À peine arrivé à l'Institut de Magie, et après deux jours de repos, il s'était remis en route. Il avait découvert pendant ces deux nuits d'études, de vieux ouvrages oubliés aux archives. Sa curiosité pour la magie l'avait très certainement poussé à les feuilleter dans un premier temps, et de fil en aiguille, les deux volumes y étaient passé au complet. Certains passages étaient rédigés d'une langue qui lui était encore inconnue, rendant plus difficile les nuits de veille. Sa destination finale approximative se trouvait dans la Forêt de Sapins près des Montagnes du Baldor. Un sacré chemin pour n'y trouver peut-être rien.

Quelques jours de voyage tout au plus et le voilà en bordure de l'infâme zone Hukutav. Il fallait l'avouer, bien que dépendant de sa terre natale, le marais n'était pas des plus agréables quand on savait que l'on pouvait y croiser toutes sortes de choses à même de vous tuer sans les voir venir. Où était-ce peut-être aussi un peu à cause de cette marée de peaux-vertes qu'il avait croisé l'autre jour au détour d'une rencontre étonnante ? Peu importait, une chose était certaine... sa cape traînait dans la boue, et il ronchonnait à chaque passage en ces lieux.

Il lui fallait désormais traverser une rivière qui annonçait son entrée officielle dans ce dédale de flaques d'eau puantes. Son bâton dans la main droite, il commença à sauter sur les cailloux qui faisaient surface et qui ne paraissaient pas trop humide. Progressivement il avançait, profitant de travailler ses appuis malgré son appareillage habituel quand soudain le pire arriva. Il aurait cru à un tremblement de terre quand il vit le géant courir, encore assez loin toutefois, mais dans sa direction. La manière dont la terre s'ébranla ne lui laissa aucune autre issue possible que de prendre l'eau.

Non sans difficulté il retrouva le bord de la rive opposée. Au moins, il avait traversé. Et il était propre d'une certaine manière. Il se demanda où pouvait être le géant qu'il venait de voir. Où était-ce une hallucination, perdu dans ses pensées au moment de la traversée ?

Les gouttes d'eau perlaient sur ses vêtements alors qu'un amusant spectacle se profilait non loin de lui. Ses yeux retrouvèrent le géant et l'elfe ne pu dissimuler un léger sourire en coin lorsqu'il l'observa dire bonjour à la rivière.

BONJOUR !

Ce n'était donc pas un des géants les plus intelligents, à première vue du moins. Toutefois, le mage ne garda pas bien longtemps sa mine agréable et retrouva presque instantanément sa face habituelle quand il constata quelque chose de troublant. En effet, le géant possédait une aura. Enfin, une chose qui y ressemblait mais qu'Olòrin n'avait encore jamais perçu auparavant. Sa première impression le guidait vers une entité magique présente et liée au géant, mais qui pourtant semblait dans un sens indépendante. Une idée irréaliste peut-être ? Une hypothèse qui attendrai puisque le colosse avait enfin compris son erreur et qu'il se tourna vers l'elfe, peu serein de voir débarquer une telle masse vers lui.

BONJOUR LUI !!! KAPAIN ?

Quelque peu décontenancé Olòrin leva un sourcil. Alors qu'il resta la bouche à demi-ouverte, sa respiration était contrôlée bien qu'il s'arrêta sur un détail. C'était un géant, un peu gras certes, mais un géant bien plus grand que la moyenne. Ce grand gaillard arborait facilement les trois mètres de haut et ça le rendait bien plus impressionnant... en dépit de sa manière d'aborder les voyageurs. En près de six siècles, il n'avait encore jamais croisé de géant, juste appris certaines choses sur eux par lecture d'ouvrages reconnus. Dans l'immédiat leur intelligence limitée semblait porter plus de la vérité que du mensonge. Quoiqu'il en soit, débile ou non, le géant s'approchait et insistait.

KAPAIIIIIIIIIIN !

Kapain... Kapain ? s'essaya le mage avant de corriger. Copain tu veux dire gros bêta ?

Il se recula un peu en lâchant ses mots, non par crainte de sa réaction, mais plutôt que conserver une telle inclinaison avec son cou commençait à être difficile pour le demi-centenaire. C'est qu'il était terriblement haut l'affreux. Haut, tout comme loin, loin de chez lui. Il était vrai que leur territoire s'étendait à l'extrême Est du continent, vers les Montagnes du Baldor. Certains des plus civilisés s'installèrent même à Baldorheim. L'elfe regarda le géant avant d'énumérer sa question.

