La neige commençait à se calmer, les routes, fraîchement salées furent maintenant praticable.

« Alors, ma p'tite, reprenons, tu sors de Baldorheim … Et ?

-Je prends la route de la forêt de sapins que je traverse jusqu'au bas du Mont Tagne … Je devrais traverser plusieurs villages avant d'arriver chez moi, mais toujours vers l'ouest.

-T'as pigé, on dirait, ton village apparaît pas sur mes cartes, tu devras probabl’ment d'mander ton chemin arrivé au bas du Mont Tagne. Mais te connaissant tu s'ras te débrouiller ! »

Cela faisait quelques jours qu’Aldor, le Tavernier nain m'ayant accueilli dans son auberge il y a maintenant plusieurs semaines déjà, étudions le trajet que je devrais emprunter pour retourner chez moi, analysant les vieilles cartes qui prenait la poussière sur une étagère de la taverne. Si bien que je me demandasse si elles étaient exactes.

« L'ambiance dans la taverne sera plus la même sans toi, c'était bien de t'avoir ici avec nous. Tu nous manqu’ras, à moi, et au client aussi ! »

Aldor, bien qu'étant un nain des montagnes depuis bien longtemps maintenant, avait un cœur d’artichaut, j'étais pratiquement sûre qu'il versa une larme.

« Une fois que j'aurais donné des nouvelles à mes parents, que je saurais qu'ils vont bien, je repartirais découvrir le monde et alors je repasserais Au Fourré à la Myrtille. » Lui promis-je.

Je vis les yeux du petit bonhomme brillé et, à la veille de mon départ, nous profitions de cette dernière soirée ensemble à la taverne, à boire du bon hydromel et à manger de bonnes pâtisseries naines.


L'aube commençait à pointer son nez, lorsque je préparais Pie pour le long voyage qui nous attendait. Malgré les nombreuses années de service qu’elle avait dans les jambes, la robuste jument m’ayant était légué par mon mentor, semblait avoir hâte de débuter le périple.

Je ne pourrais en dire autant de la vieille carriole qui l'accompagnait… Mais je la chargeais tout de même de mon léger paquetage avant d'y harnacher la jument qui trépignait d'impatience.

Un dernier adieu à la taverne et me voilà en route vers la forêt de sapins.

« Bon, Aldor m'a dit : ne sors jamais du sentier car les bois grouillent de bêtes sauvages… Pie, je compte sur toi pour ne pas dévier ta route ! »

La jument renifla et tourna un peu la tête vers moi, je me trouvais alors un peu bête de parler à un cheval. Mais les arbres se resserrèrent autour de moi et bien que le soleil se trouvait haut dans le ciel la luminosité devenait faible. L'angoisse envahit mon petit esprit canin et la présence, la chaleur et l'odeur de l'animal me rassurait quelque peu.

Les odeurs de la forêt envahir mon odorat fin, toutes sortes d'animaux vivaient dans les sous-bois, j'endentais également des oiseaux qui piaillaient et des lapins se dépatouiller dans la neige.

« Nous pénétrons dans la forêt de sapins ! Veuillez garder tous membres à l’intérieur du véhicule… »

Le son de ma voix brisant le silence me rassurait également, même si je disais n’importe quoi. La carriole grinçait et cahotait à cause de la route qui était effectivement bien dégagé de la neige.

On devait être au milieu de l'après-midi et nous n'avions croisé aucun autre voyageur, ce qui n'aida pas à calmer mon appréhension. Emmitouflé dans ma grande cape doublée de fourrures pour me protéger du froid, je scrutais les arbres et le chemin avec attention, j’avais sortis ma petite flûte grossièrement taillée et m’appliquais malgré le ballotement incessant, à jouer une mélodie douce, je n’avais que ça à faire après tout.

Mais bientôt, j’entendis un CRAAAC différent des autres venant de la carriole, quelques instants plus tard, un nouveau CRAAAC puis je me sentis basculer sur le côté. Je tentais vainement de me rattraper à quelque chose tout en serrant ma flûte contre moi par réflexe. J’entendis Pie hennir de surprise et d’indignation. Quelques secondes plus tard, je me retrouvais emmêlé dans ma cape, roulé dans la boue, et à moitié sous une carriole déglinguée.

