Axe fut réveillée par une sensation d'étouffement. Elle était oppressée par un poids tiède qui immobilisait la partie inférieure de son corps. Elle ouvrit les yeux et se découvrit à moitié écrasée par un ours, dont elle comprit, à la morsure béante qu'il portait à la gorge, qu'il avait dû s'effondrer sur elle alors qu'elle le combattait sous sa forme de loup, l'assommant au passage. Elle se tortilla pour se dégager de la masse inerte de l'animal et s'assit à côté de lui.

Ils se trouvaient au bord d'un ruisseau, non loin d'un bois isolé autour duquel s'étendaient de vastes plaines - les plaines d'Aràn, qu'elle reconnut tout de suite car elle y avait souvent chassé.
Bien entendu, elle était nue. Ce fut en essayant de se souvenir de l'endroit où elle avait pu laisser ses affaires qu'elle se rendit compte qu'elle n'avait plus aucun souvenir de sa nuit, ni d'ailleurs de la raison de sa présence dans cette région où elle n'avait plus d'occupations depuis longtemps. La lycanthrope tenta de se rappeler du moment où elle s'était transformée, sans plus de succès, mais ne s'inquiéta pas tellement : ce n'était pas la première fois qu'elle était déboussolée en reprenant sa forme humaine à la suite d'une pleine lune - en tout cas elle supposait que c'était de ça qu'il s'agissait.

Elle se pencha au-dessus du ruisseau pour se passer de l'eau fraîche sur le visage et sur les bras -ils étaient couverts de sang- et fut surprise par la longueur de ses cheveux, qui lui descendaient jusqu'au bas du dos. Elle fronça les sourcils.


Dans Le logis du Chasseur régnait la même ambiance chaleureuse qu'à l'accoutumée, et les discussions s'interrompirent à peine lorsqu'Axe fit son entrée dans la salle commune, vêtue uniquement de la peau de l'ours. Il avait fallu qu'elle se creuse la tête et qu'elle marche assez longtemps dans les plaines froides pour trouver le bâtiment, situé aux abords de Kastalinn, mais craignait moins l'accueil de ses clients que celui des habitants d'un petit village, la solidarité des chasseurs du nord étant ce qu'elle était.

Elle se dirigea jusqu'au comptoir d'un pas raide et prit un tabouret. Le tavernier lui jeta un œillade et avisa sa mine sombre. Sur le trajet, elle s'était souvenue des circonstances de sa transformation et cela l'avait mise dans une humeur noire. Une attitude qui ne dépareillait pas avec son accoutrement, ses longs cheveux noirs hirsutes, sa peau sale et ses yeux rouges.
- Qu'est-ce que ce sera ?
- Rien, je peux pas payer, répondit Axe avec une voix éraillée. Tu connais quelqu'un qui me prendrait cette peau pour cinquante pièces d'or ?
Bien qu'elle fût assez grande pour couvrir la jeune femme des épaules aux chevilles, elle ne valait pas plus car Axe avait dû dépecer l'animal avec ses propres griffes. La tavernier désigna une table du menton, vers laquelle Axe jeta un œil pour repérer le visage de ses occupants, puis se retourna vers ses bouteilles. Il tendit la main vers les cidres, se ravisa, opta pour un hydromel fort à base de châtaigne et en servit un petit verre à l'arrivante.
- Tu me paieras quand tu auras vendu ta peau.
Axe eut un hochement de tête reconnaissant et porta le verre à ses lèvres, où elle prit une petit gorgée.
- On est quelle date, aujourd'hui ?
- Dernier jour de la première semaine d'automne, répondit le tavernier, qui décida de se servir un verre également.
La jeune femme fit tourner l'hydromel dans son verre. Ses derniers souvenirs humains remontaient à la fin du printemps, il lui manquait plus de deux mois. Ça n'expliquait pas ses cheveux.
- Automne de quelle année ?
Sans même relever les yeux sur elle, le tavernier, ayant l'habitude de ce genre d’ermites des steppes, répondit :
- Nous somme en l'an 811 du cinquième Âge. À la tienne !

Le sang ne fit qu'un tour dans les veines d'Axe. Ses derniers souvenirs humains remontaient à la fin du printemps...809. Après, ce n'était plus que le flot de sensations de la bête qu'elle avait été, qui n'avait pas une notion du temps se mesurant en années. Pendant tout ce temps, elle n'avait donc pas songé à reprendre forme humaine ? Voilà pourquoi elle avait la même voix que les prisonniers de Lédéhi qui avaient passé des années sans parler à personne, une difficulté bizarre à reprendre une station bipède et les cheveux jusqu'aux fesses.
Deux ans auparavant, à la suite d'événements qui lui avaient donné des idées noires, elle avait laissé ses armes et son argent à Lédéhi et était allée se changer en loup dans les grandes forêts de l'Est pour se défouler. Elle comptait vivre en animal quelques jours pour oublier sa peine, et s'était manifestement oubliée tout court. Son esprit fit le tour des affaires qu'elle avait laissées en plan.

Dans un monde rempli de merveilles et d'étrangetés comme Dùralas, il existe une bonne quantité de jurons assez originaux et Axe pouvait se flatter d'en connaître la plupart. Mais, à moitié à poil dans une taverne dans laquelle elle n'avait pas mis les pieds depuis des années, certaine d'être séparée de toutes ses possessions par un désert inhospitalier et n'ayant aucune idée de ce qui avait pu advenir, en deux ans, de la faction dont elle avait juré de prendre la tête, la seule chose qui lui vint fut :

- Oh, putain.

Les astres célestes s'amusaient à danser au-dessus d'un fleuve d'or pur, il serpentait tranquillement, tout au-dessous des milliers d'étoiles dans le ciel. Le râle d'une dragonne résonnait dans la nuit noire tandis que son visage apparut clairement devant ses mirettes azurées. La louve semblait parsemée d'une nuée de paillettes dans le souvenir aqueux de son esprit. Et alors qu'elle rêvait à cette fugace rencontre, la fille de la Lune se réveillait.


Pourquoi maintenant ? Cela faisait bien longtemps que je n'avais plus rêvé de cette nuit. Peut-être un temps avais-je espéré sentir de nouveau les fragrances douces, qu'elle dégageait alors, enrobée par différents arômes fabuleux... Mais le monde était si vaste qu'il aurait été improbable que cela n'arrive. Et puis mes souvenirs étaient devenus par le temps, bien moins précis. Si bien qu'arrivé un moment, j'avais fini par croire que ça n'avait été qu'un rêve. Que mon esprit envoûté par les vapeurs psychotiques que la dragonne dégageait, avait fait naître en mon âme une illusion curieuse dont je n'avais pas réussi à me défaire. Car après tout, il ne, c'était rien passé, cette nuit-là. Sous les milliers d'étoiles qui parsemaient le ciel, et qui couvaient chaleureusement une rivière d'or.

Mais alors que j'entrais pour la première fois depuis des années dans la très grande ville de Kastalinn, et que mes pas me menèrent pour affaire vers le logis du chasseur. Mon cœur rata un battement.
Mon esprit n'avait pas tant oublié que ça, et cette fragrance qui m'avait marqué dès la première fois, emplit mes narines sensibles. Mon flair n'aurait jamais pu me tromper. Un loup oublie rarement une odeur.

Alors à l'entrée de la grande salle, celle-ci parsemée de tables occupées par des gens venus là pour se restaurer, je restais paralysée. Car alors que je la voyais, j'ignorais si je devais l'aborder. Cet instant ne l'avait certainement pas marqué, il n'avait certainement pas hanté ses nuits, se demandant qui j'étais et pourquoi les astres brillaient tant autour de moi. Non, cette nuit-là, où la Lune avait transcendé les cieux, où Holy avait vue une dragonne et une louve pour la première fois. N'avait marqué, que moi, j'en étais persuadée.

Pourtant elle semblait avoir besoin d'aide. Serait-ce un prétexte suffisant pour pouvoir lui parler ? Pour entendre le son de sa voix ? Pour comprendre ce qui m'obnubilait tant, chez elle ? Pourquoi étais-je venue jusqu'ici, à cet instant précis, si ce n'était pas pour ça, au final ? Partagée entre envie et crainte, l'hésitation brouillait ce qui me restait de lucidité.

Mais au moment où je pris une décision, que je fis un pas en avant vers elle, je remarquais qu'à peine qu'Urua été déjà arrivé. Ma venue était en partit de son fait, peut-être était-ce lui, l'instigateur inconscient de l'alignement parfait des planètes. Il se dirigea vers elle. Et je finis par me figer. Jamais je n'oserais parler.
Sous mon armure en écaille de cuir ébène et azur, je restais planté là, penaude. Ma longue chevelure argentée était tressée sur ma tête, ma peau d'albâtre n'aurait jamais pu être plus pâle qu'à cet instant.
L'ocarinharpe vibrait d'étranges ondes magiques, bien au chaud rangé dans l'étui en bois pendu à mon dos. Et Lune, ma compagne de toujours, était perchée sous forme de merle noir sur mon épaule.

Axe se tenait la tête entre les mains quand une grande présence s'assit sur le tabouret voisin dans un grincement, la tirant de ses ruminations. Elle releva les yeux dans sa direction.
- Le bonsoir Dame. Seriez-vous en besoin d'assistance ? Vous avez l'air bien secouée.
C'était un löwen vêtu d'une armure impressionnante. Il précisa au patron qu'il prendrait en charge tout ce qu'Axe consommerait. Elle ne répondit pas, se contentant de l'étudier.

Son allure lui disait quelque chose. C'était quelqu'un d'important, ça se voyait à son équipement et à la manière dont il bougeait.
- J'ai connu mieux, admit-elle. Ne le prenez pas mal, mais je préfère régler ma note moi-même.

