Uma avait quitté Ishtar, la forêt de sapins et les montagnes du Baldor. Après avoir pris possession des lieux elle n’était pas encore prête à s’installer définitivement dans un endroit précis. Alors la jeune femme était repartie, en quête d’aventure.

Elle rejetait depuis plusieurs mois déjà sa thérianthropie. L’associant à son passé difficile elle ne voulait plus y penser. Mais intrigué tout de même par sa particularité, elle s’était renseignée sur les Lycanthrope qui était plus nombreux que ceux de son espèce. Uma était également curieuse de ce conflit entre les vampires et les lycanthropes et surtout de la zone de paix : Spelunca. Elle avait entendu l’histoire de cette grotte, et le mystère toujours entier à ses yeux, attirait d’autant plus Uma.

C’est ainsi que pour de nombreuse raison, surtout en quête de connaissance, elle entra dans la galerie nommé « la caverne sans fin ». Tungstène, son corbeau, n’était pas à l’aise sur son épaule. Et à mesure que la lumière se faisait rare elle le sentait se rapprocher de son cou. Elle finit par allumer une lanterne qu’elle avait acheté pour l’occasion. Le halo lumineux révéla une immense grotte dont les murs étaient irréguliers et l’atmosphère pleine de mystère.

Après de longue heure de marche sans rien trouver elle décida de s’arrêter à côté d’une source d’eau, de poser son sac et sa lanterne et de prendre une petite pause. « Il aurait été plus facile de prendre une monture »

L'air tiède et enivrant de Spelunca, de nouveau. Axe, adossée à un rocher dressé à flanc de montagne comme une dent gigantesque, promenait son regard sur ce massif qu'elle n'avait pas foulé depuis qu'elle avait tué son souverain, Lachlan "Styx" Grey, deux ans auparavant. Rendons à César ce qui est à César, l'ancienne Ombre était parvenue à réduire drastiquement la criminalité qui sévissait sur son côté du massif ; après sa disparition violente, ses beaux sommets boisés avaient retrouvé leur état originel de lieu baroque et infréquentable, pris entre un banditisme florissant et le développement du trafic de divers spiritueux.

Au moment où la louve se relevait pour s'étirer un peu, les quatre porteurs qu'elle avait engagés à Wystéria apparurent au coin de l'éboulement que, moins agile qu'elle, ils avaient dû contourner au prix d'une dizaine de minutes. Ils étaient chargés d'un palanquin de bambou sans fenêtres.

Elle leur fit signe de la rejoindre et de poser leur fardeau. Doucement, les quatre löwens bien bâtis obtempérèrent, et l'ancienne régente écarta d'une main le voile qui constituait la paroi latérale du petit habitacle. La voix qui s'éleva dans l'ombre du tissu arracha un frisson aux fauves couverts de sueur ; depuis le début du voyage, leur chargement n'avait pas ouvert la bouche une fois en leur présence.
- À boire...
Axe, sans répondre, offrit son bras à la vieille femme (manifestement) qui avait parlé. Celle-ci s'extirpa du palanquin avec difficulté. Sa peau parcheminée pendait à ses membres et à son goître comme des habits trop grands, et ses cheveux, d'un blanc pisseux, tombaient misérablement devant son visage. Les quatre löwens détournèrent le regard pour cacher leur répugnance. La vieillesse accablante de la sorcière ressemblait un peu à celle des grands drogués, qui, attirés par les substances exotiques qu'on trouvait là-bas, étaient monnaie courante à Wystéria - même s'ils ne vivaient pas longtemps.

Axe décida de libérer les gaillards et leur paya la somme promise, à peu près tout ce qui lui restait après avoir fait confectionner ses arbalètes par Zayn. Elle s'en alla en tirant la vieille femme d'un bras autoritaire. Les clopinements de la pauvre femme arrachèrent un coup d'oeil soucieux aux löwens, qui décidèrent de ne pas se mêler de ce qui se tramerait au bout du chemin vers les hauteurs duquel se dirigeait le duo. Ils avaient deviné à son allure que leur employeuse était de la Congrégation ; il n'y avait qu'une mercenaire ou une veuve pour porter le noir avec une telle coquetterie, et la fille était un peu jeune pour avoir déjà enterré un mari.

- Cessez, Legba, intima l'intéressée alors que les griffes de sa compagne se plantaient dans son avant-bras avec l'énergie du désespoir. La demi-montée qu'Axe avait mise entre elle et ses porteurs avait suffit à épuiser la sorcière à jeun. Avec un soupir, la louve tira une fiole de l'intérieur de sa veste noire, vide aux deux tiers. L'objet était d'une délicatesse impressionnante.
- Rappelez-vous que je n'ai que celle-là.

La mercenaire déposa une goutte, une seule, sur la langue bleue que tendit Legba à travers sa crinière. La buveuse de poison eut un frisson ravi. Elle lâcha le bras d'Axe et termina la montée seule, retroussant ses jupons filés gaiement.

L'entrée d'un grotte les attendait au terme du sentier, devant laquelle se dressait un cairn aux airs inquiétants. La balise signalait un complexe profond et dangereux ; probablement une entrée vers les entrailles des monts, et plus encore. Les cavernes de Spelunca étaient réputées pour leurs boyaux tentaculaires. Axe donna un coup de pied à la base de l'édifice, qui s'effondra comme un château de cartes, et s'enfonça dans l'ombre sans un regard supplémentaire pour le paysage magnifique du massif. Leur beauté l'avait déjà trompée une fois, et même si le plaisir avait été grand, elle n'était pas tout à fait en paix avec les conséquences de son laisser-aller. Sa nécromancienne la suivit en trottinant.

Elle savait que ces monts maudits avaient une véritable légion de squelettes dans le placard, et elle allait leur faire danser une sacrée gigue.

Alors qu’Uma avait remballé ses affaires, elle entendit des pas au loin. Pour l’instant seul l’échos lui rapportait le son de la marche de deux êtres humanoïdes ou d’un quadrupède. La jeune femme ne savait pas évaluer la distance et entreprit de cacher sa lanterne avec son manteau pour ne pas être vus. Elle se dirigea vers les murs de la caverne, craignant l’attaque d’une monstruosité dont on aimait compter les histoires terrifiantes dans les tavernes.

Tapis dans l’ombre, elle observa. Et finit par apercevoir avec une certaine déception les deux personnages qui marchait dans la grotte. Deux humains, un jeune menait la cadence tandis que l’autre visiblement plus vieux suivait derrière. Sachant que deux voyageurs égarés ne pouvaient pas lui faire grand mal Uma se montra et leva sa lanterne vers les deux hommes.

-Bien le bonsoir voyageur ! Elle regretta immédiatement d’avoir parlé trop vite. Elle regretta également d’avoir été déçu. Elle avait devant elle un monstre : Axe, ancien membre éminent de la C.O. cette femme s’était fait un nom dans le sang versé de ses ennemis, elle était redoutable et semblable au défunt Styx. Les deux personnages s’était déjà entrevu, quelques années auparavant, alors qu’Uma n’était qu’une enfant effrontée. Leur rencontre s’était terminée par une gifle de la par de la rouquine. Entretemps Uma avait grandis, appris, perdu des proches, perdu des amis, perdu des êtres chères. Elle n’était plus l’ombre de l’enfant voulant intégrer la C.O. et ressembler au puissant méchant comme l’était Saigo, Elle voulait juste apprendre et comprendre ce monde pour être une bonne mère et récupérer sa fille.

