Ce matin là était un matin particulièrement calme. Alors que je venais de finir d'aider les jeunes recrues à s'entraîner et que j'étais désormais en train d'éplucher les demandes de contrat avec l'aide de mon fidèle Gribouille, je fus interrompu dans ce travail ô combien captivant par un de mes jeunes coursiers dont le nom m'échappait. Levant les yeux en même temps que le vieux Gribouille, je lui fis un signe de tête pour qu'il délivre son message.

"Le recruteur m'envoie vous dire qu'une nouvelle recrue vient de se présenter. Vous devriez venir voir, elle est immense! J'avais jamais vu de créature de ce genre, elle a un espèce de long fouet à la place du nez et des dents qui dépassent, c'est dingue!" m'annonça, excité, le messager.

Souriant devant l'énergie du jeune homme, je lui répondis tranquillement:

"C'est un probotyre, si ta description, quoi qu'un peu trop imagée, est exacte. Je n'en ai que rarement vu, de ce que j'en sais ils sont plutôt isolationnistes et vivent en petite tribu. Cela m'étonne, et me rassure, de voir que même les forces de la nature que sont les probotyres s'intéressent un temps soit peu à la Justice sur Dùralas. Mande un de tes camarades pour qu'il escorte notre nouvelle recrue ici, puis expédie ça à la volière."

Je lui tendis une partie des lettres que j'avais commencé à écrire pour de potentiels clients contractuels, puis posa ma plume dans l'encrier prévu à cet effet avant de fouiller dans ma tunique à la recherche de ma pipe et de ma tabatière. L'entretien de ce probotyre était là une occasion idéale pour me détendre de cette pluie de paperasse incessante. Je jetai un coup d'oeil à Gribouille, le vieux nain à la charge de l'intendance de la compagnie, et lui lançai tout en allumant ma pipe:

"Tu peux faire une pause si tu veux, Gribouille. Ces lettres à écrire et ces papiers à éplucher me sortent par les trous de nez."

"C'est pour ça que vous m'avez engagé, Capitaine." répondit-il avec un léger sourire sans détacher ses yeux de la lettre qu'il était en train de lire.

Abandonnant l'idée de fumer la pipe avec un vieux camarade, je haussai les épaules tout en me préparant à recevoir le probotyre. L'entretien promettait d'être intéressant.

Sortant du bureau du recruteur, je vois une jeune personne s’élancer vers un autre bâtiment à toute allure. J’imagine que c’est le message annonçant mon arrivée qui s’envole vers son destinataire, le responsable de ce lieu. En attendant, je regarde quelques combattants faire un entraînement. L’exercice semble être plutôt au point. Attaque, parade, contre attaque, analyse des mouvements, ça ne plaisante pas avec l’art du combat par ici. Il est vrai que j’aurais besoin de quelques techniques, ça peut toujours servir. Je regarde un peu autour de moi pour constater que je suis un peu le spectacle de la journée. Certains me regardent sans aucun filtre, d’autres à la dérobée. Je ne peux m’empêcher de sourire à ça, je commence à prendre l’habitude de ces regards.

L'entraînement semble se terminer, et je n’ai pas le temps de m’ennuyer puisque la jeune personne de toute à l’heure revient en courant vers moi pour m’annoncer que je vais être reçue. Il complète son propos en m'annonçant que c’est le Capitaine Grabuge qui dirige la Compagnie Egide et qui va me faire passer un entretien. Eh bien, ça ne sera pas le premier Capitaine que je vais rencontrer, ça devrait plutôt bien se passer. Le jeune homme disparaît dans un autre bâtiment et m’indique la porte d’entrée du bureau du Capitaine. Encore à devoir me tordre vers l’avant pour pouvoir rentrer, je me présente à mon arrivée.

- Bonjour, je suis la Dame Ara, du Clan Kelah. Je me présente aujourd’hui pour intégrer votre compagnie.

Je tente de redresser la tête, mais vraiment, je suis trop grande pour cet endroit. Face à moi, se tient le Capitaine. Peau-verte de petite taille, il semble plutôt calme et je peux rapidement voir des cicatrices sur son corps et surtout son visage, il est même borgne. Je ne préfère pas lui laisser trop le temps de réfléchir et je poursuis ma présentation.

- Je sais manier le marteau ainsi que la fronde. Vous défendez ce qui est juste et bon, je suis tout à fait en accord avec cela. Défendre et protéger sont des valeurs primordiales à mes yeux.

