloutir, de sang duquel abreuver les terres pour ses sombres rituels. Là où il a jadis prêché l'anarchie pour y exister en tant que maître de son propre jeu, Sobek Elpoemer Grey a aujourd'hui les règles au sein de son royaume et telle l'araignée au centre de sa toile, il ne bouge que pour subvenir à ses besoins.
Ayant ingéré moult Dùralassiens, d'horizons très variés, Styx a assimilé les codes sociaux et les reproduis afin de consolider son image de banal seigneur vampire. Château-Rouge, sa Cour, et ses lois ne sont que des outils artificiels supplémentaires pour justifier ses desseins de Dévoreur.
Toutefois, avec la découverte et la familiarisation au genre humain il s'est également découvert capable d'empathie, ou a minima d'affection pour certains individus, et il se surprend désormais à considérer le bien-être d'autrui dans ses jeux d'ombres. Il apprécie cette part de lui-même, car elle lui permet à la fois de ne pas se sentir en total déphasage avec la réalité, mais également car comprendre sa proie c'est pouvoir mieux la chasser.
Styx n'a sensiblement jamais changé de motivations ou d'humour cruel, même si son esthétique et façon d'agir ont quant à elles basculé de l'exagération au minimalisme. Aujourd'hui faire exploser une bombe au sein de Stellarae lui apparaît comme une erreur de jeunesse, mais l'invocation de Natsuhydr sur le continent demeure sa plus grande réussite. Après avoir été Ombre, et désormais Régent de Spelunca, Sobek Elpoemer Grey est bien plus sérieux, à la fois dans sa manière d'aborder les situations mais aussi dans celle de les concevoir.
Il trouve également le fait de pouvoir compliquer les démarches administratives comme étant la part la plus hilarante d'être au pouvoir. Quel délice que de recevoir des paysans qui n'ont pas été payés depuis des mois, en larmes -et désormais veufs- parce qu'ils ont oublié d'envoyer leur livre de comptes en double exemplaire aux instances juridiques.
Pour autant on ne pourrait pas dire de lui qu'il n'a cure de ses fonctions. Malgré ses humeurs et décisions facétieuses, Sobek n'est pas naïf et sait qu'un royaume gouverné d'une main ferme est à la fois une vitrine diplomatique forte, un foyer agréable à vivre, et un jeu à plein temps où il s'accompli. Son désir de paix interraciale à Spelunca est véritable, et la prospérité de son peuple souveraine, aussi il aime à réhabiliter prostitués, bandits, et autres rejetés des grâces de Stellarae, qu'il considère comme intolérante et vieille. En détournant les bannis du Roi, il compte un jour les utiliser comme poids pour faire basculer l'ordre national.
En définitive ; élégance, efficacité et léthalité sont ce qui régit Sobek Elpoemer -Styx- Grey. Et s'il apparaît comme méprisant et arrogant parfois, c'est sans doute vrai, difficile de ne pas l'être lorsqu'on est l'entité la plus ravageuse de ce continent et de l'Immatériel.
La pluie et le vent battaient Spelunca en cette soirée. L'air déjà sec et impitoyable de la montagne, mêlé aux trompes d'eau qui s'abattaient sur les pavées élégamment disposé du bourg de Château-Rouge rendaient toute sortie pour le moins audacieuse, voire insensée. Dehors, les arbres morts menaçaient de céder aux rugissements des bourrasques, et par delà les enceintes gardées où brûlaient des feux-follets arcaniques, on ne pouvait qu'imaginer ce qui sortirait dans la nuit. Car dans le dédale rocheux du massif Speluncien, ses routes courbées et ses pics hallucinés, personne n'entendait jamais crier malgré l'écho qui devrait exister en ces lieux. Nombreux étaient les murmures de taverne qui rapportaient, toujours lorsque l'alcool avait achevé de subtiliser aux langues leurs peurs les plus primaires, les excentricités qui habitaient Spelunca. Surtout, ajoutaient certains fous lorsqu'ils s'étaient assuré de la discrétion de leur auditeur, depuis que le "Saint" était arrivé sur le trône.
