Le lieu cité par la chamane était donc sa région d'origine. Une île ? Arhiann ne se sentait pas très tentée par la navigation, et puis, elle avait déjà bien assez à voir et apprendre sur le continent Dùralassien. L'avenir se chargerait de la faire changer d'avis, mais en prenant son temps.
« Un jour, peut-être... mais je ne connais déjà pas grand chose en-dehors de Sylfaen. En fait, même ici, il y a beaucoup de coins de la forêt où je n'ai jamais été. »
Elle opina au sujet d'Ishtar, qui lui était donc recommandé comme haut lieu de la sculpture. Il faudrait qu'elle songe à s'y rendre, mais vue la distance, là non plus, ce ne serait pas pour le lendemain. Par contre, la comparaison avec le chamanisme de sa communauté lui permettait de mieux cerner les particularités du travail de Mohana, et confirmait cette impression fugitive de familiarité qui l'avait frappée en contemplant certains objets de l'échoppe.

La faune resta silencieuse le temps de l'examen de son ouvrage, et laissa passer un sourire lorsque le verdict tomba. De la part de quelqu'un d'aussi expérimenté que semblait l'être cette dame, les compliments valaient de l'or.
« J'ai passé beaucoup de temps au ponçage... et puis, j'ai eu des conseils de la part d'un ébéniste qui tient boutique un peu plus loin. Kessen, un centaure. Il m'a prêté du matériel, aussi. Je n'aurais jamais pu faire ça sinon. »
Il fut ensuite question des difficultés pouvant se présenter pour des pièces plus complexes, et la blonde hocha de nouveau la tête.
« Je pense que je vais y aller doucement, pour commencer. Et puis, je n'ai pas vraiment de quoi m'offrir des pierres précieuses, alors ça devra attendre de toute façon, »
ajouta-t-elle avec bonne humeur. Visiblement, cela ne la dérangeait pas le moins du monde de devoir se contenter de pièces simplistes dans l'immédiat.

La dernière question lui fit pencher la tête de côté, hésitante un instant, avant qu'elle n'avoue :
« Pour le moment, j'ai surtout essayé de faire ce qui pourrait m'être utile... et comme je ne sais pas me servir d'un arc, je ne me suis pas penchée sur la question. Les elfes sont tellement meilleurs que nous à ce jeu-là, je n'ai même jamais essayé ! »
Mise en confiance par la bonté dont faisait preuve son hôtesse, et l'atmosphère délicatement chaleureuse du lieu qui, en plus, lui rappelait le foyer familial de sa jeunesse, elle s'était de nouveau laissée aller à un ton léger, vaguement amusé. Plus sérieusement, elle compléta :
« J'avais fait une massue, encore avant, mais je ne l'ai pas gardée. Elle était efficace, mais un peu lourde. J'aime mieux les tonfas, c'est plus maniable. Et ça reste plutôt simple à fabriquer, j'ai trouvé. A part la jonction de la poignée, la forme est très basique. »

Tantôt technique, tantôt plus personnelle, la discussion se poursuivit encore tard dans la nuit entre les deux sculpteures. A la suite de ces riches échanges, Arhiann revint régulièrement à Poehina, pour présenter l'avancée de ses travaux sur bois à Mohana, quêter ses conseils, ou tout simplement parce que discuter avec la thériantrope-chamane lui était agréable, et qu'elle se sentait bien dans sa boutique.

Peu à peu, à mesure que le niveau de la faune s'élevait, et sans qu'aucune des deux ne sache qui en avait été l'initiatrice, une idée émergea : et si la blonde venait seconder la maîtresse des lieux, présentant ses propres créations en plus de celles de la femme-tigre ? Arhiann aimait sculpter, c'était indéniable, même si elle ne parvenait pas toujours à consacrer autant de temps qu'elle l'aurait souhaité à ce travail-passion. Cependant, elle ne souhaitait surtout pas monter d'échoppe concurrente à Poehina, ce qui lui semblerait du plus déloyal qui soit - en plus du ridicule de la chose. Partager l'existant lui apparaissait donc comme le compromis idéal, et la location demandée par Mohana n'était que justice, d'autant qu'elle-même profiterait amplement de la réputation de la wystérienne.