Visiblement, l'homme-lion était un paladin, et même un grand paladin, ce qui voulait dire qu'en dehors de cette taverne ils avaient plus de chances de se retrouver face-à-face que dans le même camp dans presque n'importe quel conflit. Même dans sa position, Axe avait trop de fierté pour accepter son argent. En revanche, il était probablement bien renseigné sur les actualités du continent et elle avait besoin de savoir comment les choses avaient évolué pendant...eh bien, pendant les deux ans qu'elle avait passés à courir après les chevranes dans les montagnes de Baldor'Heim.
Elle se détendit sur son tabouret, prit une gorgée d'hydromel et tâcha de prendre un air plus amical.

- Si vous tenez à m'aider, vous pouvez me dire quelles sont les dernières nouvelles du Sud.
En évitant de s'expliquer sur sa situation ou d'engager des présentations, elle espérait avoir réussi à dissuader le löwen de poser plus de questions.

Soudain, elle prit conscience qu'elle se sentait observée. Elle jeta un oeil par-dessus son épaule et repéra une belle femme toute blanche avec une armure sombre qui se tenait debout près de la porte. Sa présence magnétique et son allure altière contrastaient avec l'impression qu'elle donnait de ne pas savoir où se mettre. Il était clair que ses yeux étaient rivés sur Axe.

...Hé mais, c'était Holy. L'amie de Styx.

Axe s'excusa d'une main auprès du löwen pour cette interruption dans leur discussion et, doutant du fait que la lycanthrope l'avait reconnue à cause de son attitude indécise, jeta de sa voix éraillée :

- Holy ? ...Tu me remets ?

La réponse mit un moment à arriver. La jeune femme étudiait le Löwen de haut en bas, scrutant tous les détails de son physique et de son armure. Elle ne devait pas avoir beaucoup vu de représentants de cette race aussi loin dans le Nord et sûrement pas un spécimen comme Urua. L'affaire intriguait ce dernier, commençant à être connu dans quasiment toutes les parties de Dùralas, il était étrange qu'elle n'ait pas, ne serait-ce, qu'entendu parler de lui. Elle lui signifia poliment qu'elle préférait régler sa note elle-même. Encore un fait étonnant au vu de sa condition qui ne respirait pas la fortune mais il comprenait que certaines personnes aient du mal à accepter la générosité, la prenant parfois pour de la charité.

- Si vous tenez à m'aider, vous pouvez me dire quelles sont les dernières nouvelles du Sud.

Le ton s'était radouci. On sentait l'effort, aussi Urua arbora un sourire bienveillant, essayant de lui signifier qu'elle n'avait rien à craindre. Malgré son apparence féroce et colossale, il n'en était pas moins une personne sur qui on pouvait compter. Mais avant même qu'il ne puisse se lancer dans un exposé des dernières nouvelles, alors qu'il prenait sa respiration pour entamer une tirade des dernières nouvelles, il sentit un arôme qu'il ne connaissait que trop bien. Au même moment, la jeune inconnue se tourna vers la porte et son visage s'illumina. Elle avait reconnu celle qu'Urua avait humé. Holy venait d'entrer dans la taverne. Le cherchait-elle ? Était-elle venue par hasard ? Qu'importait, il semblait que les deux femmes se connaissaient, ou du moins se reconnaissaient.

- Holy ? ...Tu me remets ?

Effectivement, elles se connaissaient. Le mystère s'épaississait et Urua se prenait au jeu de l'enquête palpitante qui se déroulait sous ses yeux. Il croisa les bras, s'adossa au comptoir et darda son regard fauve sur son amie, attendant avec impatience la réaction de sa consœur à l'interjection de la jeune femme de la taverne. Il finirait bien par découvrir de qui il s'agissait, comment les deux se connaissaient et ce qui l'avait amené à se retrouver presque nue dans une des parties les plus froides du continent. En silence, il attendit et observa.

Indécise, je ne savais pas si partir ou rester... Après tout, je pouvais très bien revenir plus tard ? Étant passée maître dans l'art de la fuite, j'ai failli tourner les talons. Mais la louve remarqua ma présence et mon cœur rata un battement lorsqu'elle héla mon nom.

Axe... Je lui rendis un sourire chaleureux, reprenant quelques couleurs tout en m'approchant du comptoir. J'en profitais pour la détailler un peu plus.

"J'ignore ce qu'il t'est arrivé, et pour l'instant, j'ai pas particulièrement envie de le savoir, mais tu ressembles vraiment à rien." Lui lançais-je affectueusement comme pique amicale.

Et puis je pris un peu de la peau d'ours entre mon pouce et mon index, l'observant méticuleusement de l'œil experte de la tailleuse que j'étais.

"Elle ne vaut pas grand-chose... Peut-être que je pourrais en faire des coussins, si j'arrive à esquiver les entailles dans le cuir. En-tout-cas, tu t'en ai pas si mal sortit pour la dépecer. Je voyais clairement les coups de griffes dont elle s'était servi. Peut importe d'où elle venait, elle avait fait ça par nécessité. Je lui jetais un petit coup d'œil rapide, inquiet, les sourcils froncés, avant de reprendre en gardant pour moi mes observations. Je veux bien te l'acheter cinquante pièces d'or. Et j'ai des habits propres dans les sacs de selle de mon cheval. Je peux te les passer, et je les déduirais du prix de la peau."

J'avais parlé d'un ton se voulant neutre avant de lui sourire de nouveau. Elle ne cherchait pas la charité, et je ne comptais pas la lui donner, car je connaissais la fierté qui la soulignait d'ordinaire. La tenue dans laquelle je l'avais connue était loin de ressemblait à ça. De plus, j'avais cette étrange impression de la connaître depuis longtemps, qu'elle m'avait manqué... Elle s'était souvenue de moi, et c'est tout ce que j'avais pu espérer. Peut-être était-ce pour cela que j'étais si familière avec elle.
Alors je sortis une petite bourse en cuir de ma besace, y prenant une poignée de pièces d'or que je lui tendis.

Un instant, mon regard se porta vers le lowen qui c'était mit en retrait, certainement curieux de remarquer que nous nous connaissions déjà. "Bonjour, Urua." Dis-je finalement, avant de reporter mon attention vers la louve, à cet instant, rien d'autre ne semblait plus avoir d'importance.
Nous pourrions discuter plus tard de ce qui m'amenait ici au départ. Rien ne pressait, après tout.

Quand elle entendit Axe héler son nom, l'hésitation d'Holy sembla prendre fin et elle approcha avec un grand sourire. Ses yeux passèrent sur la louve et sa peau d'ours.

- J'ignore ce qu'il t'es arrivé, et pour l'instant, j'ai pas particulièrement envie de le savoir, mais tu ressembles vraiment à rien.

- Hmpf, fit Axe. Pas très classe d'attaquer sur le physique quand on a l'air d'avoir été taillée dans un morceau de lune et qu'on a eu accès à un bain dans les dernières vingt-quatre heures. L'effronterie de la fille la surprit, mais elle lui rendit un sourire amusé.
Holy, qui l'avait définitivement reconnue donc, fit ensuite mine de s'intéresser à sa peau d'ours.

- Elle ne vaut pas grand-chose... Peut-être que je pourrais en faire des coussins, si j'arrive à esquiver les entailles dans le cuir. En-tout-cas, tu t'en est pas si mal sortie pour la dépecer. Elle s'interrompit et son visage se rida un peu. Je veux bien te l'acheter cinquante pièces d'or. Et j'ai des habits propres dans les sacs de selle de mon cheval. Je peux te les passer, et je les déduirais du prix de la peau.

Axe remarqua que l'aura de la jeune femme avait bien changé. Elle faisait crépiter l'air de magie. À un niveau à peine sensible pour un humain, bien entendu.
Elle se concentra de nouveau sur le cours des événement lorsqu'Holy lui tendit une main pleine de pièces d'or.
Bon. Elle n'aurait rien eu contre quelques minutes supplémentaires à broyer du noir seule au-dessus d'un verre d'hydromel, mais le destin en avait décidé autrement, il fallait donc prendre les devants. Axe termina rapidement son verre tandis qu'Holy saluait le löwen avec un nom qui ne lui disait rien, puis elle se retourna vers la magicienne et saisit la poignée d'or qu'elle lui tendait en lui lançant un regard entendu.

- Marché conclu. Je vais la garder jusqu'à ce que nous allions chercher les habits, si ça ne te dérange pas.

Murmures déçus dans la salle.

La lycanthrope se tourna vers le comptoir et demanda au tavernier :
- Vous avez une arrière-salle ?
L'homme hocha la tête, essuyant un verre en essayant de prendre un air détaché sans parvenir à dissimuler l'étincelle amusée dans ses yeux.
- Ce sera plus commode pour discuter, lança Axe à Holy et Urua avant de se retourner vers le tavernier et de balancer une partie des pièces d'or sur le comptoir. Une bassine d'eau chaude, la venaison du jour et à boire pour nous trois.
Le tavernier hocha la tête, récupéra les pièces et indiqua l'entrée de l'arrière-salle d'un geste d'un bras :
- C'est par là.

Axe avait eu de la chance, Holy n'avait pas mentionné son identité immédiatement. Hors la chose viendrait forcément sur le tapis et elle préférait que l'information ne soit pas lâchée dans la salle commune de la taverne la plus notable du nord.
Reprenant du poil de la bête, la louve sauta de son tabouret et drapa la peau de l'ours par-dessus son épaule comme une cape. Elle lâcha un juron de charretier en se souvenant que ses muscles étaient raides, et marcha d'un pas moins énergique vers la porte ornée d'une mâchoire de wyvern. En la poussant, elle se tourna vers ses deux compagnons.

- Alors comme ça, vous vous connaissez, vous deux ?

