Elle appréciait le calme de la grotte comme on savoure un grand vin.
Bien qu’elle ne se soucie pas vraiment de la température ambiante, les températures extrêmes affectaient son humeur, comme la fournaise du désert qui n’était pas loin, même si c’était plus psychologique qu’autre chose. En tant que sang pure, elle n’avait jamais connu ces ressentis, comme les mordus qui avaient eu une vie, « avant ». Aussi goutait elle la fraicheur de la grotte. L’atout principal de l’endroit cela dit tenait au fait qu’il était désert. Il était bien rare que qui ce que soit, vivant ou non, se hasarde dans cet endroit isolé.


Sauf cette fois.
Elle contemplait les formations cristallines qui parsemait à grotte, donnant au lieu cette faible lueur alternant du jaune au bleu pâle comme une merveilleuse boule à facettes naturelle. Elle adorait se perdre dans ses pensées en contemplant ce spectacle, parfois des heures durant, le monde matériel autour d’elle disparaissant alors.

La présence fantomatique d’Igor, son fidèle majordome, la tira de ses rêveries.

« Comtesse, je suis navré de troubler vos pensées, ô combien élevées et précieuses, mais nous avons de la visite. » lui glissa le fantôme en s’inclinant bien bas, le visage fermé et impassible de tous les majordomes. Il apparaissait comme un homme d’une soixantaine d’années, le sommet du crâne dégarni et les tempes grisonnantes, portant une tenue à la mode, d’il y’a deux cent ans.

Svetlanna redressa la tête, fronçant les sourcils en sifflant, découvrant ses crocs, ses yeux scrutant l’entrée, en tous cas une des entrées. Elle se glissa dans un recoin sombre, semblant comme s’y fondre.
QUI osait pénétrer dans SA grotte ?

Suivant sa rencontre étrange avec cette vampire lui ayant parlé d'une nouvelle espèce de chauves-souris, Alba était repartie sur les traces de la colonies de chauves-souris qu'elle cherchait à l'origine. Certes, ces grottes étaient dangereuses, elle l'avait compris. Mais malgré l'insistance de cette femme, elle voulait toujours étudier ces espèces. Après tout, elle avait un nouveau carnet de croquis à tester !

Néanmoins, comme prévu, elle finit par se perdre. Franchement, elle le savait, pourquoi n'avait-elle pas attendu le matin comme elle le voulait à l'origine ? Décidemment, sa curiosité la perdrait...

Soudain, elle s'interrompit dans ses pensées. Elle avait vu quelque chose bouger. Alors, elle aussi cessa de bouger, se glissant dans un coin et attendant. Elle avait sûrement effrayé une créature. À présent, le but était de rester silencieuse et immobile assez longtemps pour lui faire croire qu'elle était partie afin que cette créature soit assez en confiance pour continuer à vivre sa vie et lui permettre de faire de beaux croquis. Elle éteignit également sa lanterne qui, même voilée, pouvait suffire à effrayer les êtres les plus farouches. Comment la rallumerait-elle pour dessiner sans faire fuir l'animal à nouveau ? Ce serait une question pour plus tard. Dans le pire des cas, elle se contenterait d'observer et dessinerait de mémoire plus tard. La qualité et l'exactitude du dessin en souffriraient, mais ce serait mieux que de faire définitivement peur à son modèle et de repartir bredouille.

La créature de la nuit l’observait, tapie dans l'obscurité.

Svetlanna l’avait vue disparaitre dans un recoin quand Alba semblait avoir perçu quelque chose. Cette prudence lui plaisait. Qui sait quelle mauvaise rencontre on pouvait faire dans ces grottes. Son sourire s’élargit à cette pensée. Elle se faufila en silence derrière la jeune femme pour la voir de plus près. Une belle et appétissante jeune humaine. Son cou dégarni exhibait ses vaisseaux qui firent frissonner la vampire. De belles courbes féminines sous une robe de bon gout…que venait elle donc faire ici ? elle ressemblait davantage à une petite noble ou bourgeoise qu’à une femme du désert venu améliorer l’ordinaire avec les champignons des grottes. Svetlanna résolut de ne pas la tuer, ce serait dommage d’abimer une petite merveille de la nature à sa façon. Elle remarqua ensuite le carnet de croquis, intriguée. La prédatrice pencha la tête pour mieux le voir. Sa visiteuse avait un certain talent artistique, raison de plus pour ne pas l’abimer.

« Je vous suggère d’utiliser un fusain légèrement moins gras pour vos croquis. » dit elle en restant dans l’ombre, faisant sans doute sursauter la jeune femme blonde, qui pouvait toutefois sentir sa présence derrière elle, à quelques mètres dans les ténèbres ou Svetlanna elle voyait parfaitement.
Il suffisait cela dit à Alba de rallumer sa lanterne, ou même de prendre le temps de la chercher pour la voir.

« Que faites vous en ces lieux, réputés à juste titre fort dangereux. » lui demanda t elle en étirant un sourire à la fois courtois, narquois et chargé d’une menace voilée.

Elle attendait, à l'affût. La faible lumière des cristaux lui permettait de deviner les mouvements, et c'était suffisant tant qu'elle ne cherchait pas à voir de détails.