Ne voulant pas se laissait décontenancer elle continua sa phrase malgré le temps de pause.
-Axe ! Dit-elle avec une certaine joie, il valait mieux avoir la lycanthrope dans son camp. Cela fait plaisir de te revoir, que fait tu par ici ? Uma s’avança, neutre, s’attendant à recevoir une gifle en réponse.

Revigorée par sa dose de poison, Legba parvenait tant bien que mal à suivre Axe, à qui sa nyctalopie permettait un rythme soutenu dans la demie-pénombre. Les murs de la grotte, érodés par l'eau, étaient lisses et réfléchissaient par endroit la faible lueur qui parvenait depuis l'entrée ; la pâleur de la pierre locale aidait beaucoup, mais cela ne durerait pas, le coeur du mont étant à cet endroit-là constitué de la roche pourpre qui avait donné son nom à la citadelle de Styx, Château-Rouge.
L'excavation du gros de la matière ayant servi à la construction de la ville-neuve avait été effectuée dans une carrière non loin. Château-Rouge elle-même se trouvait à une demi-journée de voyage à vol d'oiseau, donc à deux de plus pour un voyageur à pieds.

Les pouvoirs de Lebga était troubles et repoussants, mais efficaces. Axe en avait eu un aperçu à Wystéria quelques semaines auparavant. La vieille femme flairait la piste des morts comme un limier, à la condition d'être régulièrement abreuvée de poison, seule nourriture - s'il en est - qu'elle acceptait d'ingérer. Du poison, Axe en avait à foison, et possédait un flacon d'une variété particulière qui plaisait beaucoup à Legba. Pour le moment, cela suffisait à lui garantir la subordination de la sorcière décrépie.

Axe s'arrêta. La lumière de l'entrée était très faible, à présent.

- À vous. Ignorez les spectres les plus vieux, seuls comptent ceux qui ont un lien fort avec Château-Rouge et avec son maître. Cherchez la trace de morts violentes...survenues en nombre. Styx lui-même, si vous le pouvez.

Legba avait déjà croisé les mânes du triste Sire une fois, sur la plage de Lonnes. Cette brève rencontre avait suffit à la marquer durablement. Elle hocha la tête, le regard déjà habité par les effluves des fantômes qui se pressaient en nombre dans les boyaux du mont. Avant d'être de terrain de jeu de Styx, il avait été le théâtre de nombre d'événements tragiques.

- Le poison aidera, souffla-t-elle, la langue déliée par l'appel des âmes.

Et les deux femmes s'élancèrent dans le noir.

- Bien le bonsoir voyageur !

Uma ne sut jamais à quel point elle fut proche de mourir, ce jour-là. Trop bien dissimulée dans les ombres pour son propre salut, elle avait bondi devant le duo mal assorti d'Axe et de sa sorcière sans prévenir ; la lueur de sa lanterne avait blessé les yeux de l'ancienne régente brièvement, et Axe avait violemment attiré Legba derrière elle, retenant au dernier moment le geste qui aurait signé l'envoi d'une salve de carreaux droit dans l'estomac de l'intruse. C'était sa voix qui l'avait arrêtée. Plus grave, ronde et assurée que la dernière fois, mais à l'accent et à l'effronterie inimitables.

Ses yeux rouges se dardèrent froidement sur la rousse, qui avait beaucoup grandi. La lumière peu flatteuse de la lanterne ne lui permettait pas un examen complet, mais elle pouvait voir que la fille avait gagné en prestance et en féminité. Sa coupe garçonne avait été remplacée par un voile de longues mèches de feu qui lui enveloppait les épaules gracieusement. Son corps, du moins ce qu’elle en voyait, n’avait plus rien d’enfantin, et Axe se fit la réflexion qu’elle avait dû légèrement sous-estimer son âge lors de leur précédente rencontre. C’était probable, la gamine étant alors mal nourrie et éprouvée par un passé difficile. Malgré tout, elle semblait porter ce corps changé comme un poids, les yeux baignés d’une profonde tristesse qu’avait éclairée une lueur de surprise lorsque la fille l’avait reconnue. Visiblement, son cas ne s’était pas arrangé.

- ...Axe ! Après s'être figée comme une biche devant un camion, la jeune thériantrope avait vite repris contenance. Cela fait plaisir de te revoir, que fait tu par ici ?

L'intéressée laissa passer une lourde seconde avant de répondre. En pénétrant la grotte, elle s'était élancée à la poursuite de son passé avec beaucoup de détermination, mais ne s'attendait pas à obtenir des résultats si tôt.

- Uma.

Axe desserra le poing doucement, et relâcha Legba, qui n'avait plus d'yeux ni d'oreilles que pour sa quête et avait à peine remarqué la jeune hyène.

- J'explore. Et toi ? Toujours à attaquer des voyageurs isolés, à ce que je vois ?

Axe attendit un instant avant de répondre, ce qui commençait à inquiéter sérieusement Uma. Même si la jeune femme se trouvait plutôt détendu : elle arrêta de se prendre la tête et finit par être simplement intrigué de la suite des événements.

- Uma.

Axe se souvenait de son prénom, c’était une première chose. Mais le ton emprunté restait neutre avec une pointe de surprise.

- J'explore. Et toi ? Toujours à attaquer des voyageurs isolés, à ce que je vois ?

Uma sourit doublement, elle n’allait visiblement pas avoir à se battre et la vision ancienne d’axe sur la jeune fille était amusante. La rouquine n’attaquait plus les gens sans raisons et tentait de faire des rencontres désormais. Probablement pour tenter d’oublier sa douleur constante qui restait toujours à côté d’elle comme une malédiction qui la hantait.

-Moi ? Non, plus désormais, je n’en ai plus besoin en tout cas. Elle se sentait étonnamment en confiance. Je cherche plus à… faire des rencontres. En ce moment je cherche également des réponses à mes interrogations et sur la thérianthropie par exemple. Enfin bref je m’égare… Sinon toi, toujours chasseuse de prime ?

Elle leva sa lanterne de sorte à éclairer le visage de chacune.

-Et qui donc t’accompagne ?

- Moi ? Non, plus désormais, je n’en ai plus besoin en tout cas.

Axe hocha la tête. Le banditisme de grand chemin, ça finissait par avoir ses limites pour tout le monde, elle en savait quelque chose. Lorsqu'on en vivait, en tout cas...Le loisir, c'était une autre histoire.

- Je cherche plus à… faire des rencontres. - Eh ben c'est raté... - En ce moment je cherche également des réponses à mes interrogations et sur la thérianthropie par exemple.

Il était temps, en effet. Lorsqu'Axe avait rencontré la jeune femme, celle-ci n'était pas exactement en contrôle de son virus ; à comprendre, elle venait d'attaquer un petit convoi marchand, avait tué trois hommes plutôt salement et s'apprêtait à remettre le couvert pour le reste de la caravane. Axe l'avait interrompue dans son massacre inutile, pour préserver la réputation mitigée de leur race auprès des humains principalement. Repérant la graine d'une grande meurtrière, elle avait également eu l'espoir de la recruter à la Congrégation, la violence sans institution ne menant pas à grand-chose, mais la fille ne s'était jamais présentée à Lédéhi. Tant mieux pour elle, dommage pour les rangs de la Sombre Demeure.

- Enfin bref je m’égare… Sinon toi, toujours chasseuse de prime ?

Axe, qui n'était pas du tout préparée à des civilités de ce genre, entrouvrit et referma la bouche sans trop savoir quoi répondre à Uma. La rousse leva sa lanterne pour permettre aux deux interlocutrices de mieux discerner le visage de l'autre. La légère hésitation d'Axe avait été dissimulée par l'obscurité.

- Et qui donc t’accompagne ?