Des ténèbres se mouvaient dans l'obscurité, quelque chose était de retour en ces lieux, s'était extirpé de son sommeil séculaire pour terroriser voyageurs et habitants sans distinction aucune. Les égarés qui trouvaient refuge à Château-Rouge colportaient des récits fiévreux de figures féminines dansant au rythme d'étranges percussions, les seins nus, et prêtes à inviter quiconque se perdait jusqu'à leur sabbat. Les plus vieux vampires quant à eux avaient interdit aux jeunes de sortir lors des nuits de pleine lune. car on comptait autrefois d'atroces légendes concernant le satellite d'argent ; des histoires d'œil diabolique, unique et impérieux qui scrutait les péchés directement dans le cœur des Hommes et s'en servait comme autant d'hameçons. Des histoires que l'on ne racontait plus, soit par peur, soit car le temps en sa qualité de prisme déformant les rendait plus terrifiantes encore, mais une chose était sûre : Le Massif n'était pas naturellement accueillant. On aurait beau peindre milles briques rouges à sa surface, et y ériger tous les emblèmes de civilisation existants, ses sommets escarpés demeureraient hermétiques à partager leurs secrets sibyllins et ses brumes opaques conserveraient leurs fantômes...
Une branche qui fouettait le carreau de sa fenêtre chassait Maribelle d'un songe monochrome. Subitement, elle ouvrait les yeux, ne gardant de son cauchemar qu'une vague mais certaine réminiscence. Du rouge, il y avait du rouge partout.
Comme elle sursautait sur sa chaise, face à la cheminée qui menaçait de s'éteindre, trop longtemps restée sans surveillance, elle déposait dans les flammes une bûche et se mordait la lèvre inférieure en scrutant l'obscurité dehors. Parmi les volutes noires et les gouttes immenses s'érigeait le château, c'était à s'en demander comment, malgré la tempête, on l'apercevait toujours. Maintenant qu'elle y pensait, on le voyait tout le temps, ce palais de roche noire volcanique. Avec ses tours affûtées comme des crocs de serpent et ses fenêtres où parfois étincelaient des brillances fantastiques.
L'horloge sonnait minuit et un frisson lui parcouru l'échine. Dans exactement une demi-heure elle devrait prendre le relais de ménage au château.
Récemment les bruits faisant état d'un nouvel abandon du trône par le Roi Vampire gagnaient en sonorité. Dans toutes les bouches on parlait d'une manière ou d'une autre de l'étrange torpeur qui avait gagné Château-Rouge, puis Spelunca. Lentement, au fil des journées, tous avaient -avec une pointe de soulagement- oublié comment décrire précisément leur suzerain. Saint Sobek de Spelunca... si on le lui demandait, là maintenant, elle dirait qu'il était une figure sombre, informe, aux yeux rouges. Et... c'est tout. Pourtant, Maribelle Heinken officiait en tant que femme à tout faire pour le château depuis sa fondation il y a de cela deux ans, des latrines aux cuisines aucun recoin n'avait de secret pour elle. Sauf... l'aile à la porte rouge.
Cette extension à l'est, qui courait le long d'un précipice vers la Lune, formellement interdite à qui n'y était pas convié. Bien sûr, les ragots allaient bon train sur l'endroit ; là-bas c'était certes les quartiers du Roi, mais ça n'excluait pas d'autres choses moins conventionnelles. Phillipe le cocher racontait qu'une fois il y avait croisé deux favorites en laisse et harnais, dirigées par un gentilhomme qui les faisait franchir la porte rouge. Elizabeth la plus vieille cuisinière disait que l'endroit lui glaçait le sang et que plusieurs fois, comme elle déposait à l'entrée de l'aile ouest de la viande crue par sceaux, quelque chose rampait et projetait des ombres grotesques au sol. Emile, aujourd'hui disparu, avait un jour scruté la serrure dans un élan espiègle propice à son adolescence ; il était devenu livide, et le lendemain abandonnait ses fonctions.
