Quelque soit leur nombre, quelque soit ta force, tu ne failleras jamais !
Qu'importe le danger, tu suivras les ordres.
Qu'importe ta peur, imagines celle des citoyens que tu dois protéger.
Qu'importe tes attachements aux autres, ton amour pour ta cité est bien plus important.
Qu'importe la valeur que tu donnes à ta (la) vie, une cité en vaut bien des millions de milliards.
Quelque soit ta situation, tu ne dois jamais laisser nos ennemis pénétrer dans la ville que tu protèges !Ces préceptes, Dougal ne les a jamais oubliés. Ils restent et resteront gravés dans sa mémoire. Son père n'a eut besoin de lui dire qu'une seule fois pour les retenir et en faire son credo.
* ~ * ~ * ~ * ~ *
Monsieur ! Monsieur ! Réveillez-vous !Il grimace et ouvre péniblement ses yeux. Il éprouve des sensations de douleur qui parcourent son dos telles un troupeau de Buffle affolé.
Les paroles qui le sortirent de son sommeil se propageaient de nouveau comme s'il y avait un écho. L'ex-endormi maugréa :
- Ouais, ouais. J'ai bien entendu.
En plissant des yeux il parcouru les alentours comme s'il s'attendait à y trouver une lueur aveuglante. Surpris, il se gratta frénétiquement le derrière du crâne et supposa qu'il devait être très tôt.
Son merveilleux réveil l'affirma comme s'il lisait dans ses pensées :
- Il est encore tôt, le soleil ne se lèvera que dans une heure.
- Je vois... (un bâillement léger mais long lui permit de temporiser, et quelques secondes après il se remit à parler) On est où ?
- On est arrivé monsieur ! Bienvenue à
BaldorHeim !
La cité naine nichée sur les hautes montagnes du Baldor affichait un air triomphant. Non seulement elle était une importante plate-forme commerciale, mais en plus elle était de toute beauté et d'une sécurité (face aux invasions) infaillible. Les lumières des torches illuminaient les remparts comme s'ils prenaient feu. Cette tactique défensive permettait aux défenseurs d'être peu visibles la nuit à cause de la trop forte luisance qui brouillait les capteurs visuels des envahisseurs. Certes cette luminosité donnait des problèmes identiques aux guetteurs qui habitués à la lumière n'arrivaient pas à discerner les ombres irrégulières de la nuit, mais ces guetteurs, appelés aussi "Gardes de la Nuit", étaient entraînés spécialement pour leur poste et pouvaient alors visualiser les alentours comme n'importe quel autre défenseur. Mais la principale force des défenseurs résidait dans l'anonymat et les secrets touchant leur nombre, leur composition, leurs équipements, etc. En effet les personnes ayant connaissance des informations diverses les concernant n'étaient pas des plus nombreuses. Et il semblerait même que les Gardes de la Nuit ne savent pas énormément d'informations non plus. Il était alors impossible de prévoir la puissance défensive de BaldorHeim.
- Vous allez bien ? s'inquiéta le réveil sur pattes.
L'homme fut tiré de ses pensées et cligna des yeux plusieurs fois pour revenir là où il demeurait. C'est-à-dire dans une petite charrette transportant du foin et quelques légumes, dont des carottes. Dormir sur une carotte fait très mal au dos et donne l'impression d'une côte s'est brisée. C'est ce qui avait réveillé le voyageur en plein milieu de la nuit.
- Oui, je vais bien. Merci encore de m'emmener avec vous.
- Oh vous savez, j'ai de la place et c'est agréable d'avoir quelqu'un pendant le voyage. Même si je suis assez déçu que vous ne soyez pas resté longtemps éveillé.
Il s'esclaffa et son compagnon ne pu s'empêcher d'en faire autant avec un peu de retenue.
- Je suis désolé. J'avais un sacré coup d'barre !
- Faut éviter de prendre le large alors !
Une troisième voix avait fait irruption ce qui eut pour but de surprendre le voyageur. Qui se tourna derechef du côté du troisième individu. Il s'agissait d'un homme d'une trentaine d'année, si on pouvait qualifier sa barbe comme critère d'âge, habillé d'une armure de fer et d'un casque en cuir. Il avait placé sur son bras gauche un écu et trottinait à côté de l'
embarcation.