« Non d’une brebis égarée ! Comment vais-je sortir de là … Au moins, je n’ai pas perdu ma flûte… »

Faible consolation alors que je commençais à me tortiller tout en gémissant de désespoir d’une voix canine. Toujours attelée, je sentais la jument s’agiter, puis hennir.

« Je te libérerais quand je serais libre Pie !  Mais à force de t’agiter ainsi, tu vas m’écrabouiller… »

Bien évidemment, je parle chien, par cheval, elle ne comprit probablement pas mon message, car elle ne cessa pas son remue-ménage.  

J’étais presque sorti de mon piège lorsque j’entendis un bruit dans les fourrés, trop bruyant pour être un simple lapin, et trop près pour que je ne m’en inquiète pas.

Tant bien que mal, je réussis à me glisser hors de ma prison, je me relevais péniblement, car des douleurs apparurent un peu partout dans mon corps.

Le bruit du sous-bois reprit, mes sens perturbés par les derniers évènements était plutôt concentré sur la jument. J’entrepris de défaire son harnachement.

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Pie était plus que nerveuse, les bruits dans les bois ne cessèrent pas mais, je ne m’en préoccupais pas plus que ça, tentant avec peine de calmer l’animal.

« Excusez-moi ! Vous allez bien ?! »

Ma jument se cabra et tenta de s’enfuir, vaine tentative, car l’engin la bloquait toujours, au même moment, je fis un bond de coter en me retournant vers mon interlocuteur.

Mon sang se glaça dans mes veines, un loup … J’avais l’habitude des loups car, nous devions sans cesse protéger notre troupeau de leurs crocs insatisfaits. Instinctivement, je dénudai mes canines pointus, mon poil se hérissa dans ma nuque et des frissons me parcourus le bout des doigts. Un de mes yeux devint probablement marron, signe d’une transformation prête.

Mais lui était différents de ce que j’avais pu voir dans ma vie. Déjà, j’étais sûre que c’était lui qui avait parlé. Il était grand, trop grand. Son pelage blanc comme la neige à ses pattes faisait encore plus ressortir ses yeux rouges. Plus étrange encore, un membre totalement en métal, je n’avais jamais rien vue de tel !

Son odeur ainsi que sa Présence, n’avaient également rien à voir avec celles d’un simple animal … Mes doutes se confirmèrent alors que sous mes yeux, il se changea en homme. Je me redressais, surprise, puis me rendant alors compte qu’un grognement sourd et typiquement canin sortait de ma gorge, je me tus.

Avec méfiance, je me tournais légèrement vers Pie, qui continuait à piétiner d’inquiétude, je tentais de la calmer en lui touchant l’encolure.

N’oubliant pas la question, j’y méditais calmement … Ce fut toujours avec méfiance que j’y répondis.

« Ça pourrait aller mieux … Mais qu’êtes-vous au juste ? Je connais les thérianthropes, mais je n’ai jamais vu de créature qui porte un bras en métal. »

Un œil pointait vers mon interlocuteur, je commençais à défaire les sangles de la carriole, libérant peu à peu la jument.

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« Hum… déjà, désolé pour cet accident, il a était causé par ma faute, deux sangliers me chargeaient alors que je faisais un somme dans la forêt à quelques pas d’ici, en sentant votre présence, je me suis dit que vous auriez pu m’aider, mais…. Vous n’étiez pas à pied. »

La longe de la jument dans ma main, j’écoutais son récit puis j’eus un regard attristé vers ma carriole. Comment ai-je pus me faire surprendre de la sorte ? Je n’avais rien senti, ni rien entendu … Je tentais tout de même de ne rien laisser paraître de mon étonnement.

Me coupant de mes pensées, il reprit :

« Et pour… mon bras, j’ai eu quelques problèmes dans ma jeunesse, j’ai perdu un bras lors d’un accident et on m’a mis cette machine à la place. »  

Je me rendis alors compte que ma question devait semblait bête et indiscrète, car on ne peut pas naître en métal. Malgré la méfiance que j’avais pour cet homme, je fus tout de même très impressionnée. Tout en gardant un air aussi froid que possible, je me concentrais pour réprimer mon côté canin.

