"Sous le souffle chaud nourri de sable, quelque part où se perdent les repères, un oasis dégarni se lève, et affable, guette les perdus et les solitaires. C'est seulement aux yeux fatigués que, dans la brume trompeuse, s'esquissera une silhouette déformée, de pierre et de roche affublée... Ni mirage, ni folie : il s'agit de la caverne mystérieuse..."

Wyrm fit une pause dans sa prose : son luth se tut, et les flammes crépitantes meublèrent le silence. Sur lui, une dizaine de regards le dévisageaient, tantôt curieux, tantôt pensifs ou admiratifs. Enfants, parents, marchands et même deux soldats. Il faisait, ce soir là, face à une assemblée bien plus plaisante que les habituels soûlards de tavernes. Tous se tenaient en cercle face à lui ou à son coté.
Puis une fillette en tunique et tresses appuya ses petites mains sur sa jambes, le pressant de continuer. Il lui sourit sous son masque et poursuivit donc.

"Pleure voyageur malheureux !
Ces terres fourbes et trompeuses d'idéal cachent en leur sein dangeureux, mort, violene, agonie et triste râle..."

Les prunelles amande de la fillette s'agrandirent : la peur la faisait frétiller, l'appréhension déchaînait son juvénile esprit qui savait qu'une fin heureuse allait -comme toujours- la rassurer. Le ménestrel la gratifia d'une tape affectueuse sur la tête avant de finir son conte.

"Souris voyageur bienheureux !
En ces gorges oubliées maintes merveilles n'attendent qu'un audacieux ne les arrache à ce décor vermeil."

Le silence revint.
Puis les souffles se délièrent ainsi que les langues : bientôt, les chuchotis se mêlèrent au crépitement du feu. On commentait la véracité du récit, imaginait mille merveilles.

"Dis, dis Monsieur Wyrm, tu peux pas nous raconter des histoires de héros maintenant ? lui demanda avec entrain un des gamins.
- Non ! J'aime bien les poèmes comme ça. On peut plus facilement rêver, argumenta la fillette de tantôt.
- Mais c'est tellement plus... (il remuait des bras, ne trouvant le mot exact) plus... bien les histoires d'aventuriers !
- Un autre soir, ne t'en fais pas. Il est temps pour vous d'aller rêver justement, les enfants..."

Wyrm les repoussa gentiment, chassant les traînards d'une tape sur la tête. Ils le saluèrent avec emphase et coururent se cacher dans les tentes.
Ne restait autour du feu que les adultes, soit un soldat -l'autre ayant pris sa garde- trois marchands et quelques voyageurs. Le convoi ralliait en effet Stellarae vers un village au coeur de Harena.

Le ménestrel restait à sa place, s'attelant maintenant à l'entretien de ses affaires : il restait ainsi disponible aux curieux qui souvent ne tardaient à se manifester pour lui poser des questions sur son récit.

Lorsque la voix captivante du conteur se tu, Fang relâcha un souffle qu'il n'avait pas eu conscience de retenir. Les enfants d'activèrent à leur tour autours de lui, sautant presque littéralement sur Wyrm. ce dernier ne sembla néanmoins pas s'en émouvoir plus que ça - enfin, c'était difficile à déterminer à cause de son masque - et envoya gentiment mais fermement les marmots se coucher. Le feu crépitait doucement dans le cercle de pierre qui avait été érigé au centre du camp, et Fang du lutter pour la énième fois de la soirée pour ne pas se transformer en loup. Le jour les températures étaient bien trop élevées pour que le jeune homme n'ait la moindre envie de se couvrir de fourrure, mais la nuit c'était une autre chanson.