Je ne sais pas si je ferai un très bon copain, tu sais ? Mais, dis moi, qu'est-ce tu fais là, aussi loin de chez toi ? dit-il avant de songer à un détail. Le bougre qu'il était le comprendrait-il ? Étrangement, le cryomancien semblait déjà s'attendre à une longue discussion, enfin, si l'on pouvait espérer une discussion.

Lorsque l'elfe vit le mastodonte beugler quelques lamentations, il fut peiné pour le géant. Bien que limité intellectuellement, l'étrange bête semblait bien douée d'amour-propre, et si basiques soient-elles, d'émotions. Un instant Olòrin se sentit mal à l'aise d'avoir si simplement chamboulé la créature, mais il ne s'en porta pas rigueur quand il comprit qu'Undvik changeait rapidement d'état-d'âmes. Un détail qu'il le ferait davantage réfléchir aux mots employés à l'avenir ; une petite précaution pour un grand bonhomme.

UNDVIK ARBRE ! ARRACHARBRE !

Fronçant les sourcils le mage ne savait pas vraiment comment réagir à cette phrase. Bien qu'au premier regard le titan qu'il était ne semblait pas être méchant, s'il commençait à arracher les arbres de la Forêt Sylafën... C'était là une étrange occupation, pour une étrange personne. C'est alors qu'Olòrin s'essaya à une méthode différente. Un copain géant après tout, était-ce si désastreux ?

Tu arraches des arbres donc ? Tu es bien plus fort que je ne le suis... on pourrait peut-être bien devenir copains.

Il le regarda un instant dans les yeux, un petit sourire aux coins des lèvres. Le géant sembla béa qu'on s'intéresse ainsi à lui. Un peu comme un enfant qui découvre le monde, en plus gros, l'enfant... Bien que le mage ne laissait rien paraître, il était attentif aux réactions du colosse et à son environnement. Parler n'était qu'une distraction qui lui permettait d'apprécier réellement la situation dans laquelle il s'était fourré après un bain surprise. Puis, deux nouvelles questions fusèrent.

ÇA VA LUI ?!!!

ÇA VA PROBLABLEUMAN PALUI ?!!!

Et même près de six siècles après être venu au monde, il écarquilla les yeux quand à cette syntaxe ahurissante. Il lui jeta un coup d'œil, Undvik sembla faire de même, et l'incompréhension pesa dans l'atmosphère. Malgré tout ça l'elfe avait compris la question, mais il n'était pas certain que le géant ait saisit la profondeur de cet échange oculaire.

Ma foi, un peu mouillé, mais je vais bien. Et... Undvik, comment va-t-il ? dit Olòrin en tâtant le gros orteil non entretenu du géant à l'aide de son bâton. Assez bizarrement la question de l'hygiène d'Undivk vient à l'esprit du mage, et puis à peine envisageait-il d'en parlé qu'il s'assura d'enfouir l'idée au plus profond de son crâne. Il observa une nouvelle fois son interlocuteur de haut en bas, comme à la première approche, pour identifier plus clairement cette entité magique, liée ou non, à ce dernier. Un sentiment obscure l'envahit alors qu'un frisson incontrôlé le secoua. Une chose était sûre, ça ne lui plaisait pas. 

KAPAIN !!! KAPAIN KADO !

Le géant se détourna afin de lui arracher un cadeau, peu banal cela dit... Pendant une poignée de secondes l'inquiétude guetta le mage mais l'arbre s'effondra devant lui, faisant vibrer la couche terrestre sur plusieurs mètres autour d'eux. Il leva tout de même un sourcil, intrigué, et dans l'espoir que tous les cadeaux offerts par Undvik ne soient pas des arbres.

KADO !

Là, le mage se recula légèrement quand il perçu quelque chose, cependant si volatile qu'il ne pu saisir une occasion de l'identifier. Il s'interrogea sans grande réponse quand le mastodonte ajouta. Il était sur une piste, incertaine mais qui tendait à se confirmer depuis le début de leur rencontre.

UNDVIK BIEN !!

Je te remercie pour... ce cadeau, il va m'être très utile, je crois. Tu es bien plus fort que moi comme je le pensais.

