L'assaut brutal de Jûken'Maw avait ébranlé son adversaire, l'envoyant temporairement au tapis. Pensant la victoire acquise, Shokan se précipita alors vers la jeune femme afin de vérifier qu'elle se portait bien… au mépris de sa propre sécurité. C'est donc trop tard qu'il remarqua l'ombre derrière… C'est donc trop tard qu'il comprit son erreur...
Attends ! Il n'est pas enc… Interrompant le servant de Lagmarù dans son avertissement, la lame crantée du forcené découpa violemment la gorge de Shokan avant qu'il n'ait pu prononcer le moindre mot, ni tenter le moindre geste. Tandis qu'un nouvel éclair zébrait le ciel, une gerbe de sang écarlate jaillit alors de sa trachée tel une fontaine immaculée avant de venir abreuver abondamment la terre. Tenant sa gorge à deux mains, le jeune djöllfulin s'écroula sur le sol boueux des plaines d'Aran tandis que le cri déchirant de la jeune femme qu'il avait tenté de secourir perçait les cieux, avant qu'elle ne s'évanouisse subitement.
Foulant brutalement du pied la tête de sa victime, l'assassin essoufflé fixa alors Jûken'Maw tandis que son visage se souriait d'un sourire mauvais.
T'es le prochain sur la liste démon… Mais le servant de Lagmarù ne prononça aucun mot, se contentent de fixer, la mine sombre, le cadavre de son ancien allié.
Et quoi ? T'as perdu ta langue ? Héhéhéhé… Hilare, le psychopathe fut soudain prit d'un fou rire incontrôlé dont les éclats se mêlèrent à la pluie diluvienne qui s'abattait sur la scène de crime. Le djöllfulin, rengaina alors son arme, puis se contenta d'avancer silencieusement vers son adversaire circonspect. Voyant que le « diable à corne » se rapprochait sans armes à la main, le criminel se mit alors sur ses gardes, agrippa sa dague avant de tenter de poignarder le djöllfulin. Une main calleuse stoppa net l'attaque du brigand dans son élan. Ce dernier, stupéfait, fixa alors son opposant, dans les yeux duquel brûlait une flamme inextinguible, un feu sacré réclamant que justice soit faîte. Un craquement d'os suivit d'un hurlement monstrueux résonna alors. Le poignet du malfrat venait d'être brisé d'un sec coup de poing. Puis ce fut au tour de ses genoux d'être rompus, puis de ses coudes, de ses hanches, clavicules, ses hanches, sa mâchoire, ses côtes, le bas de sa colonne vertébrale. Un déluge de coup mortellement précis s'abattit sur tout ce qui pouvait ressembler de près ou de loin à une articulation, transformant son adversaire en une masse informe et agonisante sur le sol.
Jûken'Maw s'approcha alors du mort en sursis puis le fixa d'un air dédaigneux tandis qu'il rampait tel un misérable ver dans la boue en tentant d'échapper à son tortionnaire. Le voyant se rapprocher dangereusement, il essaya d'articuler quelques morts malgré sa mâchoire brisée.
Pit… Pit… Sang et bave s'entremêlaient en une nuée de postillons.
Piti… Pitiééé…En quelques pas, le djöllfulin rattrapa le forcené puis posa son pied sur l'arrière de son crâne ensanglanté, calant sa mâchoire sur une large racine dépassant du sol.
Lâche… A défaut de faire face à ta mort imminente, contemple la fange dans laquelle les ordures de ton espèce reposeront à jamais.Nnn… Nooo. CRAC ! Un geyser d'hémoglobine jaillit, venant asperger le masque de fer du vengeur cornu.
L'âme putride du malfaiteur quittant le monde des vivants, les dieux accordèrent leur clémence à cette terre en calmant les éléments. Tonnerre et déluge s'amenuisèrent progressivement, avant de totalement se dissiper, laissant sa place à un temps à une mer de nuages cendres dérivant lentement vers l'horizon. Son jugement rendu, Jûken'Maw s'approcha alors du corps de son défunt frère d'armes avant de s'accroupir à ses côtés.
Apposant sa main droite sur son torse, il y insuffla sa magie des cendres. Sous l'action des braises ardentes, le corps de Shokan dont le visage semblait enfin avoir trouvé le repos commença à s'assécher et ses vêtements à s'embraser. Puis, au fur et à mesure que les particules incandescentes se répandaient dans son organisme mort, son teint perdit de son éclat pour adopter une robe terne… grisâtre. Seule la lueur rougeoyante semblait animer ce corps abandonné par la vie. Enfin, sa peau commença à se craqueler puis se détacher en poussières cendreuses se consumant au gré d'une légère brise balayant la morne étendue des plaines d'Aràn.
Encore une fois, ses alliés tombaient au combat tandis que lui restait debout. Mais Shokan avait commis une erreur… Celle d'avoir sous-estimé son adversaire. Dans ce monde de loups, les plus faibles étaient des proies à la merci des puissants. Pour éviter ce funeste destin, pour combattre les loups, il fallait sans cesse s’entraîner, sans cesse être sûr ces gardes et prendre les devants du combat… afin de briser les prédateurs avant qu'ils n'aient le temps de montrer leurs crocs. La justice devait être crainte, la loi respectée, et l'ordre établit. C'est à ce prix seulement que la paix pouvait revenir en ces terres gangrenées par la défiance et l'anarchie. Et les sombres événements venant de se dérouler ici ne faisaient que confirmer une fois de plus la pensée de Jûken'Maw à ce sujet.
Attrapant la jeune femme inconsciente entre ses bras, il la souleva, puis prit la route du village le plus proche afin de la mettre en sécurité, laissant derrière lui les mornes plaines ayant vu tant de sang versé en ce jour.
Ton nom ne sera pas oublié Shokan Endoresu… Puisse tes cendres atteindre le Kashbarùk.
Fin