Les dieux t’observent là-haut dans le divin, tandis que tu arpentes les longs couloirs de la demeure de la Lune. Cette démarche, tu l’avais longuement répété, pour qu’à ce jour le doute ne puisse planer lorsque les yeux sur toi seraient posés. Les tapis, les tapisseries, les rideaux ainsi que tous le mobilier se transcendait à chacun de tes pas. Ils se mouvaient dans des teintes chaudes et lumineuses, faisant disparaître la froideur du marbre blanc derrière les couleurs des arcs en ciels de printemps que tu aimes tant. Ihana Sydän n’était plus seulement le temple de la Lune de Sang, mais également le château d’Holy Lorca, Reine des Lycans. Et la magie imprégnée en chacune des pierres, dans le moindre grain de poussière, vibrait à l’unisson de son cœur lavé de toute impureté.
Loin était maintenant l’emprise du Démon, des malédictions et de toute corruption. Les ombres étaient maintenues au loin par les chaines du Dévoreur qui marchait à tes côtés. Et de sa funeste présence, la souillure ne pourrait plus jamais t’atteindre. Autant qu’il devint intouchable de toute lumière, car celle-ci était ta sucrerie.

Et plus tard, attablé autour de cette grande table de chêne blanc, tu feras apparaître d’un claquement de doigts argentés des assiettes garni de mooncake. « Utiliser les pouvoirs de la Lune, pour t’empiffrer… Pourquoi cela ne m’étonne qu’à peine ! » S’indigna la louve, âme vibrante entre deux mondes.

« Des gâteaux de lune, servis dans le château de la lune, je trouvais ça thématique moi. Servez-vous, Roi Sobek, à moins que votre appétit n’ait déjà été suffisamment rassasié… Hum Hum, Bien ! Remontrez-moi le traiter voulez-vous, il y a quelques points que j’aimerais éclaircir. Vous savez… Les petites lignes en bas de page... »

Et alors que je tentais de laisser au-dehors de la pièce l’euphorie de cette folle journée, je montrais sur mon visage l’air le plus sérieux que je pus.

« Vous m’avez aidé dans toutes mes entreprises, vous acceptez de me laisser la moitié de vos terres à gouverner. Je tiens tout d’abord à vous remercier, sincèrement. Même si tout cela n’est pas dénué d’intérêt pour vous, vous avez agi en véritable allié, et même, en véritable ami.

Maintenant que nous avons tous deux ce que nous voulions en arrivant ici, j’espère grandement qu’au-delà des accords politiques que nous mettrons en vigueur dans cette pièce, puis que nous signerons, nos amitiés en resterons inchangées, Roi Sobek Elpoemer Grey. Styx.

Bien alors… commençons, j’imagine… Quels points souhaitez-vous aborder en premier ? Il y a beaucoup d’alinéas, sur ce simple parchemin ! »

Ma faible expérience en la matière transparaissait aisément dans mes gestes. Et tout à coup je me rendis compte que la partie la plus facile de mon si grand projet, avait certainement été de briser la malédiction…

« Je pense tout d’abord que nous tomberons d’accord sur un point, l’indépendance de nos deux royaumes, malgré leurs alliances éternelles, me semble être primordiale. Je ne m’immiscerais jamais dans vos affaires, ni dans vos propres alliances, si vous respectez les miennes avec la discrétion qui nous est propre… Dans la limite de la prospérité de la paix en Spelunca, bien évidemment. Je ne ferais jamais rien pouvant compromettre la sécurité de l’Ouest, ou la bonne entente entre nos peuples.
Et je ne pense pas seulement à votre nature vampirique, mais à celle, toute autre, dont nous connaissons tous deux les traits… »

J’ignorais jusqu’où je pouvais parler ouvertement du Styx, bien que nous soyons seuls en ce lieu, je n’osais parler qu’à demi-mots, sur le ton d’une sincère confidence. Après tout, j’en savais si peu. Et le fait qu’il me montre un quelconque intérêt, de la part sa psyché proche du cosmos, m’étonnait toujours parfois.