Les deux demoiselles se mirent à discuter entre elles comme si Urua n'existait pas. Il avait perdu l'habitude d'être invisible à ce point. N'étant pas sûr d'apprécier, il tint néanmoins sa langue, gardant ses remarques pour lui-même, les laissant commercer et discuter de l'accoutrement de l'inconnue. Urua n'était pas au courant des compétences de cousette de Holy. Il en apprenait tous les jours sur cette femme étonnante.

"Bonjour, Urua."

Enfin, elle sembla se rendre compte qu'il était présent. Ou tout du moins qu'elle avait oublié toute politesse élémentaire. Le Löwen inclina la tête, ne bougeant pas de sa position et observant toujours la situation se dérouler. Il était surtout curieux de découvrir où cette rencontre allait. Il saurait tôt ou tard qui elle pouvait être et comment les deux femmes se connaissaient.

Le moment ne tarderait pas à arriver. La jeune femme à la peau d'ours avait demandé au tavernier un endroit discret où parler et de quoi boire et manger. C'était une idée de génie, Urua n'avait pas encore mangé et son estomac était, de notoriété publique, sans fond. Une fois arrivés, le Löwen s'installa sur une chaise autour d'une table solide en bois massif et resta dans une posture moins en retrait mais toujours attentive.

- Alors comme ça, vous vous connaissez, vous deux ?

- Oui, Holy est une bonne amie et une sœur d'armes dans plusieurs organisations. Et vous ? D'où vous connaissez-vous ?

La curiosité était plus forte qu'Urua. Il avait pris sur lui de répondre en premier à l'interrogation tout en plaçant la sienne. Les présentations devraient intervenir tôt ou tard. Autant qu'elles soient expédiées rapidement.

Elle accepta mon or sans discuter alors que je souriais toujours chaleureusement.

"Évidemment" Répondis-je amusée.

Est-ce que j'évitais délibérément tout contact visuel avec le lowen, jouant nerveusement avec mes doigts tandis que Axe discutait avec le tavernier en finissant son verre ? Sûrement... Je ne me rendais pas compte de ces petits tics qui m'habitaient lorsque j'étais nerveuse. Ce que j'avais à lui dire était important, et ce n'était clairement pas le bon moment.
Aussi, je bénis au nom de la Lune l'instant où nous sommes partis nous isoler du reste de la grande salle. Avant de partir, j'ai glissé à l'aubergiste.

"Faites amener mes bagages, et amener ma jument blanche aux écuries. Bouchonnez là après l'avoir descellé, je risque de rester plus longtemps que prévu, vous serez mignon." Et puis alors qu'il acquiesçait, se préparant à envoyer un de ses employés s'occuper d'Aurora, je lui glissais une nouvelle fournée de piécettes dans la main, avant de me décider à suivre le groupe.

Lune l'oiseau a la robe corbeau s'envola, se perchant sur une poutre qui supportait la charpente de la petite pièce chaleureuse.
Quelqu'un avait pris soin de ranimer le feu brûlant dans l'âtre d'une cheminée de pierre. Et deux gringalets ne tardèrent pas à venir déposer une bassine d'eau fumante derrière un paravent qui séparait la pièce en deux. À croire qu'ils étaient préparés à recevoir des voyageurs ayant besoin d'un bain, à chaque instant.

"Combien de temps as-tu passé sous ta forme lupine ?" Lui demandais-je, inquiète de la voir se mouvoir avec difficulté. Mise à part l'odeur, certains signes ne trompait pas quant à un état de post transformation. Une fois mon grand sac apporté dans l'arrière-salle, j'en sortis une fiole remplie d'un liquide pourpre. Je le tendis à la louve.

"Du jus de bais, avec quelques ingrédients un peu particulier. Ça va t'aider à retrouver des membres fonctionnels..."

J'ai ensuite déposé l'ocarinharpe au sol, l'étui résonnant d'un bruyant "shtong" à son contact. Et puis j'ai sorti quelques habits, de bonnes factures à première vue, que j'ai déposées sur la table avant de m'asseoir à mon tour. J'écoutais Urua répondre à la question et ma gêne ressurgit. Peut-être n'avait-il pas encore remarqué l'absence du cerf bondissant que j'arborais habituellement sur mon armure de cuir ? Cependant il n'entra pas dans les détails, et je ne m'en formalisais pas, peut-être ne voulait-il pas confier ce genre d'information à une inconnue ? J'hochais simplement la tête, avant d'assimiler sa question.

"Eh bien... Je dirais que c'est grâce à un ami, que nous avons en commun." Répondis-je sincèrement, n'ayant que peu de souvenirs de cette folle soirée. Et puis je me fis plus discrète car après tout, nous ne nous connaissions pas vraiment, elle et moi. Alors pourquoi avais je ce sentiment de bonheur à l'idée de me retrouver dans la même pièce qu'elle, de la même manière que je me serais sentie à la retrouver d'une vieille amie perdue de vue depuis longtemps... Pour le reste, je laissais à Axe le soin de répondre, de se présenter si elle le souhaiter, de raconter ce dont elle se souvenait.
J'en profitais simplement pour piquer un morceau de jambon dans une assiette, grignotant dans le but de calmer mon estomac affamé.

Axe passa un oeil approbateur sur la petite salle qu'elle découvrit derrière la porte, où se trouvaient une belle table en sapin, une cheminée allumée et un paravent. L'oiseau noir d'Holy voleta jusqu'à la charpente du plafond, couverte de motifs nordiques. Soudain, la magicienne, qui était restée en arrière pour régler quelque-chose au comptoir, fut à ses côtés et lui glissa :
- Combien de temps as-tu passé sous ta forme lupine ?
Axe déglutit, partagée entre la prudence et l'embarras. Son silence répondit pour elle puisque qu'Holy, à qui on avait apporté ses affaires, lui mit dans la main une fiole contenant un remède pour ses membres endoloris. Elle la remercia de la tête.

Pendant qu'ils s'installaient, le löwen, Urua, lui répondit qu'Holy et elle étaient amis et compagnons d'armes. Savoir qu'il avait la confiance de la jeune magicienne réchauffa un peu ses sentiments à son égard. Il demanda, à son tour, comment Holy et Axe se connaissaient.

- Eh bien...je dirais que c'est grâce à un ami, que nous avons en commun.

Axe fut surprise de la réserve d'Holy. Avait-elle honte d'avouer ses fréquentations devant Urua ? La louve réfléchit et se dit que c'était peut-être la raison pour laquelle elle avait hésité à venir la voir, dans la grande salle. Depuis le début de l'échange, elle semblait gênée, et particulièrement à l'égard de son ami depuis qu'ils étaient en privé.
Elle déposa sur la table les pièces d'or qu'elle avait gardées -juste assez pour acheter un couteau : une vieille habitude-, saisit les habits que la belle jeune femme avait sortis de son sac et alla les jeter sur le paravent, derrière lequel deux garçons avaient déposé un bassine fumante. Elle passa de l'autre côté des volets de papier, tira un tabouret jusqu'à elle, s'assit et plongea le bras dans l'eau pour la remuer. Un frisson remonta son bras, lui arrachant un soupir de contentement, et elle se rendit compte que, jusqu'ici, elle avait eu très froid.

- Nous nous sommes rencontrées à une fête dans le massif de Spelunca, répondit-elle finalement au  pauvre Urua qui jusqu'ici n'avait pas réussi à obtenir de réponses bien concrètes. Tu en as peut-être entendu parler, c'est le roi Sobek qui l'avait organisée pour essayer d'appeler un dragon. Il a réussi, d'ailleurs, même si ça n'a pas duré très longtemps. L'événement a réuni un grand nombre de vampires et de lycans dont Holy et moi faisions partie. Je crois que nous ne nous sommes pas beaucoup revues, depuis.

Tout en parlant, elle avait fini par retirer sa peau d'ours, qu'elle avait balancée sur un siège un peu plus loin, et était rentrée dans le bac avec une grimace car ses pieds nus ayant parcouru la toundra glacée l'avaient brûlée au contact de l'eau.

Elle marqua une pause pour saisir un broc de métal qui avait été déposé près de la bassine, le remplir d'eau chaude et se le verser sur la tête. Puis elle s'assit, rabattit en arrière les cheveux qui s'étaient collés sur son visage et saisit la fiole d'Holy. Elle la déboucha, la huma et la porta à la lumière du feu pour étudier sa couleur. Méfiante, elle finit par la reboucher et la poser sur la tabouret avec le broc.
Enfin, elle tira un bout du paravent, juste assez pour pouvoir voir les deux autres et qu'ils puissent eux-même voir sa tête.

- Je m'appelle Axe, au fait. Quelles sont ces organisations pour lesquelles vous travaillez tous les deux ?

La réponse d'Holy ne se fit pas attendre. Urua allait finalement comprendre ce qu'il se passait dans cette arrière-salle modeste. Elle semblait toute fois mal à l'aise. Se méfiait-elle de la jeune femme ou de son ami Löwen ? Dans les deux cas, quelque chose de louche se tramait. Holy avait toujours été assez confiante. Il faudrait qu'Urua soit vigilant.

- Eh bien...je dirais que c'est grâce à un ami, que nous avons en commun.

Encore une réponse vague. Il ne pouvait pas vraiment lui en vouloir, lui aussi avait répondu sans donner trop d'informations. Le but était de faire parler les autres quand on voulait des informations. Toutefois, il constatait qu'Holy aussi pouvait jouer à ce jeu. Le but maintenant serait de faire parler l'inconnue. Si elle avait été isolée de la société pendant un moment, elle aurait certainement besoin de parler.

- Nous nous sommes rencontrées à une fête dans le massif de Spelunca. Tu en as peut-être entendu parler, c'est le roi Sobek qui l'avait organisée pour essayer d'appeler un dragon. Il a réussi, d'ailleurs, même si ça n'a pas duré très longtemps. L'événement a réuni un grand nombre de vampires et de lycans dont Holy et moi faisions partie. Je crois que nous ne nous sommes pas beaucoup revues, depuis.