Et puis il fallait être honnête, il n'y avait pas grand chose de plus agréable que de se rouler en boule près d'un feu, la queue rabattue sur le museau pour écouter une histoire nouvelle après un bon repas - mais encore une fois, la plupart des humains se montraient méfiants envers les représentants des autres races, et Fang n'avait pas envie d'attirer l'attention sur lui. Légèrement frustré, le jeune homme se leva et s'étira. Par réflexe, il chercha du regard Clochette, comptant sur sa bonne vision nocturne pour repérer sa silhouette - la belle couleur orangée de la petite chatte ne tranchait guère avec les teintes naturelles du paysage environnant après tout.

Quand Fang repéra enfin la minette, il du se retenir de pousser un soupir d'exaspération - elle avait le nez fourré dans les affaires du conteur. Le jeune homme caressa un instant l'idée de la laisser là avant de soupirer en secouant la tête. Se dirigeant vers Wyrm, le jeune homme lui adressa un sourire un peu gêné avant de se baisser pour ramasser Clochette. La minette émit une vive protestation et jeta un regard courroucé à son maître qui resta totalement de marbre.

- Désolé, elle n'a aucune éducation. Très belle histoire au fait, c'est vraiment différent de ce qu'on entend d'habitude.  
 
Le petit félin s'agita dans les bras de son propriétaire qui la laissa grimper jusqu'à son épaule. Il avait conscience que c'était un peu ridicule de se promener comme ça avec un chat perché sur l'épaule comme une grotesque parodie de perroquet - mais il n'était plus à ça près et décida de juste ignorer Clochette. Et puis, maintenant qu'il avait l'attention du conteur dirigée sur lui, autant en profiter pour assouvir sa curiosité.

- C'est toi qui a entièrement inventé cette histoire, où bien est-ce en partie inspiré par quelque chose ?

HRP:

Le ménestrel sourit, sourire toutefois invisible sous son masque : il compensa donc d'un signe de tête nonchalant. Il ne détestait pas les animaux, loin de là. Il envisageait d'ailleurs de se trouver un compagnon, un jour, afin de rendre ses longues nuits moins solitaires.
Il observa la féline grimper sur son maitre. Wyrm retint de siffler, admiratif d'avoir pu rendre si docile un animal aussi fier et peu sociable... Mais cela n'était pas dans ses habitudes aussi s'en abstint-il. Le stryge se contenta de les observer, un peu rieur.

"C'est toi qui a entièrement inventé cette histoire, où bien est-ce en partie inspiré par quelque chose ?
- En partie invention, en partie vérité. Il s'agit d'une vieille légende qui se raconte d'oreille à oreille... Libre à chacun d'y croire, d'en douter ou de l'accepter entièrement comme une pure invention. Voudriez-vous en savoir plus ?"

Il lui parlait en penchant la tête légèrement, comme à son écoute.
La nuit commençait et le feu continuait de crépiter.

HRP:

La tête du conteur était tournée vers Fang, et son langage corporel n'indiquait pas la moindre forme d'hostilité. Il était difficile de déterminer les émotions de quelqu'un qui portait un masque, mais le jeune loup s'en accommodait sans trop de souci. Il avait rencontré des gens bien plus étranges que le conteur dans sa vie. L'attitude détendue de l'homme l'incita à écouter la curiosité qu'il sentait grandir de plus en plus en lui - à présent que le conteur avait proposé de lui en dire plus, il savait qu'il était piégé. Impossible d'aller se coucher sans avoir plus d'information.

- Ce serait avec un grand plaisir !

Regardant autours de lui, Fang constata que la plupart des voyageurs avaient regagnés leurs tentes à présent, et le besoins de se dégourdir les pattes se fit de nouveau sentir. Ils ne devraient pas courir le moindre risque en se promenant à l’orée du camp si Wyrm était d'accord.

- Que diriez-vous de marcher un peu ?

Le ménestrel lui répondit en se levant et, ayant rangé son luth, il emboîta le pas au jeune homme. Il le regarda sans se cacher : il savait quelque peu qui il était -Wyrm avait évidemment mené son enquête au sujet de tous les voyageurs, enfants compris. Toutefois, il y avait toujours des informations qu'il était impossible à obtenir sans contact direct. Ainsi n'avait-il eu aucune hésitation.
Enfin... Wyrm n'avait pas non plus que cela en esprit : prendre un peu l'air et apprécier le calme du désert la nuit avait ses plaisirs.