Il sourit légèrement, un air malin sur le visage, bien que sa capuche ne devait pas permettre de voir la totalité de son visage. Il guettait, il attendait une réaction du colosse. Enfin, il attendait que ce phénomène particulier se produise, que son aura fluctue. Il y avait bien quelque chose d'obscure et de non identifiable pour le cryomancien mais il ne tarderait pas à découvrir le fin mot de l'histoire.

LUI KESKIL FÉ ISSI ?

Olòrin avait sa confirmation. Et alors qu'il allait répondre, une précision déconcertante fut ajoutée.

CONTENTERACE ! MUDA DA !

Sa dernière phrase n'avait pas été comprise par le mage. Toutefois, la précédente était annonciatrice d'un problème. Depuis le début de leur conversation, c'était la seule qui comportait quatre mots, une constante qui d'ordinaire ne s'arrêtait qu'à deux ou trois mots pour le grand bêta. Bien entendu, cela ne suffirait pas à conclure quoique ce soit. Et même si ces dernières paroles n'avait pas été claires, une autre constante s'ajoutait à l'équation, la fluctuation de l'aura magique du géant lorsqu'il avait des questions.

À première vue le géant ne semblait se soucier que d'une chose, que l'on devienne son copain. Là, Olòrin n'avait ressentit aucune manifestation extérieure particulière. Mais toutes les interrogations lui étant destinées avait été précédées d'une fluctuation magique autour du géant. Il l'avait perçu un peu plus tôt, quelque chose était liée à ce gros imbécile. Quand on ne savait pas à quoi l'on faisait face, il fallait s'adapter et découvrir le pourquoi du comment. Une idée mûri dans la tête du demi-centenaire. Il ne répondit pas quant à la raison de sa présence et enchaîna.

Hmmm... Undvik ? J'aimerai voir autrement à quel point tu es fort. Prends ce gros arbre que tu m'as offert. Et frappes-toi sur la tête. J'espère que ça ne te fais pas peur, tu sembles un grand géant courageux. Ainsi, je pourrais voir à quel point tu es puissant et résistant. Ou t'offrir une commotion cérébrale gratuite. Et il ajouta volontairement tout en insistant sur le mot copain. Je pourrai alors être sur que tu seras un copain en mesure de me protéger.

Cette méthode forcée ne plaisait guère à l'elfe. Mais sa vie dépendait peut-être de l'issue de cette rencontre, et il fallait qu'il sache à quoi il avait à faire. Il espérait de cette manière, quelque soit la liaison existante entre cette entité magique et Undvik, qu'elle cherche à préserver la vie de son hôte en se dévoilant d'une quelconque façon. Et pour assurer son coup il précisa au géant.

De toutes tes forces, mon grand.

UNDVIK FORSSE !!!

Le mage attendait avidement la suite des évènements. S'était-il fourvoyé sur la nature cachée du géant, auquel cas, pourquoi avait-il une aura ? Il allait le savoir d'ici une poignée de secondes. Intérieurement, il avait vraiment douté de sa capacité à lui faire s'écraser un arbre sur la tronche, mais il était ici plutôt question de l'orgueil et de la naïveté du géant. Ce colosse allait donc se fracasser une tronc d'arbre sur la tête pour démontrer sa force... Mais alors que le moment fatidique arriva, l'aura du géant se chargea davantage et une chose à laquelle Olórin ne s'attendait pas s'était déroulée sous ses yeux : la transformation du mastodonte. Sa peau se raffermie et se teinta d'un bleu sombre tandis que ses muscles se gonflèrent. Ses mains et avant-bras se couvrirent de symboles mystiques et d'une sorte de lave. Un battement de cils plus tard et le tronc s'écoula telles les cendres restantes après un bon feu de cheminée.

Oh... ça marche aussi sur les végétaux ? Intéressant.

Instinctivement, et parce que le géant qui lui faisait désormais face n'était plus apparenté à Undvik, le mage se recula d'une dizaine de pas, sans précipitation, mais un brin moins serein qu'à l'accoutumée et surtout bien plus méfiant. Ayant perçu également la charge de son aura lors de la suppression du tronc d'arbre, Olórin comprit comment cette chose s'alimentait. Un frisson lui parcourra l'échine. Cette rencontre ne lui plaisait guère bien qu'il n'en montra pas grand chose. C'est alors que la voix si particulière s'adressa directement à lui cette fois-ci.

Très malin, je dois l'admettre.