Ah ça, il en avait entendu parler de cette "fête". Invoquer un dragon qui pouvait potentiellement tuer tout le monde présent et ravager toute la région simplement pour son propre ego, on ne faisait pas mieux. À la prononciation du nom de leur ami commun, Urua glissa un regard noir en direction d'Holy. Ce n'était pas un secret qu'il n'appréciait que moyennement le seigneur vampire des monts de Spelunca. Entre les doutes sur son appartenance à une organisation plus que douteuse et ses tentatives d'hégémonies sur les massifs, le courant ne passerait pas s'ils se croisaient. Le fait qu'Holy puisse être amie avec un tel individu le dépassait.

Le regard dura le temps du silence que la jeune femme observa le temps de se laver, d'après les bruits d'eau qu'ils pouvaient entendre. Puis, elle passa la tête derrière le paravent que les garçons de taverne avaient galamment placé entre la bassine fumante et la salle pour préserver l'intimité de celle qui avait visiblement bien besoin d'un bain et qui en profitait allègrement.

- Je m'appelle Axe, au fait. Quelles sont ces organisations pour lesquelles vous travaillez tous les deux ?

Un froncement presque imperceptible des sourcils apparut sur le front d'Urua. Il avait déjà entendu ce nom. Depuis qu'il avait intégré les Dragonniers, il voyait ce nom sur des papiers importants mais ne l'avait pas entendu dans les bouches des aventuriers de Dùralas depuis longtemps. Il s'était dit qu'elle était probablement disparue ou introuvable. Était-ce un nom si commun que deux personnes puissent le porter ? Était-ce la même personne qui refaisait surface ? Une seule manière d'en avoir le cœur net.

- Charmé Axe. Je suis Urua, Seigneur Sylvestre de la Garde Zéphyr dans laquelle Holy occupe une place prépondérante. Nous faisons aussi partie des Dragonniers, je ne sais si vous les connaissez.

Les yeux fauves d'Urua ne quittaient pas le visage qui se détendait progressivement sous l'effet de l'eau chaude à la recherche de réactions à sa déclaration. Le moindre tremblement, la moindre crispation le renseignerait sur ses interrogations infinies de cette soirée.

Je soutins le regard noir que le lowen me lança sans sourciller, laissant Axe parler sans l'interrompre. Je me doutais qu'il réagirait comme ça, mais pourtant, je ne pus réprimer un profond soupir agacé. J'étais restée en retrait durant leur échange et Urua prit une mine pensive à l'évocation du nom de mon amie.
La connaissait-il finalement ? Si c'était le cas alors il ne dit rien, répondant plutôt à sa question. Ce jeu de questions, réponses à demi-mot dont il savait user jouait difficilement sur ma patience. Sa Présence naturelle était écrasante et son aura en disait long sur ses pensées, sans qu’il ne dise rien. Ressentir la solidité de son être auprès de moi était un trait que j’appréciais particulièrement chez le lowen en temps normal, il était l’une des rares personnes à pouvoir encaisser sans problème les écarts explosifs dont je pouvais faire preuve. Il me rassurait.

Mais pas aujourd’hui, car je devais le confronter en sachant que je n’avais pas la force nécessaire pour y arriver. Je me suis levée brusquement, ma nervosité était telle que je ne tenais plus en place. Lune était venue se poser sur mon épaule, et dans un fin brouillard bleutée, elle prit l'apparence d'une petite souris. Traduisant parfaitement les émotions qui transpiraient de mon âme à cet instant.

« A ce propos... Commençais-je tandis que mon regard passa de l'un à l'autre. Après tout qu'importe qu'elle soit au courant aussi. Peut-être sa présence lycanthrope me donnerait le courage nécessaire pour aller au bout de mon annonce. C'est pour ça que je suis là aujourd'hui, Urua... Je ne pouvais me taire plus longtemps. En parlant, le seigneur sylvestre m'avait mise au pied du mur, sans même s’en rendre compte... Urua... Je voulais que tu sois le premier au courant, c'est pour ça que je suis venue jusqu'ici. Tu connais ma très faible affection pour Kastalinn... Je ne m’y serais pas arrêté si ça n'avait pas été pour quelque chose d'important... j'étais partie vers Sylfaen mais quand j'ai appris que tu étais ici, j'ai changé d'itinéraire... »

De douloureux souvenirs tendaient à refaire surface entre les étroites rues pavées et terriblement humaines de la ville du nord. Peu savaient exactement ce que j’y avais vécu mais il n’était pas difficile de deviner que je ne la portais pas dans mon cœur. Le peu de temps passé auprès des dragonniers m’avait légèrement réconcilié avec la région. Mais je n’avais pas eu l’occasion de m’investir plus dans la guilde, aussi ce point-là évoqué par Urua ne me semblait pas si important, je me suis même demandé pourquoi il en avait fait mention…
Je ne savais plus vraiment où me mettre, craignant sa réaction plus que tout. Serait-il plutôt énervé ou déçu lorsqu’il saura ? Dans les deux cas, cela me briserait le cœur. Car il y avait des chances pour qu’il ne comprenne pas. Pour qu’il ne me soutienne pas. Et je le perdrais.
Alors que j'avais fait quelques pas nerveux autour de la table, laissant le temps à Axe de profiter un peu plus de l’eau chaude de son bain, je cherchais mes mots. Et tout en laissant s’écouler de longues et interminables secondes, je réussis à faire apparaître sur mon visage une mine plus sûre, me redressant un peu en soutenant le regard de mon mentor.

« Je dois me concentrer sur Spelunca. Notre alliance avec Sobek est fragile et mes loups sont ma priorité. Ma place sur l'échiquier Duralassien à drastiquement changé, et je dois avant tout protéger les miens. Ma place n'est plus dans une faction. Je quitte la garde Zéphyr, Urua... » Étrangement, un poids s’envola de mon cœur, délestée d’une pareille annonce, je ne pouvais plus revenir en arrière. Ainsi, mon regard passa de Axe à Urua, guettant leurs réactions.

Urua répondit calmement à la question.

- Charmé Axe. Je suis Urua, Seigneur Sylvestre de la Garde Zéphyr dans laquelle Holy occupe une place prépondérante. Nous faisons aussi partie des Dragonniers, je ne sais si vous les connaissez.

Un sourire fendit le visage d'Axe. Elle connaissait les dragonniers, bien sûr...Et les dragonniers la connaissaient. Mais avant qu'elle puisse répondre, Holy prit la parole, comme déterminée à ne pas laisser passer cette occasion de dire ce qu'elle avait sur le cœur. Alors Axe disparut de nouveau derrière son paravent.

Elle l'écouta néanmoins attentivement en continuant de se laver. Apparemment, elle était ici pour parler à Urua - voilà ce qui la préoccupait tant.
La magicienne eut une pause et Axe entendit ses pas nerveux faire grincer le sol en bois. Elle en profita pour essorer ses cheveux, se relever et sortir de la bassine, certaine de s'être débarrassée de toute la crasse qu'elle pouvait et n'ayant jamais aimé barboter dans l'eau très longtemps. Elle se sécha dans le drap qu'on lui avait laissé et sa main apparut au-dessus du paravent pour y saisir les habits d'Holy.
La magicienne finit par trouver le courage de reprendre la parole.

- Je dois me concentrer sur Spelunca. Notre alliance avec Sobek est fragile et mes loups sont ma priorité. Ma place sur l'échiquier Duralassien a drastiquement changé, et je dois avant tout protéger les miens. Ma place n'est plus dans une faction. Je quitte la garde Zéphyr, Urua...

Axe, qui avait passé la jambe dans une chausse, s'interrompit un instant en mesurant ce qu'elle entendait, avant de se dépêcher d'enfiler le reste.
Styx était donc toujours souverain à Spelunca, et Holy semblait avoir pris la tête d'un groupe de lycans. À vrai dire, elle aussi, elle parlait comme une souveraine. Se pouvait-il que... ? La louve attrapa la potion d'Holy et la but d'une traite.

Elle déboula dans la pièce en bouclant d'un geste vif une ceinture d'argent. Elle était vêtue d'un ensemble gris sombre, composé d'une chemise de soie qui luisait comme de l'eau, d'une longue tunique en laine et de chausses ajustées. Heureusement, les chaussures en cuir souple qu'Holy lui avait prêtées lui allaient également.

Elle parcourut la distance qui la séparait d'Holy en trois enjambées, oubliant tout de ses douleurs, et lui saisit les mains.

- Tu es sûre de ce que tu fais, Holy ? Les factions sont des alliées puissantes. Avant de disparaître, je travaillais aux relations entre la Garde Zéphyr et la Congrégation et les choses étaient en bonne voie, jusqu'à ce que cette tête brûlée d'Equinoxe...Axe s'interrompit pour ne pas digresser. Toi, tu comprendrais ce que j'essaye de faire. Si tu restais avec eux, nous pourrions reprendre les discussions. Rebattre les cartes !

Pour Axe dont la vie était la Congrégation, ayant été à moitié élevée dans les couloirs de Lédéhi, il était impensable que des affaires personnelles puissent être plus importantes qu'une faction. À peine revenue à la civilisation, elle apprenait qu'une femme en qui elle avait à peu près confiance faisait partie de la Garde Zéphyr, avec laquelle elle avait été à deux doigts d'obtenir un marché, le premier accord entre la Congrégation et un membre de l'Alliance depuis des années, et celle-ci lui annonçait dans le même souffle qu'elle avait l'intention de quitter le navire ? Hors de question !

- Qu'est-ce que tu fabriques à Spelunca qui pourrait être plus important que ça ?

