Enfin arrivé à destination, Mowgl'ia retire le foulard qui cache une partie de son visage du soleil. Enveloppée dans des vêtements du désert, l’Orc observe le parcours qu’ils ont fait depuis leur départ de la tribu. Même si son cœur pleurait la perte de certains membres de ce clan, la douleur n’était rien à côté de celle qu’elle ressent quand elle s’imagine être séparée de Mas. Son regard vert foncé se porte sur l’horizon où elle aperçoit au loin les sauts d’une petite troupe de Requin des sables. Elle attrape sa gourde d’eau et avale quelques petites gorgées avant de soupirer un peu de satisfaction.

Un grognement lourd lui rappel qu’ils n’avaient pas terminé leur tâche et qu’ils devaient s’installer avant la nuit. L’orc hoche silencieusement la tête et ramène son attention sur Mas’ru qui s’éloigne un peu plus loin, lui faisant signe qu’il va aller chasser un petit, quelque chose le temps qu’elle fasse le campement de fortune pour la nuit. Sans plus perdre de temps, Mowgl'ia se met en action, cherchant un coin confortable et sécuritaire qui leur permettrait de s’installer et de se protéger du froid de la nuit. Si elle se fiait au soleil qui descendait assez rapidement dans le ciel, il lui restait tout au plus une heure pour trouver l’endroit idéal.

En cette heure tardive, l’Oasis est plutôt tranquille. Le cri des cigales du désert ainsi que des insectes qui peuples l’endroit s’élèvent dans l’air, le rendant plus vivant. Après avoir trouvé un coin, creuser un trou pour y installer des pierres pour faire un coin-de-feu, ramasser des branches et avoir rempli les gourdes d’eau, l'Orc s’installe finalement sur une pierre, allume un feu et tire de son sac son couteau de pierre qu’elle se mit à aiguiser silencieusement en attendant le retour de Mar’ru.

Après quelques longues minutes de silence, une branche craque, brisant le silence et faisant s’envoler un oiseau dans le ciel. Immédiatement, l’Orc relève la tête, scrutant les noirceurs qui se trouve devant elle, d’où venait le son. Elle plisse les yeux, serrant la main sur son arme de fortune. Elle ne bouge pas d’un poil, écoutant les sons que la végétation environnante lui offrait. Qui pouvait bien être là ? Un animal sauvage ? Mas’ru ? Ou peut-être un voyageur égaré qui cherchait refuge comme elle ?

Dans tous les cas, elle se tenait prête à réagir.

Le désert, si nous continuions à cette cadence, bientôt mes pas m'en sortiront. Mais pour l'heure, il fallait se reposer. Les pattes traînantes dans le sable chaud, je remontais une dune pour observer les courbes imprévisibles dessinées par les requins des sables. Devant moi, le soleil se couchait doucement, le vent venait de face. Ces animaux ne seraient donc pas nos adversaires ce soir.

Disparaissant de mon champ de vision, je profitais du départ des requins des sables pour commencer à chercher de quoi se nourrir. En dehors d'herbes sèches et de cactus, il n'y avait pas âme qui vive à la surface. Ma queue battant le sable derrière moi, je m'abaissais, un genou à terre, pour attraper une poignée de cette roche fractionnée. La laissant tomber entre mes doigts puis recommençant en plongeant ma patte de plus en plus profond, j'espérais déranger par la même occasion les créatures du désert enfouies là-dessous. Que ce soit les serpent venimeux attendant patiemment qu'un petit mammifère passe non loin pour y planter ses crochets, ou bien un requin des sables, retardataires du groupe que je venais de voir passer.

Cette action aurait pu inquiéter plus d'un visiteurs malavisés du désert, après tout les vibrations régulières avaient tendance à attirer des créatures qu'il était difficile de combattre à coup de griffes. Seulement, dans cette partie du désert, le sable était loin profond. Quelques mètres en dessous de moi se dessinait déjà un sol rocheux et dur. Et plus Mowgl'ia et moi continuerons vers le nord, moins il y aura de sable. Cette zone était donc évitée par les immenses vers mangeurs de duraliens. Ils avaient toujours préféré les étendues infinies du centre du désert d'Harena.

Redressant la tête, les oreilles s'orientant de ça et là, j'avais perdu espoir de chasser ce soir. Il commençait à se faire tard et la présence récente des requins des sables avait dû effrayer les rares proies aux alentours. Seulement, si leur mouvement était rapide et rarement précis, je les avais éviter certains points, me laissant dubitatif. M'approchant alors de la zone de nage sableuse, je venais fouiller le sable de mes pattes griffues. Rapidement, mon raisonnement semblait s'avérer juste et le déplacement des poissons du désert étaient plus logiques. Les bulbes épais de buisson, probablement désintégré par le passage d'un groupe de buffles, étaient encore présents. Riche en fibre et en eau, mais malheureusement pas en goût, ils seront notre maigre repas de la soirée. Demain, avec le levé du soleil, nous quitterons enfin ce désert et j'espérais la chasse meilleure dans les étendues plus vertes.