Enfin... prendre avantage de la stupidité de ce gros machin n'est en rien un exploit, mais le stratagème est bien pensé. Je suis Wammu, et je contrôle ce corps. Il me semble avoir omit de demander ton nom... Tu es ?

Il y eut un blanc. L'elfe dévisagea longuement la nouvelle plastique du géant d'une manière que d'autres auraient qualifiés d'inconvenant. Une multitude de question fusèrent dans son esprit et à mesure qu'il se frayait un chemin au travers de ce pêle-mêle d'informations, ses yeux ne purent s'empêcher de s'embraser dans un bleu glacial. Son aura devait à présent être bien plus visible et même s'il ne prévoyait pas d'attaquer, il était sur ces gardes. Et finalement, n'avait-il pas raison ? Il se recentra sur le regard du géant qui s'était enflammé d'un rouge sang.

Je me nomme, Calen. Olórin Calen dit-il, toujours aussi suspicieux et sans plus de formalités.

Comment cela se pouvait ? Deux êtres vivants dans le même corps ? Était-ce là une particularité des géants dont il n'avait pas connaissance ? Ce gros imbécile était-il une façade jouée et composée par ce Wammu afin de piéger... de piéger qui et pourquoi ? Tout ça manquait cruellement de sens, de logique. Quant à cette magie, qu'était-elle ? Elle semblait si profondément obscure à première vue, si menaçante. Dans l'incompréhension totale, le glaçon qu'il était n'allait pas fondre aux premiers problèmes, mais pour l'heure il fallait obtenir quelques informations utiles. Sur un ton plutôt froid il ajouta.

Vous contrôlez ce corps ? Cet être vivant vous voulez dire. Comment... C'est votre habilité à la magie qui vous le permet, n'est-ce pas ? Auquel cas, vous n'êtes pas plus le propriétaire de ce corps qu'Undvik ne l'est.

Un silence s'installa brièvement avant qu'il ajoute.

Quelle est cette forme de magie dont vous semblez encore ignorer certaines choses ?

Toujours attentif après ses questions, il attendait une réponse. Bizarrement, il éprouvait une certaine peine pour le géant qui, bien que simplet, n'était même pas maître de sa vie, mais tout juste une marionnette qui bénéficiait d'un quartier libre temporaire de temps à autres. Était-il réellement possible de survivre à une telle occupation ? Et bien que cette question resta en suspens dans l'esprit du mage, l'aura de son interlocuteur s'intensifia légèrement. Olórin ne bougea pas alors que le "géant" enchaîna.

Vous dites juste, Olorin Calen.

Il serait plus juste de dire que je partage ce corps avec Undvik. Mais ma magie, qui semble se nommer "corruption", d'après ce que j'ai pu comprendre, ne me permet de prendre l'apparence que vous avez sous les yeux que depuis très peu de temps. J'ai passé les 69 dernières années prisonnier de cette enveloppe de chair, alors qu'Undvik, lui, n'a jamais été capable de s'exprimer de manière compréhensible. Il me semble que vous avez eu un aperçu de ce qu'il se passe lorsque je le laisse se débrouiller seul...

Il serait plus vraisemblable de dire que vous occupez ce corps. Un partage laisse sous-entendre que vous ayez tous deux votre mot à dire sur une telle situation. Mais je ne crois pas exagérer en affirmant que le géant n'a pas été sollicité, n'est-ce pas ?

Voilà ce qui le tracassait dans un premier temps. S'il avait su que certains individus doués de magie puisse intégrer un corps et en prendre contrôle, probablement qu'il n'aurait pas arpenter le Monde de Dùralas comme il le faisait jusqu'à aujourd'hui. De nouveau un blanc s'installa, non par crainte, juste le temps de se réitérer les paroles du "corrompu".

Corruption ? C'est charmant, cela conforte mes dires. Vous ne savez pas de quelle magie vous êtes investi, et vous la pratiquez ? Je veux bien croire que près de 70 ans à être prisonnier d'un corps dénué d'intelligence puissent être un calvaire, mais au point d'expérimenter quelque chose dont vous ne connaissez même pas la dénomination... dit-il, sans véritablement finir cette phrase. Nul doute, du moins c'était la pensée de l'elfe, il se trouvait face à un grand malade, ou à un sacré menteur qui tentait de se jouer de lui. Il s'essaya à trier le vrai du faux mais rien ne le permettait pour l'heure, si ce n'était cette magie destructrice.