C’est la première fois que je dois me présenter de la sorte et essayer de convaincre mon auditoire de me recruter. Mais, j’ai le sentiment que je ne m’en sors pas trop mal pour le moment. Le Capitaine m’écoute et j’espère que mes mots sont les bons à ses oreilles. J’ai évidemment d’autres arguments à présenter, mais je vais attendre un peu avant de les dévoiler. Déjà, j’aimerais en savoir un petit plus sur le bon fonctionnement de cette vie en groupe.

- Quel est le fonctionnement d’une telle troupe ? Est-ce qu’il existe des obligations de présence ? Je vis avec mon clan, quelque part dans les montagnes, un lieu que nous conservons secret. Je suis certaine que vous comprenez la chose.

Le gobelin ne semble pas être né de la dernière pluie, il est loin d’être un débutant, je peux facilement le deviner. Il ne sera donc pas surpris de la description géographique un peu floue de mon lieu d’habitation principale.

Mon jeune coursier fut rapide car à peine quelques minutes après que j'ai allumé ma pipe, la probotyre que j'avais conviée venait de rentrer dans la salle du conseil de guerre, et je me rendis d'ailleurs compte d'un soucis que je n'avais pas prévu en réaménageant les lieux: ma nouvelle recrue était vraisemblablement trop grande pour passer confortablement la porte, et probablement même les autres portes du fort. Alors que je me questionnais déjà sur le prix que cela coûterait de refaire faire toutes les encadrures de porte du domaine, la femme face à moi pris la parole, et sa voix trahissait une certaine douceur latente, malgré sa condition de femme-éléphant et son coffre qui n'avait rien à envier aux gutturaux géants:

"Bonjour, je suis la Dame Ara, du Clan Kelah. Je me présente aujourd’hui pour intégrer votre compagnie."

J'acquiesçai en tirant sur ma pipe, l'air toujours à l'écoute. J'avais déjà vu de mes yeux des officiers ou des haut-gradés qui, tant ils avaient accueillis de monde au sein de leur groupe et rencontrés de nouvelles recrues, ne s'intéressaient plus ou faisait vaguement mine de s'intéresser aux nouveaux camarades qui se présentaient à eux. J'essayais, autant que faire ce peu, de ne pas donner cette impression et de m'intéresser réellement à mes fraîches recrues. La cohésion de groupe était pour moi une notion indispensable à Egide, et elle passait notamment par l'intérêt que chacun portait à ses camarades. Elle continua avant que je ne puisse répondre, me faisant une description un peu plus précise de ses compétences:

"Je sais manier le marteau ainsi que la fronde. Vous défendez ce qui est juste et bon, je suis tout à fait en accord avec cela. Défendre et protéger sont des valeurs primordiales à mes yeux."

Je souris à la mention du marteau. C'était aussi mon arme fétiche, et ce n'était pas les innombrables victimes du Broyeur du Baldor qui auraient dit le contraire. Elle finit sa réplique par des questions légitimes, questions que j'avais déjà entendu bien des fois depuis que j'accueillais les nouvelles recrues:

"Quel est le fonctionnement d’une telle troupe ? Est-ce qu’il existe des obligations de présence ? Je vis avec mon clan, quelque part dans les montagnes, un lieu que nous conservons secret. Je suis certaine que vous comprenez la chose."

Je hochai la tête, comprenant que c'était à mon tour de parler. Après avoir tiré une bonne latte sur ma pipe, jeté un vif coup d'oeil à Gribouille juste à côté qui était toujours en train de gratter du papier, je posai mon unique oeil sur la dénommée Dame Ara, perçant. Si l'on excluait l'évidence, à savoir qu'un de ses poings auraient pu m'écrabouiller sans difficulté, et qu'on pourrait facilement empiler deux Grabuge pour faire une Dame Ara, ses yeux avaient un air tendre, un petit quelque chose d'indescriptible qui la rendait sympathique sans qu'elle n'ait besoin de prononcer un mot. Quelque chose qui s'apparentait, peut-être, à un instinct maternel? J'avais ouï-dire que les probotyres, plus que n'importe quelle race, prenait grand soin de leurs petits, et même des leurs en général. Je comprenais ses valeurs, même si les gobelins des forêts n'étaient pas particulièrement connus pour leur instinct maternel. Après tout, je n'avais jamais vu mes parents au cours de ma longue vie de peau-verte, car ils étaient partis à l'aventure peu de temps après ma naissance. Je respectais donc d'autant plus cette lueur bienveillante que j'apercevais dans le regard de la femme-éléphant, quoi que mon observation n'était pour l'instant pas plus que ça: une observation, peut-être erronnée. Je me penchai sur mon bureau et lui répondit au bout de quelques secondes de silence, silence que je n'espérais pas trop pesant pour la Dame:

