Elle soupira. Pourquoi ? Depuis l'année précédente, l'ambition de ses parents avait pris un autre tournant, bien plus radical. Etait-ce parce qu'à présent, elle était majeure ? Ou qu'ils venaient de se rendre compte qu'un mariage était un moyen efficace de se rapprocher des nobles ? N'avaient-ils pas appris de ce refus d'une grande famille ? Il n'est pas si facile pour de simples bourgeois de gagner un titre... D'autant plus que la principale intéressée, qui n'était évidemment jamais consultée au moment de prendre ces décisions, n'était pas du tout d'accord. Les hommes... Pourquoi ne pas leur ficher la paix, qu'ils la lui fichent aussi ?
Et ce soir ne faisait pas exception. Comment ses parents avaient-ils réussi à obtenir une invitation pour la famille à une soirée de la noblesse, cela restait un mystère. Ils ne lui avaient pas encore parlé du programme, mais elle le connaissait déjà : d'ici quelques minutes, ils lui annonceraient d'un air fier le peu d'informations qu'ils auraient récoltées sur la famille qui accueillait la réception en lui demandant d'aller se trouver un fiancé, n'importe lequel, pourvu que ce soit un homme noble.
Elle soupira de nouveau. Pourquoi obéissait-elle, déjà ? Ils ne perdaient rien pour attendre. Un jour, ils paieraient. Peut-être qu'inconsciemment, elle voulait connaître leurs limites. Mais il lui semblait que justement, ils n'en avaient pas.
- Alba, très chère.
Et voilà, c'était parti. Apparemment, la fille de la famille avait réussi à s'unir à un proche de la royauté. À ce moment précis, Alba aurait adoré avoir des oreilles rétractables pour ne pas entendre la suite.
- Tu devrais aller la voir, lui demander des conseils. Tu sais à quel point il serait bénéfique de suivre son exemple.
- À qui cela bénéficierait-il, exactement ? Vous savez très bien ce que j'en pense. Aucun homme ne me touchera ce soir, d'aucune manière, est-ce bien clair ?
- Et comment espères-tu te faire courtiser ?
- Je ne compte PAS me faire courtiser, faites entrer ça dans votre crâne étriqué !
La fin du trajet la sauva. Elle saisit l'occasion pour sortir immédiatement du carosse et s'enfuir à l'opposé de la direction prise par ses parents.
Evidemment, elle était consciente de l'importance des apparences, elle déguisa donc sa haine en empressement, laissant paraître qu'elle avait quelque chose de très important à faire.
Arpentant les couloirs de la demeure, évitant autant que possible ses parents et les hommes, les saluant poliment lorsqu'elle ne pouvait pas les esquiver sans sembler étrange, elle tomba sur un miroir, et en profita pour arranger coquettement sa coiffure. Après tout, ce n'était pas parce qu'elle ne voulait pas séduire qu'elle n'avait pas le droit de vouloir se plaire à elle-même. Et également, elle savait que les femmes de cette société ne lui permettraient jamais d'avoir l'air "négligée". Elle ne savait pas comment ses parents et elle s'étaient trouvés là, mais une chose était sûre : ils n'y avaient pas leur place. Elle devait donc être irréprochable pour faire croire à tout le monde qu'elle était une invitée légitime. Quelle blague...