Un volatile noir d'encre vint se poser sur l'épaule de la fille, et ses yeux intelligents luisirent à la lueur du luminaire.

- Tiens, c'est nouveau, le corbeau.

Axe glissa un pouce dans sa ceinture et désigna l'espace vide où se tenait la nécromancienne quelques instants auparavant.

- La femme, tu peux l'appeler Madame Legba. Une sorcière que j'ai débusquée à Wystéria, elle m'aide à remonter une...Merde, Legba.

En laissant à peine le temps à Uma de s'écarter, l'ancienne dignitaire s'élança à la suite de son otage d'un pas pressé. Même si celle-ci s'était un peu estompée durant le voyage, la sorcière, qui vivait dans la jungle le plus clair de son temps, dégageait une puissante odeur d'humus qui flottait longtemps derrière elle ; Axe n'aurait pas de mal à la retrouver si elle s'égarait, mais ne pouvait pas permettre qu'un monstre l'abatte avant d'avoir au moins trouvé une confirmation de ce qu'elle avait découvert par elle-même depuis son retour de Wystéria - même partielle.

En s'éloignant, elle piocha la flasque qui ne quittait jamais la poche intérieure de sa veste et la leva au-dessus de sa tête.

- Tu veux boire un coup ? C'est du rhum.

Tungstène vint se poser sur son épaule comprenant que le danger était passé.

- Tiens, c'est nouveau, le corbeau.

Uma sourit, elle était fière de son corbeau et commença à caresser doucement son plumage. La maître d’arme reprit la parole, montrant la place vide à coté d’elle, Uma leva un sourcil intrigué.

- La femme, tu peux l'appeler Madame Legba. Une sorcière que j'ai débusquée à Wystéria, elle m'aide à remonter une...Merde, Legba.

Axe se précipita vers Uma qui s’écarta à temps et voyant la femme partir elle la suivit. Levant une flasque la louve reprit la parole :

- Tu veux boire un coup ? C'est du rhum.

- Non merci, ça ira. Uma avait pris l’habitude de prendre de l’alcool en mer mais en courant… Tu permets que je t’accompagne, je n’ai rien de prévus pour la soirée. Demanda-t-elle avec une pointe d’effronterie.

- Non merci, ça ira. Tu permets que je t’accompagne, je n’ai rien de prévus pour la soirée.

- Tant pis pour toi. Nadshûydrhum, très bonne année. Ça m'a coûté un bras.

Le choix de l'alcool, comme celui du poison qui avait servi à requinquer Legba d'ailleurs, n'était pas anodin. Joignant son index et son majeur droits, Axe fit signe à Uma de la suivre.

- Bon alors, faire des recherches sur ta thériantropie, hein ? Au moins t'es du bon côté du massif, mais les cavernes des lycans, c'est pas par ici du tout...Je me dirige vers les souterrains du territoire vampire. Enfin bon. Pour passer le temps, c'est tout aussi bien, tu verras.

Legba avait pris plus d'avance que prévu, trottinant de ses pieds nus sur la pierre dans une série de claquements qui parvenait à Axe par échos intermittents. L'ancienne régente commençait à s'inquiéter un peu ; avait-elle trop nourri la nécromancienne ? Elle avait fait attention à ne pas la laisser changer de forme, la faiblesse de son enveloppe mortelle lui convenant parfaitement tant qu'elle était entravée par sa lenteur moribonde, mais elle avait visiblement sous-évalué les ressources de la vieille femme.

Finalement, la silhouette de la buveuse de poison, drapée dans son châle caractéristique, se profila dans le noir. Elle ne bougeait pas d'un cil. Axe se figea, observant avec attention le comportement de sa compagne décrépie. Celle-ci murmurait très bas des paroles que même l'ouïe d'Axe ne parvenait pas à retranscrire. Ses intonations étaient celles du dùralassien commun, cependant, cela la maîtresse d'arme parvenait à le deviner. Bientôt, la voix de la sorcière se fit plus aigüe ; elle avait commencé à poser des questions.

Le regard d'Axe s'écarquilla avec une exaltation mêlée d'appréhension.

- Ça commence...

Puis, la louve se souvenant soudain de la présence d'Uma à ses côtés, elle précisa :

- Legba est en train d'interroger un mort. Quoi que tu fasses, ne la dérange pas !

La présence de la jeune hyène égayerait son voyage dans la pénombre, elle était finalement assez heureuse d'être tombée dessus. Malgré son ton sans appel, Axe se fendit d'un sourire à l'intention de sa jeune compagne, qui s'était fourrée dans un sacré traquenard et ne tarderait pas à s'en rendre compte.

De son côté, Legba se remit à courir brusquement, bientôt suivie par sa maîtresse toute en noir. Si elle savait que le parcours dans les grottes serait long et fastidieux, la louve sentait l'excitation de la traque monter en elle, maîtrisée à contrecoeur.

Quelque part dans les boyaux de Spelunca, un autre spectre s'était lancé à la poursuite de l'âme que suivait Legba, habité par le même sentiment carnassier. Ils ne se croiseraient pas avant un moment, et seulement alors pour des retrouvailles d'opérettes, mais les arcanes saturant les couloirs de Spelunca frémirent comme une toile d'araignée en voyant ces deux destins s'aligner de nouveau en leur sein. La dernière fois, il avait fallu toute l'ingéniosité d'un démon pour empêcher une catastrophe...

Mais ce démon était mort, maintenant.

- Bon alors, faire des recherches sur ta thérianthropie, hein ? Au moins t'es du bon côté du massif, mais les cavernes des lycans, c'est pas par ici du tout...Je me dirige vers les souterrains du territoire vampire. Enfin bon. Pour passer le temps, c'est tout aussi bien, tu verras.

Uma continua donc de suivre Axe, voulant profiter de ses connaissances. La présence d’Axe ne l’étonnant pas dans ces cavernes, elle ne connaissait pas assez la maitre d’arme pour connaitre ses habitudes. Tout ce qu’elle savait venait des racontars sur la CO dit par les voyageurs dans les tavernes. Mais la raison de la présence de la sorcière ne lui avait toujours pas été expliquer.
Elle commençait justement à l’apercevoir. Comment diable cette femme était allée si vite ? La jeune femme n’avait que peu côtoyer la magie et la voix de Legba montant dans les cavernes la mettait mal à l’aise et alors qu’elle s’apprêtait à questionner Axe, la louve la devança omnibulée par la vieille femme :

- Ça commence...

La rouquine lui porta un regard interrogateur.

- Legba est en train d'interroger un mort. Quoi que tu fasses, ne la dérange pas !

Très bien, elle pouvait donc se permettre de déranger Axe. Leur âge était similaire et la plus jeune était d’humeur joueuse au côté de son ainé, aillant peu l’habitude de côtoyer de très jeunes femmes sur sa route. Mais elle savait garder dignité en s’adressant à l’ancienne régente de la Congrégation surtout depuis qu’elle était désormais baronne, elle avait une noblesse à représenter.

-Que recherche tu avec cette… Legba ? Tu es là pour ta faction ?

Il lui paraîtrait logique qu’Axe se ballade au service de l’Ombre. Mais la sorcière se remit en route et s’enfonça de plus en plus dans les profondeurs des cavernes.

- Non, c'est une quête personnelle, quelque chose que j'aurais dû régler il y a longtemps. Je cherche les fantômes que Styx a créés ici. Comme tu t'en doutes, il y en a un paquet...Certains d'entre eux détiennent des réponses que je convoite, et Legba est capable de les entendre, elle pratique une forme de nécromancie.