- Ils ont des gardes-côtiers maintenant chez les accompagnateurs de BaldorHeim ?
- Ah je pensais qu'vous n'aviez pas d'humour !
- Ça dépend des fois soldat.
Ceux qu'il appelait accompagnateurs de BaldorHeim étaient en fait une branche de la garnison de BaldorHeim qui accompagnaient les convois lorsqu'ils traversaient la "Palissade du commerce" situé à deux-trois kilomètres des portes de la cité. Cette palissade qui s'érigeait à trois endroits différents (là où la première falaise montrait trois ouvertures en son sein) indiquait le domaine de juridiction de BaldorHeim. Ces trois entrées étaient les seules qui permettaient aux voyageurs de pénétrer dans le fief de BaldorHeim. Elles étaient gardées et tenaient un premier registre quant aux entrées et sorties, un peu comme si la cité naine s'étalait sur tout le domaine.
Le voyageur sentit un air particulièrement froid qui commençait à lui mordiller la peau. Il frissonna et attrapa un manteau de fourrure dans lequel il s’engouffra rapidement. Le garde monté sur un cheval noir ne put s'empêcher de sourire suite à l'action de l'homme, un détail qui n'échappa pas à ce dernier mais qui préféra ignorer.
Lors de leur arrivée devant les portes, le garde leur demanda de patienter quelques instants. Il descendit de cheval et alla trouver le responsable des registres de visites. Il lui expliqua ce qu'il savait des visiteurs et repartit à la palissade où il attendrait de nouveaux voyageurs.
Le scribe s'intéressa d'abord au cocher qui expliqua la raison de sa venue : une simple visite de famille. Il fut contraint de donner les noms et l'adresse de leur maison. Puis lorsqu'il eut fini l'homme de lettres se tourna vers son compagnon.
- Vous êtes...
- Non, l'interrompit l'homme, j'ai juste fait le voyage avec lui. Merci encore pour la ballade !
- Ce fut un plaisir.
- Bon, l'invité peut aller trouver sa famille, quant à nous jeune homme voyons ce qui vous amène à BaldorHeim.
- Bien sûr. Je suis un voyageur comme il y en a tant. Je viens d'un petit village complètement paumé appelé Brav'h.
Le scribe sourcilla à l'écoute de ce nom fort étranger.
- Vous savez comment sont les paysans. Soit ils donnent un nom simple à leur rassemblement, soit ils s'amusent à lui donner un air exotique.
Le vieil homme prit soin de le noter sur ses feuilles avec d'autres informations sûrement inutiles.
- Bien. Reprenez je vous prie.
- J'ai décidé de voyager dès l'âge de 15 ans et je me suis installé à Stellaraë.
- Une bonne raison quant à votre façon de parler. (Il effectua une légère pause avant de marquer d'autres mots sur ses notes) Sinon, j'aimerai bien que vous abrégiez, même s'il n'y a personne derrière vous je n'ai pas toute la matinée !
- Oui, excusez-moi. J'ai récemment eut 20 ans et j'ai décidé de venir à BaldorHeim pour voyager dans les fraiches montagnes de l'Est.
- Elles sont plutôt glaciales. Et sinon je n'ai pas saisi votre nom.
- Très juste, appelez-moi
Mercer !
* ~ * ~ * ~ * ~ *
Trois ans s'étaient écoulés depuis l'arrivée de Mercer à BaldorHeim et malgré son envie de découvrir les montagnes glaciales qui l'entouraient, il resta en ville où il en appris chaque jour un peu plus sur cette ville ainsi que ses us et coutumes. Aujourd'hui, il était temps de faire ce dont il avait besoin de faire. Il s'approcha du poste de recrutement pour la garnison puis sans s'arrêter, ni sans hésiter se fit connaître au-près du gradé en charge du recrutement :
- Bonjour. Je suis Mercer et j'habite dans cette cité depuis trois ans déjà. J'ai beaucoup réfléchi et j'ai essayé d'étudier le plus de choses possibles sur cette ville pour venir un jour vers vous.