Elle attendait, scrutait, observait, concentrée, lorsqu'une voix la fit sursauter. Elle laissa échapper une exclamation qui ruina probablement tous ses efforts précédents. Bien. Puisque de toutes façons les animaux n'étaient plus là... Elle ralluma immédiatement sa lanterne et se retourna, bien décidée à se venger. Une lanterne... Elles étaient seules, ici. Personne n'entendrait les hurlements de douleur... Personne ne saurait donc ce qu'elle aurait fait... Ni que c'était elle qui l'avait fait.

Néanmoins, lorsqu'elle se concentra sur les paroles... Des conseils de dessin ? Toute volonté de vengeance s'évapora, au profit d'une soif de connaissance. Visiblement, elle se trouvait face à une experte du dessin, à qui elle offrit un sourire radieux lorsqu'elle se retourna pour lui faire face.

- Très bien, j'en prends note. Avez-vous d'autres conseils ? Voulez-vous voir mon carnet ? Je m'excuse, il est encore assez neuf, je viens de l'acheter. Mais nous pouvons convenir de nous revoir plus tard pour que je vous amène mes anciens carnets qui eux, sont remplis de la première à la dernière feuille.

Si la femme rebondissait sur cette tirade, il n'était pas certain qu'Alba réussisse à cesser de parler...

Et, une fois de plus, on lui demandait la raison de sa présence. Elle haussa les épaules :

- Je voulais étudier des chauves-souris. Mais maintenant, ce n'est plus la peine, je leur ai fait peur.

Svetlanna l’étudiait toujours, sans s’en cacher le moins du monde.

Elle avait senti cette colère en Alba, étirant un sourire froid et appréciateur. La blonde n’avait pas l’air du genre à se laisser faire et à se rouler en boule en criant. Parfait.
Elle l’écoutait avec attention et curiosité, et la vit se détendre, ce qui n’était pas le cas de Svetlanna, bien qu’elle fut bien moins expressive que sa visiteuse, toujours sur ses gardes, la clé de la survie.

« Des conseils ? et bien si vous me faites l’honneur de les écouter, oui, j’en aurais bon nombre. » dit elle, temporisant en étudiant cette curieuse proposition. La revoir ? quelle étrange et séduisante idée à la fois.
Bien sûr, sa nature paranoïaque vampirique passa en premier, et la proposition de la jeune humaine ressemblait avant tout à un piège grossier. Sans doute Alba serait elle accompagnée et équipée la prochaine fois pour la détruire ou la capturer pour l’exhiber comme une bête de foire, ou faire des expériences sur elle, qui sait. La vampire se massa le menton, amusée et curieuse, tout en tendant la main vers son carnet pour le récupérer. La même nature paranoïaque fit sentir à Alba que contrairement à ce qu’elle pensait, les deux femmes n’étaient pas seules ici. Alba sentit peser sur elle un regard spectral alors que la silhouette fantômatique d’Igor, le majordome se manifesta près d’elle. Et Igor la gardait à l’œil, tandis que sa maitresse feuilletait le carnet avec une petite moue approbatrice.

« J’aimerais voir ces carnets, en effet et vous avez raison, les chauve souris ont fui. Mais je connais d’excellents endroits ou vous pourrez les étudier à loisir. Que diriez vous de m’accompagner. » reprit Svetlanna d’un sourire froid. La phrase se voulait une question, mais une question qui n’attendait pas de refus de la part de la jeune humaine perdue seule, sur son territoire de chasse.

Elle attendit. Mais les conseils ne vinrent pas. Avait-elle raté quelque chose ? Etait-elle censée faire quelque chose dont elle n'avait aucune idée ? Mais voilà, le problème restait le même... Elle ne savait pas ce qu'elle était censée faire. Et elle ne le demanderait pas. Si c'était si indispensable, c'est cette femme qui poserait les questions.

Elle lui laissa le carnet, et ce fut à ce moment qu'un... Fantôme ? Se manifesta. Hum... Elle ferait comme si elle ne l'avait pas vu. Et s'interdit de le regarder à nouveau. Sans quoi, elle risquait de ne plus se contrôler. Et comment dire... Elle ne connaissait pas cette grotte en particulier, mais pour en avoir visité d'autres, elle savait que c'étaient des labyrinthes. À plus forte raison en pleine panique... Elle se perdrait, c'était certain. Alors, on restait lucide et on ne pensait pas à cet être qui défiait toute logique.

Heureusement, la maîtresse des lieux (il ne fallait pas être un grand savant pour se rendre compte de cette évidence) finit par dissiper le malaise en proposant de la mener vers le territoire de nouvelles chauves-souris. Aucun mot n'étant nécessaire, elle se contenta de lui emboîter le pas. En espérant bien qu'elle ne lui ferait pas une blague de mauvais goût, elle.

Elle connaissait bien ces grottes, en effet.
Elle mena Alba à travers un labyrinthe minéral d'une indéniable beauté sur laquelle elle s'attarda bien volontiers. Igor se tenait à quelques mètres d'elles, mais surveillait son dos si d'aventure la jeune humaine avait une idée malheureuse.
Elle fit une petite halte près d'un bassin naturel encadré de majestueuse stalagmites- avec un M, comme monte- se tournant pour lui faire face. Grâce aux mousses phosphorescentes et au miroitement de l’eau du bassin, Alba la voyait mieux. Elle portait un bustier de dentelle noire mais pas de robe, peu pratique pour bouger rapidement. A la place un pantalon noir, évidemment, et des bottes montant à mi cuisse.Alba ne vit pas d’armes apparentes, mais elle savait qu’elle n’en avait pas besoin.  Elle semblait avoir trente ans même si on pouvait se douter qu’elle en avait bien plus. Elle invita la visiteuse à s’installer sur une pierre plate.

