Alors que Lokyem avait fait rapidement le trajet vers la boutique, le chemin inverse fut bien plus lent. Il fallait tout d‘abord qu‘il s‘habitue aux nouveaux objets qui l‘alourdissait tout en ayant allégé sa bourse. Il avait opté pour un harnais dorsal pour garder son épée. Un fourreau portée à la hanche aurait été certes plus pratique pour la sortir mais puisqu‘il comptait la trimbaler sur une certaine longueur pendant au moins un an, il fallait bien quelque chose de moins pénible. Il lui fallut plusieurs ajustement pour que le pommeau ne vienne pas cogner sa tête à chaque pas, mais même après avoir trouvé une position qu‘il considérait optimale, sa lame, gaînée de cuir venait tout de même frapper régulièrement le bas de son dos. Il aurait un bleu avant la fin de la semaine. Et ce malgré l‘armure. L‘armure, justement, parlons-en. La protection faisait de son corps un four insupportable.

Il soupira en songeant à la fraîcheur de la mer. C‘était ridicule comme ce qu‘il avait encore sous la main lui manquait déjà.
C‘était surtout cela qui ralentissait sa marche : il savait qu‘après cela, il ne reviendrait pas en arrière. Ce chemin était comme un ultimatum qu‘il s‘imposait à lui même chaque jour. Un ultimatum qui - par définition - lui était pénible. Il lui semblait redécouvrir tout ce dont il s‘était éloigne au cours de ces années près de l‘océan. Voulait-il continuer cela ou bien retourner d‘où il venait comme si souvent il l‘avait fait ?

Bien trop vite à son goût, il arriva au port. Il regarda longuement les pêcheurs qui s‘affairaient en masse autour de leur pêches foisonnantes. Lokyem s‘accorda un sourire en comparant les maigres profits qu‘il tirait de l‘océan en comparaison. Il se rapprocha d‘un ponton en bois pour finalement monter dessus. N‘être rattaché à la terre que par quelques bouts de bois branlants, cela avait toujours un charme fou. Dans d‘autres circonstances, Lokyem se serait même accordé le luxe de plonger une ou deux heures dans pour mieux ressortir, mais il aurait été stupide d‘ainsi abîmer ces nouvelles possessions.

Arrivé au bord de l'eau, il resta quelques temps en équilibre, oscillant entre rester sur les planches ou bien tout simplement se laisser tomber dans l'eau. Il n'aurait qu'à décrocher l'épée qui le ferait couler, enlever son armure, puis repartir dans son petit coin de paradis. Loin de tout cela... Pour ensuite retrouver encore une fois son quotidien tranquille. Mais n'était-ce pas pour cela qu'il s'était justement décidé à partir ? Fatigué de toujours plonger dans l'océan plutôt que dans l'inconnu et ne jamais trouver du nouveau. Lassé d'être arrivé à la moitié de sa vie n'ayant rien demandé mais n'ayant rien reçu.

« Assez. » murmura-t-il entre ses dents serrées.

Assez de toute cette inaction. Assez de cette harmonie dont il se lassait presque. Assez de toutes ces réflexions complaisantes. Assez.

Il devait partir. Vers... Les montagnes. Ces immensités rocheuses où l'on a l'impression de dominer le monde... Avec un dernier regard presque dédaigneux à l'océan, il lui tourna le dos comme on quitte une amante délaissée.