Un long silence s'empara des lieux et attendit patiemment la suite du discours du jeune homme.
- Ce jour est arrivé et je souhaite devenir un membre de votre garnison.
Le gradé assit confortablement derrière le bureau caressa sa barbe comme s'il faisait mine de réfléchir. Il bailla et sortit un formulaire entreposé avec d'autres dans une boîte en bois qu'il tendit à la recrue potentielle.
- Vous inscrivez vot'e nom puis vot'e âge et vous l'signez.
L'homme quelque peu grassouillet avait l'air de faire ça toute sa journée et de répéter machinalement sa phrase. Il devait sûrement pas beaucoup se bouger hormis pour recourir à ses besoins naturels (repas, petit coin et le repos nocturne).
Mercer s’exécuta sans broncher puis rendit la feuille au garde qui s'en empara et fit mine de la lire. Satisfait il fut comme imprégné d'énergie, il se leva vigoureusement et demanda à sa recrue de le suivre. Il pressait le pas ce qui ne manqua pas d'étonner le jeune homme.
Ils pénétrèrent dans une pièce où se trouvait un nain occupé à observer certaines choses sur une étrange machine assez fine qui ressemblait à un bras courbé avec la main en haut et tournée vers le plafond. Le petit être semblait regarder à l'intérieur de cette "main" comme s'il avait la faculté d'y voir à travers.
- Professeur, le héla le garde, j'ai un patient pour vous.
- Mouais, posez-le sur la plaque avec les autres.
Mercer fut frapper de stupeur, où le nain voyait-il d'autres recrues ? La salle était bordélique au fond, mais il ne pouvait pas y avoir d'autres recrues. C'était impossible.
- Attendez, vous avez dit patient ?
Le nain abandonna son affaire pour observer les deux individus.
- Ah oui. Excusez-moi le travail déborde ici ! Donc vous venez pour une recrue ! Fort bien. Jeune homme, enlevez votre haut, je vais vous examiner !
- Bien sûr mon Sieur.
- Bwarf ! Pas de ces idioties avec moi, appelez-moi juste "Prof" !
- Bien... euh... Prof.
Mercer s'exécuta et se retrouva torse nu. Le vieux nain plaça des verres sur son nez et tourna autour du jeune patient tout en touchant par-ci et par-là et donnant quelques fois des petits coups à divers endroits clés.
- Bon, c'est pas mal tout ça !
Il attrapa un carnet et nota diverses informations tout en jetant de rapides coups d’œil vers le torse nu de l'humain.
- Nous disions : Jeune être humain d'une vingtaine d'années ; bon bipède ; pas de problèmes concernant les longues marches ou la patience en position tronc ; pas de signe de surpoids ou de sous-poids ; forme athlétique et muscles biceps, pectoraux, abdominaux et quadriceps bien développés ; pas de trace de blessures graves ou profondes ; peau claire : notre ami vient de Stellaraë comme le prouve le volume de son trapuzius / note : nous en parlerons pour l'examen psychologique \ ; pour la tête...
Le nain cette fois observa attentivement le visage de Mercer, sans le toucher. Il se contenta de se déplacer lentement tout autour de son individu d'études en marmonnant des termes que le jeune homme n'arrivait pas à entendre. Il reprit sa dictée :
- Visage fin et élégant : ce jeune a du succès au-près des femmes (note à laquelle Mercer ne put s'empêcher de rougir) ; rien de particulier sur son teint : nous avons un être lambda ; ses cheveux courts et tirant vers le haut sont bruns... Non mais en fait ça ne sert strictement à rien de décrire le visage.
Prof raya frénétiquement les quelques mots qu'il venait d'écrire, il s'était une nouvelle fois trop emporté dans son élan de description. Après tout, qu'il soit blanc ou beige, c'est du pareil au même !