« Comment vous appelez vous ? je suis pour ma part la comtesse Svetlanna Czerwenka » lui dit elle d’une voix calme et posée, ses yeux rouges posés sur elle.
La grande brune élancée s’installa à son tour sur une autre pierre plate. A croire que l’endroit avait été aménagé pour ça. Peut être était ce le cas.

« La grotte suivante regorge de chauve-souris que vous pourrez étudier à loisir » ajouta t elle pour la rassurer, qu’elle ne l’avait pas perdue au milieu de nulle part pour disposer d’elle loin de tout en écoutant la réponse d’Alba, la laissant se présenter.
La vampire semblait avoir de curieuses manières d’autrefois, tant dans sa façon de parler, dans sa gestuelle, et ses tournures de phrases.
Alba la sentait lutter pour ne pas se perdre dans la contemplation du bassin et se couper du monde qui l’entourait, une lutte qu’elle finit par perdre. La jeune humaine se retrouvait bel et bien au milieu de nulle part, et sa dangereuse hôtesse semblait perdue, comme prisonnière d’une contemplation mélancolique qui pouvait durer…longtemps.
Le spectre lui y était insensible, et veillait, impassible.

Comment Alba allait t elle réagir ? « réveiller » ce lunatique personnage au risque de provoquer une mauvaise réaction ? s’éclipser au risque de se perdre ?... hormis le goutte à goutte des voutes de pierre dans le bassin, la grotte était totalement silencieuse.

Elle suivit donc son hôtesse jusqu'à ce qui lui sembla un salon bien rudimentaire. Mais, bien loin de ses semblables, elle avait voyagé, exploré tous types de paysages, et avait donc gagné une certaine ouverture d'esprit que le bourgeois moyen ne connaîtrait jamais. Autrement dit, elle savait que ce lieu rustique était bien plus confortable que d'autres environnements qu'elle avait pu voir, aussi ne jugerait-elle pas.

Elle prit donc place sur la pierre qui lui fut attribuée et se soumit de bonne grâce aux instructions qui lui furent données. "Mon toit, ma loi", n'est-ce pas ? Eh bien, elle se trouvait chez cette femme.

- Enchantée. Je suis Alba Divitius, simple bourgeoise... Mais vous me feriez plaisir si vous ne m'associiez pas à ma folle de famille. Je suis simplement Alba, qui vit pour elle-même.

Elle garda pour elle son avis sur la noblesse, car elle savait qu'il risquait de lui coûter cher... Elle hurlerait autant qu'elle le voudrait une fois sortie de ces grottes... Si elle parvenait à en sortir un jour.

Néanmoins, elle détourna son attention en parlant des chauves-souris de la grotte suivante. À présent, elle n'avait plus qu'une envie : aller les observer. Et la maîtresse des lieux ne tarda pas à lui en donner l'occasion, en se déinstéressant totalement d'elle.

En évitant toujours le fantôme, évitant même de penser à lui, elle se dirigea vers la grotte indiquée, doucement, faisant attention à ne pas faire trop de bruit. Après tout, elle ne savait pas si une chauve-souris se trouvait juste à côté de l'entrée. Dans ces conditions, elle agissait comme si tel était le cas. Les humanoïdes présents avaient désormais disparu à ses yeux, elle les avait même oubliés. Seules les chauve-souris comptaient.

Svetlanna connaissait bien ce genre de contemplation, elle s’y adonnait souvent elle-même, et par un étrange caprice du destin et de leur caractère, les deux femmes qui venaient de se rencontrer disparurent d’une pour l’autre, et ça n’est pas le majordome fantomatique qui allait troubler leurs occupations. La vampire ne remarqua même pas  que Alba était partie pour la grotte indiquée,  progressivement captivée par les miroitements du bassin, ce kaléidoscope minéral et liquide, seul Igor la suivi des « yeux » avant de reprendre sa veille, impassible. Son devoir était de veiller sur Svetlanna, rien d’autre, il ne dérangea Alba en aucune façon. Cette dernière pourrait se faire attaquer sans qu’il ne bronche….

D’ailleurs…Svetlanna avait omis de parler à la jeune humaine de la matriarche de la grotte, la mère des nichées. Elle pouvait s’avérer dangereuse si on la dérangeait, elle, ou ses protégés.

En tous cas Alba était servie si elle voulait étudier les chauve souris, il y’en avait des centaines, de toutes les tailles, accrochées aux voutes naturelles de pierre, pour la plupart endormies. Elle allait pouvoir les étudier, les dessiner sous tous les angles. Certaines volèrent plus loin pour s’éloigner d’un prédateur potentiel qu’elle était, mais la plupart restèrent immobiles.
Pour l’instant…

Alba, puisque personne ne cherchait à l'interrompre (une sage décision, soit dit en passant), poursuivit son chemin. Elle fit fuir certaines chauves-souris et s'en détesta. Alors, elle éteignit complètement sa lanterne et chercha à tâtons une cachette pour y observer la vie qui se déroulait en ce lieu. Tant pis pour ses croquis, elle les ferait, plus tard, de mémoire. Pour l'heure...