- Appelle-moi Styx, c'est le minimum après toutes ces aventures. Faust est plus apte à expliquer que moi, je suis d'une nature plutôt contenue sur mes raisons. Sûrement une habitude d'illusionniste, expliquer les tours que l'on exécute c'est en extraire l'effet, mais puisque nous sommes -et j'en suis très content- désormais co-régents du Massif je vais t'exposer les raisons qui m'ont poussées à t'aider.

- L'Histoire n'est pas tendre avec les monarques imbéciles, pas plus que ceux-ci ne méritent compassion ; l'exercice du pouvoir exclu, d'emblée, l'orgueil à la fois pour garder son trône mais aussi, et indirectement, par respect à la population. C'est seulement par un peuple que se définit un souverain, et je n'ai jamais été celui des Lycans. Pas à leurs yeux, et donc, dès le moment où par la guerre, je le rappelle, j'ai apporté la Paix en Spelunca je savais pertinemment qu'elle ne durerait pas éternellement. Il faut un Lycan pour gouverner les Lycans, et c'est tout naturel. Le colonialisme n'entraîne que la déchéance, et c'est une pratique fort laide ; l'annexation est bien plus élégant et cependant elle aussi fatale. L'usage de violence est nocif, contreproductif, et n'agit que sur un laps de temps relativement court. Le temps pressait pour trouver régent adéquat à Spelunca Est, donc.

En supposant que la cohabitation au sein du Massif soit faite de concert avec quelqu'un en qui je peux avoir confiance, un être de raison plutôt que de sang, les bénéfices étaient de loin supérieurs à ceux d'un territoire deux fois trop grand. Les coûts de manutention sont exponentiels selon la distance, et gérer des affaires de l'Est est toujours source d'inexactitude pour moi. Je ne connais pas vos mœurs. Donc, la paix de Spelunca garantit à Château-Rouge à la fois une alliance militaire solide, dissuasive et diplomatiquement forte grâce au binôme des royaumes, et j'aurais en tant que Roi les lauriers d'une paix sociale achetée au prix d'un certain sacrifice. Les lycans ne m'ont jamais réellement accepté, mais ils approuveront sans y redire ton ascension où j'ai joué un rôle. La seule raison pour laquelle je n'ai pas cherché à défendre mon Empire, c'est une affaire de pour et de contre, en somme. Un calcul.

- Tu as rencontré Carmina, et j'ai également connu moult prétendants à vouloir commander le Massif. Une louve arriviste. Les frères-loups. Il paraît même que par delà les forêts paisibles d'Endorial une créature belliqueuse s'agite, convoite. Complote, très surement. Tous ces candidats me déplaisent, leur profil est absent d'intérêt, a contrario de toi. Il fallait donc les écarter, d'une manière ou d'une autre. Peut-être la démarche présente-t-elle tout d'une réflexion cynique et égoïste, mais je crains que la politique ne laisse peu de place aux affects, Holy Lorca. Souviens-toi en et notre alliance sera toujours profitable. Si nous désirons porter ces deux couronnes, il faudra les mériter, nous le devons au peuple.

- Il va de soi la souveraineté individuelle de nos deux peuples, et tu n'es pas forcée d'apporter amendements immédiats à ce bout de papier. Nous décidons, à présent, et l'autorité ne transite que par nos mots, ce sera un fardeau parfois d'ailleurs, mais le plus souvent ça nous permettra de nous affranchir de contraintes administratives. Au fur et à mesure de ton règne, tu sauras quoi inscrire au Traité, en attendant, aujourd'hui ils n'attendent de toi que la signature de la Reine Lycane.

Entre deux bouchées de gâteau de Lune, ma mine se fit tantôt attentive, tantôt grave, tantôt pensive au fur et à mesure que je buvais la moindre parole du Roi. Je me remémorais cette nuit-là, gravée dans ma mémoire, celle-là même où je lui avais demandé de m’apprendre à être à la hauteur, m’apprendre à gouverner. Et je sentais que mon apprentissage, le vrai, et pas seulement celui de savoir faire des courbettes devant de nobles vampires, commençait maintenant. Dans cette pièce, dans cette salle au haut plafond d’argent, au cœur du Château d’Astre-Lune. J’acquiesçais en somme, le cœur débordant d’émotions. Soutenant de mes prunelles azurées son regard pourpre. Écoutant la sagesse de l’éternel Dévoreur.  

