Quand la distance nous sépare, regardons les étoiles...:

Les feuilles rouges et dorées craquaient sous les sabots d’Ashaisha tandis qu’elle avançait doucement dans la forêt automnale, vers le sommet d’une colline dénudée. Tahko, son petit chaton noir, trottinait à ses côtés, ses yeux brillants et curieux explorant chaque ombre mouvante. La lumière douce du matin caressait les troncs des arbres sur sa route, et une fine brume dansait encore entre les fougères. Le vent frais d'automne faisait frémir ses oreilles et ses bois, la rappelant à la réalité.

Cela faisait presque une demi-année que Sipi, le vieux minotaure mais aussi son père adoptif, avait disparu sans un mot, laissant derrière lui une absence douloureuse et un vide que la jeune femme ne parvenait pas à combler. Un matin de printemps, alors que l’élaphaure était partie se promener dans les bois pour cueillir quelques herbes fraîches, elle était revenue pour trouver la maison vide. Aucune trace de lutte, aucun message, rien. Comme s’il avait été appelé d’urgence, arraché à sa vie quotidienne. C’était comme si son père adoptif s’était évaporé. Depuis, Ashaisha arpentait les chemins de cette région, espérant trouver des indices, une trace, quelque chose qui lui indiquerait où il avait bien pu aller. L’hybride n’avait cessé de marcher, de chercher, suivant des pistes de plus en plus ténues, s'accrochant au moindre espoir. Et récemment, un peu de lumière était apparue dans ses ténèbres : Tahko, le petit chaton noir qu’elle avait adopté environ un mois plus tôt. Ce dernier avait un instinct hors du commun, et depuis qu’il l’accompagnait, il semblait toujours choisir les bons chemins, comme si le chaton sentait la route à suivre.

Aujourd’hui, la guérisseuse venait d'arriver au sommet d’une colline qui surplombait la vallée, lui offrant une vue dégagée devant elle. Le vent frais portait les parfums de la forêt et du lointain, un mélange de résine et de terre humide, de feuilles fanées et de promesses inaccessibles. L’horizon s’étendait à perte de vue, marquant la frontière floue entre le monde qu’Ashaisha connaissait et celui qu’elle ne faisait que deviner.

- Est-ce qu’il a franchi cette ligne, Tahko ? murmura-t-elle en s’accroupissant pour caresser doucement le chaton.

Tahko, ronronnant sous autant d’amour, leva ses yeux dorés vers elle et miaula doucement avant de fixer l’horizon, ses petites oreilles se dressant. Comme toujours, il semblait voir au-delà de ce qu’elle-même percevait. Ashaisha suivit son regard. Au-delà des collines et des forêts qui s’étendaient sous elle, l’horizon se fondait avec le ciel automnal. Elle sentit une boule se former dans sa gorge. L’idée que Sipi puisse se trouver quelque part là-bas, derrière cet horizon infini, la hantait.

Depuis l'adoption de Tahko, il y avait environ un mois, elle avait trouvé un certain réconfort dans la présence du chaton. Il était arrivé un soir d’orage, miaulant à sa porte, trempé et affamé. D’abord, la jeune femme l’avait soigné, puis il ne l’avait plus quittée. Quelque chose dans ses yeux verts lui rappelait Sipi, cette même étincelle d’intelligence et ce besoin de compagnie discrète.

- Si seulement tu pouvais parler, Tahko… Peut-être que tu saurais me dire où aller, avec ton instinct …

Mais le chaton se contenta de se blottir contre elle, ses petites pattes pétrissant le sol, fixant toujours l’horizon. Ashaisha soupira. Sipi ne lui avait jamais parlé d’un départ, ni d’un projet de voyage. Pourtant, au fond de son cœur, l’élaphaure sentait qu’il n’avait pas été enlevé ou piégé. Non, le vieux minotaure était parti volontairement, pour une raison qu’elle ignorait. Mais, pour lui, la jeune biche avait traversé forêts et rivières, montagnes et vallées, mais l’horizon restait toujours hors d’atteinte. En cet instant, elle se sentit submergée par l’ampleur de ce qu’elle affrontait. Et s’il n’y avait rien là-bas ? Et si le vieux minotaure n’avait jamais voulu être retrouvé ? Peut-être cherchait-il quelque chose de l’autre côté de cet horizon. Peut-être essayait-il de retrouver une partie de son passé, ou même de protéger Ashaisha d’une menace dont elle n’avait pas conscience. Les questions la tourmentaient, mais elle n’avait aucune réponse.