L'être des mines ferma son livret et indiqua à la recrue qu'elle pouvait se rhabiller. Elle lui demanda ensuite de le suivre dans une pièce plus petite et bien plus soignée où l'homme se devait de se décrire physiquement. Mercer, comme tant d'autres, eut du mal à commencer. Que fallait-il dire ? Je suis gentil, sage et respectueux comme on nous l'apprend petit ? Ou fallait-il voir plus profondément en soi. Le nain essaya de le guider :
- Quel est le premier mot qui vous vient à l'esprit ?
- Eh bien... C'est assez complexe...
- J'ai dit
un mot.
- Abyssal.
- Tiens ? Pourquoi donc ?
- Je ne sais pas, c'est venu comme ça ! Je savais qu'il était important alors je l'ai dit.
- Pour quelle raison ?
- Il se trouvait dans le protocole que le garde m'a donné, il me semble en tout cas.
- Ah oui... Je vois en effet. C'est intéressant ce que vous me dites là. Vous semblez très pointilleux sur les détails.
- Vous avez raison. Pour certaines choses, notamment lorsqu'on parle de discipline, je fais très attention à n'importe quel détail. J'ai appris qu'une chose insignifiante pouvait faire énormément parce qu'on ne lui faisait pas attention.
- Des paroles d'un grand soldat.
- En effet mon père était...
Mercer s'interrompit et se sentit stressé. Le nain le regarda avec intérêt, il semblait avoir quelque chose d'important à cacher, quelque chose qui pourrait le discréditer. Était-il un criminel ? Y avait-il un problème avec sa famille ? Le psychologue avait l'intention de percer la coquille de l'humain. En plus le Sergent n'était pas autorisé à pénétrer dans la salle pendant un entretien, c'était très personnel et révélateur.
- Je vous ne prie, continuez donc.
- Mon père était... très attaché à l'armée.
- Pour quelle raison ?
- Son frère... est mort pour... désobéissance !
- Comment ça ?
- Il avait... Ah mais j'en sais rien ! Et puis qu'avez-vous avec toutes ses questions ?
- Vous avez quelque chose à cacher et votre colère, qui n'a pas l'air de se déclencher souvent, vient de le prouver. Je souhaite savoir car voyez-vous si je ne vous connais pas, je ne peux pas savoir si vous êtes aptes pour devenir garde.
- Comment ça ? Je n'ai jamais vu chose pareille !
- Vous avez connaissance du recrutement des gardes de... Stellaraë je présume. Votre père était sûrement garde lui aussi et vous a enseigné beaucoup de choses. Mais vous avez du mal à porter son nom, c'est pour ça que vous êtes venu à BaldorHeim pour devenir garde sans avoir de problèmes avec votre père. Hélas pour vous j'étais affilié à la garnison de Stellaraë avant et lorsque j'ai étudié votre visage j'ai décerné des traits familiers. Vous voyez de qui je veux dire, n'est-ce pas monsieur Keane ?
Mercer n'en revenait pas, ce nain l'avait démasqué et avait lu dans son jeu comme dans un livre. Qu'est-ce qui pouvait l'avoir trahi ? Toujours comme s'il lisait en lui, Prof répondit à sa question :
- La psychologie des hommes n'a pas de secret pour moi, et j'ai un sens du détail très développé. Je n'oublie jamais un visage. Je suis...
- Vous êtes ce fameux nain déchu de ses hautes fonctions dans l'armée parce que vous avez sauvé un enfant, le dernier représentant d'un clan dangereux pour Stellaraë. Vous êtes un stratège hors-pair et arrivez à lire les mouvements d'une armée avant même qu'elle ne soit arrivé.
- Oui, oui. C'était il y a longtemps. Mais revenons à vous, pourquoi le nom de Keane est-il si difficile à porter ?
- Je ne suis malheureusement pas aussi brave que lui, je savais que mes camarades attendraient beaucoup de moi. Je n'ai rien de légendaire.
- Peut-être, mais je décèle en vous du potentiel. Et il serait dommage de ne pas l'utiliser. Dites-moi, quel est votre rêve monsieur Keane ?
- Je vous en prie, appelez-moi Dougal.
- Bien Dougal Keane, quel est votre but ?
- Je veux devenir un soldat meilleur que mon père. Je veux être un
Gardien !