Ainsi fut donc fait, et un beau matin de printemps, l'éclaireuse Zéphyr, pour une fois vêtue en habits civils, vint prendre sa première permanence à Poehina. Elle avait emmené avec elle une arbalète en cours de fabrication, et dont le mécanisme lui donnait du fil à retordre : elle comptait bien la travailler dans les moments où la clientèle manquerait. Ainsi pourrait-on régulièrement la trouver, abandonnant quelques outils et pièces en cours de fabrication autour d'elle pour accueillir les arrivants. Quelque temps après la venue de Manydh à la ville, il prendrait l'habitude de se joindre à elle, ses compétences de chamane venant compléter celles de l'ensorceleuse-sculpteure pour se hisser à la hauteur de celles de la tenancière officielle, et l'on trouverait donc régulièrement, à la place de la thériantrope, les deux faunes en train de tenir l'échoppe.

[HJ : viendez, viendez, Arhiann peut vous recevoir quand Mohana est moins disponible ]

J’avais hâte de revoir Mohana, ces derniers temps nous nous étions seulement rencontrés en coup de vent, entre deux missions diplomatiques ou expéditions nécessaires à la protection de Sylfaën. Alors quoi de mieux pour provoquer une rencontre que d’aller directement dans sa boutique, tout un tas de trésor dans la besace ?

Après un léger temps de pause devant la jolie façade du cœur de la ville elfique, juste assez long pour la détailler et pour sentir la présence de la propriétaire des lieux. Je poussais la petite porte de l’échoppe qui était bien plus grande que ce que l’on nous laissait croire de prime abord. J’entrais à pas de loup pour éviter de troubler le calme apaisant qui y régnait. Comme lorsque l’on pénètre dans une bibliothèque, je m’avançais sans bruit. Je pris le temps de détailler le moindre recoin, diverses armes de bois étaient présentées à la vente. Certaines étaient imprégnées de magie, d’autres nons, mais toutes étaient magnifiques et sculptés avec beaucoup de finesses.

On pouvait y trouver deux styles bien distincts, peut-être qu’un œil peu attentif n’aurait pas vue la différence, mais deux sculptrices présentaient leurs créations. Je m’avançais finalement vers le comptoir en lançant quelques coups d’œil vers l’espace sentant la divination.

« Je serais curieuse de savoir ce que me réserve mon avenir ! Lâchais-je avec sincérité en signe de premier salut. Après tout pour l’instant il n’y avait personne au comptoir, étaient-elles dans l’arrière-boutique ?

Bonjour ! »

Un chat noir dormait sur un coussin non loin, il releva paresseusement la tête en m’entendant parler. Il bâilla, s’étira, avant de tout simplement se rendormir.

Je ne pus réprimer un nouveau sourire en voyant la jeune femme arriver derrière le comptoir de la jolie boutique.

« Ton plaisir est partagé, Mohana, ça fait si longtemps ! »

Je m’approchais d’elle tout en sortant un grand sac en tissu sombre et à l’allure bien rempli, de ma besace.

« En effet, je pense que tu le peux… Voilà, j’ai entendu parler d’un procédé magique à la fabrication de bottes pouvant prendre l’apparence de n’importe quelles chaussures aux grès de nos envies. Ça réglerait grandement mes soucis de place dans ma garde-robe ! »

Je fis une petite pause, pendant laquelle je sortis tout un tas d’ingrédients étranges, tous soigneusement nettoyés et enveloppés dans des linges de lin fin.

« Je sais que tu possèdes de grand pouvoir et je me demandais si tu connaissais les sortilèges requis pour les fabriquer… Si tu le veux bien évidemment ! J’ai apporté tout ce qu’il faut, même l’œil d’un beholder, ça n’a pas été une tâche aisée que de le récupérer mais il s’est avéré que je suis drôlement bien tombé ce jour-là… »

Je me tu tout à coup, me rendant compte que je n’avais pris aucune pause dans mon monologue, j’attendis finalement sa réponse. Accepterait-elle de fabriquer pour moi des [Bottes Tungsténiennes améliorées] ?

- Effectivement, je ne suis que trop peu présente ces derniers temps. Pourtant j'adore me balader dans la cité endoréenne et Sous le rocher, là où nous sommes... Mais mon emploi du temps est très chargé, et j'ai eu besoin de me ressourcer dans ma terre natale, Wystéria.


Holy expliqua ensuite la raison de sa venue.