« Merci pour ta franchise, Styx. J’apprécie pouvoir te parler librement, et comprendre l’évolution de tes réflexions aide à mon apprentissage. Et le peuple connaîtra la plus belle leçon d’humilité qu’il soit. Parfois, connaître les limites de sa propre gourmandise et laisser le dernier mooncake à autrui peu préserver son système digestif… Ah non ce n’est pas tout à fait ça ! L’idée y est pourtant. »

Prenant une plume de cygne dont je trempais la pointe dans un flacon d’encre rosé, sans aucune hésitation. J’apposais ma signature au bas du parchemin. Scellant pour de bons le traité de Spelunca, le vrai, le seul, l’unique devenant canon en ce lore époustouflant.

« La Reine Lycane a signé et je ferais tout pour être à la hauteur de cette lourde tâche. J’ai conscience que ce ne sera pas facile et qu’un travail encore plus difficile nous attends, mais, nous avons vécu assez d’épreuve toi et moi, pour avoir conscience qu’à deux, nous sommes capables de déplacer des montagnes. Et puis au sens propre, car ce vieux volcan avait bien besoin de s’ouvrir sur de nouveaux horizons ! »

Riais-je en sirotant une coupe de vin, car il fallait bien fêter ça dignement. Avant de reprendre un instant une mine plus sérieuse.

« C’est un rêve, que tu me permets de réaliser aujourd’hui, Styx. Depuis que je sais qui je suis, d’où je viens… Je n’ai eu de cesse de marcher sur les pas de mon ancêtre. Oh, certes, Spelunca était loin d’être un meneur, il était un mage fou, belliqueux. Il cherchait la paix de son âme et de ses tourments plus que de son propre peuple, et je suppose que c’est en partie ce qui a causé sa perte.
Sa plus grande erreur a sûrement été de construire un mur entre nos deux nations, bien que sur le moment l’idée aurait pu paraître bonne, quoiqu’un poil désespéré peut-être.

Tout ça pour dire, car je crois que je m’égare, que je serais le monarque qu’il n’a jamais pu être. Je serais l’Alpha, que les lycans attendent et la Reine, dont ils ont besoin. Ainsi que le soutien, qui te fait défaut aujourd’hui.
Faisons de Spelunca deux nations unies par ce traité, deux peuples qui feront front commun contre les menaces quelle qu’elles seront. Comme les rédempteurs d’Hommes-Bêtes, et les Frères-Loups, pour commencer. Ils fomentent en secret, et trafics sous le nez de la couronne depuis beaucoup trop longtemps. Et j’ai bien peur qu’avec toute cette nouveauté, ils n’en profitent pour se développer encore plus dans l’ombre. »

Je fis une pause, croquant dans un nouveau gâteau.

« J’ai hâte de me mettre au travail, de rendre visite aux alphas des grandes meutes de Spelunca pour leur signifier mon soutien, et ma présence bienfaitrice. Peut-être devrais-je user de mes crocs pour me faire entendre, les loups ne parlent pas trente-six langages après tout… » Réfléchissais-je à voix haute alors que je notais mentalement mes prochaines actions.

- Un rêve. Je n'en avais jamais fait jusqu'à être Sobek Elpoemer. Quelle aventure d'être comme vous ; votre esprit est plein de couleurs dont l'existence rendrait sidéré tout Dévoreur. Je te remercie également Holy, car grâce à toi je suis à présent libre ; les choix que je puis faire à présent détermineront qui je suis.

- Pas un chasseur, ni un clown, pas même un roi et certainement pas un Saint. Qu'importe ce qu'il adviendra par la suite, Spelunca est mon foyer. Je ne pensais m'y attacher autant, honnêtement. Pourtant, aujourd'hui je me déleste de ce que je croyais immuable pour ce Massif.