Mais vous... Olorin Calen. Vous semblez également posséder une magie des plus intéressantes. Seriez-vous ici en quête de perfectionnement ? Ou bien est-ce le hasard seul qui vous a conduit dans ce marais ?

Je l'avoue, je suis également doué de magie, dit-il pour éluder l'étendue de son don. Quant au hasard... je ne viens pas patauger dans les marais par amusement, non. Je me dirige plein Est, j'ai quelques recherches à y mener pour parfaire mes connaissances. Une sorte de perfectionnement, comme vous le dîtes.

Cela suffirait à calmer la chose qui se dressait devant lui, du moins il l'espérait. Il avait encore un long chemin à parcourir avant d'arriver au bout du voyage mais cette rencontre... elle était... elle était biaisée pour le mage. Discuter avec un autre que le détenteur originel du corps gigantesque qui lui faisait face s'apparentait à une belle scène d'hypocrisie.

À dire vrai, pour Olórin il n'y avait pas vraiment à tergiverser sur le vrai du faux. De son point de vue il était bien question d'une occupation physique anormale d'un autre être vivant. Quant à l'excuse liée à l'incapacité du géant, il eut une époque où il aurait très certainement manquer de s'étouffer. Mais il laissa couler volontairement. Au fond il était certain qu'Undvik n'était pas un incapable. Il pensait simplement qu'avec du temps et un peu de persévérance l'on pouvait en faire un être "capable". Pour preuve, ces lectures lui avaient fait découvrir la race des Jötunn, qui semblait être la plus intelligente parmi les géants. Le mage ne croyait pas qu'ils soient nés ainsi, des générations durant avaient probablement fait leur œuvres. Mais alors que le corrompu concluait la partie sémantique, il enchaîna. Pendant un instant, l'elfe ne dit rien. Il réfléchissait seulement à une manière concrète pour expliquer sa réaction précédente.

N'ayez pas de doute, elles le sont. Car je vois là de l'inconscience avant tout, davantage quand vous me dîtes que cela ne fait que quelques mois que vous avez pleinement conscience de votre don, si tant est que je puisse l'appeler ainsi. Sans vouloir vous offenser, je vais reprendre la comparaison au nourrisson. Vous n'avez personne pour vous guider, et encore moins pour vous relever en cas de chute.  

Un brève silence s'installa. L'elfe chercha ses mots afin d'imager au mieux son explication. Puis, il ne passa pas par quatre chemins.

J'entends par là que la magie, y compris celle d'un utilisateur expérimenté, peut être mortelle pour qui joue avec elle sans vraiment la connaître. La magie est une science. Je ne dis pas qu'il ne faut pas expérimenter, qui serais-je pour dire ça, moi même je continue d'apprendre jour après jour, mais il faut le faire proportionnellement à l'étendue de vos connaissances. Pour ce genre d'apprentissage, il y a des livres ou certaines personnes dans ce monde capables de vous renseigner un minimum sur les spécificités de celle qui vous habite. Comprenez moi bien Wammu, je ne vous blâme nullement, c'est plus pour vous éviter un décès anticipé que je vous avertis sur ce point.

De nouveau l'elfe se tut. Il aurait aimé pouvoir formuler cela autrement, mais une journée n'aurait certainement pas suffit. Le cas du corrompu était des plus intéressants, à tel point que la curiosité du mage le laisserai presque se convaincre de rester encore un peu, mais le voyage était encore long. Tandis qu'il s'apprêtait à répondre, une proposition fusa. D'abord décriée par la prudence d'Olórin, puis envisagée avant d'être tolérée.

Hmmm... pourquoi pas. Nous apprendrons tous les deux dans ce cas. Peut-être qu'avec quelques unes de vos précisions, je pourrai vous éclaircir sur certaines points, dit-il en songea aussi à ce qu'il pourrait apprendre de son côté... Il ajouta sobrement. Et je ne suis pas mal à l'aise. Il regardait déjà la route à prendre tout en emboîtant le pas avec méfiance. Le fait de voir Wammu conserver sa forme magique permettrai aussi à Olórin d'en voir plus sur ces capacités et son autonomie. Et puis, à la vitesse où il pouvait s'emparer du contrôler d'Undvik, cela n'y changeait pas grand chose.