Les deux hommes s'éloignèrent alors du campement sans un bruit et rapidement, les chuchotis et crépitements du feu laissèrent place au silence. On ne pouvait entendre qu'un doux vent glacial balayant les dunes... Le stryge resserra les pans de son manteau, fourrant par la même occasion ses mains dans ses poches. Il souffla un nuage de buée.

"Auriez-vous un nom ?" demanda-t-il d'un ton amical.

La question du conteur eut le mérite de stopper Fang net. Pas une seule seconde il ne s'était fait la réflexion qu'il ne s'était effectivement pas présenté ! Le jeune homme se sentit rougir légèrement tendis que la voix de sa mère résonnait dans sa tête, l'enguirlandant joyeusement pour son manque de raisonnement. Il retrouva néanmoins bien vite son sourire, bien que ce dernier soit légèrement gêné.

- Je m'appelle Fang.

Ils étaient à quelques mètres de la bordure du camp désormais, hors de la lumière du feu et de la vue des voyageurs. Le froid se faisait clairement sentir à présent, et Fang abandonna sa bataille contre l'envie de se couvrir de poils. Le conteur semblait être ouvert d'esprit de toutes façons.

- Ne cris pas, d'accord ?

De nouveau, le tutoiement avait fusé, instinctif. N'attendant pas la réponse de l'autre, le jeune homme se transforma en loup, poussant un soupir de soulagement - il avait attendu ce moment toute la journée. Clochette avait été forcée de descendre un peu précipitamment du dos de son maître dans le mouvement et lui cracha dessus avec indignation. Le loup l'ignora avec superbe, secouant avec un bonheur évident sa grosse carcasse poilue avant de se laisser tomber sans la moindre once de grâce sur son séant.
C'est donc assit légèrement de travers et la langue pendant que Fang leva le regard vers Wyrm, attendant que le conteur reprenne son histoire.

Wyrm observa le lycan adopter d'une forme plus animale -au grand dépit de son familier- puis le regarder, attendant qu'il poursuive. Il en fut quelque peu décontenancé. Pouvait-il au moins parler en tant que loup ? Sinon le ménestrel se trouvait dans la gênante situation du monologue... Mais enfin. AU moins avait-il un auditoire, et cela avait toujours sa part de plaisir quand bien même fut-elle composée d'animaux. Il reprit donc.

"La légende raconte que, quelque part dans le désert de harena, l'entrée d'une grotte s'élève. Elle mènerait à un gigantesque réseau de galeries souterraine... Alors que le noir se ferait de plus en plus oppressant et que l'air de plus en plus rare, une porte de lumière se découperait dans les ténèbres... On raconte que certains entendrait des voix en provenir. D'autres une formidable attirance. Tous ressentirait une douce peur. Peut-être celle de l'inconnu, peut-être celle d'une magie mystérieuse.
Quelques uns auraient franchi le pas.
On découvrirait alors un monde de verdure et emplie de créatures étranges, ou bien encore un immense lac paisible... On y verrait des monstres de plus de vingt pieds, des arbres à la cime encore plus haute que celles de la Mazonie, des cris effrayants, une atmosphère tentatrice et trompeuse...
Mais celui qui par peur, se décide à la quitter, serait dans l'incapacité d'y retourner. En effet, il se dit que cette caverne possède mille entrées apparaissant au gré du déplacement des dunes...
On s'accorde donc volontiers sur le fait que ces lieux abritent quelque magie. Mais de quelle forme, c'est bien la question. Un butin, une protection, une malédiction ?

Quoiqu'il en soit, je ne connais personne cependant qui en soit revenu avec toute sa tête et surtout : des preuves. Enfin si elle existe réellement, j'espère y avoir le droit avant ma mort. "