Elle se trouva une place, bien placée entre deux rochers, et ferma les yeux le temps de calmer sa respiration et le rythme de son coeur. Elle se vida la tête. Elle devait être concentrée.

Puis elle rouvrit les yeux et resta là, immobile, leur laissant le temps de s'habituer à l'obscurité.

Une fois toutes ces préparations effectuées, elle put se permettre d'observer la vie autour d'elle. Et elle regretta de ne pas être brune. Ainsi, elle se fondrait beaucoup plus facilement dans l'obscurité... Bon. Il suffisait de leur faire croire qu'elle n'était qu'une pierre un peu étrange, non ? Ou un oeuf d'une autre espèce...

En levant la tête, elle croisa le regard d'une chauve-souris qui l'observait depuis sa position juste au-dessus d'elle. Elle lui sourit. En voilà une qu'elle aurait adoré aller caresser, sa petite tête était si mignonne... Mais elle savait qu'elle ne devait rien en faire. Autant que possible, elle ne devait absolument pas les déranger. Alors, elle se contenta de les observer. Elle pourrait rester là, dans cette position inconfortable, pendant des heures...

Et Alba ne fut pas déçue.
Elle put satisfaire toute sa curiosité envers les chauve-souris de cet endroit. Peu à peu, elles reprirent leurs activités normales sans se soucier de sa présence, comme Alba l’espérait. Elle put observer à loisir leurs rituels de toilettage, d’alimentation et même certaines trajectoires de vol, et ce sans être dérangée. Combien de temps ? difficile à dire, l’une comme l’autre s’en souciait peu.  Puis Alba remarqua un changement d’attitude progressif mais assez rapide chez les animaux cavernicoles. Ils se firent plus agités, beaucoup d’entre elles décollant de leurs perchoirs, volant en tous sens dans la grotte, sans jamais pourtant entrer en collision malgré leur nombre. Des créatures vraiment fascinantes.

Peu à peu, les chauves souris devinrent plus agressives, commençant à tourner autour de la cachette d’Alba, certaines mêmes tentant un petit piqué vers elle. Elles formaient à présent un véritable essaim dangereusement insistant et le concert de piaillement devenait assourdissant.

C’est à peine si Alda entendit la voix de la vampire derrière elle, laquelle haussait rarement la voix.
« Je vous suggère de poursuivre votre étude plus tard, hormis si vous désirez être vidée de votre sang. » dit Svetlanna placidement.

Toutefois, sans attendre, la vampire se hâte vers le fond de la grotte au bassin, ou elle méditait il y’a quelques minutes encore. Alba la vit se faufiler dans une sorte de faille dans la roche. Elle ne regardait pas en arrière si Alba la suivait.

Elle sentit un changement d'ambiance avant que les chauves-souris commencent à s'agiter. Ce n'était pas normal...

Elle sentit rapidement qu'il fallait qu'elle s'en aille, elle était devenue une invitée indésirable. Alors qu'elle cherchait un trajet pour partir sans retraverser l'essaim, elle remarqua que sa guide précédente l'avait de nouveau rejointe. Sans protester, elle la suivit.

Une fois de retour dans la grotte au bassin, elle lança un regard inquiet à la fente par laquelle elles étaient passées. Qu'est-ce qui avait bien pu provoquer cette agitation ? Ce n'était pas sa simple présence, elle en était certaine. Certes, cette dernière avait peut-être joué un rôle, mais elle n'était pas la seule cause. Elle avait envie d'en savoir plus... Tout en sachant que ce ne serait pas prudent. Alors, elle se décida à interroger la maîtresse des lieux :

- Je vous remercie. Mais... Sauriez-vous ce qui les a énervées à ce point ? Il est impossible que ce soit dû à ma seule présence. Je peux les avoir agacées, mais pas à ce point...

Une fois la faille passée, Igor resta en arrière, devant l’ouverture pour décourager d’éventuelles poursuivantes ailées de sa seule présence. Les animaux sensibles à son aura fantomatique, l’évitèrent en effet.

Svetlanna se tourna ensuite vers Alba.
« Pour répondre à votre question, oui, c’est très simple. La nuit est tombée à l’extérieur. Elles se réveillent pour chasser. » lui sourit elle, découvrant ses crocs laissant la blonde comprendre seule que ces adorables petits volatiles étaient eux aussi des vampires.
Svetlana l’étudia, dans une mimique de réflexion.

« C’est curieux, votre visage m’est familier. Je croise peu de monde pourtant, mais j’ai l’impression de vous avoir déjà vue. »  dit elle, se massant le menton, passant en revue ses rares contacts humains pacifiques.

Au grand dam d’Alba, le fantôme du majordome se rapprocha, s’inclinant. La jeune humaine eut la désagréable surprise de l’entendre « parler ». Une voix étrange, désincarnée, comme provenant d’un autre plan, ce qui était un peu le cas, et qui n’avait rien d’agréable sans y être préparée. Celle-ci raisonna dans la grotte silencieuse qui accentuait encore l’effet.

« Votre ami Constantin, madame » dit le spectre.