Holy semblait de moins en moins à l'aise à mesure que la conversation progressait. Urua se doutait que ses regards et ses réactions face à l'identité révélée de la jeune inconnue, avaient du exercer une certaine pression sur son amie. Entre cette tension visible et le sourire d'Axe à la mention des Dragonniers, il n'y avait plus de doutes. C'était bien la membre de la Congrégation de l'Ombre que les Dragonniers étaient chargés de surveiller. Urua allait donc garder un œil sur ce retour inattendu.

« A ce propos... C'est pour ça que je suis là aujourd'hui, Urua... »

Urua se tourna vers son amie avec un air de surprise. Elle était venue pour retrouver Axe pour le compte des Dragonniers ? Mais non, elles semblaient amies. Était-ce une stratégie pour la tromper ? Non, ce n'était pas le style d'Holy. Qu'allait-elle lui annoncer avec cet air si sérieux ?

« Urua... Je voulais que tu sois le premier au courant, c'est pour ça que je suis venue jusqu'ici. Tu connais ma très faible affection pour Kastalinn... Je ne m’y serais pas arrêté si ça n'avait pas été pour quelque chose d'important... j'étais partie vers Sylfaen mais quand j'ai appris que tu étais ici, j'ai changé d'itinéraire... »

Toute cette introduction ne faisait rien pour apaiser la patience d'Urua qui s'effilait à mesure que les mystères s'accumulaient dans cette taverne du bout du monde. Holy semblait chercher ses mots. Tout son être était tendu, dans l'expectative des conséquences de ce qu'elle avait à avouer. Qu'avait-elle fait qui puisse lui valoir l'ire du Löwen ? Jusque là, il l'avait soutenue dans presque toutes ses entreprises et, même s'il avait exprimé ouvertement sa désapprobation vis a vis de certaines de ses fréquentations, il ne lui avait jamais rien interdit ni n'avait fait preuve de répréhension.

« Je dois me concentrer sur Spelunca. Notre alliance avec Sobek est fragile et mes loups sont ma priorité. Ma place sur l'échiquier Duralassien à drastiquement changé, et je dois avant tout protéger les miens. Ma place n'est plus dans une faction. Je quitte la garde Zéphyr, Urua... »

Jamais dans sa vie, il n'avait ressenti de tel choc. Même contre les pires créatures, les plus puissantes, celles qui pouvaient le déchiqueter d'un coup de croc, il avait su faire face. Pas cette fois. Sa posture imposante, fière, droite, se ratatina comme si une montagne venait d'être suspendu à ses épaules. La tristesse, le choc, la déception, la colère se succédaient dans un rythme insoutenable en lui. Il avait toujours pensé que lorsqu'un disciple rejoignait la Garde Zéphyr, il y était pour la vie. C'était un fait acquis pour lui. Il ne considérait pas même l'idée qu'un seul d'entre eux puisse la quitter. Ce n'était pas une prison, chacun était libre de ses choix et de ses allées et venues, mais quand on avait des convictions, on les gardait, on restait auprès des siens. Maintenant, les siens d'Holy incluaient les Lycans de Spelunca aussi. Elle venait de faire son choix. Urua ne savait toujours pas quoi en penser et resta bouche bée à la regarder, perdu comme un poisson perché sur une branche.

- Tu es sûre de ce que tu fais, Holy ? Les factions sont des alliées puissantes. Avant de disparaître, je travaillais aux relations entre la Garde Zéphyr et la Congrégation et les choses étaient en bonne voie, jusqu'à ce que cette tête brûlée d'Equinoxe... Toi, tu comprendrais ce que j'essaye de faire. Si tu restais avec eux, nous pourrions reprendre les discussions. Rebattre les cartes !

Urua n'avait pas remarqué Axe qui avait eu le temps de sortir de son bain, de s'habiller et de les rejoindre. Il ne remarquerait même pas un Mégalodon qui entrerait pour leur proposer un plateau de fruits de mer à cet instant. Elle saisit les mains d'Holy, prouvant ainsi le lien qui existait entre elles et niant toute théorie quant à la possibilité d'une arrestation ce soir-là.

L'ironie de la situation provoqua un hochement de tête de gauche à droite de la tête d'Urua, faisant virevolter sa crinière. Une membre de la Congrégation qui souhaitait une alliance avec la Garde Zéphyr, qui essayait de convaincre Holy de rester dans sa faction pour continuer les négociations. C'en était trop pour le Löwen. Il était partagé entre l'envie de tout détruire dans la salle, sa réticence à être banni de ce centre névralgique d'informations dans le Nord, sa tristesse de perdre Holy, son envie de diriger les clans de Spelunca dont sa famille faisait partie aussi, les nouvelles informations sur une ancienne alliance prévue entre deux factions qui n'avaient rien à voir l'une avec l'autre, une ennemie potentielle qui plaidait la cause qu'il aurait du défendre lui-même. Comment un coeur pouvait supporter autant d'émotions en même temps ? Urua avait le sentiment qu'il allait exploser dans quelques instants.

- Qu'est-ce que tu fabriques à Spelunca qui pourrait être plus important que ça ?

Urua avait une assez bonne idée de ce qu'il se passait à Spelunca. La destruction de la barrière entre les deux côtés du massif avait fait beaucoup de bruit et il savait très bien à qui ils devaient cet état de fait. Que Holy fréquente ce Sobek était déjà difficilement supportable, mais qu'il l'influence au point de l'isoler de ceux qui avaient fait d'elle sa famille, il aurait beaucoup de mal à le supporter, à l'accepter, à le tolérer.

Toujours sous le choc, il ne trouva qu'un mot qui puisse donner voix à tout ce qu'il ressentait. À peine capable de laisser filtrer un murmure entre ses lèvres serrées, les larmes montant de tant d'émotions, il susurra cette question si simple en apparence mais à laquelle tant de monde avait du mal à répondre :

- Holy, pourquoi ?

Le monde semblait s'effondrer sur moi à cet instant, de même que ma volonté ou mes convictions. J'étais venue ici dans un but précis et j'avais longuement réfléchi à mon texte durant mon voyage.
Pourtant, mes prunelles azurées, mouchetées de paillettes d'or se perdirent dans les yeux d'Axe. Étais-je sûre de ce que je faisais ? Non... Pas vraiment. J'y avais réfléchi, longuement, me persuadant que c'était ce qu'il y avait de mieux à faire... Mais en aucun cas, je n'étais sûre.

Le poids de la culpabilité m'écrasa, car jamais, je n'aurais pus penser pouvoir sentir un jour autant de douleur venant d'un seul être. Mon regard se détacha de mon amie, pour se poser sur mon ami, duquel je n'osais pas approcher de peur de le blesser encore plus. De cette simple question prononcée, je ne sus trouver aucune réponse convenable.
Rien qui ne valait la peine, la colère, que j'avais provoqué chez Urua. Alors j'ouvris la bouche tentant de poser des mots, ceux-là qui seraient adéquats, sans y parvenir. Mes lèvres se fermèrent plusieurs fois de suite, avant que je ne secoue la tête, interdite. Devais-je vraiment faire souffrir toutes les personnes que j'aimais sur mon passage ? Dans le but d'accomplir les volontés d'une déesse contre laquelle j'avais durement lutté ?

Mais le contact de mes mains dans celle de la louve me réveilla, un électrochoc qui me remit les idées en place. Une alliance avec la Congrégation de l'Ombre... Une alliance avec Axe... C'était inespéré !

"Je... Suis Reine... J'ai réussi à libérer le côté Est du Massif, de la tyrannie vampire... Mais ça n'a pas été sans sacrifice... Oh Axe... Tu n'es donc au courant de rien ?" Les larmes me montèrent aux yeux et sans crier gare, toutes mes barrières tombèrent. Toute cette armure que je m'étais forgée, fondit comme neige au soleil, alors que je fis tout à coup preuve d'une terrible vulnérabilité.

"La Lune a fait de moi quelque chose de bien différent de ce que j'étais avant. Urua... Je ne suis plus digne de la garde zéphyr. Je ne suis plus digne de toi... Je ne mérite plus de me blottir dans ta lumière. J'ai fait des choses horribles et le pire, c'est que je ne les regrette même pas... J'ai fait ce que je pouvais pour libérer mon peuple. J'ai frôlé la mort de près, et même les remous tumultueux du styx n'ont pas voulut de mon âme... Au lieu de ça, un serpent m'a appris à nager et le sang m'a réanimé."

Les prophéties sont choses étranges qu'à première vue, elles n'ont aucun sens. Mais lorsqu'on y regarde de plus près, on peut se rendre compte que chaque mot est choisi avec soin, et qu'ils signifient tous quelque chose dans un ensemble.

"Sobek et moi avons détruit la barrière qui séparait le massif autrefois, et nous avons fondé une guilde afin de le protéger... Je croyais avoir trouvé un but. Maintenant... Je n'en suis plus si sûre..."

Est-ce que tout ceci en valait seulement la peine ? N'était-ce pas seulement une mauvaise comédie ? Devais-je vraiment me fermer à ma famille, à mes amis, pour vivre une immortalité de chagrin ? Je lâchais un profond soupir, honteuse, penaude. Ne sachant trop qui, ou quoi regarder, serrant un peu plus fort ses mains.

- Holy, pourquoi ?

Holy posa des yeux tristes sur Urua, qui n'avait pas dit un mot durant toute la durée de ses explications. Prise dans le feu de son discours, Axe n'avait même pas remarqué que le fier löwen s'était affaissé, les yeux humides. Il n'avait plus rien du paladin qui avait volé à son secours tout à l'heure ; à cet instant, il lui évoquait plutôt un chaton mouillé dans une armure trop lourde pour lui. Quelque chose dans ses yeux de fauve, cependant, indiquait qu'il pouvait être de nouveau un lion en un instant si la réponse d'Holy ne lui plaisait pas.