- Ici, je me sépare de mes appétits fous. Je voue au néant les chaînes qui retenaient mon humanité, et ma monstruosité, désormais en mesure d'évoluer au sein d'un équilibre divin.

- J'ai une ultime demande à t'adresser Holy, laquelle peut bien entendue être rejetée sans craindre représailles ; vanter les mérites d'une alliance concrète et l'avènement d'une Guilde territoriale serait vain. Je pense que le monde rechigne à voir en toi une éternelle enfant parce qu'il devrait réfléchir à sa propre croissance, mais je ne commettrais pas cette erreur.

- Ma question est donc la suivante : serais-tu prête à aller jusqu'à refaire tes voeux d'allégeance et me suivre dans la fondation d'un pouvoir militaire, purement dissuasif, au sein de notre territoire ? J'ai pour projet de quitter la Congrégation et de mettre mes services de... hmmm... je dirais pas assassin mais plutôt comploteur... ah c'est pas mieux... hmmm bref, MES TALENTS au service de notre Spelunca nouveau.

- Les Crocs de Spelunca. Notre Ordre pour protéger sur le terrain nos citoyens et administrer la paix au sein du Massif, qui compterait dès sa fondation autant des tiens que des miens.
La touche finale à ce tableau ! STP DIS OUI ! STP STP STP !

Les lèvres cachées derrière un cépage de choix parmi les meilleurs caves spelunciennes, je souriais. D’une béatitude propice aux grandes décisions, à l’état d’esprit euphorique des grandes occasions. Je déposais le millésime en coupe sur la table de marbre alors que nous nous confions l’un à l’autre ce que nous étions, ce que nous sommes et ce que nous serons à l’avenir, dans des promesses à peine voilées d’un chemin commun gravé tout de dorure et d’argent, sur la pierre de marbre blanc et de granit noir.
J’observais curieuse, les trois bijoux prendre feu au centre de la table. En un triangle parfait qui marquerait à tout jamais le centre de la pierre, comme il se rappellerait au bon souvenir de cette journée pleine de discussions, d’accords, de cheminements et d’états d’esprit partagés.

Dans les flammes mordorées je voyais le triomphe, notre triomphe, et l’avenir, notre avenir qui s’étendait et s’étendrait et brûlerait du brasier affamé d’où il était parti. Du cœur de Spelunca même et de tout ce qui le constituait. Et bientôt mon attention revint vers le Roi près de la fenêtre et je partis, faisant voler au passage les voilages fin qui entourait mon corps, se déployant comme les ailes d'un papillon coloré, m’appuyer contre le mur non loin, observant de ce regard curieux et pétillant qui ne me quittait que rarement ses yeux qui ne lorgnaient pas seulement le dehors, mais tout ce qui se trouvait au-delà.
Alors sa dernière question ne me surprit qu’à peine tandis que je suivais silencieusement le cheminement de ses réflexions. Et je pouffais, appuyant ma tête à la chevelure d’argent, tout détaché autour de mon visage et de mes épaules, contre le mur clair. Tout ça avant de me saisir du dossier coloré qu’il me tendit. Je l’ouvris, parcourant les lignes gribouillées de réflexions pertinentes au milieu d’un fatras démoniaque certain.

« J’aime cette idée… Il sera difficile pour moi de quitter la Garde Zéphyr, elle me porte depuis si longtemps que le cerf bondissant semble faire partie de mon essence. Pourtant, cela me semble être un pas nécessaire à franchir. Pour Spelunca.

Après tout, Sylfaen n’a pas besoin d’une louve. Seplunca, si. »

J’étais déterminée, et surprise de pour une fois, prendre une décision par moi-même. Celle-ci n’était dictée par personne. Aucune divinité, aucun démon, moi, et seulement moi. Aussi les Crocs de Spelunca ne seraient pas seulement une guilde, mais une décision.

Ce ne seraient pas seulement une armée, mais un symbole.