Des champignons luminescents brillaient à présent sur les murs de la caverne. Axe n'avait pas besoin de courir pour se maintenir au rythme du trottinement de Legba, mais économisait son souffle, et tendait l'oreille pour tenter de discerner des paroles intelligibles dans le flot de marmonnements qui filtrait entre les lèvres gercées de la sorcière.
Elle n'avait jamais eu l'occasion d'observer la vieille femme sur la piste d'une âme. Une chose était sûre, ce qu'elle avait imaginé était très loin du transport presque animal qui poussait Legba à louvoyer dans les couloirs sombres, tendant ses deux oreilles alternativement et scrutant des renfoncements rocheux où les yeux des deux lycanthropes ne voyaient qu'une nuit d'encre ; elle semblait suivre les déplacements de quelque chose, ou de quelqu'un, et s'agaçait légèrement lorsque ses questions n'obtenaient pas réponse. Si la dose de poison qu'Axe lui avait administrée provoquait l'effet escompté, la sorcière ne devait pas avoir assez de force pour établir un lien équivoque avec le fantôme, certainement pas assez en tout cas pour s'en faire entendre correctement.

- Nous approchons de l'endroit, croassa soudain la vieille femme.

- L'endroit où celui ou celle que nous suivons est mort, traduisit Axe pour Uma à mi-voix. Déjà ?

- Il entreprenait des recherches similaires aux vôtres, mais n'est pas allé bien loin. Dommage. Il approchait d'une piste...

Legba se tut dans un soupir, guettant les mouvement du macchabée à travers sa cataracte. Des voix résonnaient au loin...Pas celles du fantôme ni de son assassin. Axe porta la main à sa hanche, où pendait une jolie rapière qu'elle avait remisée longtemps au fond de son bureau d'Ombre, un peu honteusement. L'arme qui avait tué Styx. Plus élégante qu'efficace, mais elle avait fait ses preuves...

- Uma...Tu entends ? Il parlent de...

Le visage d'Axe se ferma brusquement. Les deux individus faisaient partie d'une caste qu'elle exécrait particulièrement. Des chasseurs de lycans qui s'étaient placés en embuscade afin d'intercepter le passage d'une de leur proie, et dont l'opération, à en croire leur ton enjoué, avait été couronnée de succès.

- Plus malins que notre mort, ricana Legba.

Uma acquiesça et resta en silence. Curieuse comme à son habitude elle suivit la lycanthrope. Elle attendrait pour poser plus de questions. La jeune femme était peu rassurée de la quête de son interlocutrice. Elle ne connaissait que très peu Styx mais la renommé de sa puissance était connue dans tout Dùralas, sa folie aussi. Les trois femmes s’aventuraient de plus en plus dans les cavernes en suivant la nécromancienne.

- Nous approchons de l'endroit, dit la sorcière.

- L'endroit où celui ou celle que nous suivons est mort, Axe s’adressait à Uma puis reporta son attention sur la vieille femme. Déjà ?

- Il entreprenait des recherches similaires aux vôtres, mais n'est pas allé bien loin. Dommage. Il approchait d'une piste...

Un silence pesant fut brisé par des paroles au loin. Uma d’abord peu inquiète s’alerta au mouvement de son ainée et pris en main les dagues qu’elle venait de forger, observant le visage d’Axe qui se durcit.

- Uma...Tu entends ? Il parlent de...

Le visage de leur adversaire se découvrit et la barbare n’eut aucun mal à identifier leur intention. Les deux chasseurs se tenait face à elles, leur arme en argent typique à porter de main. Uma ne s’attendait pas à tomber sur ces personnages à la renommée sanglante, à vrai dire elle n’avait que peu mesuré le danger qui l’attendait en rentrant dans les cavernes.

- Plus malins que notre mort, ricana Legba.

L'équipe A commence le combat.

Vitesse de l'ÉQUIPE A : 1551

Uma : 1895
Vitesse : 253
Dégâts : 1858
Capacités spéciales : Aura du berserker : les dégâts augmentent de 50% à chaque EC.
Rapidité : Peut attaquer deux fois le Serpent d'Onyx.

Axe : 2623
Vitesse : 836 1298
Dégâts : 2538 2916
Capacités spéciales :
* Force naturelle : Annule le poids des 2 armes les plus lourdes (ou de l'arme à deux mains la plus lourde) pour le combat (Armures comprises). (fait)
* Machiavel (panoplie d'élite) : L'efficacité des dagues, des griffes, des arcs et des arbalètes est augmenté de {Points_politiques=172}%. (fait)
* Boucle d'oreille gauche de Sire Ümmen [Artefact] : (Les personnages ennemis de sexe masculin perdent tous 20%/stats au début du combat (en PvM, il suffit de savoir si l'on dit “un” ou “une” (fait)
Rapidité : Peut attaquer deux fois les adversaires.




Vitesse de l'ÉQUIPE B : 640

Chasseur de lycan A : 1000 800
Vitesse : 300 240
Dégâts : 450 360
Butin : /

Chasseur de lycan B : 1000 800
Vitesse : 300 240
Dégâts : 450 360
Butin : /

Serpent d'Onyx : 3900 3120
Vitesse : 100 80
Dégâts : 300 240
Capacités spéciales : Étreinte : Si le Serpent d'Onyx n'est pas mort durant les trois premiers tours, son attaque passe à 900 et sa vitesse passe à 300.
Butin : x2 Onyx

Il semblerait qu'un serpent d'Onyx se soit rajouté au combat, bon courage.

En s'approchant, Axe découvrit le cadavre hérissé de la victime des deux chasseurs. Un lycan entièrement transformé dont la carrure et la silhouette rappelaient celle d'un grand loup, même style que la maîtresse d'armes donc. Sa fourrure sable était sabrée de grandes plaies fumantes.

- Un natif, constata Axe à haute voix. Monsieur, Madame, je ne vous félicite pas.

Nombreux étaient les chasseurs de lycans qui officiaient pour se venger de l'attaque d'un loup-garou sur eux-mêmes ou sur un être cher. D'autres s'étaient fait une mission de purger les mordus, plus instables que les lycanthropes de naissance, supprimant ce qu'ils considéraient au mieux comme des martyrs monstrueux et au pire comme des erreurs de la nature. Ils étaient parfois aidés par des lycans speluciens. Souvent des rejetons de familles alphas - ces pure race insupportables.
Il existait enfin une dernière espèce de ces idiots, la pire de toutes : ceux qui chassaient les lycans des monts par volonté de torturer la race elle-même, qu'ils méprisaient, ou pour le sport tout simplement. Les amateurs d'émotions fortes, pourquoi pas, mais les précédents, Axe ne pouvait vraiment pas les blairer...Les deux individus qui se trouvaient sur sa route faisaient visiblement partie de ce groupe malheureux. Mais elle leur laissait le bénéfice du doute.

- Vengeance ou loisir ?

Les yeux des deux chasseurs se dardèrent sur elle avec méfiance. Par un hasard amusant, Axe avait écopé depuis son infection de traits qu'on attribuait plus naturellement à un vampire - peau pâle, yeux rouges - qu'à un lycanthrope, même si certains attributs ne trompaient pas. Le léger miroitement de ses pupilles à la lueur de la lanterne d'Uma, par exemple, que le duo remarqua vite. Celui qui se trouvait à gauche du cadavre, un homme de grande taille vêtu à la mode de l'Ouest et tenant un épais volume marqué d'une croix, retroussa ses lèvres sur quatre canines bien entretenues avec un dégoût assumé.

- Conviction.

- Faut vraiment pas avoir grand-chose à foutre de ses journées. Allez hop, tu sers à rien.

