Les ruelles de BaldorHeim regorgent de l'activité vibrante qui me rappelle combien cette ville est un carrefour vital des montagnes de l'Est. Mes pas, lourds mais mesurés, résonnent doucement sur les pavés alors que je me faufile parmi les étals et les boutiques. Gralvoc, mon fidèle golem de pierre, suit derrière moi, portant avec une aisance étonnante les nombreux achats de la journée.

J'ai déjà récupéré les herbes et les plantes pour notre village. Les racines de sang-de-dragon seront parfaites pour les potions de guérison, et les feuilles de caldris apporteront ce goût délicieusement sucré que les petits du clan apprécient tant. Les tissus que j'ai choisis pour les nouveaux nés sont doux comme le duvet d'un cygne, aux couleurs apaisantes de la lavande et de l'aube dorée.

En quittant la boutique de l'herboriste, je me dirige vers la librairie, une oasis de savoirs anciens et de secrets magiques. Le libraire, un vieil homme aux lunettes à triple foyer, me salue d'un sourire complice. Je lui demande :

« Avez-vous reçu le tome de chirurgie que j'avais commandé pour mon amie Ayotundé ? Elle apprend la magie de guérison auprès de notre chamane, et ce livre lui serait d'une grande aide. »

Il me tend un volume relié de cuir, gravé de runes anciennes. « Ah, ce livre est un trésor. Votre amie sera entre de bonnes mains. » Je hoche la tête, ravie de cette trouvaille. Je n'oublie pas non plus Taika, mon ami Sphénia, pour qui j'ai déniché un manuscrit rare sur la magie du vent. Il y a longtemps que je ne l'avais pas vu aussi excité que lorsqu'il évoque les courants aériens et leur puissance mystique.

Mon dernier arrêt est chez le calligraphe, où je me procure l'encre noire, épaisse et fluide comme la nuit, nécessaire pour nos parchemins. Je lui dis, en souriant :

« Cette encre-là est parfaite. Nous avons tant de choses à consigner, et elle doit résister au temps. »

Le ciel commence à se teinter d'or et de pourpre lorsque nous quittons BaldorHeim. Je contemple un instant les cimes des montagnes de Baldor, si majestueuses, avant de me tourner vers Gralvoc. « Allons-y, Gralvoc. Nous emprunterons le chemin du haut aujourd'hui. Il est moins fréquenté, mais plus tranquille. »

Nos pas s'enfoncent dans le sentier rocailleux, le paysage se déployant en vastes panoramas d'un vert profond, parsemés de touffes de bruyères violettes. La nature, ici, est notre alliée. Chaque brise porte les murmures des anciens, chaque pierre a une histoire.

Soudain, un bruit sec résonne. Une pierre, grosse comme ma main, dégringole la pente abrupte après un coup de pied malencontreux de Gralvoc. Je m'arrête, tendant l'oreille. En contrebas, une créature semble s'agiter. Je me penche et aperçois un camp de fortune, fait de branchages et de peaux, à moitié enseveli sous les pierres déplacées.

Je lève la voix pour apaiser l'inquiétude de l'être en contrebas : « Ne craignez rien ! Je suis Dame Ara du clan Kelah. Nous n'avons pas l'intention de vous faire du mal. Je vais descendre pour m'excuser. Attendez-moi là, je reviens d'ici peu. »

Le regard perplexe de la créature me fixe un instant, mais elle semble se détendre légèrement. Je soupire, consciente que ma stature imposante peut être intimidante. Il me faut trouver un chemin sûr pour descendre sans provoquer davantage de dégâts.

Le sentier d'en bas est plus sinueux, mais aussi plus stable. Je guide Gralvoc, ses pas lourds ébranlant légèrement le sol, mais il est prudent, veillant à ne pas causer plus de trouble. En chemin, je parle doucement à Gralvoc, comme pour me rassurer moi-même autant que lui.

« Nous devons toujours être attentifs à notre environnement, Gralvoc. Même une petite pierre peut avoir de grandes conséquences. Cette créature en bas a sûrement travaillé dur pour installer son camp. J'espère qu'elle comprendra notre maladresse. »

Les minutes passent tandis que nous descendons lentement. Chaque pas nous rapproche du campement improvisé. Mon esprit s'agite de pensées : qui pourrait bien vivre ici, si loin de BaldorHeim et des routes fréquentées ? Un voyageur égaré ? Un ermite en quête de solitude ?

