Le Naga mordillait un petit bout de bois tandis que leur véhicule, une petite charrue au derrière de laquelle un tissus cachait un important convoi de marchandises habilement dissimulées dans des coussins. C'était un exercice assez aisé que de dissimuler ce qu'on voulait transporter sous une couverture, mais de le camoufler méticuleusement dans des objets courants, c'était un peu plus délicat.
En l’occurrence, ce chargement, Alphonse n'avait pas intérêt à le perdre. C'était sa première vraie mission pour Vi, et il comptait bien la mener haut la main. L'endroit de livraison était un manoir au centre même de Kastalinn, dont le propriétaire devait baigner dans du très lourd pour avoir besoin d'une telle quantité de.. choses.
Tandis qu'il fouettait les chevaux, ils heurtèrent une pierre, et ses s'écarquillèrent avant de se poser sur les coussins. Rien ne se passa. Il faudrait y aller doucement, il ne voulait pas mourir aujourd'hui.
Alors qu'il arrivait à mi-chemin, il s'arrêta sur le bord de la route, sortant par la même occasion un coucou d'une cage en fer et noua autour de sa patte une missive destinée aux orphelins de la ville. Ces gamins qui parcouraient les rues, comme à BaldorHeim, étaient ses principaux et meilleurs alliés lors de cette quête. Invisibles, communs, et habilement fondus au décor, ils lui assureraient une escorte plus que bienvenue, et, si la situation dégénérait, ils pourraient tout aussi bien servir de distraction; leurs mains étant aussi agiles que les pattes du renard. Il reprit ensuite la route, dissimulant son corps sous une large cape noire agrémentée d'une capuche. Le ciel, empli de nuages, semblait annoncer une averse des plus terribles. Il fallait absolument parvenir à la ville avant que n'éclate la pluie, mouiller les coussins rendrait inutile ce qu'ils contenaient.
Lorsqu'il parvînt finalement aux portes de la cité, aucune pluie n'avait encore foulé le sol Dùralassien. Il passa le contrôle des portes sans mal, et continua dans les rues, jusqu'à arriver face au manoir, devant lequel il arrêta ses chevaux. Un noble, d'apparence soignée et au ton charmant le remercia pour son service, le paya, et le caméléon disparut aussi rapidement qu'il n'était arrivé.
Propre, simple, efficace.
Enfin, tout du moins ce fut le cas jusqu'à ce qu'il n'entrevoit un petit gars à la mine sale, silhouette rachitique et panoplie du mendiant complète essayer de voler l'un des coussins en soie. Ses mains laissèrent échapper l'objet qui tomba au sol en un bruit sourd.
Le caméléon n'avait jamais courut aussi vite. L'explosion souffla l'entièreté du manoir, ses écuries, et alors que le Naga arrivait au portail et s'y appuyait pour bondir sur un toit adjacent, la déflagration l'emporta, si bien qu'il ne se réveilla que quelques instants après, sous une pluie battante, les gardes arrivant vers lui, et la tête ensanglantée. Il ne réfléchit plus, et slaloma les ruelles, bondissant de mur en mur, s'agrippant aux moindres rebords trouvés pour prendre de la hauteur. Il continua un moment, jusqu'à ce qu'une flèche ne le fauche en pleine course, le faisant tomber, rouler sur les tuiles, avant de s'abattre quelques mètres plus bas, en pleine rue commerçante étrangement remplie malgré le temps.
Il faillit abandonner, mais l'adrénaline couvrant la majeure partie de sa douleur, il réussit à se hisser jusqu'à un coin isolé avec le peu de forces qu'il ne lui restait, déchirant ses vêtements en changeant d'apparence par la même occasion afin de passer pour un mendiant.
Le subterfuge fut une réussite, et il put claudiquer tant bien que mal jusqu'à la première porte qu'il trouva. Bien sur, il ne vit pas l'enseigne indiquant là un salon de thé. Il entra, à moitié (aux trois quarts) nu, le corps tâché de sang et de boue, une plaie béante au mollet gauche.
Au moins ce corps n'est-il pas désagréable au regard, pensa-t-il en poussant la porte tout en dégageant la boue de son torse musclé.
"Bonjour, excusez-moi, j'aurais besoin d'aide. J'ai de quoi payer." Il perdit connaissance quasiment instantanément, ne voyant rien d'autre que du rouge. En tombant il sentit également que son dos avait été affecté par les flammes. Putain de redescente d'adrénaline... Sa régénération de Caméléon ferait l'affaire, mais en attendant, il n'arrivait pas à se maintenir conscient.