« On m’a appris à me méfier des inconnus et on ne fait pas la fête à quelqu’un dont on se méfie, Holy … »

Après avoir écouté mon moi intérieur plein de sagesse, je me rendis compte que mon interlocuteur semblait gêné de mon silence, il me proposa son aide puis enchaîna :

« Oh et j’ai oublié de me présenter, je m’appelle Verrücter Wolf »

Il était probablement temps que je parle.

« C’est une drôle de manière pour faire la connaissance de quelqu’un, Verrücter Wolf et il serait maintenant malpoli de ma part que de ne pas me présenter. On me nomme Holy Flûtiau, mais vous pouvez m’appeler Holy. »

C’est avec un ton se voulant neutre que je parlais, bien que ma méfiance commencée à s’amenuiser.

« Excusez-moi pour ma question indiscrète, mais je n’avais jamais vu de machine avant aujourd’hui… Quant à la carriole, je pense que vos sangliers on finit de l’achever, car elle était déjà en bien mauvaise état hélas, je devrais probablement continuer ma route à pied.  A ce propos, savez – vous où je pourrais trouver un abri pour la nuit ? La simple idée de dormir à la belle étoile me hérisse le poil … »

Une faiblesse de trop d’avouer, mais tant pis, ce loup semblait mieux connaître le coin que moi.

Je ne sais pour qu’elle raison, mais je n’étais pas à mon aise dans ce lieu et mon envie de repartir se fit urgente. En récupérant mon sac de voyage resté dans les débris, j’y rangeais ma flûte et le mis en bandoulière sur mon épaule.

Mes sens étaient désormais bien ouverts, le danger rodait dans les parages.

« Je crois bien que vos amis ne nous ont pas quitté »

Mon regard fixé sur le fourré derrière mon interlocuteur, je pris le temps d’attacher la longe à un arbre.

Quelques seconde qui me parurent être une éternité s’écoulèrent dans l’attente alors que de l’agitation avait lieu dans le bois. Je me préparais à voir surgir deux énormes sangliers assoiffés de sang … Un bruit de groin typique de la bête se fit entendre et c’est d’un coup que l’animal surgit des buissons. J’eus un sursaut de surprise qui se mua en « Woua ! » admiratif.

« Mais qu’il est mignon ! »

Je m’agenouillais près de l’animal, un petit marcassin rayé, il s’approcha de moi et je sentis bien qu’il était perdu.

« N’ai pas peur petit, où son donc tes parents ? »

Verrücter Wolf ne semblait pas aussi attendris que moi par cette petite créature.

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Le petit marcassin me sentait la main, relevant la tête, je sentis le danger rôder autour de nous.

«Je ne veux surtout pas te brusquer, mais je connais plutôt bien cette forêt et… les parents sangliers ne perdent jamais leur petit… tu devrais le laisser partir avant que mes « amis » ne reviennent. »

Comment peut-on faire de l'humour avec un tel sérieux ? Mais je n'eus pas le temps de pousser la question, une forte odeur emplis mes narines, Verrücter Wolf se mit devant le marcassin et moi avant de sortir une dague.

Quant à moi je détachai ma cape et la posai sur les restes de la carriole, je me préparai à me transformer à tout moment. Quand deux énormes sangliers jaillirent des buissons, mon sang se glaça dans mes veines et je ne me sentais pas capable de bouger.

Heureusement, je n'eus pas le besoin de le faire. Glapissant de surprise, je me sentis être soulevée.

« éh ! » eus je à peine le temps d’articuler alors que le loup me transportait comme un sac à patates.

Je sentis mon estomac se retourner alors que nous grimpions vraisemblablement à un arbre, une secousse violente me fis croire à un crache imminent, mais c'est avec soulagement qu'on me déposa sur une branche.

Heu … Une branche !? Je m'agrippai de toutes mes forces au tronc de l'arbre pour ne pas tomber. Bien que l'escalade fût une activité que j'appréciais, je n'étais pas en confiance sur cette branche.

Un coup d’œil en bas m'indiqua que le marcassin était parti avec un autre sanglier, je me sentais vraiment bête tout à coup.

Je portais une réponse favorable à sa question quand je sentis la colère émaner des deux sangliers se trouvant au pied de l'arbre.