« En effet, je pense que tu le peux… Voilà, j’ai entendu parler d’un procédé magique à la fabrication de bottes pouvant prendre l’apparence de n’importe quelles chaussures aux grès de nos envies. Ça réglerait grandement mes soucis de place dans ma garde-robe ! »

- Je suis flattée par autant de gentillesse, Holy. Voyons voir cela... Oui les ingrédients me semblent tous réunis. Je t'avoue que je n'ai pas effectué souvent cette fabrication, parce que nous autres sculpteurs avons plutôt l'habitude de la sculpture de bâtons en tout genre... Néanmoins, je pense avoir dans mes grimoires les enchantements nécessaires pour ce que tu demandes... Un vieux fou (pas si fou que cela) m'a donné beaucoup d'informations à ce sujet.

Mohana alla chercher un grimoire dans son arrière-boutique et revint, le livre sous le bras.

- Avec ceci je pense pouvoir réaliser ce que tu demandes. Et si jamais j'ai besoin d'aide, notre chère collègue Arhiann pourra toujours être une aide utile ! Reviens d'ici quelques jours, j'aurai ta création !


C'était la première fois, ou peut-être la deuxième, mais pas plus, que Mohana allait fabriquer et améliorer à l'aide d'un sertissage précis des bottes tungsténiennes. Ce n'était habituellement par un équipement forcément conçu par les sculpteurs, et les cordonniers connaissaient beaucoup mieux le façonnage des chausses. Mais les tungsténiennes étaient différentes car elles étaient en grande partie en bois, et leur aura magique les rendait saillantes. Mais la rakshassa voulait et devait s'appliquer parce que ce n'était pas dans ses objets de prédilection. D'habitude, elle confectionnait souvent des bâtons, des sceptres, des bâtons d'éther, qui lui permettaient d'arrondir ses fins de mois.

Mohana Dharitri commença par allumer le feu afin de pouvoir faire chauffer les matériaux nécessaires à la fabrication de l'arme (sauf bien évidemment l’œil du Beholder et le bois). Le temps que celui-ci fonde, elle nettoya le bois et le huila avant de se mettre à la sculpter.
Créer les massues -ainsi que d'autres armes- était devenu une simple formalité pour la tigresse, passée experte en la matière depuis un bon moment désormais. Toutefois, les bottes étaient différentes. Ce n'étaient pas des armes contondantes faites pour frapper. Il ne fallait pas se laisser abuser, une œuvre boisée d'une telle importance et d'une telle précision demandait de la dextérité, un trait d'ingéniosité, de la patience, et un brin d'imagination. Sans paraître vantarde, la Cape Verte avait acquis tout ceci au fur et à mesure qu'elle avait augmenter ses compétences et son expérience, et aucune recette ne résistait désormais à son talent de sculptrice.

Elle travailla avec ardeur jusqu'au lever du jour d'après, qui lui permet toutefois de terminer son ouvrage dans les temps. Une fois que cela fut fait, elle s'attela au sertissage. Elle allait insérer les gemmes précieuses et magiques dans un creux prévu à cet effet au niveau du tibia, la botte remontant telle une jambière. Puis elle répéta l'opération de l'autre côté, tâchant à rendre le tout symétrique. Elle souhaitait que sa compagnonne d'armes Holy puisse se pavaner correctement avec cette nouvelle création faite de cuir, de bois, et de beaucoup d'affection.

La dernière étape fut l'incantation. Parce que oui, à la demande de son amie thérianthrope, il fallait que les bottes puissent sied aux pieds de la demoiselle. Ainsi Mohana sortit son grimoire qu'elle avait acquis au cours d'une aventure au coeur de la Caverne mystérieuse. Elle retrouva la page écornée, qui avait été indiquée par le Père Tungstène lui même, et elle commença à réciter les incantations mystérieuses. Cela dura une grosse demi-heure, car il ne fallait écorcher aucun mot. Et lorsque ce fut fait, le verdict était sans appel : elle avait réussi.

Lorsqu'elle aurait livré l'arme, la jeune femme pourrait alors aisément aller se reposer, elle en avait bien besoin, après cette dizaine d'heures de sculpture !


[Utilisation de deux bracelets d'abondance : une pour la création + une pour l'amélioration afin de doubler les bottes tungsténiennes améliorées]

Transaction effectuée.