La rapière d'Axe fusa avec une rapidité mortelle et embrocha le deuxième coeur vampire de sa carrière, transperçant sans mal la simple robe d'exorciste que portait le chasseur. Elle s'en retira juste à temps pour effectuer un large arc-de-cercle vers la main de la femme qui l'accompagnait, une blonde ravissante qui portait une cicatrice au coin de la pommette gauche avec la même classe qu'une comtesse stellaroise une mouche en taffetas. Son beau visage se déforma dans un hurlement alors que les cinq doigts de sa main d'épée volaient dans l'obscurité, et avec eux la grande flamberge d'argent qu'elle avait brandi durant l'assassinat de son compagnon. Le prêtre et la pucelle étaient à présent à genoux tous les deux, l'un parfaitement silencieux, l'autre tremblante et gémissante. Son armure lustrée cliquetais au rythme de ses sanglots.

Axe, vérifiant d'un oeil que l'exorciste ne dissimulait pas un nécromancien et ne lui préparait pas une petite blague, se rapprocha de la blonde. Lorsqu'elle fut sûre que le premier était hors jeu, elle se pencha sur son adversaire, qui versait plus de larmes pour sa main que pour son collaborateur.

- Aïe, aïe, aïe ! Ça pisse le sang dis-moi. T'auras pas le temps de sortir des cavernes, on dirait...Si j'étais toi, je remonterais la piste de cette pauvre fille (le cadavre du lycan au pelage d'or avait rétréci en refroidissant, prenant la forme d'une jeune femme rondelette) et je me ferais soigner là d'où elle vient. Sans mentionner ton petit passif avec l'autre puceau, sinon c'est la marmite direct. Je plaisante - c'est pas trop le genre des natifs. Ils pourraient te pendre par contre.

La guerrière mutilée cracha sur la botte d'Axe, qui considéra qu'elle en avait assez fait et se détourna sans répliquer. Son adversaire arracha de sa main valide les bijoux d'argent qui pendaient à son cou et à ses oreilles, se releva en serrant les dents et enjamba le cadavre du vampire sans chercher à récupérer son arme. Puis elle disparut dans les tunnels. Visiblement, c'était la moins bête des deux.

[élimine chasseurs de lycan A & B]

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'Attaque - Thérian.' :

Uma observa Axe bondir sur ces ennemis après leur avoir adressé quelques mots. Voir la maîtresse d’arme en action était impressionnant, sa rapidité et sa précision exceptionnel rappela à la jeune fille qu’il valait effectivement mieux ne pas être contre la mercenaire. Avant que la barbare puisse réagir, l’un des deux chasseurs gisait mort sur le sol l’autre prenait la fuite profitant de la clémence d’Axe.

Alors que l’ainée se tournait de nouveau vers Uma, un bruissement de pierre se fit entendre dans son dos et un gigantesque serpent de pierre surgit.

-Attention Axe ! Cria la rouquine qui doutait servir à quelques choses en combat aux côtés de la puissante maîtresse d’arme.

Mais la jeune fille voulait faire ses preuves, certes la brune était au centre de l’aventure, c’était vraisemblablement sa quête qu’Uma accompagnait, mais il était temps de passer à l’action. De prouver qu’en plusieurs années, la barbare avait fait de nombreux progrès.

Elle prit une dague en main et assaillit le géant de pierre. Mais ses coups, certes précis n’affectaient pas l’armure de l'onyx. La jeune femme pris alors son marteau en main et sauta sur sa tête, elle lui assena un coup qui réussit à étourdir le serpent. Il n’était pas vaincu, mais la plus grosse part était faites.

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'Attaque - Thérian.' :

L'équipe A commence le combat.

Vitesse de l'ÉQUIPE A : 1551

Uma : 1895
Vitesse : 253
Dégâts : 2787 (1858 de base)
Capacités spéciales : Aura du berserker : les dégâts augmentent de 50% à chaque EC.
Rapidité : Peut attaquer deux fois le Serpent d'Onyx.

Axe : 2623
Vitesse : 836 1298
Dégâts : 2538 2916
Capacités spéciales :
* Force naturelle : Annule le poids des 2 armes les plus lourdes (ou de l'arme à deux mains la plus lourde) pour le combat (Armures comprises). (fait)
* Machiavel (panoplie d'élite) : L'efficacité des dagues, des griffes, des arcs et des arbalètes est augmenté de {Points_politiques=172}%. (fait)
* Boucle d'oreille gauche de Sire Ümmen [Artefact] : (Les personnages ennemis de sexe masculin perdent tous 20%/stats au début du combat (en PvM, il suffit de savoir si l'on dit “un” ou “une” (fait)
Rapidité : Peut attaquer deux fois les adversaires.




Vitesse de l'ÉQUIPE B : 80

Chasseur de lycan A : 1000 0
Vitesse : 300 240
Dégâts : 450 360
Butin : /

Chasseur de lycan B : 1000 0
Vitesse : 300 240
Dégâts : 450 360
Butin : /

Serpent d'Onyx : 3900 333
Vitesse : 100 80
Dégâts : 300 240
Capacités spéciales : Étreinte : Si le Serpent d'Onyx n'est pas mort durant les trois premiers tours, son attaque passe à 900 et sa vitesse passe à 300.
Butin : x2 Onyx

Il semblerait qu'un serpent d'Onyx se soit rajouté au combat, bon courage.

Axe, qui s'était laissée emporter par son ressentiment envers les deux chasseurs, n'avait pas pensé à surveiller ses arrières. Le cri d'Uma la ramena à la réalité du combat qui se poursuivait dans son dos. Un serpent d'Onyx, enroulé dans les reliefs des murs de la caverne, avait observé leur combat sans être vu et se décidait tout juste à passer à l'action, déliant ses multiples anneaux dans un bruit étrange et minéral.

Alors que sa jeune amie se jetait à l'attaque comme la hyène farouche qu'elle était, le premier réflexe de la maîtresse d'armes alla à Legba, à qui elle enjoignit de se réfugier dans un coin d'un geste de la main. La sorcière hocha la tête, puis tira la langue et pointa son index vers sa bouche ouverte. Après l'affrontement, il faudrait la nourrir à nouveau ; le lieu de la mort de l'âme que les trois femmes suivaient était tout proche.

Ce signe encouragea Axe à se débarrasser du problème le plus vite possible. Alors qu'Uma assénait un terrible coup de marteau à la bête, constatant que ses lames étaient inefficaces contre sa cuirasse, la louve leva un bras et serra le poing. Aussitôt, commandés par son poignets, deux traits filèrent vers le monstre dans un silence quasi-parfait. Le premier manqua sa cible, et le deuxième ricocha contre l'onyx dur qui constituait l'iris visé. Un coup pour rien.

La maîtresse d'armes avait épuisé sa première option.

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'Attaque - Thérian.' :

Axe réagit et après avoir mis en sécurité sa vieille sorcière elle décocha deux flèches en direction de l’onyx. Deux pointes fusèrent, sortie de nulle part. La Congrégation sait encore garder ses secrets. Mais les deux furent aussi inefficace que le coups de dague d’Uma.

La jeune fille savait apprécier les bon combattant et même si leur actions divergeait parfois elle conservait un grand respect pour ses aînés, qu’ils soient de la congrégation de l’ombre ou de la garde zephyre, quand on sait se battre avec noblesse pour sa cause on méritait le respect. Bien qu’Uma ne soit pas encore très stable elle aspirait à une noblesse de cœur.

Mais pour l’heure il faudrait prouver sa valeur en combattant son adversaire. Elle reprit son marteau en main et prit un élan en effectuant un bond jusqu’à la tête de son adversaire. Utilisant la force de sa chute elle assena un coup encore plus puissant que le dernier qui suffit à achever le serpent de pierre.