La magicienne, touchée par l'émotion de son ami, ne trouva pas ses mots, et se retourna vers Axe.

- Je... Suis Reine... J'ai réussi à libérer le côté Est du Massif, de la tyrannie vampire... Mais ça n'a pas été sans sacrifice... Oh Axe... Tu n'es donc au courant de rien ?

Ce fut au tour d'Axe de ne pas savoir quoi répondre. Sa bouche resta entrouverte alors que les yeux de la magicienne, à leur tour, s'emplissaient de larmes.

- La Lune a fait de moi quelque chose de bien différent de ce que j'étais avant. Urua... Je ne suis plus digne de la garde zéphyr. Je ne suis plus digne de toi... Je ne mérite plus de me blottir dans ta lumière. J'ai fait des choses horribles et le pire, c'est que je ne les regrette même pas... J'ai fait ce que je pouvais pour libérer mon peuple. J'ai frôlé la mort de près, et même les remous tumultueux du styx n'ont pas voulut de mon âme... Au lieu de ça, un serpent m'a appris à nager et le sang m'a réanimé.

Axe était dépourvue devant la détresse de la jeune reine. La seule manière qu'elle connaissait de se consoler d'une tristesse pareille était une vengeance bien sanglante, mais quelque-chose lui disait que ce n'était pas le genre d'Holy. D'autre part, il y avait beaucoup d'informations dans son discours fébrile auxquelles il fallait prêter une oreille attentive.

- Sobek et moi avons détruit la barrière qui séparait le massif autrefois, et nous avons fondé une guilde afin de le protéger... Je croyais avoir trouvé un but. Maintenant... Je n'en suis plus si sûre...

Une lumière s'alluma dans les yeux d'Axe.
- Vous avez mis fin à cette guerre stupide ? Et aucun des deux royaumes n'a été détruit ? Holy, c'est...c'est formidable !

Axe n'avait rien contre la guerre de manière générale, mais le conflit entre les vampires et les lycans l'avait toujours exaspérée. Styx et Holy avaient donc réussi à mettre fin à cette situation absurde sans mettre le massif à feu et à sang ? Et la jeune reine avait réussi à obtenir la souveraineté sur sa partie du massif ? Les sacrifices dont elle parlait n'avaient aucune importance devant ce résultat. Elle regarda la jeune femme devant elle avec un nouveau respect. Néanmoins, c'était une chose que de faire tomber la barrière de Spelunca, c'en était une autre de faire régner le calme après, et beaucoup de travail attendait les deux souverains. Sans parler des coups fourrés de Styx dont Axe s'amusait beaucoup mais qui pouvaient mettre en péril cette jeune alliance.
Cette guilde dont parlait Holy était une bonne initiative.

Elle dégagea doucement une de ses mains de celle d'Holy et attrapa sa manche, avec laquelle elle sécha les larmes de la magicienne.
Étant donné la situation, ce n'était plus si embêtant pour Axe qu'elle quitte la Garde Zéphyr. Styx et elle serait alors ses derniers amis et il n'était jamais mauvais pour les affaires d'être le dernier ami d'une reine. Ce que la louve dit ensuite n'eut donc plus rien à voir avec les intérêts de sa faction, ce qui se manifesta par un ton moins séduisant.

- Si je comprends bien, tout ce que tu as fait, tu l'as fait pour ton peuple, les lycans, qui sont les alliés de ta faction. Et même si tu ne regrettes pas tes actions car elles ont conduit à la libération des tiens, je vois bien que tu n'en es pas fière.

La jeune femme semblait sincèrement perturbée par ce qu'elle avait fait, ce qui la différenciait de tristes personnages comme Axe et Styx qui n'auraient jamais versé une larme à ce sujet. Bien sûr, ça n'enlevait rien au fait qu'elle les avait commis quand même, ces actes terrible, mais elle n'avait l'air d'avoir agi ni par plaisir ni par intérêt ; peut-être même sous l'influence d'une puissance qui la dépassait.

- Si ton cœur est resté pur, peut-être que la Garde Zéphyr peut encore te pardonner ce que tu as fait. Et même t'aider avec cette "Lune" qui a l'air de te causer beaucoup de tracas. Mais ça, il n'appartient ni à toi ni à moi d'en juger...

Axe prit la bouteille de liqueur qu'on leur avait apportée, en servit trois verres et poussa le dernier vers Urua.

- C'est la tâche d'un seigneur sylvestre.

Elle semblait perdue. Les larmes étaient partagées entre Holy et Urua bien qu'aucune ne coula. Elles restaient pendues au bord des yeux comme autant de diamant perdues dans une mine attendant les travailleurs qui viendraient les récolter. Son plan si assuré semblait se fissurer devant les questions de ses amis et leurs doutes. S'ils arrivaient ensemble à la ramener à la raison, peut-être qu'Urua aurait une moins mauvaise opinion de la pauvre Axe qui venait vraisemblablement de traverser des épreuves difficiles.

- Je... Suis Reine... J'ai réussi à libérer le côté Est du Massif, de la tyrannie vampire... Mais ça n'a pas été sans sacrifice... Oh Axe... Tu n'es donc au courant de rien ?

Elle ne répondait même pas à son ami, son supérieur, son camarade depuis tant d'années. Elle se contentait de compatir au malheur d'une mercenaire, toute amie qu'elle était, cible elle était aussi. Urua sentit sa tristesse et son désarroi se transformer petit à petit. Il sentit ses épaules se tendre et se redresser, les larmes séchant dans ses yeux qui brillaient maintenant d'une autre lueur.

- La Lune a fait de moi quelque chose de bien différent de ce que j'étais avant. Urua... Je ne suis plus digne de la garde zéphyr. Je ne suis plus digne de toi... Je ne mérite plus de me blottir dans ta lumière. J'ai fait des choses horribles et le pire, c'est que je ne les regrette même pas... J'ai fait ce que je pouvais pour libérer mon peuple. J'ai frôlé la mort de près, et même les remous tumultueux du styx n'ont pas voulut de mon âme... Au lieu de ça, un serpent m'a appris à nager et le sang m'a réanimé.

Voilà qu'elle parlait comme les vampires auxquels elle s'associait. Urua n'avait rien contre cette race, que sa famille avait toujours exécré. C'était d'ailleurs une des raisons de son départ il y avait tant d'années. Mais cet individu qui semblait exercer une telle influence sur son amie, sa protégée, ne lui disait rien qui vaille et il sentait qu'il devrait un jour lui faire une petite visite.

- Sobek et moi avons détruit la barrière qui séparait le massif autrefois, et nous avons fondé une guilde afin de le protéger... Je croyais avoir trouvé un but. Maintenant... Je n'en suis plus si sûre...

À peine Urua eut-il le temps d'ouvrir la bouche et de prendre sa respiration pour entamer une réponse qu'Axe reprit la parole. C'était peut-être mieux ainsi. Il aurait réagi à chaud et aurait certainement envenimé la situation. De plus, si elle réussissait à mieux convaincre Holy que lui, il n'allait pas s'en plaindre.

- Vous avez mis fin à cette guerre stupide ? Et aucun des deux royaumes n'a été détruit ? Holy, c'est...c'est formidable !

Le Löwen réprima à grand peine un grondement sourd qu'il sentait monter dans sa gorge. Son alliée se transformait de nouveau en adversaire. Cette conversation le prenait totalement au dépourvu et le malmenait dans tous les sens. Dès qu'il pensait avoir un soutien, il retournait sa veste. Dès qu'il pensait convaincre Holy, un nouvel élément venait le contredire. Il n'avait jamais été un grand jouteur verbal, préférant faire parler son marteau mais dans cette situation, cette approche n'amènerait rien de bon et desservirait complètement sa cause.

La conversation continua tandis qu'Urua restait muet, sentant monter sa frustration. Il ne savait comment réagir. Le moindre faux pas pouvait maintenant faire basculer Holy dans une direction qu'il ne souhaitait pas. La patience n'avait jamais été son genre, aussi devait-il lutter contre son instinct de réponse et calculer prudemment ce qu'il allait répondre.

- Si ton cœur est resté pur, peut-être que la Garde Zéphyr peut encore te pardonner ce que tu as fait. Et même t'aider avec cette "Lune" qui a l'air de te causer beaucoup de tracas. Mais ça, il n'appartient ni à toi ni à moi d'en juger... C'est la tâche d'un seigneur sylvestre.

Regardant le verre avec peu d'intérêt, Urua réfléchit un instant à ce qu'il venait de se passer, à ce qu'il allait dire. Cette situation mettait ses nerfs à rude épreuve.

- La Garde Zéphyr pardonne les erreurs. Le Seigneur Sylvestre est prêt à le faire aussi. Ce Sobek dont vous parlez, il me semble qu'il a une grande influence sur tes décisions, sur tes actes, sur ton désir de nous quitter. J'espère pour toi, et pour lui, ces derniers mots furent ajoutés tout bas, que tu agis selon tes intérêts et pas ceux d'un autre qui te manipulerait.

Urua garda le silence quelques secondes, repensant à un élément qu'il avait survolé mais qui lui paraissait important maintenant qu'il en savait plus sur la situation. Sa voix se fit basse et lente, presque inaudible.

- Et rappelle-toi que ce n'est pas que ton peuple, mais notre peuple. Des clans de Löwen vivent sur ces massifs. Ma famille. Je les vois mal accepter l'hégémonie d'une reine toute puissante sur tout le versant de Spelunca, fut-elle en lien étroit avec ce vampire qui s'est auto-proclamé roi de ces montagnes.

Lorsque la lumière te baigne de pâles brillances venues tout droit du clair de lune. Que tu te sens happée par les ténèbres et qu’au fond de l’abîme infini tu ne trouves que ses rayons d’argents. Tu te mets alors à briller comme l’étoile du berger, dernier phare dans la nuit faisant fuir l’obscurité.

