Nous sommes dans le désert d'Harena ; une immense étendue ensablée presque vide au climat aussi hargneux que son bestiaire certes rare. De facto dominé par la faction des Gardiens - ayant juré allégeance au roi des humains - il suffit pourtant d'un explorateur quelque-peu téméraire pour découvrir qu'il s'y abrite un certain nombre de personnages insensibles à l'autorité de quiconque.

C'était le cas de Dugroth, un Orque solitaire vivant dans une grotte creusée dans une roche à quelques kilomètres d'une Oasis. Il se trouvait être un peau-verte de courte taille, mais très costaud. Son visage était caché par un masque le rendant plus obscur encore et son corps n'était que balafres et cicatrices.

Il était à l'intérieur même de son antre, laquelle abritait quelques structures en bois, comme de petites tables, des tabourets, un lit posé dans un coin, et une plateforme sur laquelle se trouvaient des morceaux de viandes. Dans un recoin sombre de la grotte, l'on pouvait s'apercevoir d'un chevalet dont l'objectif était d'aider à tanner les peaux en cuir.

Tout n'était qu'odeur de sang et de viande.

Quelque-part, la présence d'un Orque en son sein était adéquate.

Il y avait quelque-chose de troublant, cela dit. La grande table au milieu de la grotte était couverte de bouts de viandes et entourée de chaises, mais sur deux de ces dernières se trouvaient des êtres faits de cuir peint en vert et imbibés de sable. Il était facile de deviner qu'il s'agissait de représentations d'Orques, malgré leur aspect archaïque.

Mais c'était bien à l'extérieur de la grotte que "toute la magie opérait". Il y avait plusieurs types de pièges, tous plus créatifs les uns que les autres : des filets, des pièges à ours, des feuilles donnant sur un trou plus ou moins grand. Malgré son esprit simple, Dugroth Dushnik était un excellent chasseur. En vérité, il préférait largement aller à la rencontre de proies qu'il pourrait exterminer avec son marteau, mais il ne voulait pas que quoi-que-ce soit s'aventurant sur son territoire puisse repartir indemne.

Ce jour-là, il était en train de dépecer un buffle qu'il avait tué et traîné sur des centaines de mètres. Pour l'aider, il avait une hache certes rouillée mais prête à l'emploi. C'était un travail douloureux pour quiconque, mais une montagne de muscles telle que lui n'avait aucun soucis à se faire.

Il découpait la peau, tirait la viande, et répétait l'opération. Cela n'avait rien de nouveau pour lui, mai c'était toujours aussi passionnant.

Le trajet de la tour noire jusqu’au pays des longues et agaçantes oreilles n’était pas une partie de plaisir, car pour se faire, notre bien aimée Yharnam devait traverser un désert entier ! La forêt de Sylfaen était si, si lointaine, qu’elle devait s’arrêter par Stellarae avant et ensuite par la grande oasis du désert, avec bien sûr le plus d’arrêt possible aux autres oasis que pouvait contenir ce bac à sable gigantesque. Après ça elle devra encore traverser un marais avant d’enfin atteindre la forêt des elfes.

C’était d’ailleurs en approchant une oasis qu’elle se faisait la remarque que jamais elle n’arriverait à rattraper son compagnon stryge noir, déjà chez les longues-oreilles et ne l’attendant guère pour exécuter sa mission.

Dépitée et ne trouvant aucune connexion avec ses compagnons de route valant la peine d’être explorée, Yharnam avait décidée de les devancer un petit peu, d’une vingtaine voir trentaine de mètre, ne s’arrêtant qu’à la tombé de la nuit pour rebrousser chemin et dîner avec eux. Elle espérait trouver quelque chose de divertissant en allant ainsi en reconnaissance, mais rien jusqu’ici.

Ce n’était que bien plus tard qu’elle repérait une oasis, encore une. Il lui restait de l’eau, car elle buvait avec parcimonie, mais ce n’était peut-être pas le cas de ceux l’accompagnant. Elle se rapprochait un peu plus, jusqu’à ce qu’une odeur familière ne lui caresse les narines. Du sang, animal il semblerait, elle pouvait faire la différence, elle était entraînée pour. S’il y avait une carcasse pas loin, cela voulait dire qu’elle n’allait pas manger des rations ce soir, c’était une bonne nouvelle.

Yharnam suivait les traces de sang, réalisant en chemin qu’un animal n’irait jamais aussi loin pour manger et préparant donc en conséquence ses dagues. Peut-être qu’elle allait enfin avoir quelque chose de divertissant à faire. Il n’y avait rien de plus divertissant que la violence.

Une grotte se dessinait bien assez tôt, et avec elle son habitant, caché dans la pénombre, mais vaguement visible par la stryge noire. Pas d’aile, ni un allié ni un ennemi d’office donc. si cela n’avait pas d’aile, elle devait se méfier.

Coup après coup, coupe après coupe, Dugroth découpait avec autant de brutalité que d'adresse son gibier. Il tira les muscles, les renifla pour s'imprégner de cette délicieuse arôme, puis les mit dans un grand sac fait de cuir. Pour la peau, il l'agrippa puis s'approcha lentement du chevalet de tannage. Il l'y posa, et prit une pierre taillée comme un surin. Alors qu'il s'apprêtait à transformer la peau en cuir, il remarqua, grâce à sa vision périphérique élargie, une silhouette proche de l'entrée de sa caverne.

"Huh ?!"

Il s'approcha de son grand marteau - lequel était posé à quelques mètres de lui - l'attrapa et sortit de la grotte d'un mouvement vif, malgré son gabarit imposant.

Il toisa d'un air colérique l'intrus en face de lui. Il s'agissait d'une femme rousse, à la peau blanche, habillée en atours sombres et ayant des ailes. Cette dernière caractéristique fit se rappeler à Dugroth les contes de la tribu Dushnik, qui mentionnaient des êtres ailés nés du conflit entre des dragons. Il n'avait jamais réussi à se rappeler qui entre les Stryges blancs et les Stryges noirs étaient les plus mauvais. Il s'en fichait de toute façon : personne n'avait le droit de l'importuner.

"Toi, que faire ici ?! Tu es qui ?! Ceci être grotte de Dugroth !"

Il fronçait les sourcils, éloignait les jambes et agrippait fermement la poigne de son immense marteau de guerre, lequel lui servait surtout à chasser le plus gros gibier que l'on pouvait trouver dans le désert.