Svetlanna claqua des doigts, associant de nouveau le visage de la petite blonde à une des nombreuses femmes qui trainaient dans son sillage.
« Ah oui, en effet, ce bellâtre… je me souviens vaguement vous avoir vue la bas. Un homme charmant mais un rien pesant et bien trop insistant à mon gout. »  lâcha t elle sans ménagement pour l’intéressé,  agitant l’air de sa main.
« Je peux vous y conduire, si vous le désirez, ça n’est pas très loin d’ici. » dit elle avec une petite moue[

La nuit. Oui, évidemment. Elle avait été imprudente. D'un autre côté, elle sentait que la maîtresse des lieux saurait la protéger si nécessaire... Dans tous les cas, elle n'avait pas d'autre choix que de se fier à elle. Il était hors de question de retourner dans la grotte voisine, quant à ressortir... Seule, elle se perdrait. Elle n'avait donc pas d'autre choix que de se soumettre à la bonne volonté de la comtesse... En priant pour que cette dernière dure au moins jusqu'à son départ.

En parlant de cela...

- Je comprends... Et qu'en est-il pour vous ? N'avez-vous pas besoin de chasser également ?

Autrement dit "si je risque d'être votre repas, merci de me faire sortir d'ici avant".

Puis elle sous-entendit qu'elles se connaissaient. Hum... Alba était certaine du contraire, pour sa part. Mais elle n'eut pas le temps de formuler sa pensée que le fantôme qu'elle s'efforçait d'oublier depuis le début lui imposa son existence en parlant. Rha. Jamais elle ne s'y habituerait. Et ne le souhaitait de toutes façons pas. Après tout, elle ne reverrait probablement plus cette femme après l'avoir quittée ce soir-là. Et si elle ne la revoyait plus, elle ne reverrait pas non plus son compagnon plus que dérangeant.

Mais les mots prononcés lui firent aussitôt oublier ce désagrément au profit d'un autre, bien plus important. Le fameux Constantin... Cette dame était donc l'une de ses proches ? Dans quelle galère s'était-elle encore fourrée ?! Si jamais elle apprenait qu'ils se connaissaient, lui pourrait apprendre qu'elles s'étaient rencontrées, et cela pourrait peut-être même aller jusqu'à ses parents... Et ça, c'était hors de question.

Elle crut rêver lorsqu'elle lui proposa de la conduire à lui. Sérieusement ?! Non mais elle avait été payée par ses parents ou quoi ?! D'autant plus qu'ils en avaient les moyens... Plus elle y pensait, moins cette solution lui semblait impossible. Mais non, il fallait se ressaisir.

- Ainsi, vous vous connaissez... Il est hors de question que j'aille le voir, et il est également hors de question que vous lui parliez de notre rencontre, compris ?!

La crainte et la colère lui faisaient oublier la hiérarchie entre elle. De nombreuses manières, la noble avait la capacité et le droit de lui faire regretter un tel affront. Elle le savait. Mais elle l'avait oublié l'espace de quelques minutes.

Ca n’était pas passé inaperçu, mais la comtesse réagit de façon inattendue, en tous cas sans sauter à la gorge d’Alba comme celle-ci aurait pu s’y attendre, à en croire l’ombre qui passa rapidement sur son visage.

« Ma chère, puis je vous suggérer de changer de ton si vous voulez vivre ? »   lui dit elle tranquillement sans sembler se mettre en colère, lui souriant aimablement. Elle estimait Alba assez intelligente pour changer d'attitude rapidement, immédiatement de préférence, et un ton doucereux est toujours plus pertinent d'un déchainement de violence en matière de menaces.
La comtesse semblait très intéressée par les émotions brutes émanants de la jeune fille, comme si elle pouvait les ressentir, les sentir au sens physique du terme. Peut être était ce le cas, d’ailleurs.

« La colère et la frustration font remarquablement varier votre teint. Bien que vos traits perdent en finesse sous ce rictus, votre détermination resplendit sous l’emprise de ces émotions. Vos cheveux  ondulent du plus bel effet sous ces légers mouvements de tête et de menton. J’aimerais vous peindre, oui, oui. Mettez vous donc la, près de la lanterne. » dit elle en désignant la lanterne posée sur un petit rocher qui éclairait en effet les deux femmes d’une lumière fluctuante, jaunâtre.

Après avoir sorti son matériel, elle commença son croquis, sans spécialement s’attendre à ce que la jeune femme refuse. La comtesse n’avait pas prévu de l’inclure à son menu, mais elle pouvait encore changer d’avis.

Hum. Ah oui. C'était vrai, elle ne s'était pas comportée comme elle l'aurait dû. Reprenant immédiatement son masque de jeune fille bien éduquée, elle répliqua avec une petite courbette.

- Veuillez m'excuser pour mon impudence. Mais si vous pouviez en effet éviter de lui parler de moi... Je suis certaine que ça l'arrangerait aussi.

Ainsi, la situation profiterait à tout le monde. Evidemment, Alba ne serait plus là lorsque le moment viendrait de raconter ou non leur entrevue, donc la comtesse pourrait faire ce qu'elle voudrait à ce sujet. Et puis, les mensonges ne dérangeaient pas Alba. Du moment qu'elle entendait ce qu'elle voulait. Après tout, elle-même ne reculerait pas devant le recours au mensonge si nécessaire, il serait donc hypocrite de sa part d'attendre une parfaite sincérité de la part de ses interlocuteurs.

