NeyrelleNouvel(le) habitant(e)
Messages : 42 Expérience : 308 Âge RP : 26
Politique : 01 - Titres:
Artiste (Artiste)
Stats & équipements Vitalité: (115/115) Vitesse: 151 Dégâts: 40
| Sujet: Les géophytes de l’Harena [PW Eyara] Dim 13 Oct 2024 - 19:57 | | | Les dunes succédaient aux dunes. Neyrelle avait l’impression de marcher dans un océan de sable, infini et mouvant. Ce paysage était terriblement monotone. Ça et là, quelques pierres ocres surgissaient du sable, parfois accompagnées de plantes sèches ou de cactus rachitiques. C’était là les seules irrégularités que tolérait le désert.
La touffeur était accablante. Heureusement, le jour déclinait et les températures ne tarderaient pas à diminuer peu à peu. Neyrelle portait une tenue adaptée aux errances en milieu hostile : un tissu couvrant mais léger, qui protégeait sa chair blanche de la morsure du soleil sans l’oppresser de chaleur ; des bottes facilitant la marche, mais qui n’empêchaient pas la surface instable du sable de happer ses pas ; un turban noué sur sa chevelure afin de se préserver des insolations. Elle avait à sa ceinture une gourde encore à moitié pleine et dans sa besace son précieux matériel d’écriture ainsi que des vêtements plus chauds pour la nuit.
Elle tempérait sa nervosité en se disant que tout cela aurait pu se finir bien plus mal, bien plus rapidement. Elle était en vie. Elle pouvait espérer l’être encore le jour suivant. Que pouvait-elle demander de plus ? Tout en s’efforçant de se rassurer, elle retraça dans sa tête les heures qui l’avaient conduite à se retrouver esseulée et perdue dans l’Harena.
La caravane avec laquelle elle voyageait était partie de Stellaraë au petit matin. Neyrelle avait savouré chaque instant de ce départ, ravie d’entamer enfin son périple vers Ishtar. Les premières heures s’étaient écoulées paisiblement. Elle s’était sentie émue en se retournant pour réaliser que la silhouette de Stellaraë avait finalement disparu derrière les dunes. Elle avait entretenu quelques discussions cordiales avec certains des autres voyageurs et marchands et son enthousiasme n’avait cessé de croître.
Cependant, alors que le soleil se trouvait à son zénith, une bande armée s’était attaquée brutalement à la caravane. Neyrelle se souvenait surtout de la grande confusion entraînée par cet assaut, des cris et des mouvements incontrôlés. Les gardes avaient été sauvagement massacrés. Elle s’était enfuie rapidement, sans réfléchir, portée par l’instinct frénétique de la survie. Tout compte fait, elle se disait désormais qu’il eût peut-être été plus raisonnable de se laisser capturer par ces bandits. Négocier avec eux eût été probablement plus aisé que de lutter contre les éléments.
Il était trop tard pour s’encombrer de regrets, de toute façon. Elle devrait assumer la décision qu’elle avait prise sous le coup de la terreur et qui l’avait précipitée dans la solitude effroyable de ce dangereux désert. Luttant contre le sable qui lui couvrait les pieds à chaque pas, elle tenait à distance l’épouvante qui la guettait à chaque instant. Quelle créature redoutable allait-elle croiser ? Le souvenir du soir précédent la nargua. Elle avait énuméré à ce homme rencontré par hasard, Cyrus, tous les périls qui animaient l’Harena. Et voilà qu’elle se retrouvait à les redouter réellement, sans personne pour assurer sa sécurité.
Trop occupée à surveiller les alentours, elle manqua l’un de ses pas et s’étala lamentablement dans le sable brûlant. Quel enfer. Elle se releva péniblement, secouant ses vêtements. Elle commençait à fatiguer. Avec l’épuisement, le désespoir finirait inexorablement par surgir. Bientôt, la nuit allait tomber. Elle ne verrait plus rien et serait totalement vulnérable. Elle devait avancer. Elle voulait de l’aventure ; elle était servie. De quoi se plaignait-elle ?
Elle calma sa respiration, ferma les paupières un instant et se remit en marche. Elle atteignit enfin le sommet de la dune qu’elle entreprenait de gravir.
Ce qu’elle vit au-delà lui coupa le souffle. Les dunes en contrebas étaient couvertes d’une nappe d’or et de pourpre. Le sable disparaissait sous les pétales de fleurs innombrables ; elles déployaient leur corolle pour peindre une toile improbable et merveilleuse. Leurs couleurs vives offraient un contraste saisissant avec les tons monochromes du désert. Elles y dessinaient comme une déchirure pigmentée.
Neyrelle avait lu quelque chose au sujet de ce phénomène, mais la beauté stupéfiante du spectacle lui avait vidé momentanément l’esprit. Elle tomba, assise, sur le rebord de la dune. Elle se sentait prise de vertiges. Elle ne s’était pas préparée à croiser un si fabuleux spectacle et la beauté de cette vision la submergeait toute entière. Soudain, être en vie n’avait plus aucune importance. Elle était là, face à ce linceul de pétales étalé sur un lit aride.
Elle pouvait bien y mourir, après tout.
______________________
« L’art est sans vertu ; la blessure est sans remède. Ainsi meurent les violettes ; ainsi, dans un frais jardin, meurent les pavots et les lis, brisés par le pied du passant. Vainement la fleur reste-t-elle unie à sa tige languissante et décolorée. Elle penche aussitôt sa tête appesantie, elle ne se soutient plus, et son front s’incline vers la terre. » Ovide, Les métamorphoses, Livre X. |
|