"Bienvenue à Egide, chère Dame Ara. Il est rare de croiser des gens de votre espèce dans le coin, - j'avais dit cela sans une once d'animosité - mais c'est une agréable surprise que de voir une probotyre rejoindre les rangs de la Justice. Non pas que votre peuple, à ma connaissance, ne manque de valeurs et de bienveillance, mais il faut avouer que les vôtres sont plutôt casaniers. Vous dites maîtriser le marteau?"

Je fis un léger sourire et tirai sur ma pipe, profitant autant que faire ce peut de cette pause dans mon pénible travail de gratte-papier, avant de poursuivre:

"Je serais ravi de faire quelques passes d'arme avec vous, quand j'aurais un peu de temps libre. Si je suis à l'aise avec bon nombre d'arme, en ma qualité de maître d'arme, je dois dire que j'ai toujours eu un certain amour pour le marteau."

Je tapotai affectueusement le manche de mon marteau qui dépassait du bureau, qu'elle n'avait peut-être même pas remarqué jusqu'alors. Puis je repris, en réponse à ses questionnements:

"Concernant vos obligations vis à vis d'Egide, ne vous inquiétez pas. Vous n'êtes pas tenu de vivre ici, pas plus que vous n'êtes tenus de vous éterniser au fort si vous avez à faire ailleurs. Cependant, en votre qualité de soeur d'arme, les portes de Fort Justice vous sont à jamais ouvertes. Si un jour votre clan a besoin de vous, vous pouvez aller les protéger le coeur léger, car la compagnie Egide comprends les obligations inhérentes à la vie de groupe. Vos seules obligations, donc, sont de respecter la Justice que ça soit ici ou ailleurs. Ne tuez pas d'innocents. Ne volez pas par profit. Ne faites aucun acte immoral par facilité ou par mesquinerie. Ce que je dis là tombe sous le coup de l'évidence, et respecter la Justice ne peut se limiter à ses trois préceptes que je viens d'énoncer, mais vous avez une bonne idée de ce que j'attends de vous et de nos camarades, désormais. Bien sûr, ce que je viens de dire n'est pas absolu. Il m'est arrivé de laisser des voleurs s'échapper, quand ceci ne le faisaient que pour se nourrir. Il m'est arrivé de devoir faire des choses qu'aucun jugerait immoral pour sauver des gens qui ne méritaient pas l'injustice qu'ils avaient subis.
N'oubliez jamais que nous sommes l'Egide derrière lesquels se protègent les braves citoyens de Dùralas. Le rempart contre lequel s'écrase l'adversité et les marauds. Cela requiert parfois des sacrifices. Vous devrez vous salir les mains pour que d'autres n'aient jamais à le faire. Cela peut vous paraître cru, mais ôter la vie des marauds, même si cela fait partie du métier, reste un sacrifice. Vous sacrifiez votre innocence pour que les innocents, eux, n'aient pas à le faire. Voilà la véritable raison d'être d'un frère d'arme d'Egide.
Enfin, même si cela n'ait pas vraiment une obligation, je vous invite fortement à accomplir des contrats pour le compte de la compagnie, dès que vous le pouvez. Après tout, même si l'important reste nos valeurs, il est évident que les caisses ne se remplissent pas toutes seules. Ce que je peux vous promettre, en tout cas, c'est que vous ne trouverez jamais ici de missions moralement douteuses, d'assassinat ou de choses de ce genre. Nous épluchons avec attention les contrats, et n'acceptons que ceux en accord avec nos principes fondateurs.
Pour finir, et cela n'est pas non plus une obligation mais une invitation, prenez le temps de faire connaissance avec vos nouveaux camarades. Si "Justice" est le maître mot ici, il y en a un autre qui est presque aussi important: "Camaraderie". Un groupe n'est jamais plus efficace que quand chaque membre sait qu'il peut à tout moment compter sur ses pairs. Si jamais vous avez la moindre question, n'hésitez pas à me demander ou à demander à l'un de vos camarades, nous serons ravis d'éclairer votre lanterne. Ceci étant dit..."