On dit toujours qu’il ne peut y avoir d’obscurité sans lumière et pourtant on se fourvoie depuis tout ce temps. Si la lumière existe, c’est uniquement parce que la nuit la laisse vivre en son cœur, elle grandit et s’impose, mais toujours existe cette frontière qui les sépare. Qu’en est-il lorsque ténèbres et lumière décident de s’allier ? De se côtoyer de près pour que leurs forces ne fassent plus qu’une ?

J’ai observé dans ses grands yeux bruns et j’ai vu son âme. La laissant essuyer une larme perdue sur ma joue, je l’ai par la suite prise dans mes bras. Ou peut-être me suis-je jetée dans les siens… Déchargeant ce trop-plein d’émotions qui me brouillait les sens. Je lui ai pourtant glissé à l’oreille, ne perdant pas le nord. « Merci, Axe… Mais tu ne t’en tireras pas à si bon compte, je suis curieuse de savoir ce qu’il t’est arrivé. Et tu seras toujours la bienvenue à Astre-Lune. »

Et puis je l’ai libéré affectueusement, me tournant vers le lowen à la mine sombre. J’ai soupiré à sa tirade, peinée par ses mots déchirant. Je me suis approchée de lui, m’agenouillant devant lui en prenant sa grosse patte de mes deux mains.

« Urua… Commençais-je d’une voix douce, posant ses coussinets chaud sur ma joue, le regardant droit dans les yeux. C’est ce que je suis… Si par le passé, j’ai pu être manipulé par une sombre entité venu tout droit de l’Immateriel… Ce n’est plus le cas aujourd’hui. Grâce à Sobek. Styx m’avait sauvé de ma propre destruction... Je dois dire que nous nous sommes aidés mutuellement… Peut-être l’ais-je changé, autant qu’il m’a changé… Mais quoiqu’il en soit, c’est de mon propre chef que j’agis aujourd’hui.

Je suis l’héritière de Spelunca, Urua. Je suis un peu vampire, même si cette partie de moi reste encore un peu mystérieuse. Tout ça pour dire que… Mon départ n’est pas une fin, mais un nouveau départ. Et c’est moi qui le veux, et personne d’autres. Je me dois de rester neutre parce que je ne veux pas tisser des alliances, mais des amitiés… Je veux que tous les thérianthropes se sentent libres d’aller et venir à Astre-Lune et sur toutes les terres de Spelunca Est, sans avoir peur d’être jugés pour les affiliations auxquelles ils appartiennent… Que dirais-tu, si actuellement, je laissais des Pirates, ou des Ombres, se balader sur mes terres ? La garde Zéphyr n’est pas aussi tolérante que je le voudrais, mais ce n’est pas pour ça que je lui tournerais le dos.
Je ne veux pas te perdre Urua, et je veux que les tiens se sentent aussi libres qu’il le souhaite. Je veux les rencontrer. Je veux y aller avec toi. » Je ne l’avais pas lâché, et je n’avais pas bougé non plus, le regardant toujours, lui ouvrant la moindre parcelle de mon cœur.

À peine Axe eut-elle fini de servir les trois verres qu'elle sentit Holy la prendre dans ses bras.

« Merci, Axe… Mais tu ne t’en tireras pas à si bon compte, je suis curieuse de savoir ce qu’il t’est arrivé. Et tu seras toujours la bienvenue à Astre-Lune. »

Pendant un instant, la louve fut amusée de constater que la jeune reine avait de la suite dans les idées, mais sa remarque la ramena à ses propres problèmes. Tout d'un coup, la proximité d'Holy et son affection lui rappelèrent Hélène. Même leurs noms étaient similaires. La gorge d'Axe se serra et elle fut soulagée quand la magicienne s'écarta pour écouter la réponse d'Urua.

Elle prit une inspiration tremblotante et attrapa son verre, où elle but trois grandes gorgées. Cela la détendit. Elle n'allait quand même pas se mettre à pleurer, elle aussi.

Avec tout ça, elle n'avait pas tellement écouté le début de la réponse d'Urua, mais il n'avait pas l'air d'avoir rejeté la possibilité qu'Holy demeure dans sa faction. Même s'il était nerveux, sa bienveillance envers sa sœur d'armes transparaissait dans le soin qu'il mettait à choisir ses mots. Ils parlèrent de Spelunca : le löwen émettait des doutes sur le fait que le duo d'Holy et de Sobek convainque tout le monde de se ranger au nouvel ordre politique du massif. Bien sûr, du fait de son ascendance, il avait aussi des intérêts dans cette histoire.

Holy mentionna le fait qu'elle était l'« héritière » de Spelunca. Axe se demanda si c'était par le sang. Si c'était le cas, elle avait au moins un avantage envers les lycans fidèles à leurs traditions, car c'était un peuple qui respectait les lignages.

Axe, elle, n'était pas une lycanthrope de naissance, mais elle connaissait assez bien les coutumes des habitants de Spelunca. Vers ses treize ans, elle s'était présentée à un clan du massif en leur demandant d'être mordue ; ils avaient compris ses intentions et l'avaient bien accueillie. Ayant survécu au rituel, elle avait vécu avec eux environ un an le temps d'apprendre à maîtriser sa nouvelle condition, puis elle était repartie découvrir le monde.
Elle ne les avait jamais revus. Elles les chercherait peut-être la prochaine fois qu'elle passerait à Spelunca, ce qui risquait de se faire assez vite.

En tout cas, Holy était en train de rejeter gentiment l'idée de demeurer dans la Garde Zéphyr. Elle décrivait à Urua son idéal de territoire neutre, où des lycans de toutes les affiliations pourraient se sentir chez eux. Accessoirement, elle essayait de lui faire comprendre qu'elle refusait de choisir entre ses amis zéphyriens et ceux qu'Urua jugeait moins recommandables.

Ça passe ou ça casse, pensa Axe, qui décida de se taire.

- Qu'est-ce que ce sera ? Tout d'abord tourné vers des verres et chopes qu'il essuyait efficacement, l'homme se retourna et ses yeux s'écarquillèrent légèrement. Voilà qu'un noble comme on imagine un ; élancé, au visage presque androgyne, et au sourire plein d'une courtoisie agaçante se tient devant lui. Il lorgne ses bagues, détaille sa coiffure à la couleur de sang, et s'étonne du costume noir aux motifs cousus de fil d'or représentant les symboles associés aux arlequins. Un riche excentrique. Ramassant la pièce, et voyant à présent une bourse si remplie qu'elle menace de rompre son sac tomber devant lui, il continue d'ouvrir les yeux. Décidément, il pourrait prendre congé pendant des mois.
- Une fille est passée par là. Balafrée. Elle a l'air... euh... dangereuse.

- Elle est avec une jeune femme et un Lion. Cette phrase lui échappe, il l'avait pensée, mais ne souhaitait pas balancer l'information sans peut-être négocier plus. Décidément, il était fatigué.
- Laisse-moi me préparer breuvage et on sera en excellents termes, l'ami. Sans attendre réponse, il enjambe le comptoir et pioche dans diverses bouteilles pour en mixer les contenus dans un verre à pied.

- Saluuuuuut. Quelle coïncidence ! Axe !?

Précision:

Sans répondre, Urua se leva, les mâchoires contractées, et se dirigea vers la porte. Alors ça casse, pensa Axe pour elle-même. Elle posa une main sur l'épaule d'Holy pour la retenir au cas-où elle essayerait de rattraper le löwen.

- Il a besoin de temps.

C'était peut-être vrai, mais Axe pensait que c'était fini entre Holy et Urua. Les paladins, ça prenait la loyauté très au sérieux. Pardonner à son amie et lui tendre la main avait dû demander un grand effort au löwen, et il s'était fait rejeter quand même...Il n'allait pas l'oublier de sitôt.
Axe imaginait comment elle aurait réagi si Styx lui avait annoncé qu'il quittait la Congrégation, et conclut que ça ne l'aurait pas mise de très bonne humeur non plus. Elle prit une gorgée d'hydromel.

Tout d'un coup, la porte s'ouvrit sur un curieux personnage aux vêtements bariolés qui brandissait un cocktail.

- Saluuuuuut. Quelle coïncidence ! Axe !?

La jeune femme avala sa gorgée de travers. Elle avait mis un instant à reconnaître le nouveau venu parce qu'elle ne l'avait vu qu'une fois avec ce visage, mais il y avait une manière de s'exprimer, de bouger et un certain sens des entrées fracassantes qui n'appartenaient qu'à une seule personne à Dùralas.

Elle répondit d'une voix râpeuse :

- Styx ?!

Urua, après un instant d'étonnement, retrouva son air ombrageux et sortit de la pièce sans se préoccuper de l'arrivant.

Axe toussa, ce qui lui remit les idées en places, et posa son verre sur la table. Le vampire avait sans doute quelques reproches à lui faire sur les projets qu'elle avait plantés en disparaissant, mais elle était contente de le voir. Il lui avait pardonné des choses plus graves. Elle sourit et désigna la table chargée de victuailles fumantes auxquels ils avaient à peine eu le temps de toucher.

- Tu tombes bien, un couvert vient de se libérer.

Étant donné les pouvoirs qu'elle lui connaissait, lui demander comment il l'avait trouvée était totalement superflu.

Urua était resté silencieux… Alors que mon regard était toujours plongé dans ses yeux de lion. Il s’était fermé comme une huître, avant de se lever doucement avant de partir sans rien dire. J’étais dépitée… Anéantis serait certainement le bon mot… Évidemment, ma seule envie avait été de courir à sa suite, de lui hurler… N’importe quoi ! Pourvu que ça puisse susciter une vraie réaction de sa part, mais Axe me coupa dans mon élan. Il avait besoin de temps ? Elle avait certainement raison. Je me suis ravisée en la regardant tristement.

