Le lendemain de leur discussion, Hilda s’était réveillée la première, aux aurores. Elle commença par s’étirer, et fut surprise de sentir Mann dans son dos, lui qui dormait habituellement lové contre son ventre. Mais la raison se fraya vite dans sa tête : Melhyndil avait partagé son lit. Ils étaient encore tous deux habillés, bien que l’elfe n’ai que son pantalon, donc il n’y avait eu rien de plus. "D'accord … la boisson avec une discussion du genre, c’est non, parce que là, c’est assez flou dans ma tête …" Sans compter le terrible mal de crâne que la nordienne avait. Il lui fallait définitivement un bon repas et de l’eau. Sans réveiller l’archer, la nordienne sortit du lit, puis de la chambre après avoir rapidement enfilé ses bottes et pris sa bourse, et descendit passer commande au tavernier. Deux repas légers, rien de plus. Et comme la demi-elfe ne voulait pas s’éterniser en ville, là voilà qui montait le repas de Melhyndil, lui laissant sur la table accompagné d’une note précisant qu’elle partait récupérer sa récompense à l’arène et acheter les vivres et matériaux nécessaires pour la route, et donc que son retour aurait lieu un peu avant le coucher du soleil. Il n’y aurait d’ailleurs aucun souci avec la chambre, ayant réservé une nuit supplémentaire le temps de se préparer. Pour preuve, la jeune femme laissait même ses bagages sur place, après avoir demander un double de la clé de la chambre à l’aubergiste pour que l’elfe ne soit pas obligé de l’attendre ici s’il désirait sortir. La nordienne le regarda dormir un bref instant, puis redescendit, sa part du repas à la main et un sac vide sur le dos pour y mettre ses futurs achats.

La première étape de son trajet fut l’arène. Autant faire vite et se débarrasser de cette partie. Parmi les choix qu’il y avait, peu l’intéressait, du coup, la nordienne ramassa l’une des capes d’invisibilité disponible. "Ça me fera une protection de plus si mes invocations ne tiennent pas assez longtemps. Déjà que je dois me lié à une troisième, ça va encore réduire leurs forces." Une fois l’objet fourgué dans son sac, Hilda poursuivit vers le marché. Le mieux restait de trouver des ressources capables de tenir quelques jours. Après tout, ils n’étaient pas obligés de ne rester qu’une nuit à l’oasis que le duo trouverait. N’étaient-ils pas censés apprendre à se connaître justement ? Quelques jours à eux deux dans une oasis perdu, c’était un peu propice à cela, non ? La demi-elfe fit donc le plein de fruits, légumes et viande séchés, sans oublier un petit sac de riz, un autre de lentilles, du pain et du fromage. La panoplie nutritive parfaite de l’aventurier en somme. Et puis, à la rigueur, s’il y avait du poisson à l’oasis, la nordienne avait une canne à pêche dans son matos, sans compter que les deux étaient de bons chasseurs. Il était vrai cependant que le griffon de Melhyndil aurait besoin de viande, mais sans doute y avait-il des petites proies dans le désert. Prévoyante, la völva avait tout de même fait une plus grande réserve de viande séchée au cas où. Un sac d’avoine en plus pour sa propre monture, et le tour était joué pour les provisions.

L’après-midi était d’ailleurs bien avancé et, chargé comme une mule, la demi-elfe songeait à retourner à l’auberge avec ses achats, lorsqu’un dernier commerçant attira son attention involontairement. Celui-ci vendait des jouets aux enfants, ou plutôt à leurs parents. Mais en l’état, c’était les deux épées en bois, parfaites pour l’entraînement, qui attira son regard. La jeune femme se souvenait avoir promis à l’archer d’apprendre à se battre au corps à corps. Seulement, le bon moment ne s’était jamais présenté. "J’crois bien que là on aura un peu de temps pour ça." Et pour faire la surprise à son ami, Hilda enveloppa les deux armes factices dans sa nouvelle cape. Certes, la taille du paquet intriguerait certainement Melhyndil lorsqu’il le verrait, mais bien sûr, pas question de lui révéler de suite. Nan, elle attendrait d’être arrivée sur place pour ça, histoire de le faire patienter un peu. C’était là sa première leçon : restreindre son envie de tout savoir, car cela pouvait mener à la précipitation, et donc aux mouvements qui pouvaient être fatidiques dans un duel.

C’est donc ainsi que, le dos chargé comme une mule, les épées de bois et la cape dans les bras, qu’Hilda retourna à l’auberge, se demandant si l’elfe l’avait attendu ou était également sortit pendant la journée, mais surtout, s’il serait là à son retour. Dans tous les cas, la jeune femme commencerait par ranger ses achats dans les différents sacs s’accrochant à la selle de son pégase, histoire d’être prête dès le matin pour leur voyage.

L’archer n’étant pas sur place à son retour, mais ses bagages encore présent, c’est soulagée que la jeune femme commença à ranger ses achats. D’abord, la cape d’invisibilité et les épées de bois, afin de les garder en surprise comme prévu. Bien camouflé dans le vêtement, il n’avait suffit que de glisser l’ensemble entre deux sangles. Certes, le tissu était visible, mais pas son contenu. La nordienne en était à ranger les vivres lorsqu’elle entendit la porte de la chambre s’ouvrir. Un sourire se manifesta sur son visage mais, tournant le dos à la porte, la völva ne remarqua pas de suite que Melhyndil était accompagné.

- Ah Hilda, comment s'est passée ta journée ?