Je retirai une nouvelle fois sur ma pipe et me remis contre le dossier de mon fauteuil, le regard toujours rivé dans les yeux de mon interlocutrice. Maintenant que j'avais fait le tour des réponses à offrir, j'avais désormais des questions à poser:

"Qu'est-ce qui vous a poussé à rejoindre Egide? Ne vous méprenez pas, je sais que les vôtres ont une réputation bienveillante, et cela ne m'étonne pas que l'amour de la Justice ne soit pas un concept étranger chez les probotyres. Cependant, il est rare que les vôtres étendent leur cercle d'action au-delà de leur clan ou de leur région. Pourquoi est-ce différent pour vous? Peut-être avez vous un problème pour lequel Egide peut vous aider?

[HRP : Désolé du temps de réponse je suis un peu pris par le taff ces temps-ci mais t'inquiète je t'oubliais pas x)]

Le Capitaine semble m’écouter d’un air intéressé. C’est agréable de m’adresser à quelqu’un qui porte quelques égards à mes arguments. Fumant sa pipe, il ne m’interrompt pas et me laisse poser mes questions, qui sont sans doute d’une grande naïveté pour quelqu’un de son expérience. Aussi, je crois gagner un bon point lorsque je fais mention de mon maniement du marteau. Ce choix est tout à fait naturel pour une probotyre, le poids de ces armes ne me gène pas, même si je dois faire attention à l’élan que je prends lorsque je frappe avec, car clairement, un marteau ça tape dur.

Malgré l’air un peu solennel de la pièce, je reste égale à moi-même. Je regarde le capitaine tirer sur sa pipe avec une certaine bienveillance, l’art du tabac n’est pas vraiment apprécié par nous autres, mais l’odeur de celui-ci reste agréable pour une pièce fermée comme ce bureau. Le peau-verte semble réfléchir quelques instants en profitant de sa fumée, il cherche peut-être les bons mots pour s’adresser à moi. Je n’ai pas eu souvent à faire aux peuples peaux-vertes, je ne sais pas trop à quoi m’attendre sur son langage ou sur la façon dont il va me considérer.

Après ces quelques secondes, il se redresse et se penche en avant sur son bureau, comme pour mieux se faire comprendre. Il commence son propos en parlant des probotyres, une race rare sur ce continent, et pour cause, nous déclinons drastiquement avec les décennies qui passent. Il me questionne aussi sur mon principal argument de combat : l’usage du marteau.

- Les probotyres sont certes casaniers. Il faut admettre que nous ne sommes plus aussi nombreux que durant le siècle dernier. Face à ce lent déclin, nous avons eu tendance à nous reclure. Si vous voulez mon opinion, ce n’était pas pour le meilleur. Mais il en est ainsi.

Ce triste constat ne peut pas me satisfaire. Pour autant, je préfère être honnête avec celui qui va, peut-être, m’employer au sein de sa guilde. Le Capitaine poursuit en me proposant une passe d’armes dans l’avenir. Il semble lui aussi apprécier le marteau. Cela serait sans doute très amusant, et avec sa grande expérience, il pourrait aussi m’aider à m’entraîner sur d’autres armes. Il me montre d’ailleurs le manche de son marteau qui semble bien plus travaillé que ceux que je peux posséder.

- Je serais honorée de m’entraîner avec vous. Il est important pour moi d'apprendre à manier d’autres armes que le marteau ou que la fronde. J’ai pu voir des lances et des faux lors des entraînements, ce sont des armes qui me rendent très curieuse.

Le peau-verte enchaîne ensuite sur une longue explication relative au fonctionnement de la guilde Egide. Il semble ne rien vouloir oublier, ni laisser au hasard. Dans un premier temps, il tient à me rassurer sur le temps de présence au Fort-Justice pour appartenir à la guilde. Le principe semble être plutôt à la liberté de mouvements. De ce que je comprends, je peux venir et partir à ma guise, selon mes besoins et mes disponibilités. C’est tout à fait arrangeant comme manière de procéder. Il m’aurait été impossible de rester ici quotidiennement et de quitter mon clan. Je pousse un soupir de soulagement suite à ces informations. Le Capitaine poursuit sur l’objectif de cette organisation : la justice, la défense des plus faibles et le comportement à tenir pour défendre ces valeurs. J'hoche la tête d’un air entendu, il me semble évident que d’agir dans la dignité est la chose la plus importante à faire lorsque l’on souhaite promouvoir des notions aussi primordiales que la justice, la défense de tous et la solidarité des plus forts envers les plus faibles. Il continue en apportant des nuances à ses propos. Eh oui, parfois défendre le plus frêle signifie devoir frapper fort l’adversaire, mais aussi laisser la chance au repentir. De plus, il faut savoir faire des sacrifices, nous devons tuer pour améliorer notre condition, je l’ai bien vu contre le fameux Hadesaga. Inutile donc de préciser que mes mains sont déjà salis et plus vraiment innocentes.