Au fond Maribelle détestait cet endroit, car plusieurs fois des objets qu'elle laissait quelque part se retrouvaient ailleurs sans qu'on y touche, et, comme elle s'agenouillait pour récurer carreaux et mobilier, elle avait parfois senti un souffle rauque et affamé lui guetter la nuque. Plus depuis qu'on apercevait plus Saint Sobek Elpoemer Grey.
Mais le silence qui régnait dans les couloirs du château était d'autant plus intimidant. Désormais, c'était toujours la boule au ventre qu'elle arpentait les voûtes de pierre volcanique, et lorsqu'elle devait changer des bougies, elle revenait toujours à la salle des servants en pressant le pas. Aussi incroyable que cela puisse paraître, elle se considérait comme chanceuse : au dehors du bourg de Château-Rouge, la situation était bien pire que de supposées fantômes dans une vieille bâtisse. Ce qui en Dùralas était courant.
Dans les villes qui s'étaient développées grâce et autour de la capitale vampire, l'absence d'un monarque laissait les autorités démunies face aux demandes de subvention, et certains litiges avaient refait surface. Terres mal délimitées, bétail malade et pauvres récoltes ne trouvaient plus réponse en la Salle du trône et les autorités, les Frelons de Spelunca tout d'or et noir armurés s'étaient accaparé les pouvoirs de décider qui méritait compensation et qui trouverait châtiment par l'épée sans payer ses taxes. Peu à peu, aussi lentement qu'ils oubliaient collectivement l'apparence de leur Régent, un voile de folie se déposait sur chaque parcelle de Spelunca.
On faisait état de pauvreté, maladies, et famines chez les plus pauvres, tandis que ceux qui jusqu'ici prospéraient commençaient à marchander leurs biens acquis durant la période de gloire qui avait suivi l'unification du Massif. Aussi, le commerce d'alcaloïdes, une drogue connue sous le nom de "poudre Speluncienne" explosait : importée par des groupuscules dérivés de la Congrégation de l'Ombre, elle s'était répandue tout d'abord comme consommation fêtarde. Puis elle aussi avait doucement dérivé vers une échappatoire au climat anxiogène jusqu'à devenir la reine incontestée des trottoirs Spelunciens.
Loups et vampires serraient la ceinture, certains jusqu'à étouffer, et il n'était plus si rare que ça que les Frelons trouvent des morts oubliés en leurs demeures. Ce n'était que lorsqu'un patron en manque de personnel ou un cousin vaguement inquiet contactait les autorités que l'on découvrait l'horrible vérité : morts de faim et/ou par abus de substance, encore un sourire crispé aux lèvres par la poudre, la Mort s'installait durablement dans un territoire où elle n'était jamais sensée exister.
Maribelle soupirait. Peut-être devrait-elle essayer de quitter discrètement le territoire ? Elle avait entendu dire que des passeurs, infiltrés chez les Frelons, aidaient quiconque voulait partir à échapper aux patrouilles et péages jalonnant le territoire. Mais si jamais elle se faisait prendre... elle connaissait bien les rangs des Frelons : des Hommes vides d'expression, qui n'enlevaient même pas leur casque pour manger, et ne remerciaient jamais quand on changeait leur carafe.
Sur ces pensées, elle enfilait manteau, châle, et bottes avant de s'engouffrer dehors.
À peine avait-elle franchi quelques rues, qu'une main attrapait son châle, la faisant sursauter : c'était visiblement une pauvre mère de famille, les haillons usés enroulés autour d'une figure enfantine, qui, sous un porche, s'était traîné jusqu'elle. Ses yeux brillaient d'une lueur morte, ses lèvres étaient creusées de sillons secs, et sa peau jaunie trahissait l'usage de poudre. Elle lui montrait son nouveau-né, rachitique et difforme, en l'implorant de le laisser boire son sang car le sien, disait-elle, était empoisonné. Gênée, les joues en feu malgré la pluie et le froid, elle tournait les talons, accélérant encore jusqu'à son lieu de travail. Tandis qu'elle traversait les bâtisses, toutes de briques peintes et pierre noire, elle remarquait des bruits d'aspiration et des toux inquiétantes parfois, des façades délabrées pleines de moisissures rougeâtres. Silencieusement, elle adressait prière à Adam comme elle franchissait le seuil de la demeure du Saint des Saints.