- Allons, Tahko, dit-elle enfin. Nous ne saurons rien en restant ici.

Le chaton miaula, insistant. La biche le prit donc dans ses bras avant de reprendre la route de la maison. Ils descendirent lentement la colline, reprenant leur marche à travers les bois. Chaque fois qu’elle se retrouvait dans une clairière, chaque fois que l’horizon s’ouvrait devant, Ashaisha ne pouvait s’empêcher de s’arrêter, le cœur battant, espérant voir une silhouette familière au loin, ou même un simple signe de son passage.

Peut-être que l’horizon ne lui offrirait aucune réponse immédiate, mais la jeune femme se souvenait de ce que son père lui avait toujours montré : l’importance d’avancer, de ne jamais laisser la peur dicter ses choix. Sipi n’avait pas laissé d’indices, mais l’hybride connaissait son cœur. Et tant qu’elle poursuivrait cette ligne lointaine, tant qu’Ashaisha regarderait au-delà des frontières visibles, il y aurait toujours un chemin. Mais il n’y avait que le silence et l’infini. Un horizon indifférent qui se dérobait sous ses pas, repoussant sans cesse ses espoirs de retrouver son père adoptif. Pourtant, la jeune femme ne pouvait s’empêcher de poursuivre. Le monde semblait s’étendre, vaste et mystérieux, mais l’élaphaure savait qu’elle finirait par retrouver Sipi. L’horizon ne lui servirait pas de barrière. Chaque pas qui était fait, chaque sentier emprunté, la rapprochait un peu plus de lui.

Parce que là, quelque part, au-delà de cette ligne qui sépare le ciel de la terre, le vieux minotaure l’attendait. Et elle était prête à parcourir toutes les distances et à franchir tous les horizons pour le retrouver.

En-cas:

À distance:

Horizon:

Tout ceux qui errent ne sont pas perdus...:

Il existe de nombreuses licornes, en Duralàs. Certaines courantes, comme celles au pelage immaculé que l’on peut parfois observer dans la forêt de Sylfaën ou les lointaines licornes nordiques à la corne de cristal rayonnante. Il existe même des licornes corrompues, errant aux abords du sanctuaire de Félönil. Et, si l'on en croit les rumeurs, il y aurait egalement de terrifiantes licornes cannibales.

Mais il est pourtant rare que l’on parle des licornes cuirassées qui parcourent la savane de Tzengah.
Êtres mystérieux et pacifiques, il est toutefois conseillé à l’aventurier téméraire de ne pas les provoquer. Elles sont en effet bien plus massives que leurs congénères plus classiques, fait encore plus notable lorsque vous êtes la cible de leur charge.

Ce qu’elles ont abandonné de mysticisme, elles l’ont gagné en force. Et leur puissante armure, que de simples lames peinent à entamer, ne fait que renforcer leur dangerosité.

Prudence, donc, avec les licornes cuirassées.

Thème du 31: Repère

Melhyndil a entendu parler d'une invention faite par les technophiles qui permet de se repérer n'importe où, n'importe quand. Ils appellent ça une boussole. Un nom étrange pour un objet assez inutile pour qui a le sens de l'orientation. L'elfe l'a pour sa part, et même sous la canopée touffue empêchant le soleil ou les étoiles de passer, il sait où il se trouve. Bon ça n'a pas toujours été le cas, mais maintenant oui, car il faut savoir élargir ses promenades au fur et à mesure pour ne pas se perdre. Alors s'il est possible de se perdre, peut-être qu'au final, cette invention n'est pas si mal, ou aussi pour ceux, et celles qui se trompent toujours de direction, ne sachant pas se repérer.

Enfin, heureusement qu'on parle bien de repère, et non de repaire, sinon, cet homophone aurait changé totalement la donne sur ce qu'il devait penser. Mais tiens, d'ailleurs, les animaux ne peuvent pas se servir de cette boussole, et pourtant, il n'a jamais vu, ou entendu parler d'un animal qui se soit perdu. Ont-ils un sens de l'orientation sur-développé, ou des repères invisibles pour les humanoïdes ?

Que de bonnes questions, sans réponses, ou peut-être bien plus tard.