Nous atteignons enfin le bas du sentier. Le camp est maintenant visible dans toute sa précarité. Des branches brisées et des pierres éparpillées témoignent de notre intrusion. Je m'approche doucement, les mains levées en signe de paix.

« Je suis vraiment désolée pour cela. Mon ami Gralvoc et moi ne souhaitions en aucun cas perturber votre campement. Nous ne faisions que passer. Puis-je vous aider à réparer ce qui a été endommagé ? »

Je m'agenouille, offrant ma main en signe de paix et d'assistance, prête à montrer que, malgré ma taille imposante et mon apparence de guerrière, mon cœur est toujours guidé par l'amour et la compassion.

Je m'agenouille doucement, offrant ma main à la créature devant moi. Ses yeux, remplis de méfiance et de curiosité, m'observent attentivement. Elle est aussi grande que moi, si l'on considère ses bois majestueux qui s'élèvent au-dessus de sa tête. Une élaphaure. Je suis surprise et enchantée de rencontrer une telle créature, d'autant plus qu'elles vivent généralement en clan et évitent le contact avec les autres groupes.

Un sourire se dessine sur mes lèvres alors que je me redresse, mes yeux scrutant les dégâts causés. « Enchantée de te rencontrer, Ashaisha. Je suis Dame Ara du clan Kelah. Laisse-nous t'aider à remettre de l'ordre ici. Gralvoc, pourrais-tu enlever ces rochers qui sont tombés sur les peaux de bêtes ? »

Gralvoc acquiesce silencieusement, déposant soigneusement les nombreux sacs d'achats sur le sol avant de s'atteler à la tâche. Ses mouvements sont précis et puissants, dégageant rapidement les pierres lourdes et les écartant du campement. Pendant ce temps, je scrute les alentours, cherchant du bois pour réparer l'abri de l'élaphaure.

« Je vais chercher du bois mort pour aider à réparer ton abri. Je connais l'importance sacrée et mystique des arbres pour votre peuple, et je ne voudrais pas les perturber inutilement. » Je m'éloigne légèrement, fouillant parmi les sous-bois pour trouver des branches mortes et des morceaux de bois tombés naturellement.

Les oiseaux chantent au-dessus de moi, leurs mélodies douces apportant une certaine sérénité à l'atmosphère. Je ramasse une bonne quantité de bois, puis retourne vers le camp d'Ashaisha. Gralvoc a presque terminé de dégager les rochers, son efficacité est toujours impressionnante.

Je commence à disposer les morceaux de bois pour reconstruire une partie de l'abri d'Ashaisha, travaillant avec soin pour ne pas endommager davantage les structures existantes. « Cela devrait suffire pour renforcer ton abri pour la nuit. Nous pourrons peut-être trouver d'autres matériaux demain, si tu le souhaites. »

Je fais une pause, essuyant la sueur de mon front, et j'observe Ashaisha avec intérêt. « Dis-moi, que fais-tu de l'autre côté de BaldorHeim ? Est-ce que tu cherches à entrer dans la ville, ou surveilles-tu les Nains ? »

Sa présence ici m'intrigue. Les élaphaures ne s'aventurent généralement pas si près des habitations des autres races, préférant la sécurité de leurs propres terres forestières. La curiosité me pousse à en savoir plus sur les raisons qui l'ont amenée ici, seule, si loin de son clan.

« Les Nains peuvent être méfiants envers les étrangers, surtout ceux qui ne partagent pas leurs coutumes. Si tu as besoin d'aide ou de conseils pour interagir avec eux, je pourrai peut-être te donner quelques indications. »

Je continue d'arranger le bois, jetant des coups d'œil à Ashaisha pour voir sa réaction. Sa réponse pourrait révéler des informations importantes sur sa mission ou ses intentions. Mon esprit s'emplit de questions, chaque nouvelle pièce du puzzle ajoutant à la complexité de cette rencontre inattendue.

Le vent murmure à travers les branches, comme pour rappeler la connexion sacrée entre toutes les créatures de Dùralas. J'espère que cette rencontre fortuite avec Ashaisha sera le début d'une nouvelle amitié, ou au moins, d'une compréhension mutuelle. Tandis que je termine de sécuriser l'abri, je ne peux m'empêcher de continuer à questionner Ashaisha, désireuse de comprendre ce qui l'a poussée à quitter la sécurité de sa forêt pour se retrouver ici, dans ces montagnes austères.

« Alors, Ashaisha, qu'est-ce qui t'amène réellement ici ? Y a-t-il quelque chose que tu cherches spécifiquement ou une mission particulière que tu dois accomplir ? »

Lorsque Ashaisha refuse mon offre d'aide pour réparer son abri, je sens une pointe de détermination dans sa voix. Elle ne compte pas passer plus d'une nuit ici, me dit-elle, et je respecte son choix.