« J’étais persuadée que ça rendrait les choses plus faciles, mais… Mais mon voyage à Sylfaen sera encore plus morose que je m’y attendais… » Balbutiais-je avant de voir débarquer Styx. Décidément… Cette journée semblait pleine de surprise.

Mais je n’avais pas la tête à la fête. A cet instant, je me sentais devenir orpheline. Tant d’années passées à la Garde Zéphyr, balayé par un coup de vent… J’avais l’impression de perdre bien plus que ce que je m’attendais. « J’ai vraiment besoin d’un verre… » Marmonnais-je en m’asseyant finalement, buvant goulûment quelques gorgées d’hydromel bien frais, avant de faire une pause et de regarder Axe. « Vraiment désolée, que tu aies dû assister à ça, je suppose que tu imaginais plus tranquille, comme reconnexion au monde civilisé… J’ai marqué une pause, avant de reprendre doucement, histoire de changer de sujet. Alors… Que t’est-il arrivé ? J’ai cru que je ne te reverrais jamais… Et ce n'est pas faute d’avoir traîné dans les pattes de la Congrégation… »

J’avais rapidement compris qu’elle était liée à elle… Alors à force de les croiser, j’avais souvent espéré tomber sur elle. Même s’il était très difficile d’obtenir des informations sur cette faction. J’avais longtemps côtoyé Saigo avant de découvrir qu’il en faisait lui aussi partit et qu’il en était même le dirigeant… De même que pour Styx. Décidément, c’étaient vraiment des ombres qui savaient bien se camoufler. Les réseaux d’espions de la garde zéphyr n’avaient même pas la moitié des informations que je détenais… Et ils allaient tout perdre. Surement, pour le mieux, je ne voulais pas alimenter les conflits, ni les dossiers délicats qui s’empilaient dans les bureaux des dirigeants. Ni dans celui d’Urua…

- Un peu gênante l'ambiance ici. Mais je ne pouvais décemment pas laisser revenir la plus prodigieuse guerrière sans la recevoir en grande pompe ! Tu savais qu'elle m'avait tué, Holy ? Formidable ! Frappant dans ses mains, le dévoreur fit tinter ses bagues aux cristaux multicolores en riant. Je suis également curieux Axe, quelles sont donc tes résolutions pour ce retour ?

Holy s'affaissa, trop atteinte par le départ d'Urua pour réagir plus que cela à l'arrivée de Styx.

- Vraiment désolée, que tu aies dû assister à ça, je suppose que tu imaginais plus tranquille, comme reconnexion au monde civilisé…

Ça, c'était un euphémisme. Mais Axe n'allait pas se plaindre. D'une part, ce n'était pas souvent qu'on pouvait observer de si près un dragonnier voyant son monde s'écrouler devant ses yeux et elle s'était délectée de ce spectacle. D'autre part, cette histoire, en plus de l'avoir plutôt amusée, lui avait permis de se remettre au courant de l'actualité du continent. Enfin, les choses étaient désormais dans l'une des deux configurations avantageuses qu'elle avaient imaginées : Holy se retrouvait isolée de ses anciens alliés de la Garde Zéphyr, Styx et Axe devenaient ses amis les plus proches.
Elle guise de réponse, elle adressa un sourire rassurant à la magicienne.

- Ne t'en fais pas pour moi.

- Alors… Que t’est-il arrivé ? J’ai cru que je ne te reverrais jamais… Et ce n'est pas faute d’avoir traîné dans les pattes de la Congrégation…

Axe fut un peu surprise d'apprendre qu'Holy l'avait cherchée. Elle n'avait pas l'impression qu'elles s'étaient si bien connues, avant sa disparition. Sa bouche se tordit, car la réponse que cherchait à obtenir la magicienne l'embarrassait, mais heureusement Styx les interrompit.

- Un peu gênante l'ambiance ici. Mais je ne pouvais décemment pas laisser revenir la plus prodigieuse guerrière sans la recevoir en grande pompe ! Tu savais qu'elle m'avait tué, Holy ? Formidable !

Le dévoreur s'était raproché, et, dans son attitude, le regard entraîné de la maîtresse d'arme lut des signes de danger. Elle soutint son regard tandis que sa main, par réflexe, glissait insensiblement vers une broche posée sur la table. Il y eut un flottement seulement perceptible par les deux intéressés. À sa dernière remarque, ayant compris qu'il n'allait rien se passer, Axe détourna les yeux de Styx pour adresser un clin d'oeil à Holy.

- C'est vrai !

Le vampire demanda :

- Je suis également curieux Axe, quelles sont donc tes résolutions pour ce retour ?

L'attitude joueuse de la jeune louve, qu'elle avait même en présence d'Urua, disparut complètement. Elle s'assit sur la table, ramena ses pieds sur la chaise devant elle et appuya ses coudes sur ses genoux.

- Mh...L'un ou l'autre, insonorisez cette pièce avec vos pouvoirs, si vous le voulez bien.

Elle attrapa une tranche de viande froide dans un plat à côté d'elle et l'engloutit d'un coup de croc pour laisser le temps à l'un de ses amis de s'exécuter. Cette grande discussion avec Urua ne lui avait même pas laissé le temps de se remplir le ventre, alors qu'elle était affamée.

- À vrai dire, commença-t-elle en s'essuyant la commissure des lèvres, ça dépend de ce qu'il s'est passé à Dùralas depuis mon départ. Considérez que pendant ces deux dernières années, je n'ai eu aucune nouvelle du monde et que tout ce que je sais sur son état actuel c'est Holy qui me l'a appris dans le dernier quart-heure. Elle m'a raconté pour Spelunca, précisa-t-elle pour Styx. Il va sans dire que vous avez mon soutien total pour tout ce que vous entreprendrez là-bas, mais je vous préviens : je ne reconnais ni dieu ni monarque, je vous aiderai à titre d'amie.

La lycanthrope se saisit d'une autre tranche de viande qu'elle avala aussi vite que la première, et fit descendre avec un gorgée de vin. Elle baissa son verre avec un soupir de contentement. Puis elle braqua de nouveau son regard sur les deux autres.

- Justement. Avant de vous parler du reste de mes plans, il faut que je comprenne la nature des rapports entre la Congrégation et votre massif unifié. Elle pointa son verre sur Holy. Tu quittes donc la Garde Zéphyr pour te consacrer à ton poste de reine...Son regard glissa vers Styx. Qu'en est-il du roi des vampires ?

J’avais rendu son sourire à Axe, un petit sourire pâle suivit d’un regard teinté de tristesse. Mais pas dénué d’espoir, je me sentais réconfortée par sa présence. Je n’étais pas seule dans cette épreuve et mes amis étaient là pour moi.

L’animarmure draconique disparut dans une nuée bleutée, je n’en avais plus besoin pour le moment. Il ne restait sur mon corps plus qu’une chemise en lin azur confortable et un pantalon de la même matière. Le feu qui brûlait dans l’âtre de la cheminée suffisait à me réchauffer. Désormais, pieds nus, car j’avais abandonné mes bottes aux pieds de mon siège recouvert d’une fourrure de mouton d’Aran confortable. J’ai remonté mes petits orteils tout près de mon corps, les enfouissant dans la toison noire.
Le nez plongé dans mon verre d’hydromel, j’écoutais Styx parler et j’ai failli m’étouffer à sa révélation nonchalante. Un peu hébétée par l’alcool, je ne pus réprimer un rire franc, qui n’allait pas particulièrement avec le ton de la conversation.

« Wouah Axe… T’es vraiment super forte ! » M’exclamais-je des étoiles pleins les yeux. Tu l’avais sûrement mérité, Styx ! » Le taquinais-je sans faire fi de la gravité de sa révélation, après tout, se faire tuer par ses amis, c’est plutôt banal non ? Ou pas… Peut-être que l’alcool me montait trop à la tête.
Et puis l’atmosphère se fit plus sérieuse, et à la demande de la louve, j’ai fait tomber au sol d’un petit coup de pied l’énorme étui en cuir et en bois qui renfermait mon instrument. Il atterrit dans un bruit sourd, qui aurait pu réveiller un mort.

J’ai défait du bout de mes orteils les loquets qui le maintenait fermé, ouvrant le boîtier qui révéla un instrument de musique complexe résultant d’un minutieux travail d’orfèvre. Il ne ressemblait en rien qui n'existait déjà. Oh, bien sûr il avait des airs de vièle à roue, avec toutes ses cordes et ses touches, qui semblaient se croiser curieusement. Peut-être avait-il également des airs de luth… Ou même de tambourin ? Là, ne serait-ce pas un bec de hautbois ? En l’état, il serait bien difficile de sortir un son convenable d’un instrument pareil. Toujours du bout de l’orteil, j’ai pincé une corde qui résonna dans la pièce, réveillant la magie qui fourmilla en la chose de bois et de corne qui vibrait sous mon pied.

L’ocarinharpe trembla, avant de dégager un nuage vaporeux à la douce odeur sucrée, il changea de forme, se fit plus petit, plus logique. Il devint une petite harpe qui vint se poser nonchalamment sur la table. Lune joua dans la Brume un instant, et prit la forme d’une fée nébuleuse, elle s’assit sur une chope retournée et se mit à pincer les cordes de la harpe, une douce mélodie magique accompagna nos discussions.

« C’est bon, tant que la harpe joue, personne ne pourra nous entendre. » Une atmosphère mystique emplit la pièce, rythmant doucement les paroles d’Axe.

Plus concentré sur ses mots, j’hochais la tête au fur et à mesure de son discours. « Une amie c’est tout ce dont j’ai besoin Axe. » Acquiesçais-je doucement avant de la laisser continuer. Et mon regard se fixa sur le dévoreur tandis que nous attention sa réponse.