Mais le maintien d'une posture respectueuse fut rendu bien plus difficile avec ce qui suivit. Sérieusement ?! Elle voulait la peindre... Il serait difficile de choisir un plus mauvais moment pour un tel exercice...

D'un autre côté, avait-elle simplement le droit de refuser ? La menace voilée énoncée plus tôt était encore très claire dans son esprit. Etait-elle fière au point d'en risquer sa vie ?

Elle décida que cela n'en valait pas le coup. Alors, tandis qu'elle s'approchait du lieu désigné, elle précisa tout de même :

- Sachez qu'il y a au moins une bonne centaine de meilleures opportunités pour s'adonner à la peinture... Vous obtiendriez quelque chose de tellement mieux à un autre moment...

« Constantïn, oui, avec un tréma… »  dit elle.
« Un bien étrange personnage, que vous ne tenez semble t il pas à rencontrer trop souvent. » continua t elle, prenant note de cette information qui pouvait être utile en son temps, avec l’un comme avec l’autre.

Elle écouta avec intérêt les objections de la petite blonde. Un refus sec et impoli lui aurait sans doute valu de gros problèmes mais Alba le savait, elle mettait les formes, manifestement sachant comment parler à ce genre de personnages. La comtesse regarda autour d’elle. Elle dut bien convenir que la jeune femme avait raison. L’éclairage n’était pas terrible, même si cela aurait donné un portrait intéressant, et les piaillements de chauve-souris avait nuit à sa concentration. Alba avait raison.

« Vous avez parfaitement raison, ma chère ! allons chez moi ! »  dit elle avec entrain.
La pauvre Alba avait échappé à Constantïn -avec un tréma- pour se voir contrainte d’aller chez elle ! c’est ce qu’on appelle tomber de charybe en scylla. La comtesse s’était déjà engagée vers la seule sortie, hormis la faille donnant sur la caverne des chauve-souris enragées et Alba avait plus d’une chance sur un million de se faire mordre. Le fantôme fit un « pas » vers elle, pour l’inciter à suivre sa maitresse. La pauvre Alba n’avait guère le choix, elle allait finir par s’habituer.

La comtesse les guida à travers un véritable labyrinthe de grottes, ou Alba aurait été bien en peine de ne pas se perdre. Au bout d’une heure de route, le fantôme sur les talons, elles débouchèrent sur une vaste caverne près d’un petit lac souterrain. L’endroit n’était pas dépourvu d’une certaine beauté austère. De majestueux stalagmites formaient comme une herse naturelle, ou une mâchoire, une gueule ouverte garnie de crocs menant à un manoir en pierre en taille qui avait connu des jours meilleurs. L’édifice était en partie délabré, une de ses ailes s’était effondrée. Comme un clin d’œil du destin, de nombreuses chauve-souris volaient tout autour du bâtiment.

« Bienvenue dans la demeure de ma famille »  lui sourit la comtesse désignant la bâtisse très certainement hantée.

« Il va de soi que si vous révéliez sa localisation à quiconque, je prendrais un plaisir tout particulier à vous intégrer vivante à la décoration intérieure. Mon ancêtre, Boris le boucher excellait dans l’art de la sculpture du vivant, il a laissé des ouvrages très détaillés. » lui dit elle en la regardant, la fixant intensément de ses yeux rouges, qui semblaient plus rouges encore, avant de reprendre une expression joviale, avenante.

« Venez, je vais vous faire visiter » lui dit elle alors que les portes massives s’ouvraient, dans un grincement, bien sûr.

Elle résuma son avis sur leur ami commun. Bien. À présent que les choses étaient claires, elles pouvaient passer à la suite. Il ne lui semblait en effet pas nécessaire de relever, puisque son interlocutrice avait parfaitement bien compris où elle voulait en venir.

Ainsi, elle avait raison. N'est-ce pas. Dans ce cas, elle pourrait sortir d'ici pour.... Comment ça, aller chez elle ? Elle avait vraiment l'impression d'être devenue le quatre-heure, à présent. Et puis... N'étaient-elles pas déjà chez cette femme ? Ou alors ce n'était que le jardin, et elle voulait se rendre dans le bâtiment principal... Le traquenard semblait se refermer sur elle. Elle savait déjà qu'elle n'avait pas intérêt à la contredire, mais chez elle... Ce seraient les lois de la vampire qui s'appliqueraient. Et Alba n'aurait pas son mot à dire.

Cependant... Pouvait-elle encore refuser ?

- Bas les pattes !

Elle n'avait pu s'empêcher de montrer les crocs (au figuré, évidemment) à l'approche du fantôme, visiblement son némésis en ces lieux. Qu'il ne s'approche pas plus d'elle ou elle ne répondrait plus de rien... Oui, d'accord, elle allait la suivre. Avait-elle le choix, en même temps...

Et lorsque la véritable maîtresse des lieux, cette fois, lui imposa de ne pas révéler l'emplacement de ces lieux, un marché se dessina dans son esprit :

- Je garderai votre secret... Si vous gardez le mien. Autrement... Vous pouvez bien me tuer, ce sera un sort bien enviable dans cette situation.

Bon, d'accord, elle ne voulait pas mourir. Mais elle n'avait pas vraiment menti : si ces parents apprenaient tout cela, elle préfèrerait largement mourir. Mais ils n'en sauraient rien, n'est-ce pas ? Un vampire n'était pas facile à tuer, la comtesse souffrirait donc probablement bien plus qu'elle si son secret à elle venait à être révélé... Elle n'avait donc probablement pas beaucoup de souci à se faire.