Dans un silence morbide, le château siégeait, immuable de splendeur, intouché par les affres du temps et imperméable aux fléaux qui guettaient les terres. Ses fenêtres en arc-de-cercle, sortes d'yeux rieurs et désaxés, semblaient toiser le royaume malade d'un regard méprisant.
Lorsqu'elle gagna l'intérieur, Maribelle fut saisie d'un sentiment de malaise profond. Il n'y avait personne ici elle en était certaine. Aucun autre domestique n'arpentait présentement les tapis de velours couleur sang, et aucune servante ne s'affairait à cuisiner le petit-déjeuner au vu du manque de bruit. Il n'y avait qu'elle ; elle et les arches, voûtées pareilles au dos rond que faisait le chat du Maître lorsqu'il apercevait l'un d'entre eux. Elle et les peintures, toutes représentant dragons, le Roi, ou d'étranges serpents primordiaux qui étaient sensés avoir jadis gouverné la Terre. Elle et le vent froid qui se traînait au travers des immenses couloirs, caressait de la même manière sa chair et les bustes d'idoles religieuses, et saturait l'air d'une insoutenable immobilité. C'était comme exister au sein du vide. Si la mort pouvait être décrite, elle serait comme ce château ce soir...
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Vous rêvassez, Maribelle. Apportez-moi donc un whiskey, j'ai une de ces envies de me la coller.La voix désincarnée lui parvint de loin, par delà les escaliers en colimaçon qui menaient à l'étage des différentes ailes, et comme dans un songe. Elle était sympathique et pourtant impérieuse, éthérée aussi. Elle aurait pu s'enrouler dedans et y dormir longtemps... Sans réfléchir, elle s'exécutait. Une main habile chassait la poussière d'un des -nombreux- bars du château, disposés à intervalles si réguliers qu'ils dépassaient le nombre de fenêtres, et y attrapait un verre imposant, rond et décoré d'une gravure de serpent. De roses aussi.
Elle versait un BaldorHeim pur malt dedans, et flottait jusqu'en haut des escaliers. Jusqu'à se trouver devant une porte en bois de cerisier ; la porte de l'aile Ouest. Dans les interstices de ce qu'on avait sculpté dessus -à savoir, une rose dans laquelle s'enroulait un serpent- il y avait de l'or, des rubis, et des diamants. La porte, contrairement aux commérages n'était pas rouge, elle était toute dorée, lustrée, et si agréable pour les yeux.
Sa poignée, nacrée, presque comme un coquillage des sables d'Ishtar, l'invitait ostensiblement à franchir son seuil.
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Aller, aller.C'est vrai, ça. Quelle idiote ! Ses pensées se mélangeaient, s'alourdissaient, fusionnaient, retombaient, dansaient. Sa bouche laissait s'échapper un mince filet de bave tandis que la voix l'étreignait de nouveau de son ton chaud. Toute entière elle frémissait de rejoindre quiconque eut pareille douce intonation. Quel plaisir pour les oreilles !
Sans s'en rendre compte, elle avait marché, plateau à la main dans lequel teintaient deux glaçons, jusqu'à un couloir présentant une ouverture gargantuesque de pierre grise et à l'aspect austère. Ici, pas de décorations, ni fioritures, et pourtant, dans les ténèbres épaisses qui baignaient les escaliers menant aux souterrains du château elle trouverait la Voix.
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Descends, ça va bientôt commencer.Un pas après l'autre, son cerveau fondait doucement, porté par un ordre auquel elle ne se serait jamais soustrait. Bercée par les notes divines, sa cervelle frétillait, comme du poulet dans l'huile chaud, de découvrir ce qui se passait ici-bas.
Elle ne voyait rien, ses pieds tâtonnaient, et elle manqua de tomber plusieurs fois. Parfois elle eut l'impression de courir, d'autrefois de s'enfoncer dans quelque chose de mou, chaud, moite aussi. Mais lorsqu'elle fut arrivée elle n'avait ni plateau, ni vêtements.
Seulement le sourire.