Enfin, il termine son propos par un aspect de la guilde que je n’avais pas encore appréhendé. La Compagnie Egide répond à des contrats commerciaux afin de renflouer ses caisses. J’imagine que ce sont des offres relatives à de la surveillance ou à de la protection rapprochée. Le Capitaine met en tout cas un point d’honneur à m’expliquer que les contrats sont tous vérifiés et scrupuleusement analysés avant d’être proposés à un membre de la Guilde. En échange de l’hospitalité et des entraînements, je ne trouve pas à redire sur cette demande précise. Je tenterai de trouver un contrat convenable dès que possible. Il m’invite également à faire connaissance avec les frères d’arme, c’est-à-dire, les autres membres de la Compagnie Egide. Avec mon côté jovial, cela ne m’intimide pas le moins du monde.

- J’ai bien entendu et compris vos explications. Je suis sincèrement soulagée de n’avoir aucune obligation de présence. Mon clan a besoin de moi, et j’ai besoin de mon clan. C’est ma famille. J’ai cent cinquante deux ans. Un âge respectable, n’est-ce pas ? Je m’adapte aux changements, mais j’ai tout de même quelques limites, et quitter ma famille en fera toujours partie.

C’est à mon tour de laisser quelques instants de silence pour que chacun puisse digérer mes paroles. Je fais très attention à ne pas parler sèchement, je veux simplement que ma situation soit bien comprise.

- Je m’engage pour la justice, avec vous. Vous pouvez être assuré que je ferais le nécessaire pour m’intégrer ici. J’ai la réputation d’être un peu trop maternante, si j’en crois ce que mes amis non probotyres veulent bien dire de moi. Cela ne pourra que m’aider, j’en suis persuadée.

Je reprends ma respiration pour poser une question sur les contrats. Autant se montrer intéressée, surtout que l’argent est toujours un point sensible, où que l’on soit et qui que l’on soit.

- Je peux travailler pour la Compagnie Egide et répondre aux contrats. Tout dépend de quoi il s’agit. Ne pensez pas que je sois regardante. Simplement, ne me mandez pas pour une mission nécessitant une grande rapidité ou une agilité particulière. Vous serez bien déçu de votre choix.

J’éclate d’un rire bien franc en terminant ma phrase. Je préfère être honnête et transparente sur qui je suis. Je me vois très mal courir les routes pour apporter un message urgent à toute vitesse par exemple. Reprenant mon sérieux, j’écoute le Capitaine me retourner une question tout à fait légitime. Pourquoi cette Compagnie en particulier et pourquoi maintenant ? Je ne sais pas si ce peau-verte à une intuition très aiguisée, s’il est au courant de la situation du clan et de nos ennemis invisibles, ou si c’est vraiment un coup du hasard qui l’amène à ce questionnement. J’essaie de répondre sans trop d’émotions.

- Il est vrai que nous avons nos problèmes. Comme je vous l’ai dit toute à l’heure, nous déclinons en nombre, et nous vieillissons. Notamment notre Matriarche. Outre les traqueurs habituels, une menace invisible nous guette. Un petit a été tué dans un éboulement provoqué intentionnellement dans notre ancienne mine. Nous n’avons que très peu d’informations sur ces ennemis. Je ne rejoins pas Egide, pour réclamer de l’aide immédiate. Mais nous avons besoin de créer nos propres alliances. Je suis persuadée que c’est en montrant que nous avons des liens solides avec l’extérieur que nos adversaires, qui se cachent, vont comprendre qu’ils ne peuvent plus nous attaquer sans avoir la crainte d’avoir plusieurs troupes à leur recherche. Nous avons déjà signé une alliance avec une peuplade de géantes. Ce n’est pas l'idéal, mais c'est un premier pas encourageant.

Je termine mon explication dans la plus grande dignité et sobriété. J’espère qu’ils ne vont pas me prendre pour une profiteuse qui veut simplement réclamer de l’aide sans donner en échange. Je souhaite sincèrement que nous n’aurons pas besoin d’Egide pour nous défendre, mais nous ne pouvons plus ignorer la menace sans réagir.

[HRP : pas d'inquiétudes pour le délai, on a tous une vie. J'ai la chance d'avoir du temps pour écrire de mon côté, j'en profite !]