La magie n'était pas un jeu ou ce que l'on pourrait comparer à un divertissement quelconque, le mage le savait très bien. Il en avait fait les frais en découvrant son pouvoir. Il n'en parlait jamais mais cette histoire le hantait, ce jour si tragique où quelqu'un avait explosé en centaines de petits morceaux de glace... une enfant comme lui à l'époque. Même la plus insignifiante magie, mal contrôlée ou incontrôlée, pouvait être mortelle, qu'il s'agisse de son propre don ou non. On s'en apercevait souvent bien trop tard. D'après ses dires, Wammu semblait l'avoir compris. Tandis qu'il l'écoutait quelques questions se bousculèrent dans sa tête mais il répondit d'abord aux demandes du corrompu.

Malheureusement, je suis en tout point ignorant comme vous l'êtes sur le sujet. Je n'avais encore jamais croisé personne capable d'une telle aptitude. Il existe probablement un lieu pour en apprendre davantage, mais il ne m'est pas connu.

Il fronça les sourcils, silencieux. Tandis qu'il cherchait au plus profond de sa mémoire, ils avançaient doucement dans ce dédale de végétaux et de flaques boueuses. Cette fois, la discrétion n'était pas de rigueur. Voyager avec un géant n'aidait pas il fallait l'avouer. Repensant à ses interrogations refoulées un peu plus tôt, il se lança.

Hmmmm... de quelle tribu est originaire Undvik ? Avez-vous déjà essayé de vous renseigner sur les croyances des autres familles de géants, cela pourrai peut-être ouvrir des portes ? On dit des Jötunn qu'ils sont les plus intelligents, vous devriez essayer de ce côté là, qui sait ce que vous pourriez y trouver.

La marche continuait silencieusement. L'avancée était plus "périlleuse" pour le mage qui se démenait pour éviter les flaques puantes et vaseuses, ainsi que l'abondante végétation du marais. Discrètement, l'elfe ne sembla pas voir signe d'épuisement d'après l'aura de son compagnon de route. Mais il était encore trop tôt pour s'avancer sur le sujet. Tandis qu'il avait laissé libre court à ses pensées, Wammu relança la discussion.

La curiosité est un vilain défaut, Wammu. Qui m'accable également, dit-il, coupable. Et bien, à l'occasion d'un séjour à l'Institut de Magie, j'ai étudié quelques textes d'antan qui me laisse penser que certains indices dont j'ai besoin sont enfouis vers la Forêt de Sapins. Vous l'aurez compris, je ne fais que traverser le marais et je doute que vous puissiez m'accompagner aussi longtemps sur cette voie.

Il sourit doucement. Voilà qui était dit, poliment certes, mais de cette manière il n'y avait pas de place pour les quiproquos. Il était censé faire ce voyage seul, et ce qui s'y trouvait au bout ne regardait pas vraiment un géant occupé par une entité magique destructrice et inconsciente. Bien qu'il aurait laissé Undvik l'accompagné, c'était impensable désormais.

Et bien, voilà une information appétissante. Undvik était donc un bâtard chez les géants. Cette information piquait sérieusement la curiosité de l'elfe. Il se douta bien que la découverte de ses pouvoirs et la rencontre inattendue avec les Jötunn n'avaient pas été des plus courtoises. Dans l'immédiat Olórin avait pensé tout comme Wammu, jusqu'à ce qu'il démente cette double identité raciale.

Quels récents évènements vous ont permis d'en venir à une telle conclusion ? demanda-t-il simplement, plongé dans la réflexion. De son côté il creusait également, non pas pour éclairer davantage son compagnon de route, mais plus pour satisfaire sa curiosité. Il fallait l'avouer cette histoire était peu banale et le mage raffolait de découvrir de nouvelles choses et d'apprendre sur les autres, quel que soit le sujet, enfin... ça dépendait surtout des circonstances. Une nouvelle fois le silence s'installa. Il l'écouta répondre avec attention tandis que ce dernier enchaîna avec un certain besoin de précision sur l'Institut. Qu'il était bête... Comment pouvait-il en parler sans songer que peut-être des réponses s'y trouvaient pour le géant. Décidément, par moment sa curiosité ne lui permettait plus de penser clairement.

Et bien, c'est un édifice qui accueille la Guilde des Mages. D'ailleurs, c'est la première guilde à avoir été créée sur le continent. Bien que le terme soit exacte je dirais qu'il est plus question d'une école de magie, divisée en deux maisons dont l'une priorise l'utilité de la magie et dont l'autre l'exploite à des fins plus personnelles... Suis-je bête de ne pas y avoir pensé, mais peut-être pourriez vous y trouver quelques informations. Ceci dit, j'en doute fortement. J'ai déjà passé au crible tous les ouvrages de l'Institut.