« Les Crocs de Spelunca, la symbiose parfaite de ce que nous avons construit, Styx. » Mes yeux brillaient d’émotions. Rien n’aurait pu être plus parfait qu’en cet instant. Plus de factions opposés, plus d’assassin, plus de garde zéphyrienne.

« Dans cette pièce, il n’y a plus qu’un vampire et une louve, prêts à tout pour protéger leurs terres. »
Et je riais, face à la tête de chaton, face à nous. Était-ce déplacé ? Peut-être, mais je m’en fichais tant la joie me traversait comme elle ne l’avait plus fait depuis bien longtemps. Vraiment… Quand m’étais-je sentie joyeuse pour la dernière fois ? Même mon dernier anniversaire n’avait rien eu de joyeux !

Alors je me suis rapprochée de la table où trônait en son centre un triangle parfait aux contours dorés. Au milieu, j’ai lâché une broche représentant un cerf en argent bondissant. Et dans des flammes dorées, il grava sur le marbre blanc une pleine-lune blonde. J’ai ensuite laissé tomber un pendentif, un simple coquillage, poussière souvenir d’un amour passé. Et une plume de mon enfance, ressemblant étrangement à de l’onyx. La première que Lune avait perdue. Une époque que je décidais d’être enfin révolue. Deux montagnes enflammées apparurent sous les flammes. Et lorsque le feu divin se dissipa, on eut droit à la contemplation d’un magnifique tableau, là sur la table de marbre blanc. Sous le château d’Astre-Lune qui bordait le Temple de la Lune et son puits éternel.

En regardant naître leur nouveau symbole, Sobek Elpoemer réalisa que cette nouvelle aventure était tout à fait originale même selon ses propres standards démesurés. Sa précédente adhésion aux forces de la Congrégation avaient été le fruit d'une implication passive dans les conflits nationaux, et la fondation ratée des Amants pouvait être majoritairement attribuée à son flegme.
Plus globalement, Styx, entité séculaire de malice et s'étant extirpé des reflets que laisse la folie humaine sur la surface du fleuve d'éther, réalisait comme le décrivaient les Hommes le concept de maturité. En ses expériences fusionnelles avec les multiples spécimens qui avaient été siens, un sens nouveau du soi avait germé en son âme. Holy lui avait exposé ses dilemmes, et comme il admirait toute la perfection de son être dans un miroir suite à leur première entrevue, une pensée s'était imposée à lui.
Une épiphanie.

Né pour dévorer, ses rêves s'étaient tournés vers l'Infini. Ses propres griffes joueuses avaient dessiné les limites qui étaient siennes, et, aussi aisément qu'elles n'étaient devenues adamantines, Styx s'en était extirpé.
En cela, l'âme d'Adam et le Calice au-delà de servir de sources d'une puissance nouvelles lui offrirent le recul nécessaire à planifier évolution. Remplacer le non-utile et voir le nécessaire à devenir parfait.

L'Homme peinait à architecturer, et donc fondamentalement altérer, sa nature, mais pas le Dévoreur. Toute sa divine nature pouvait à présent se résumer à une prise de conscience ; une singularité métaphysique.

Il sourit, conscient que cette décision posait un nombre considérable de problèmes. Immédiats ou futurs, ils se manifesteraient sans doute en la colère des factions, et très honnêtement il serait déçu de ne pas recevoir la visite de ses anciens compagnons.
Cela dit, le serpent en lui attendait patiemment l'occasion.
Envisageraient-ils quant à eux les retombées de viser ceux qui deviendraient une puissance non contestable dans l'échiquier Dùralassien ? Seraient-ils assez fous pour franchir le pas et ouvrir des hostilités qui justifieraient l'usage de violence ? Aussi sûrement que l'araignée tisse sa toile, Sobek Elpoemer Grey orchestre des symphonies de chaos dont le murmure habituellement silencieux deviendrait instantanément cacophonie.