Puis la créature des ténèbres changea immédiatement de ton. Après la discussion macabre vint... La visite des lieux ? Sérieusement ? Mais elle n'en avait pas envie ! Cependant, elle continua à jouer son rôle. C'était dans son propre intérêt. Mais que Madame ne s'attende pas à ce qu'elle décroche un mot de plus.

La comtesse ne sembla pas remarquer qu’Alba semblait bouder.

Cela aurait il changé quelque chose qu’elle le remarque ?  En tant que créature égocentrique, Svetlanna ne s’en serait probablement pas soucié le moins du monde, tout comme Alba dans le même cas. Elle commençait à cerner à qui elle avait à faire, et elles n’étaient pas si différentes sur certains points. Elle écouta Alba évoquer sa mort avec détermination, et une certaine légèreté. Elle glissa un regard vers l’aile de Boris le boucher, mais garda la visite du musée des horreurs pour plus tard, si elle avait besoin de rappeler à Alba la hiérarchie des lieux. Elle se contenta d’un simple rappel verbal.

 « N’évoquez pas la mort aussi légèrement, jeune Alba. Surtout la vôtre. Vous ne savez pas de quoi vous parlez. Rares sont ceux qui ont la chance de simplement mourir. »  dit elle dans un bref sourire froid. La salle de torture de la cave et l’imagination de la comtesse pouvait rendre cette issue bien pénible et bien longue.

Elle invita Alba à la suivre dans l’escalier monumental qui faisait face à l’entrée. Celui-ci était recouvert d’une moquette rouge qui avait du connaitre des jours meilleurs il y’a un siècle déjà. Il était troué, mangé aux mites, et certaines lattes qui le fixaient étaient cassé. La rambarde de l’escalier avait du être belle, jadis, mais le vernis n’était plus qu’un souvenir lointain. Sur un palier intermédiaire, trônaient plusieurs portraits de vieux vampires dans une tenue d’une noblesse disparue, fraise et chemise à jabot, long manteau noir et regard sévère de rigueur. Alba eut la désagréable impression qu’il la regardait, elle, et suivait ses mouvements du regard. Ici tout était vieux, oppressant, et plutôt sombre… la comtesse n’en avait pas besoin.
La moquette avait au moins un mérite, car une fois en haut, devant un long couloir, les pas des deux femmes raisonnaient au milieu d’un silence absolu, si Alba ne parlait pas.
La seule chose qui troubla ce silence fut la porte d’entrée qui se ferma en claquant.

Evoquer la mort... Légèrement ? Elle n'avait pas idée de la réalité. Depuis quelques années, sa vie était une véritable torture. Finalement, pourquoi ne pas se trouver un mari juste pour avoir la paix, quitte à lui fausser compagnie pour disparaître à tout jamais de sa vie à la moindre occasion ? Ses parents ne le sauraient probablement pas : elle pensait savoir que chez les nobles, la réputation faisait tout. Ne pas savoir garder son épouse, c'était un déshonneur suffisant pour garder le secret, n'est-ce pas ?

Enfin, tout cela, cette femme n'avait pas besoin de le savoir. Et comme elle se l'était promis, elle ne pipa mot de toute la montée de l'escalier. Elle n'accorda aucune attention aux objets inutiles à sa progression (ou auxquels elle devait faire attention pour ne pas se retrouver par terre comme la première maladroite venue). Si elle voulait qu'elle parle, cette soi-disant "comtesse" devrait s'y prendre autrement.

Elle glissa un regard rapide en arrière, vers son invitée.

Manifestement celle-ci avait décidée de se murer dans le silence. Elle écarta rapidement ce sentiment d’agacement devant moue boudeuse et gamine. Après tout, elle réalisa dans un fabuleux effort d’empathie qu’Alba était la contre sa volonté, et elle avait probablement peur de ne pas sortir vivante du manoir. Elle mena Alba près d’une double porte en bois. Une petite plaque en laiton indiquait « cabinet des curiosités ».

« Cette pièce devrait davantage attirer votre attention que l’aile de Boris le boucher. Vous pourriez même retrouver votre langue, c’est souvent pratique pour poser des questions. » sourit la comtesse, glissant une petite pique.

Svetlanna en tourna la poignée, ouvrant sur une vaste pièce remplie d’un improbable bric à brac.
Devant Alba, un grand serpent semblait la fixer de ses petits yeux cruels et accusateurs, entouré autour d’un arbuste mort. Fort heureusement, le dit serpent était tout aussi mort que l’arbuste, empaillé dans une posture dynamique. Sur un piédestal, un requin qui devait faire 3 bons mètres, la gueule ouverte, révélant une triple rangée de crocs. Une plaque indiquait : Van Hallen. A ses cotés une étrange silhouette simiesque recouvert d’une fourrure blanche se frappait le torse pour l’éternité trônait aux cotés d’un grand loup babines retroussées qui semblait grogner sur les visiteurs, avec l’indication « Balor, an 524 ». Un peu plus loin sur une commode, un vautour des savanes de Tzengah semblait attendre qu’Alba décède avec avidité. Plusieurs chauve-souris géantes semblait former un vol silencieux  contre le mur du fond de la pièce. Hormis toutes ces créatures, la liste n’est pas exhaustive, des dizaines de bocaux contenant des roches, des crânes, des plantes, encombraient les meubles, les étagères, avec des pièces rapportées d’habitats indigènes, entre figure de proue de navire pirate et sagaies et bouclier de la savane, tête d’élan nordique empaillée.