Redescendant la dune calmement, je voyais Mowgl'ia prêt du feu et extrêmement tendu. Pourquoi la gamine était-elle si inquiète ? Alors que le bruit de mes pas semblait l'avoir effrayé, je sortais de la pénombre en grommelant :

- "Tu comptes faire quoi exactement ? Détends-toi jeune fille. Les requins des sables sont loin et il est peu probable d'essuyer une attaque de vers des sables aussi proches de la frontière du désert."

Mes yeux se baissaient sur la main de la jeune Orc qui tenait fermement son arme. La regardant se détendre rapidement à ma vue, vint m'asseoir à ses côtés avant de lui tendre un des quelques bulbes que j'avais ramassé. Elle devait sûrement s'attendre à ce que je revienne avec une proie conséquente, il était clair que je l'avais habitué à une meilleure chasse mais je n'avais ni l'envie ni la possibilité de chasser un vrai gibier. Je n'avais qu'une seule pensée qui tournait dans ma tête : et après ? Où va t'on ? Que faisons-nous ?

- " Une fois sortie de ce désert, la chasse sera meilleure."

Je l'espérais sincèrement. Malheureusement, je n'avais encore jamais quitté le désert et le peu de connaissances que j'avais sur les autres régions n'étaient que quelques ouï-dires de mon père dont je n'avais jamais accordé beaucoup d'attention.

- " Que comptes-tu faire Mowgl'ia maintenant que tu es partie ?"

Pendant que ses yeux scrutent l’obscurité, ses doigts se serrent autour de son arc. Instinctivement, son autre main vient chercher une flèche. L’obscurité autour du feu de camp lui semble vivante et la peur qui traverse son esprit et qui fait battre de son cœur à une vitesse folle n’aide en rien son imagination fertile de fonctionner. Mowgl’ia n’était pas une âme fragile qui ne s’effrayait à rien, toutefois, face aux grands changements des derniers jours et de l’inconnu qui s’étire devant eux, elle s’est découvert une certaine nervosité face à l’inexploré qui s’étire devant eux. Elle ressentait différentes émotions liées à ce qui se passait, la curiosité, la peur, l’excitation, toutefois, elle n’était pas naïve au point de croire que leur voyage ne serait pas sans danger.

L’esprit en alerte face aux mouvements, elle soupire toutefois en reconnaissant le grommellement familier de son compagnon de route. Un faible sourire s’étire tandis qu’elle se détend quelque peu. Son esprit semble se calmer lui aussi, arrêtant de lui faire voir des ombres dansantes. Pour toute réponse, elle hoche doucement la tête, puis se rasseoir sur sa bûche de bois. Elle re dépose son arc et la flèche se glisse dans son carquois de cuir. Tandis qu’elle se laisse envahir par la présence rassurante de Mas’ru, l’orc observe les flammes, quelque peu gênées que le félin est assisté à cette crisette de peur.

Elle ose lever les yeux sur lui que quand il dépose quelques bulbes entre ses mains. Elle soulève la tête vers lui, plongeant son regard vert foret dans le sien. Malgré son silence et sa façade neutre, elle le sent anxieux, son âme tourmentée par des questions qui, elle soupçonne se tourne vers un futur proche. Elle sourit doucement, offrant une tendresse que seul lui a le droit de recevoir. Elle referme doucement les doigts sur l’une de ses paumes poilus et la serre dans la sienne.

« Je sais… » Souffle-t-elle sans rien rajouter.

Elle relâche ensuite sa caresse qui se veut rassurante et attrape son petit couteau pour venir couper en quartiers les bulbes végétaux. Elle tire une pochette de cuir qu’elle ouvre grand sur ses cuisses et y dévoile quelques noix et fruits sèches qui lui reste de ses dernières rations. Elle tire quelques lanières de viandes sèches d’une autre poche et les donne à Mas’ru. Ils sont le dernier vestige de ses rations qu’elle s’est refusé de manger. Elle prend l’un des quartiers de bulbe et deux fruits sèchent et les glissent dans sa bouche, réfléchissant à la question du lion blanc. Les yeux dans les flammes, elle mâche lentement, se concentrant sur le goût sucré des fruits plutôt que sur celui amère du bulbe.