Il avait toujours livré bataille, d'une forme ou d'une autre, dans une société humaine où sa simple nature motive l'élimination. De tous ses complots, trahisons et mensonges, Styx aimait s'entourer des rebus qui par les règles aliénés aimaient à rejeter l'idée même de société normée.
Une chimère, destinée à empoisonner quiconque dérogeait à ses projections inatteignables. Quel piège retord que de livrer les individus à une seule et même case où s'encadrer. Il en reconnaissait lui-même le génie machiavélique.
Mais aujourd'hui, en Spelunca, il n'y aurait que liberté pour leurs sujets. Des foules de révolte et d'insurrection contre Stellarae et son hégémonie qui avait si aisément négligé leurs monstres. Les loups et leur sauvagerie, les vampires et leur séduction.

On racontait à leur égard les mêmes histoires qu'on chuchotait a propos de Styx, et dans l'écueil de la marginalisation et stigmatisation ils trouveraient la corde qui servirait à pendre leur détracteurs. Ou, a minima, la volonté inébranlable de mener la lutte pour le Massif.

Il se levait donc, puis marchait jusqu'à la fenêtre d'Astre-Lune qui lui permettait d'observer au loin la Brume de l'Immatériel gagner ses terres à jamais. De dos, les bras croisés et le buste droit il souriait malicieusement à Holy.
Ses yeux étaient habités d'un feu saint :

- Qu'ils viennent. Nous leur montrerons que ceux qui cherchent la paix ont la guerre dans le sang. N'as-tu jamais pensé, secrètement, seule et lovée dans les bras du sommeil, que notre nature va au-delà des termes dont on peut nous affubler ? Nos actes seront les seules étiquettes de notre règne. Que leurs monstres deviennent des exemples de royauté, chère Holy. Hihihi.

« Bien sûr, un mot ne peut nous définir totalement, nous sommes nous et nous sommes changeants. Si jamais mes couleurs se nimbaient de lilas ou d’abricot, qui serait assez fou pour oser me juger ? Je ne compte en rien être de ces souverains qui ne font rien mise à part se goinfrer toute la journée et prendre des décisions depuis leurs grands bureaux. Nous serons au cœur des actions que nous allons engendrer. Et je montrerais à mon peuple, et à tous les peuples, quel guide emplit de sagesse et de maturité, je serais.

Je ne me cacherais plus derrière quoi, ou qui que ce soit pour agir en mon nom. Je suis Holy Lorca et Astre-Lune sera fier de moi. L’éternité seule nous dira si nous suivons le bon chemin, et puis si jamais ce n’est pas le cas, nous pourront toujours recommencer sur une toile lavée de toute impureté. »

Et en parlant, je pris conscience de ce que je disais. Et je souris. J’acceptais le prix de ce que je devenais, épousant le sang qui coulait dans mes veines. Il rayonna de ses reflets argentés tant la Lune irradiait à travers moi. Mille vies s’étendaient sous mes yeux, qui me serviraient largement à apprendre et à expérimenter. À devenir chaque jour une meilleure version de moi-même.

Il y avait en l’héritage de mes ancêtres, de fabuleux cotés qu’il ne me restait plus qu’à explorer. Un jeu qu’il me tardait d’essayer. Un jeu qui n’avait pas de règle puisque c’est moi qui les fixerais.

« La journée a été longue, et pleine de rebondissement. Que diriez-vous, Cher Ami, de prendre à présent congé l’un de l’autre afin de nous reposer. J’ai de mon côté une montagne de logistique à éplucher si je veux que ce royaume se décide à tenir debout un jour.
Styx plus sérieusement, reste aussi longtemps que tu le souhaites à Astre-Lune, recharge tes batteries auprès du puits de Lune si tu le souhaites et tu connais désormais le chemin du retour. Je compte par ailleurs faire installer un portail de TP, quelque part dans la cours. Marcher, c’est pour les noobs.
Oh et emporte quelques mooncakes avec toi, le cuisinier c'est un peu affoler à en faire autant ! »

Le traité était enfin officialisé et signé, la paperasse était en bonne voie et les Crocs de Spelunca verraient bientôt le jour. Il était temps de clore ce chapitre pour en ouvrir un nouveau.