Elle sauta du corps sans vie et atterrie au côté d’Axe. Il y avait en elle une hauteur d’esprit que la cadette admirait. Et rangeant son arme elle prit la parole, se décalant légèrement comme pour laisser la place à la mercenaire :

-Je crois que nous pouvons continuer.

Se mettant en route elle ajouta :

-Pourquoi des gens viendraient à faire de leur métier le massacre d’une race ? Pourquoi réside-t-il tant de haine envers les lycanthropes et tant s’a priori ? Cette question était posée avec une grande innocence et c’était comme si Umalis avait parlé. Elle avait oublié tout le mal qu’elle avait elle-même fait et la haine qu’elle avait elle-même ressentit. Elle avait oublié son respect pour les grands combattant dans cette question. Elle avait oublié que le monde n’est pas remplis de poney rose.

Et elle avait surtout oublié qu’elle se trouvait aux cotés d’une dirigeante de la Congrégation, d’une femme qui tuait pour l’argent ou la vengeance personnel.

Le membre 'Uma Despina' a effectué l'action suivante : Actions

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'Attaque - Thérian.' :
  

- Je crois que nous pouvons continuer.

Uma était sortie victorieuse de son affrontement avec le serpent d’onyx. Axe se dut d’admettre qu’elle était bluffée, tant par la force objective de la hyène que par ses progrès, et émit un sifflement admiratif. Puis elle déposa deux goutes de poisons sur la langue que lui tendit Legba, qui repartit comme si rien n’avait interrompu sa traque, revigorée.

C’est alors qu’Uma posa une question étrangement candide, quoique pertinente. Pourquoi haïssait-on leur race ? Axe haussa un sourcil.

- Malheureusement, les lycans de Spelunca, qui se maîtrisent mieux que la moyenne, sont chauvins et apprécient peu les étrangers. La majorité des contacts qui s’établissent entre les membres de notre race et les autres se fait par des cas isolés qui ont souvent moins de scrupule à tirer avantage, disons, du potentiel martial de notre virus, ou qui sont incapables d’inhiber sa violence. On nous hait par peur, et on nous extermine  à peu près pour les mêmes raison. Quant à la détestation légendaire que se vouent les lycans et les vampires, elle alimente évidemment ce mythe, puisque la réputation de nos homologues à canines est légèrement moins mauvaise que la nôtre. C’est mon avis, en tout cas. Je suis devenue une lycanthrope volontairement, alors je ne suis peut-être pas la meilleure personne à interroger à ce sujet.

Le regard de la louve se perdit dans le noir. La lycanthropie lui paraissait aujourd’hui si naturelle qu’il lui était étrange de se rappeler qu’il n’y avait pas si longtemps, elle menait une lutte permanente contre l’impulsivité de son virus. Quant au fait qu’elle avait vécu dix ans comme une humaine...

- Et toi, d’où tiens-tu ton virus ? Hérédité ou morsure ? La première fois que je t’ai rencontrée, je ne suis pas parvenue à le deviner.

Le chemin se poursuivit jusqu’à se dérober dans le noir subitement. Legba les avait menées vers une petite falaise aux abords traîtres, sur laquelle débouchaient deux conduits : celui dont Axe et les deux autres femmes étaient arrivées, et un autre qui longeait le précipice.

- Voilà, croassa Legba.
L’endroit où leur spectre était mort. À première vue, rien de particulier, mis à part les champignons lumineux qui brillaient ici et là.  

- Il ne sera pas allé bien loin, remarqua Axe. Elle regretta de ne pas avoir prêté plus d’attention à leur trajet car elle ne parvenait pas à les situer précisément dans les monts, mais elles ne marchaient pas depuis très longtemps. Pas assez, en tout cas, pour atteindre un point d’intérêt particulier par rapport à Styx. Allez-vous nous révéler ce que vous avez appris de lui, à présent ?
- Une âme encore faible mais pas dénuée d’intérêt. Un cœur noble à la loyauté fluctuante, mais aux bases pures, inébranlables...Un chevalier.

Axe tenta de se remémorer un profil semblable dans l’entourage de Styx, sans succès. Il lui faudrait plus de détails.

- Que voulait-il à Styx ?
- Tout et rien. Il aurait souhaité pouvoir être son ami, mais il le haïssait aussi. Il a été soulagé lorsqu’ils se sont réunis au service du Roi...puis déçu, et enfin dérouté. Comme vous, il voulait comprendre.

Qui était-il, cet ami au cœur trop noble pour la relation tumultueuse qu’il entretenait avec Styx ? Un picotement fleurit sur l’épaule gauche d’Axe, qui l’ignora d’abord. Mais la sensation persistante troubla sa concentration, jusqu’à ce que lui parvienne une image fulgurante. Celle d’un canon pointé vers elle, brandi par un chevalier en armure chatoyante qui n’avait eu que peu de scrupules à manquer de faire sauter le bras d’une enfant. Un ancien allié de Styx, avait-elle appris plus tard ; le fameux Alphonse Galhaad qui avait trahi la Congrégation et manqué de se faire trucider par l’arlequin mécontent de ce revirement - disparu depuis. Suite à cet épisode, il avait en réalité rejoint les gardiens anonymement, et participait à leur défense lors de l’attaque surprise de Styx au Canari Jaune. Axe était présente aussi, du côté de l’Ombre naturellement. C’est ainsi qu’ils avaient « fait connaissance ».

- Alphonse Galhaad, le chevalier-Caméléon. Quel drôle de personnage. Comment meurt-il ?
- Poussé du haut de cette corniche, saigné et dévoré encore chaud. Plus terrible encore que la douleur, c’est la terreur qui a accompagné ses derniers instants.
- La terreur...?

Axe se pencha au-dessus du précipice. En effet, en bas, la pâleur d’un squelette pointait dans l’obscurité. Les os épars étaient striés de marques de crocs. Autour, des plaques d’armure qui semblaient avoir été soigneusement retirées du corps brisé et mises à part captèrent la lueur de sa torche. Celui qui avait tué Alphonse était aussi le tortionnaire qui l’avait dévoré, et il ne s’agissait pas d’une bête. Un lycanthrope ?

- Le chevalier était un brave. Cela m’étonne.

Elle n’avait aucune sympathie pour les traîtres à la Congrégation, mais elle reconnaissait au combattant le cœur pur et la détermination sans faille que décrivait Legba.

- « Ne me regarde pas de cet air-là, Alpha. Il n’y a pas de honte dans une chasse réussie. » Voilà ce qui l’a terrifié.

Un frisson horrifié glissa le long du dos de la louve. Ses yeux trouvèrent le visage tranquille de la sorcière, dont les rides s’étaient creusées d’un coup, et dont le regard s’était soudain voilé de contentement. Axe, qui avait cessé de respirer le temps d’un battement d’ailes, serra la main autour du manche de sa rapière.

- C’est lui...C’est Styx. Si le timbre était celui de Legba, la mélodie doucereuse de la voix du Vicomte sonnait clair dans l’esprit de la jeune femme. Vous avez trouvé son fantôme. Il est passé ici. Faites-le apparaître !

Axe porta une main fébrile à la poche dans laquelle elle gardait la fiole de poison. À sa grande surprise, la tête de Legba se mit à dodeliner négativement. Alors le visage de la maîtresse d’armes se ferma et elle avança d’un pas sec vers son otage.

- Je reconnaîtrais sa voix entre mille, sorcière ! Il a parlé ici. Je veux le voir, maintenant.
- J’entends ce que les morts ont entendu, pas ce que les vivants ont dit. Il n’y a qu’un fantôme ici et il ne mérite pas mes dernières forces.