« Tu sais te battre ? J’espère que oui, car soit on dort sur cette branche, car tout seul, je ne tiendrais pas contre eux, soit on les tue et je pourrais te montrer un abri de fortune que les chasseurs du coin utilisent. »

Je réfléchie un instant à la question. Je pourrais mentir pour le rassurer où lui avouer que je n’avais jamais combattu un animal sauvage …

« Je jouais à la bagarre avec mes frères quand j'étais chiot, ça compte ? Sinon je ne crois pas qu’un air de flûte pourra les calmer … »

J’eus un ton plus que sérieux car j’avais déjà remarqué l’effet de la musique sur une salle pleine de monde ou encore sur un troupeau de mouton, mais dans les deux cas personne ne souhaitait me tuer.

« Bon sinon, je suis plus rapide sous mon autre forme, mais je ne suis pas très grande, ni très forte. Cependant, je peux les séparer, ainsi, tu pourras te concentrer sur un seul sanglier à la fois. En attendant moi, je ne me sens pas capable d’en tuer un, mais je devrais pouvoir l’affaiblir. »

Je n’aimais pas vraiment l’idée de tuer un animal pour rien, et puis une seule de ces bêtes pourrait m’embrocher d’un coup de défense ! Mon plan me semblait être bien pensé mais la peur commençait à m’envahir, y arriverais-je seulement ? Un sanglier n’est pas un mouton …

« Ressaisis toi bon sang de bois ! T’es peut-être un chien de berger, mais tu es un chien avant tout et les chiens ça descend des loups, ne te comporte pas comme un manchon. »
« Oui, c’est vrai tout ça, merci conscience ! »

Les sangliers au pied de l’arbre semblaient toujours autant énervés, mais j’étais bien décidé à en faire de la pâtée ! Je sentais déjà mes doigts fourmiller.

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Je vis bien son air crispé qui passa en un éclair, il n’était visiblement pas tombé sur le bon thérianthrope. A quoi s’attendait-il en fonçant vers ma carriole ?

Je me sentis soudainement faible : je n’avais rien d’une combattante avec ma flûte et ma petite dague.

« Bon… on est dans une situation pas très facile, ces deux-là sont vraiment mastoc, je vais donc en titiller un d’ici en lui jetant des morceaux de bois »

Il lia le geste à la parole et entreprit de jeter des branches sur un des sangliers se trouvant au pied de l’arbre. La bête sembla plus énervée encore et leva son groin en notre direction.

« Holy, je descends et je vais courir par là-bas »
« Toi une fois qu’ils commencent à me suivre, parce que je vais d’abord descendre tout seul, transforme toi et essai d’en mordre pour faire diversion puis cours, essai de faire une sorte de cercle dans la zone, si tu fatigues trop réfugie-toi sur une branche ou un endroit en hauteur et prie que je ne me fasse pas embrocher »

J’acquiesçais de la tête, comprenant son plan.

« Courir en cercle, c’est ce que je fais de mieux et je pourrais le faire toute la journée …  Bien, vas-y et ne te fais pas tuer. Tu as une dette envers moi pour avoir détruit ma carriole et fais peur à mon cheval. »

Il était rare de m’entendre avec un ton si grave et sérieux, mais je n’avais vraiment pas envie de me faire tuer par des sangliers en colère. Mes yeux changèrent de couleur et mes  membres fourmillaient déjà, Verrücter Wolf descendis de l’arbre. Je le suivais de prêt.

De la dernière branche, je sautais et atterris avec presque grâce (non sans faire un roulé-boulé …). Le loup avait déjà disparus. Je repérais ma proie qui commençait à courir derrière son compagnon, le sanglier ne m’avait pas vue.

Un instant, mes pattes me crièrent de m’enfuir dans la direction opposée, mais, c’est avec force et courage que je m’élançais à la suite de la bête qui faisait au moins deux fois ma taille !

Elle était plutôt lente pour moi, je mis toutes mes forces dans mes pattes arrière. Mon plan était simple : lui bondir dessus et lui mordre la patte, puis partir en courant dans la direction opposée.

Je me propulsai avec force. Mais je ne décollai pas ... Ma patte se prit dans une racine et je m'étalai au sol dans un bruit sourd qui ne manqua pas d'alerter le sanglier, au moins j'avais réussi à l'attirer. Me relevant pour m'enfuir, la branche m'arrêta de nouveau.