Dans un cercueil en verre planté au milieu d'un autel de viande avariée, os rongés, et corps de tous âges plus ou moins exsangues, Il était là.
Beau, comme au premier jour. Souriant, chaleureux, les bras croisés sur une peau rouge de vie.
La porte du cercueil s'ouvrit doucement, et Maribelle revint à elle.
L'endroit était insalubre, et nullement comme elle l'avait jusqu'ici pensé géographiquement. Ils devaient se trouver bien plus profondément sous terre que ses sens ne lui avaient indiqué car seul un mince filet de rayon de lune n'éclairait la scène ; en un instant elle comprit. Les égouts. L'autel était un amalgame d'animaux de compagnie morts, rats à demi-dévorés et enfants décomposées. Çà et là des torses d'adultes flottaient sur la mince couche d'eau qui baignait tout autour d'un cercueil en bois pourri, et parmi les cascades d'eaux usées, excréments, et fluides Maribelle eut la nette certitude qu'il y avait du sang aussi qui convergeait vers là où ils étaient.
Des litres et des litres d'hémoglobine s'écoulaient des trappes, canalisations et aqueducs pour se jeter dans la gueule de la Chose qui peuplait cette tanière.
Détournant son regard emprunt d'une épouvante grandissante du centre de ce théâtre grotesque, elle chercha à se focaliser sur un point au-dessus de sa tête. La pénombre la rassura l'espace d'un instant, car elle y discernait des brillances fantastiques, orangées, étoilées, mais son réconfort fut de courte durée. Au bout de secondes qui s'écoulaient à présent comme d'interminables siècles, ces flammèches astrales se révélèrent autant de macchabées qui lévitaient. Pris au piège de fils invisibles, la bonne y reconnu ses parents, ses voisins, la mère addicte qui lui avait réclamé son sang, et, dans leurs chairs trouées par les courants où bernacles et vers avaient élu domicile elle vit des germes de Roses Spelunciennes.
S'en était trop.
Elle commençait à glousser à gorge déployée, vomissant entre deux hurlements hystériques, lorsqu'un titanesque bras décharné et rachitique déchira l'air. Serpentant, vif et griffu, à partir du cercueil pourrissant, il enroula ses doigts en d'horribles craquements autour de sa taille. En un instant elle fut soulevée dans les airs, et en un autre elle était à l'intérieur du tombeau. Dans ce trou noir d'où aucun air ni réalité ne filtrait; au delà des temps, à milles lieux sous la réalité, Maribelle se trouvait là où les lumières mortes imitent mornement la vie et pompent au réel sa substantielle moelle. Alors elle gloussa de plus belle, alternant rires et larmes, vomissements et orgasmes, toux et hurlements.
Des yeux par centaines, des crocs leur servant de cils. Des bouches affamées qui suçaient le vide sans jamais s'arrêter, un corps aux milles bras et aux griffes infinies plantées dans le fleuve qui donnait naissance à toute vie.
Et, comme la lumière qui sert aux baudroies à attirer leurs proies, la voix résonna de nouveau à l'intérieur de son crâne dont les oreilles laissaient s'écouler abondamment le cervelet fondu.
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Bienvenue au mon sein, Maribelle la-moins-que-rien. En moi tu es nous tous, et dans le Sang vous trouverez l'unité. Je suis le Serpent qui engloutira les Dieux eux-mêmes, le Soleil Noir qui brûlera les galaxies, et désormais, tu l'es aussi. Tout Spelunca le sera bientôt... Nous tous contre Dùralas... jusqu'à ce qu'ils viennent nous rejoindre aussi. VOIS COMME LE MONDE SE PEINT DE ROUGE.Une branche qui fouettait le carreau de sa fenêtre chassait Maribelle d'un songe monochrome. Subitement, elle ouvrait les yeux, ne gardant de son cauchemar qu'une vague mais certaine réminiscence. Du rouge, il y avait du rouge partout.
D'un petit rire, chassant un ver de terre de son oreille gauche sans qu'elle ne le remarque, elle partait, extatique, travailler au château.
Sobek Elpoemer Grey était revenu.