« Très bien, Ashaisha. Si vous êtes certaine de ne rester qu'une nuit, alors je comprends. Mais sachez que l'offre tient toujours si vous changez d'avis. Je suis ici pour aider. »

Alors qu'elle parle des Nains, son hésitation et sa timidité se dévoilent encore davantage. J'écoute avec attention, mon cœur se serrant légèrement à l'idée que cette jeune élaphaure puisse se sentir si seule et vulnérable face à un monde qu'elle connaît si peu.

« Les Nains peuvent être impressionnants au premier abord, je vous l'accorde. Ils vivent exclusivement dans les montagnes, creusant d'immenses galeries sous terre. Ils sont réputés pour leur habileté à manipuler les métaux et leurs compétences technologiques. Et, bien sûr, ils sont très fiers, peut-être un peu trop parfois. Leur taille modeste cache une force redoutable, donc il vaut mieux éviter toute remarque sur leur stature. Mais ce qui est encore plus sacré pour eux, c'est leur barbe. Pour un Nain, sa barbe représente son honneur. La raser serait l'offense suprême. Quant aux femmes naines, c'est la longueur de leurs cheveux qui tient cette même valeur. Donc, si vous devez les rencontrer, soyez prudente, et surtout respectueuse. »

Je lui souris, espérant que mes explications lui soient utiles. Mais je vois bien que ses pensées sont ailleurs. Et lorsqu'elle commence à parler de son père disparu, je sens immédiatement le changement dans son ton. Mon instinct maternel se réveille en moi alors qu'elle décrit la disparition de Sipi, ce Minotaure qui semble avoir été un père pour elle. Je l'écoute attentivement, chaque mot résonnant en moi avec une profondeur que je ne peux ignorer.

Quand Ashaisha me demande si j'ai vu son père, je sens la détresse monter en elle, et en voyant les larmes couler le long de ses joues, mon cœur se serre. Je n'ai pas vu de Minotaure correspondant à la description qu'elle me donne, et je me garde bien de lui dire que les Minotaures sont parfois chassés pour leur cuir, une pensée trop cruelle pour une jeune créature déjà si accablée.

Je m'approche doucement, posant une main apaisante sur son épaule. « Ashaisha, je suis désolée, mais je n'ai pas croisé de Minotaure répondant au nom de Sipi Yuma. Cependant, vous n'êtes plus seule dans cette quête. Je suis là pour vous aider. Ensemble, nous pourrions partir à sa recherche. Nous pourrions commencer par interroger les voyageurs de BaldorHeim, ou même parler aux Nains. Ils ont des réseaux d'information très étendus, et il se peut qu'ils aient entendu parler d'un Minotaure récemment arrivé dans la région. »

Je laisse un instant passer, cherchant à capter son regard pour qu'elle sente ma sincérité. « Ou, si vous préférez, nous pourrions retourner dans la forêt de sapins et chercher des indices là-bas. Parfois, ce sont les petits détails qui peuvent mener à de grandes découvertes. Quoi qu'il en soit, je ne vous laisserai pas affronter cela seule. »

Je vois une lueur d'espoir naître dans ses yeux, mais aussi beaucoup de fatigue. Elle a dû traverser tant d'épreuves pour en arriver ici. Mon esprit maternel me dicte de prendre soin d'elle avant tout, de lui offrir un moment de répit, une pause dans cette quête désespérée.

Sans attendre une réponse, je fouille dans l'un des sacs que Gralvoc a déposés et en sors les poivrons des grottes farcis que j'avais achetés à BaldorHeim. « Avant que nous ne prenions une décision, je pense que vous devriez manger un peu. J'ai acheté ces poivrons farcis dans une petite échoppe de la ville. C'est une recette végétale, simple mais délicieuse. Les poivrons sont remplis de riz sauvage, de champignons des cavernes et d'herbes aromatiques. Cela vous redonnera des forces. »

Je sers les poivrons à Ashaisha, avec la chaleur et la douceur que je réserve habituellement à ma propre famille. « Mangez, Ashaisha. Rien ne se fait bien le ventre vide, et je veux m'assurer que vous êtes en pleine forme pour ce qui nous attend. »

Je m'installe à côté d'elle, lui offrant mon soutien silencieux mais constant, prête à l'aider à chaque étape de cette nouvelle aventure qui nous lie désormais.