« Bonne question… Découvrir ce qu’il y a devant nous ? Il y a tellement de choses que le Désert de Harena ne peut pas nous montrer et les voyageurs ont si souvent parler des autres terres de Dùralas que je suis impatiente de découvrir les merveilles de ces terres… »

Elle garde le silence une longue minute, pensant à la prochaine étape de leur voyage. Le plus logique serait de se diriger vers le campement principal des Orcs… Ils pourraient se ravitailler en nourriture et en eau. De plus, si elle ne se trompait pas, il y avait un genre de festivité en ce moment même… Ceci pourrait leur permettre de se fondre un peu plus dans la masse grouillante d’étranger sans trop attirer l’attention sur eux.

« Il va falloir nous ravitailler… Le plus proche est le camp des Orcs… Je peux faire un aller-retour rapide si… »

Elle ne termine pas sa phrase, tous deux savaient qu’il n’avait pas les Orcs à cœur… Cependant, si la chasse continuait à être peu fructueuse, ils allaient avoir besoin de rations pour se dépanner… De plus, elle espérait mettre la main sur une carte qui les aiderait un peu durant leur voyage. Secrètement, elle espérait aussi pouvoir observer les festivités…

Je savais ... je savais ... je savais qu'elle avait raison. Pourtant lorsqu'elle prononçait le mot "Orc" je sentais mes babines se retrousser et contre moi, un grognement se dégager de ma gueule. Je n'aimais pas les orcs.

- "Je n'aime pas les orcs."

Je ne savais pas réellement pourquoi je me sentais obligé de lui rappeler. Elle devait le savoir pertinemment. Ils m'avaient pris beaucoup. Seulement, malgré toute la bonne volonté que je mettais pour trouver une autre solution, la sienne me semblait la plus raisonnable. Serrant mes griffes autour de mon bulbe jusqu'à ce qu'elles le transpercent de part en part, je sentais le jus sirupeux se coller dans mes poils. Je détestais cette sensation d'impuissance qui me suivait, tel un vautour près à fondre sur le cadavre d'un voyageur mal préparé à sa traversé du désert. Je n'étais pas faible ... mais j'étais certainement mal préparé.

- "Grrr ... bien, nous nous y rendrons demain. Je t'accompagnerai."

Je ne voulais pas la laisser s'y rendre seul. Je n'aimais pas les orcs et par conséquents, je n'avais pas confiance en eux. Mowgl'ia était encore une enfant.

- "En revanche, nous ne resterons pas plus d'une journée."

Je n'aimais pas les festivités.

L’orque hoche silencieusement la tête. Elle savait qu’il ne portait pas dans son cœur sa propre race. Elle ne lui en voulait pas pour ceci, elle savait qu’ELLE, elle avait une place particulière, spéciale en soit. Elle ne souffle rien, le laissant mijoter dans ses pensées. Elle savait qu’il ne servait à rien de presser les choses, de rajouter des mots ne feraient que mettre de l’huile sur le feu. Sous sa réponse, même grinçante, elle offre un faible sourire et hoche la tête.

« Merci. Il est vrai qu’à deux ça ira beaucoup plus vite. »

Elle se tait à nouveau, savourant leur faible repas accompagné de frivolités. Son regard se perd dans les flammes dansantes du feu qu’elle a fait. Malgré elle, elle réfléchit au futur. Elle ne craignait pas l’inconnu, elle était un peu inquiète, mais n’importe qui le serait. Son regard glisse un instant sur l’horizon où elle a tout juste le temps d’apercevoir les derniers rayons de soleil disparaître dans les ténèbres.

« Ça me va. » Souffle-t-elle sous sa condition.

C’étaient déjà beaucoup de la part du Löwen de lui offrir une journée, elle n’allait pas en demander plus. Elle prend une grande respiration, puis termine en silence ce qui lui sert de repas. Elle finit par s’étendre au sol, étirant ses jambes en diagonale du feu. Elle place ses mains derrière sa tête et tourne un peu la tête vers le ciel pour observer les étoiles.

« Dit-moi Mas’ru… Que vas-tu rechercher chez les futurs membres de notre meute ? »

Devant le silence du Löwen, l’Orque se tourne vers lui et elle réalise que l’homme lion, c’est endormi. Toujours dans sa position assis, les coudes sur ses cuisses, il a les yeux clos et sa respiration est plus lente. Elle sourit doucement, tournant les yeux vers le ciel. S’il s'était endormi dans cette position, c’était qu’il était très fatigué de tout ce voyage qu’ils avaient fait. Avec leur traversée du désert, il s’était montré très vigilant, voir stresser à cause des ennemis potentiels, alors elle suppose qu’il se sentait plus à l’aise. Les bras derrière la tête et les yeux rivés sur le ciel étoilé de l’Oasis, l’Orque prend le tour de garde en s’assurant que le feu ne meurt pas.