Une pièce qui risquait de plus lui plaire ? Pour qui se prenait-elle ? Elles se connaissaient depuis à peine une heure, et elle pensait déjà connaître ses goûts ?

Enfin, peut-être était-elle particulièrement douée dans l'art de déchiffrer les gens, elle lui laisserait donc le bénéfice du doute... Comme si elle avait le choix, après tout. La vampire devant elle et le fantôme derrière elle étaient là pour lui rappeler son statut dès qu'elle risquait d'avoir un trou de mémoire. Elle était une invitée indésirable, ni plus ni moins. Une invitée qui n'avait d'ailleurs jamais demandé à l'être. Il devait y avoir une raison à sa présence en ces lieux. Mais quelle était-elle ? Ses "hôtes" ne semblaient pas décidés à le lui révéler, en tous cas. Ce qui attisait encore plus sa curiosité.
Mais ce n'était pas le moment des questions. On verrait cela plus tard.

Alors qu'elle la suivait dans cette fameuse salle et qu'elle croisa le regard du premier animal empaiilé... Elle se figea. Sérieusement ?! Voulait-elle à ce point tester sa patience ?! La voilà qui lui rappelait ce Constantïn, d'ailleurs. Pas étonnant qu'ils soient amis, avec leur manie commune de tuer et empailler ceux qu'ils croisaient... Elle serra les dents, sachant que si elle ouvrait la bouche, la rage qui bouillait en elle risquait de lui faire prononcer des paroles qu'elle regretterait... Ou pas. Mais c'était une possibilité. Alors, n'osant pas sortir de la salle sans l'autorisation de sa propriétaire, elle se contenta de rester là où elle se trouvait, non loin de l'entrée, évitant le regard accusateur des cadavres naturalisés, les poings et les dents serrés. Pitié, qu'on la laisse partir le plus tôt possible !

Svetlanna se retourna.
Peut être avait elle vu sa mimique dans le reflet d’une glace. Elle l’observa un moment et soupira, manifestement dépitée. Elle fronça ensuite les sourçils.

«Je vois. Moi qui pour une fois tâchait d’être sociable et pensait que la découverte de ces spécimens des quatre coins du mondes auraient pu vous intéresser. Je me suis manifestement trompée, sur cela, et il semblerait, sur vous. »  continua t elle d’une voix tranquille.

« Cette pièce contient des œuvres d’art qui ne devrait pas heurter votre susceptibilité fort élevée. Vous pouvez entrer, ou vous pouvez partir, Igor va vous raccompagner. Je n’ai pas de temps à perdre avec une gamine capricieuse. Je trouverais une autre guide pour explorer la région de Stellarae et trouverait quelqu’un d’autre de vivant à peindre.»  dit elle lui tournant le dos pour elle-même entrer dans ce qui semblait être en effet un atelier de peinture et de dessin de ce que pouvait apercevoir Alba. Portraits y côtoyaient des paysages que la vampire n’avaient jamais vus, peints d’après les livres qu’elle avaient pu lire. Svetlanna n’avait eu l’intention de la tuer. Ses premiers contacts avec les vivants n’étaient pas fameux. Elle devait mal s’y prendre quelque part.

Le fantôme se recula de quelques mètres, libérant Alba de sa présence oppressante, patientant dans l’escalier dans l’attente de la décision de la petite blonde.

Elle pouvait partir ? Il ne fallait pas le lui dire deux fois !

- Je vous remercie de votre invitation, mais en effet, je pense que quelqu'un d'autre sera plus approprié pour apprécier vos... Oeuvres...

Qui n'en étaient pas à ses yeux, était-il utile de le préciser ?

Puis, sans autre forme de procès, elle tourna les talons, suivant malgré elle le fantôme vers la sortie. Encore une fois, elle n'avait pas le choix. Soit elle le suivait, soit elle se perdait... Faisant d'elle une invitée encore plus indésirable. Elle se jura de retenir l'itinéraire pour se rendre à cette demeure, afin de ne plus jamais s'y rendre. Inutile d'attiser les braises qu'elle venait de déposer ici.

Svetlanna l’écoutait à peine, laissant son regard errer entre les tableaux de la pièce.

Le fantôme la guida à travers le dédale de cavernes. Alba aurait pu douter qu’il sache ou il allait, avant d’apercevoir la grotte ou elles s’étaient rencontrées, ni plus ni moins, mais de l’autre coté du nid des chauve-souris enragées. Alba n’était qu’à quelques minutes du soleil. Il s’inclina sans un mot avant de prendre un raccourci, se fondant dans la paroi de la grotte pour y disparaitre, laissant Alba seule, pour retourner auprès de Svetlanna. Celle-ci était lancée dans un échange avec les autres fantômes du manoir, car le majordome était loin d’être le seul. Dire qu’elle n’avait pas eu le temps de les présenter à sa jeune invitée.

Les vivants étaient décidément bien étrange, et un rien décevants, mais elle ne comptait pas abandonner sa découverte de cet étrange monde malgré cet échec.