J'entendis plus le martèlement de ses sabot trop rapide au sol, que je ne le vis et je commençai à paniquer et à tirer sur la branche comme une forcenée.

D'un grognement sourd, je parvins à me libérer. Sans demander mon reste, je m'élançai, mais tout à coup, le monde se mit à tourner tout autour de moi et une douleur que je n'avais jamais ressentit auparavant jaillis dans ma hanche droite. Je me sentis rouler au sol comme une poupée de chiffon, des lumières pleins les yeux.

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Ma tête tourna violemment, le sol ne voulait pas redevenir stable.

Reprenant mes esprits peu à peu, je me rendis compte que la bête avait changé de cible. Le loup avait fait demi-tour pour me protéger. Mais le sanglier l’avait probablement vu arriver, car d’un coup de pied, il l’empêcha d’approcher, le faisant voler contre un arbre.

Je me sentis faible. Je tentai de me relever, mais la douleur irradia dans ma hanche, je me convainquis de regarder l’état de la blessure ; mon sang souillait ma fourrure et la plaie semblait profonde, je n’étais pas une experte en la matière, mais il me sembla que je ne fus pas encore prête à mourir. On avait sauvé des moutons en bien pire état.

Je me relevai tant bien que mal, en essayant de ne pas tenir compte de la plaie. La neige rougie sous mes pattes semblait glacée.

Il fallait que j’aille aider Verrücter Wolf, mais le second animal n’avait pas dit son dernier mot, il sortit des fourrés, semblant reprendre ses esprits.

« Wouf ! »

Je tentais d’accaparer son attention afin qu’il ne rejoigne pas son compagnon, en espérant que mon coéquipier puisse le gérer... La diversion fonctionna peut-être un peu trop bien, car il fit volteface, faisant voler de la neige. Ses petits yeux noirs me fixaient intensément. D’un grommellement puissant, il démontra sa colère.

« Note à moi-même, ne plus jamais m’approcher d’un marcassin ! »

J’eus peur, très peur. Paralysé, je souhaitai vraiment qu’il eût aussi peur que moi, car alors il serait aussi tétanisé.

Je ne saurais probablement jamais si ma peur avait vraiment affecté la créature, mais à cet instant elle stoppa net sa course et me regarda fixement sans beugler.

« Maintenant, c’est le bon moment ! » Me cria ma conscience.

Alors d’un bon, j’atteignis son cou, refermant mes mâchoires sur sa gorge épaisse. Je sentis mes crocs s’enfoncer dans la chair et un horrible goût métallique déferla dans ma bouche.

Piaffant, s’ébrouant et grommelant, le sanglier tentait de me faire lâcher prise. Mais plus il s’agitait et plus sa chair se déchirait entre mes mâchoires.

Pourtant, je sentis mes forces faiblir peu à peu. Ce ballotage incessant me donnait la nausée et c’est avec un violent coup de tête que le sanglier finit par m’éjecter. Où était la terre, où était le ciel ? Je n’en avais plus aucune conscience. Jusqu’au moment où mon corps heurta violemment le sol.

Le souffle coupé par la violence du choc, je me demandais si mon esprit demeurait toujours dans une enveloppe charnelle. Je n’avais ni chaud, ni froid, ni mal, ni rien du tout. Mais au moins avais-je réussi à faire des dégâts, du moins je l’espérais.

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Reprenant peu à peu mes esprits, j’eu de nouveau conscience de mon corps. Mes pattes, mes oreilles, mon museau, ma queue, tout semblait être à sa place et ne pas se laisser oublier, car une onde de douleur irradiait désormais dans tout mon être canin.

Tandis que je tentais d’ouvrir un œil, une certaine léthargie me gagnait peu à peu, ne serait-ce pas moins difficile de simplement fermer les yeux et s’endormir profondément ? Après tout, c’est si douloureux de bouger un simple coussinet, pourquoi endurer plus de douleur à se lever ?