Les rouages s’activèrent dans l’esprit affolé de la louve. Elle entendit la phrase de Styx une seconde fois, et ses yeux glissèrent vers les restes du chevalier en bas.

- Impossible. La Congrégation a enregistré des traces de l’activité de Galhaad bien après la mort de Styx. Il n’a pas pu l’entendre au moment de rendre son dernier souffle. À moins que ce soit le spectre du vicomte qui l’ait tué, et dans ce cas vous l’auriez vu aussi.

Cela expliquerait sa terreur, pourtant. Alors qu’un doute sourd se mettait doucement à poindre dans l’esprit de la louve, une terrible quinte de toux la secoua, la forçant à s’appuyer à la paroi de la grotte. Legba s’approcha de son petit pas de vieille et tendit la main.

- La piste de Galaad s’arrête ici, mais une autre commence. Elle conduit directement sous les jardins de votre ami. Souhaitez-vous la suivre ?

Alors qu’Axe s’apprêtait à répondre, elle fut foudroyée par une nouvelle quinte de toux, et dut se contenter de tendre à Legba la fiole qu’elle convoitait. Foutu tabac...La sorcière fit montre d’une étrange présence d’esprit et ne laissa tomber sur sa langue bleue qu’une goutte de sa drogue, puis fit disparaître la fiole dans les plis de ses guenilles. La fièvre de leur petite expédition l’avait gagnée aussi. Elle braqua sa cataracte vers un boyau obscur, reprit ses airs de chien de chasse et repartit au trot sans grand égard pour la santé de sa jeune compagne. Axe n’attendit ni le retour de son souffle ni l’avis d’Uma pour foncer à sa suite.

- Qui est-ce, cette fois ?
- Une créature mi homme mi bête. Assoiffée de vengeance. Un être banal, mais doté une colère et une determination remarquables.
Axe réfléchit un instant.
- Sans doute un Frère Loup. Ces lycans ulta-violents s’étaient battus corps et âme contre l’hégémonie de Styx, avant d’être éradiqués jusqu’au dernier par ses frelons. Une des dérives que la haine envers notre race provoque et attise, Uma...et réciproquement. Les sourcils de la louve se froncèrent sous le coup de l’effort. On dit qu’un jour, l’un d’entre eux est parvenu à pénétrer l’enceinte du palais...

L’événement résistait à la mémoire de la jeune femme. Oui, on avait attenté à la vie de Styx avant elle, sans succès toutefois. Rien d’étonnant. L’anecdote semblait cependant revêtir une importance étrange dans son esprit. Pourquoi le choix de Legba s’était-il porté sur ce fantôme à la mort teintée d’échec ?

La sorcière pila net au bout d’un temps. Axe savait déjà ce que ça signifiait. Elle attendit que la sorcière s’exprime elle-même.

- Nous voilà juste en-dessous de la scène. La bête vient d’apercevoir votre ami. La colère est à son comble, mais autour, tout est si paisible...
La louve n’eut encore une fois d’autre choix que de mâcher sa frustration face à l’intensité des visions de l’ancienne. Si elle avait vu ses jardins et connaissait la tranquillité dont elle parlait, la louve n’avait jamais pénétré les abords du palais de Styx. L’intimité du vampire demeurait un mystère pour elle.
- La douleur n’est pas immédiate. Ses griffes ont trouvé la chair de l’ennemi et lui ont infligé une blessure mortelle. Elle-même, saisie à la gorge par sa proie détestable, a senti le fer d’une épée transpercer son dos. Un coup le couche de force. Il ne bouge plus ; il sait qu’il va mourir. Ses forces s’écoulent par la plaie en même temps qu’un froid glacial s’y engouffre. Un cri d’homme perce son ouïe sensible et on accourt aussitôt au secours de sa victime.

Aussitôt. Le front d’Axe se plissa sous l’effet d’une pensée fulgurante.

- Le médecin est vêtu de rouge. La bête sent immédiatement qu’il représente un danger pour sa mission mais il est trop tard pour l’éliminer aussi. Malgré le doute, une dernière jouissance accompagne la mort de notre fantôme, car le visage du médecin trahit un grand effroi lorsqu’il aperçoit ce que personne n’avait encore remarqué. Un œil, par terre, que la bête a arraché au vampire. La déconfiture de l’homme en rouge est l’ultime vision de notre spectre.

Le visage d’Axe, qui oscillait entre plusieurs émotions, rougit sensiblement. Ses yeux se levèrent, tout à fait inutilement, vers le plafond de la grotte que quelques cristaux lumineux éclairaient comme un ciel étoilé.

- L’excellent Faustus Fortuna, toujours à l’affût des besoins de son maître.

Tu n’as pas tardé cette fois-là. Où étais-tu lorsque je l’ai attaqué à mon tour ?

Le souvenir de la scène, comme à chaque fois qu’elle le convoquait sans le vouloir, dansa au premier plan de ses pensées - toujours aussi précis. Les feuilles sombres et grasses des arbustes taillés, les fleurs luisant d’une rosée tardive, les pavés rouges, les plats renversés qui les maculaient. L’or de la vaisselle et des boutons des habits du vicomte captaient les feux du soleil printanier...Et l’argent lunaire de la lame de sa rapière se perdait dans la belle étoffe, quelque part entre deux côtes du vampire. La toile immatérielle du Vicomte l’avait bel et bien capturée et Axe voyait tout ce que voyait le fantôme de son existence là-bas. Presque tout.
Dans le lointain, perchée sur une des tours du château de brique et d’ébène, la livrée rouge de Fortuna formait un petit point criard qu’elle n’avait jamais noté auparavant. Le majordome, comme toujours, veillait sur son maître. Il l’avait accueillie lui-même à Château Rouge. Il avait supervisé et même pressé son parcours dans les jardins pour ménager l’impatience de Styx. Mais lorsqu’elle avoir tué le beau vampire, il n’avait pas bougé d’un cil.

- Oh, Faustus. Un démon qui survit à son propriétaire, ça fait vraiment mauvais genre.

Le tableau était enfin complet. Mais il demeurait un trou étrange dans sa mémoire que cette bonne nouvelle ne lui faisait pas oublier : comment en était-elle venue à provoquer cette scène sordide ? Ses derniers souvenirs remontaient à l’euphorie communicative que le vicomte avait irradiée lors de son élégie pour Saigo, et à la grande sympathie qui l’avait submergée alors. Sans aucun doute, si rien ne l’en avait empêchée à cet instant, elle se serait jointe à l’arlequin dans ce déchaînement de colère magnifique.
Non, décidément, elle ne se souvenait pas de ce qui l’avait motivée à tendre son mouchoir de velours noir au vampire, dont l’œil unique s’était retrouvé mouillé d’émotion, ni à profiter de son aveuglement momentané lorsqu’il avait essuyé sa paupière pour le suriner proprement et prestement à la mode Lédéhi.

Un œil, par terre, que la bête a arraché au vampire.

La phrase de Legba lui revint. Le lycan était, à sa connaissance, le premier à avoir tenté frontalement de supprimer le vicomte après son emprisonnement et l’importante dégradation de ses pouvoirs immatériels. L’inquiétude manifeste de Faustus ne pouvait venir que de là.