- Tranquille. J’ai fait les courses pour la route. Et toi …

C’était justement là que la demi-elfe s’était retournée, remarquant enfin la femme abyssale près de l’archer. Son sourire s’effaça, passant à un air surpris, tandis que l’être marin affichait un sourire éclatant.

- Je te présente Cléo. Je l'ai rencontré lors d'une compétition de tir à l'arc à l'arène, et elle a insisté pour que je devienne son instructeur. J'ai essayé de refuser, mais elle n'a rien voulu savoir, alors la voilà.

"Non … il déconne, là ? On a parlé franchement de nos sentiments à peine HIER SOIR, et lui il ramène une autre fille pour le voyage ? Sans compter qu’elle est bien plus jolie que moi …"

L’Abyssale la salue alors d’un signe de la main. Visiblement, aucun des deux ne semblait comprendre le souci, mais Cléo pouvait être pardonnée sur ce  point, Melhyndil ne lui ayant sans doute pas parlé de leur conversation de la veille.

- Bonjour, je me nomme Cléo. Je suis très heureuse d'avoir trouvé un elfe pour m'apprendre le tir à l'arc. C'est un plaisir de vous rencontrer, nous allons donc voyager ensemble ?

Elle n’a pas le temps de lui répondre que l’elfe poursuit.

- J'aurais bien aimé t'accompagner pour faire les achats durant notre voyage, j'ai malheureusement dormi trop tard, je suis désolé. Qu'as tu donc rapporté de beau ?

Son regard passa de la surprise à la froideur, la même que la nordienne affichait lors de leur première rencontre. Voilà bien une preuve qu’il n’avait pas compris. Elle commença tout de même par répondre à Cléo.

- Moi, c’est Hilda Lagertha Alfdóttir, du clan Skoggandr. Ouais, apparemment, y’en a un qui a décidé qu’on voyagerait ensemble.

La jeune femme ne lui en dit plus. L’abyssale était une inconnue, ceux à qui Hilda n’accordait que méfiance t’en qu’ils n’avaient pas fait leurs preuves. Et si Melhyndil avait bonne mémoire, il s’en rappellerait. Mais il y avait un truc en plus dans sa voix. Colère ? Jalousie ? Hilda ne saurait elle-même le dire. Mais la présence de cette Cléo l’énervait. Alors, bien sûr que cela paraissait dans sa voix lorsque la nordienne répondit à Melhyndil.

- J’ai acheté les vivres pour la route : fruits, légumes et viande séchées. J’ai même fait une bonne réserve au cas où pour Arataurastar, vu qu’on sait pas combien de temps on va rester là. J’ai aussi des lentilles, du riz, du pain et du fromage, on devrait manquer de rien. Sans compter l’avoine pour Hófvarpnir.

Hilda n’avait rien de plus à dire pour l’instant, alors elle se replongea sur le rangement des courses dans ses sacoches de selle, attendant la suite de la conversation.

Elle ne sait trop comment réagir à cette situation tendue. Mais ce n’était clairement pas de sa faute, mais bien celle de Cléo, qu’elle ne le veuille ou non. La nordienne n’appréciait juste pas sa présence, mais encore là, la jeune femme ne savait trop pourquoi. Son caractère habituel sans doute.

- Merci Cléo, je pense qu'on peut se revoir demain pour le coup ? Je te laisse préparer tes affaires pour notre départ.

- Merci beaucoup, je vous dis à demain alors. Nous pourrons faire plus ample connaissance.

"Bon débarras. On a pas besoin d’elle dans cette histoire." Bien sûr, la nordienne entends l’archer s’approcher, et fut plus que surprise lorsque celui-ci la prit par la taille et la serra dans ses bras. La völva se figea. Elle ne pensait pas qu’ils en étaient déjà là. Et pourtant, la jeune femme resta là, sans bouger, dans l’étreinte de l’elfe, ressentant un mélange de chaleur et de froideur au fond de son être, en se remémorant les détails de la musculature de son ami, vu la veille sans sa tunique, mais aussi à cause de la tension qu’il y avait. Hilda sentit le rouge monter à ses joues, mais heureusement, Melhyndil se trouvait derrière elle, et ne pouvait donc pas le remarquer de suite.

La demi-elfe ne savait pas si ce qu'elle éprouvait en cet instant était de la jalousie, de l'inquiétude, ou peut-être un sentiment plus sombre. Cléo n’était là que depuis quelques minutes, et pourtant l’abyssale déclenchait déjà une tempête intérieure chez Hilda. Bon, la présence de la nouvelle et de l’étreinte, en vérité. Ce n'était pas la peur de perdre Melhyndil qui la troublait - elle ne se serait jamais laissée aller à de telles faiblesses, voyons - mais plutôt une sensation de gêne, un malaise qui refusait de se dissiper. La jeune femme resta silencieuse un instant, le regard dans le vide. Ce n’était peut-être pas tant de la jalousie, mais une méfiance instinctive, presque viscérale. Un trait hérité de son éducation nordienne à n’en point douter. Pourquoi Melhyndil avait-il jugé bon d’intégrer cette femme au groupe, au moment où leur relation semblait sur le point de changer ?

- Cette Cléo… tu es certain qu’on a vraiment besoin d’elle ? demanda-t-elle, d’une voix plus froide qu’elle ne l’aurait voulu.

La völva resta là, dans les bras de l’elfe et lui tournant toujours le dos, ne sachant trop si elle devait se défaire de cette étreinte inattendue ou non.