Cette idée me plaisait, je sentais mon esprit embrumé partir, rejoindre un monde rempli de grande prairies verdoyante, où des moutons de toutes les couleurs paissaient tranquillement ou bien se reposaient à l’ombre de grands arbres aux feuilles si bleues qu’elles se confondaient avec le ciel …

« Non mais ! Tu ne vas pas dormir maintenant, alors qu’un sanglier furieux veut te tuer ! Et qu’un second veut tuer ce loup qui veut t’aider ! Et puis qu’est-ce que c’est que ce rêve ? Des moutons multicolores et des arbres aux feuilles bleues, on aura tout vu … Bon aller, lève-toi, j’ai pas envie de mourir maintenant moi. »

Ma conscience, toujours là au bon moment, si bien que je me demandai si c’était simplement moi qui me parlais ou alors quelque chose de plus, comme ces personnes qui semble être plusieurs dans un seul corps …

Je n’avais pas vraiment le temps de me poser la question, je relevai la tête (non sans un petit couinement de douleur) me demandant combien de temps c’était écoulé depuis ma perte de connaissance. Alors que mon regard cherchait le sanglier blessé, j’entendis le martellement de patte du grand loup blanc plus que je ne le vis. Je sentais également le sanglier furieux s’approcher un peu trop rapidement de moi. Tous mes sens avaient décidé de se réveiller au même moment et la panique me gagna désormais.

Je voulais me relever pour fuir, mais mes membres marchèrent au ralenti et j’avais eu à peine le temps de rassembler mes pattes, avant que Verrücter Wolf ne bondisse au-dessus de ma tête pour atteindre la bête arrivée à quelques mètres de moi.

Ensuite, tout se passa très vite, comme des flashs. Un sanglier qui se débat, une lame, des crocs et mon allié me disant :

« Tu vois, c’est facile, fait pareil avec le second et on est bon. »

Mon cœur rata un battement, le second … Le loup redevint un homme et planta sa dague dans l’œil du sanglier.

Un drôle de vide s’installa dans l’air, quelque chose semblait s’être brisait et une pression sur mon esprit dont je n’avais alors pas conscience disparut. Comme si la mort du sanglier avait eu un impact sur le monde.

Une nouvelle fois, je rassemblais ma volonté pour me relever.

« La douleur, ce n’est que de la douleur, au pire ça fait mal.

-Merci, je me sens beaucoup mieux ! Répondis-je à ma conscience de manière ironique. »

Une fois bien campé sur mes pattes, je m’ébrouais faisant voler de la neige et des gouttelettes de sang, dans l’espoir de détendre mes muscles endoloris.

Je m’approchais du corps sans vie de la bête, ainsi que de l’homme récupérant sa dague.

« J’ignorais être capable de faire ça. » Dis-je alors, légèrement bouleversé en voyant l’état du cadavre.

Et le pire, c’est que je devais recommencer, car l’autre bête, sortant de sa stupeur en voyant son compagnon à terre, chargea d’une nouvelle fureur et c’est moi qu’il visait.

Je ne me laisserais pas avoir cette fois-ci. J’attendis le sanglier, les oreilles en arrière, la tête basse et les crocs découverts décidant d’éviter tout mouvement inutile, ma respiration était déjà bien assez laborieuse.

Je ne bougeais pas d’un poil, tandis qu’il me fonça droit dessus en grondant.

« Pas encore … Pas maintenant … là ! »

Je fis un petit bon en avant puis de toute la force de mes pattes arrière, je bondis, comme la dernière fois, sur la gorge de la bête.

De surprise, il pila net avant de s’ébrouer, ma mâchoire faisant le plus de dégâts possible. Faiblissante, je n’arrivais pas à faire autant de dégâts que la dernière fois. Mais j’avais compris la technique. Je n’attendis pas que ce soit lui qui m’éjecte avant de lâcher prise. Ainsi je pus contrôler ma chute et atterrir sans trop de mal en roulé-boulé sur la neige.

Le sanglier piaffait de douleur et se tordait dans tous les sens. Epuisée, je restais en boule dans la poudreuse, le goût métallique de sang dans ma gueule me répugnait et ma blessure à la hanche n’arrêtait pas de saigner.

« Maintenant c’est à toi de jouer. » Lançais-je plus pour moi que pour mon équipier sans savoir s’il allait m’entendre.

Codage par Libella sur Graphiorum