Axe ignorait les détails de l’attaque en se rendant à son rendez-vous avec le vicomte, et considérait son cache-oeil avec un peu de méfiance. On disait qu’il avait été monstrueusement affaibli, mais à quel point, ça...Ce que dissimulait la pièce de cuir finement ouvragée, plaie ou nouveau tour du magicien fou, palliatif à ses pouvoirs défaillants, importait peu. Comment en était-elle venue à désirer la mort du vampire, mais surtout à savoir qu’elle avait toutes ses chances de l’abattre ? Car attaquer le vicomte et rater son coup se paye au prix fort, l’exemple venait d’en être donné - et Axe n’avait pas pu jouer sa vie sur un handicap dont elle ignorait tout.

Il y avait en tout cas un homme pour qui l’intimité de Styx, jusqu’à l’intérieur de ses boyaux si c’était bien lui qui avait rafistolé son maître déchiré et faiblard, avait peu de secrets. Un homme qui avait assisté à la déchéance de ses pouvoirs de très près.

Soudain, alors que les noeuds de sa mémoire se défaisaient un à un, Axe réalisa que Legba avait encore filé, sans s’annoncer cette fois. Elle se retourna, aperçut la chevelure rousse d’Uma dans le noir, puis lâcha un juron et s’élança à l’opposée. Les pieds nus de la sorcière claquaient contre la pierre nue. Alors que leur petite troupe était remontée assez haut dans les boyaux, la vieille femme les fit descendre de nouveau, par des passage qu’un œil entraîné n’aurait même pas soupçonné. Certains tronçons de leur trajet étaient aménagés, ce qui ne manqua pas d’inquiéter un peu la louve, mais elles n’y trouvèrent pas âme qui vive. Enfin, Axe trouva Legba accroupie face à un trou sombre dans la roche, qui donnait sur des abîmes insondables ; il montait un vent froid de l’ouverture. La sorcière, insensible à ce détail, tendait l’oreille vers le gouffre. Elle ne semblait pas guetter une voix mais écouter paisiblement quelque chose qui lui plaisait beaucoup. Elle ouvrit les yeux à l’arrivée des deux comparses. La fiole de poison, débouchée, se trouvait dans sa main gauche.

- Voici venu la fin de mon voyage, jeune fille. Écoutez bien et ouvrez grands vos yeux.
La délectation avec laquelle Legba avait parlé peignit une grimace inquiète sur le visage de la louve, mais elle n’empêcha pas ce qui suivit. La sorcière perçut son approbation et enfourna d’un coup tout le poison restant. La fiole tomba au sol dans un cliquetis cristallin qui se répercuta longtemps dans l’abîme, puis roula, et chuta dans le noir.
Après une poignée de secondes de silence qui parut interminable, on entendit un éclaboussement ténu.

La transformation de Legba débuta. Comme la fois précédente, nimbée de lumière, la sorcière décrépite se changea rapidement en une jeune femme de taille imposante aux cheveux rouges et aux yeux dorés. Elle se pencha sur le gouffre sombre qui s’éclaira un peu. Au fond, un lac immense et immobile se dévoila au regard d’Axe. Entrant en résonance avec ses étranges pouvoirs, les armes de la tueuse, enduites du poison de Styx, se mirent à vibrer de manière ténue. Et des lamentations terribles s’élevèrent de l’eau, par dizaines, incohérents.

- Les exilés...Murmura Axe, ayant saisi quelques bribes de leurs discussions. Elle ajouta pour Uma : Les familles vampires associées avec la Congrégation, trois dynasties entières, qu’il a fait disparaître dans ses « cachots » du jour au lendemain en guise de tribut à la Couronne. On se doutait de quelque chose, mais on ignorait ce qu’ils étaient devenus.

Ainsi, c’était le supplice de la noyade qui avait fait expier à ces commerçants malhabile le péché de leurs mauvais calculs. Axe les entendait à plusieurs stades de leur torture, au début, lorsqu’ils virent l’eau monter, durant la dernière heure, alors que les plus grands d’entre eux ne dépassaient plus de la surface glacée que d’une tête ; les autres renversaient leur visage vers le plafond de la caverne avec une grimace d’effort, et les parents des enfants que l’eau avait submergés depuis longtemps se lamentaient en chœur. À mi-temps, certains tentaient encore d’imaginer un échappatoire, sans succès.
Des amants improbables se dévoilaient parfois, de même sexe, cousins ou plus, membres de familles en froid - être en froid, pour deux familles vampires, peut signifier bien des choses ; l’urgence dévoilait et déchaînait les passions au mépris du tabou, et livrait un spectacle déchirant aux trois spectatrice perchées sur leur corniche. Mais ce n’était pas ce qu’Axe était venue voir. Au milieu de ce chaos temporel, il devait se trouver une silhouette stable, celle du spectre qui avait assisté à tout cela. Au milieu de l’agitation, elle eut du mal à la localiser, mais un point rouge finit par attirer son attention, muni d’une torche. Le Mestre Fortuna en personne.

- Mort...?

Axe avait soufflé sa question pour elle-même. La preuve était devant ses yeux.

- Parlez, Legba. Puisqu’il est ici, je veux connaître tous ses secrets.
- Il est heureux, car après avoir douté de son maître, il trouve dans l’exécution de ces quatre-vingt âmes la preuve de sa renaissance.
- Douté ?
- Il ignorait encore sa position vis-à-vis du Roi. Et plus tôt, lors de leur arrivée à Château Rouge, il s’est surpris à réaliser brusquement la fragilité de son maître. Il l’avait laissé seul dans sa chambre à déguster un peu de vin. Il s’est dit qu’il suffisait que quelqu’un se soit dissimulé dans son armoire, qu’on ait empoisonné sa boisson, ou simplement qu’il fasse une mauvaise chute pour... Legba pencha son beau visage de côté. Il n’ose pas encore le formuler ainsi. Quoi qu’il en soit, il aime le ton avec lequel le vicomte s’adresse aux condamnés.

Axe, qui ne se pensait pas d’humeur à sourire, avait esquissé un rictus cruel en se voyant exposer les doutes intimes du démon. Celui-ci fondit un peu lorsqu’elle entendit le titre de Styx résonner dans le noir.

- Le fantôme de Styx est ici ?
- Non, répondit Legba du tac-au-tac. Faustus l’entend.
- Mais...

Soudain, un barrissement rageur troubla l’obscurité. La forme de Fortuna vacilla alors que Legba, déconcentrée, battait des paupières avec un air hagard. Axe se retint de la toucher par peur de la troubler, mais un second hurlement qui n’avait rien à voir avec les lamentations des vampires troubla le silence, quelques seconde à peine après que les échos du précédent se furent éteints. La concentration de la sorcière fut définitivement brisée et tout disparut.

- Qu'est-ce que...? Peu importe. Il vous faut le trouver tant que vos pouvoirs sont éveillés. Servez-vous du poison. Allez !
- Styx n’a plus de fantôme, jeune fille. Il s’est échappé du royaume des spectres. Et celui de Faustus va bientôt disparaître, car les démons ne possèdent pas d’âme persistante dans l’immatériel et que celui-ci est mort il y a déjà quelques temps.
- Si ce que vous dîtes est vrai, que les dieux nous protègent, souffla Axe à qui une pensée mystique n’avait pas échappé depuis bien longtemps.

Un sourire, cependant, éclaira son visage d’enfant.

- Qu’ils nous protègent, en effet.

Soudain, un tentacule fusa dans le noir et saisit Legba dans un bruit de succion répugnant. L’instant d’après, la sorcière avait disparu dans le noir sans un hurlement. Axe se tourna vers Uma et tenta de la pousser hors de portée de l’ouverture glacée. À cet instant, un nouveau barrissement, plus rageur encore que les précédents, claqua comme un coup de tonnerre...et la corniche s’effondra sous les pieds de la louve, frappée de plein fouet par un second tentacule monstrueux.