Il grimaça toutefois de ne pouvoir donner un peu de satisfaction et d'espoir à l'esprit corrompu. Et puis il pensa à Tungstène.

Néanmoins, cette dernière est dirigée par le Père Tungstène, connu aussi sous le titre d'Enchanteur Suprême. Je ne gage point qu'il puisse vous aider, mais si une personne de mon entourage peut le faire, c'est probablement celle-ci.

Tandis qu'il finissait ses explications, il releva la dernière suggestion de Wammu. Il avait parfaitement compris qu'il n'était pas le bienvenue jusqu'au bout du voyage, mais que diable, pensait-il qu'il voulait s'en débarrasser de suite ? Pour sûr, non ! En tant d'années il savait bien que se promenait seul dans les Marais Hukutav n'était une idée de folie. Ceci dit, était-ce réellement mieux de s'y balader accompagné d'un géant mi-débile, mi-possédé ? Là... il ne su répondre. Un court silence s'installa avant qu'il ne réponde.

Je ne peux vous contredire Wammu. Nous serions l'un pour l'autre d'un grand secours en cas de rencontre hostile non souhaitée. Cependant, je m'excuse si vous avez mal compris mes propos. Nous pouvons largement faire la traversée de ce marais ensemble, si le cœur vous en dit également, je reprendrai toutefois mon voyage seul une fois de l'autre côté.

HRP:

Olórin écouta attentivement la réponse de Wammu. Tandis qu'il percevait sa propre aura, déterminée ainsi par son épuisement physique et psychologique, ses capacités magiques en soit, le géant lui avait une jauge des plus concrètes quant au rechargement de son pouvoir. Et quelques autres trucs, probablement utile pour localiser des blessures internes aisément. Mais on en revenait toujours à la capacité intellectuelle du géant, une chose qui commençait à frustrer l'elfe. D'un côté l'elfe, fronçant les sourcils, se questionna. Peut-être qu'Undvik n'avait su prendre son envol intellectuel car un esprit corrompu avait depuis sa naissance squatter tranquillement son corps. C'était une hypothèse bien plus éthique que réaliste. Il se doutait bien des limites de raisonnement du géant, mais tout de même, cela le frustrait un peu qu'il s'agisse d'un fait inéluctable.

La Guilde des Mages se trouvent au creux de la Forêt Sylfaën. L'institut est établie au sein d'un château faisant communion avec la nature, pour preuve plusieurs arbres magiques s'entre-mêlent tout autour. Ils ne s'écarteront du votre chemin que si vous détenez une forme de magie en vous.

Un petit silence s'installa. Le mage douta quelque peu de la probabilité qu'une telle magie puisse être acceptée dans les murs de cet édifice, mais après tout, elle ne semblait pas fermée aux différentes sortes de magies qui parcouraient ce monde, ni même aux différents types d'individus, bon ou mauvais. Le principe des maisons accentuait nettement cette opposition d'après l'elfe. Mais il sortit rapidement de ses songes quand ses yeux prirent une teinte bleuâtre, après l'avertissement du géant. Un ton plus bas, il ajouta, en vain.

Il ne faut surtout pas... Fichtre ! Il est déjà réveillé.

Les dévoreurs étaient généralement des dormeurs difficiles à réveiller, mais les pas du géant n'avaient probablement pas aidé dans l'histoire. Tandis que son aura se gonfla au point d'en aveugler des non initiés à la magie, ses yeux s'illuminèrent davantage tel un possédé givré. Sa main gauche laissa apparaître un fluide cyan qui se dirigeait vers le diamant qui trônait au sommet de son bâton et tandis que d'un geste vertical vif ce dernier pointa le sol jusque très haut dans les airs - à peu près jusqu'au cou du géant - un mur de glace de plusieurs centimètres d'épaisseur se constituait avec une rapidité affolante. Cette manœuvre évita le premier assaut, confirmé lorsqu'un bruit sourd accompagné d'une tâche noire vint percuté la glace qui en son centre se fissura progressivement avant d'éclater en morceaux. L'affreuse bête hurla à la mort, davantage enragée d'un tel accueil... Le combat était inévitable.

J'espère que vous êtes en pleine forme Wammu, cela ne va pas être une partie de plaisir...

HRP: