Pour la seconde fois de son existence, la haute-elfe traversa les hautes portes de l'arène. Vêtue d'un pantalon de coton et de soie, d'une chemise verte brodée d'un élégant motif de feuilles et les cheveux tressés, l'épée à la main, elle rougit fortement tandis que les nouvelles clameurs de la populace l’accueillait.

En face d'elle, une femme qu'elle ne connaissait pas du tout, une autre elfe, à la carrure plus musculeuse que la sienne. Sans doute n'aurait-elle jamais dû céder au profond instinct de tout faire comme son Melhyndil, mais elle ne pouvait s'empêcher de chercher à briller à ses yeux, et elle brandit son épée avec élégance, en formant une belle arabesque, un peu comme si elle allait se mettre à danser.

Amarïe inclina sa tête avec douceur et respect devant son adversaire, le coeur battant à tout rompre comme s'il allait s'extirper de sa poitrine ; puis elle chargea, ses petites semelles de cuir tapant sans bruit contre le sable de la cour. Elle ne désirait en aucun cas lui faire le moindre mal, mais elle savait que le duel, que le combat s'arrêterait au premier sang.

Enfin, sa lame fut à portée. Son souffle était court et lourd, alors que le sang battait à ses tempes, et enfin, l'elfe brandit son épée, visant un endroit clairement non létal, qui pourrait être aisément guérissable.

Tout d'abord, la lame ripa contre le beau sceptre de son adversaire, puis, enfin, la haute-elfe perça sa garde. Elle se sentait pas du tout à son aise, et elle se mordit la lèvre, peu désireuse de lui faire du mal, tandis qu'elle sentait la lame ripa sur le tissu qui recouvrait le bras de son adversaire. Un peu de sang en jaillit, et, aussitôt, Amarïe fit un pas en arrière ; avant de la regarder se soigner avec aisance.

Une guérisseuse, évidemment ! Mais même la magie avait ses limites. Si elle était soulagée que la blessure se soit refermée, le corps en payait toujours le prix - que ce soit en fatigue physique ou mentale. Elle était certes inexpérimentée, mais pas complètement ignorante ! Et, un peu ragaillardie, la fille de la famille Kaerendïl reprit une garde plus assurée sur son épée. Bien que sa peau fut déjà moite de sueur, elle était déterminée à ne pas se déshonorer, sans compter qu'elle ne pouvait pas réellement cracher sur le peu de ressource que le combat leur apportait à tous les trois.

Elle ne pouvait plus charger. Des combats observés à la maison, la jeune elfe tout juste femme avait compris que l'effet de surprise était capital ; aussi tenta t-elle deux pas de côtés pour chercher à viser la hanche. Son mouvement manquait de grâce et d'assurance ... Mais qu'y pouvait-elle, malheureusement ? Son geste manquait de maitre ; mais chaque expérience était bonne à prendre, c'était, du moins, ce qu'il fallait se dire.

Elle écarquilla ses yeux en forme d'amande, alors que le coup portait correctement, et que la chair fut entamée à nouveau. Amarïe aurait aimé prononcer des excuses, s'incliner en signe d'amitié ... mais le combat n'était pas terminé.

A nouveau, Amarïe se sentit un peu étonnée. Elle s'attendait à une réplique cinglante de son adversaire qui semblait mieux armée, habillée de manière plus pratique, plus âgée et plus sûre d'elle qu'elle, qui se sentait comme une petite fille prise en faute, tandis qu'elle fixait le sang qui s'écoulait de la plaie de la guérisseuse.

Heureusement, cette dernière se guérit d'un nouveau sort magique - qu'elle ne put s'empêcher de lui envier - mais continua à e pas l'attaquer, comme si elle se gardait de lui faire le moindre mal. A quoi rimait donc ce "combat", si l'on pouvait l'appeler ainsi ? A quoi bon se combattre les uns les autres, alors que tout cela semblait vain et destructeur ?
Néanmoins, elle ne pouvait tourner les talons comme une enfant lâche et terrifiée. Il fallait jouer les règles du jeu - bien qu'elle n'ait que son épée pour agir et qu'elle ne pouvait que tenter maitriser sa lame pour n'occasionner aucun dégâts irréparables.

La doulce damoiselle offrit un sourire gêné et empli d'excuses à la guérisseuse ; puis choisit, à nouveau, de porter un nouveau coup, cette fois-ci ai niveau du poignet où elle tenait son sceptre, afin d'espérer la déstabiliser, et l'obliger à le lâcher. Elle avait conscience qu'elle devait avoir l'air maladroite, un peu comme une marionnette à qui l'on aurait coupé la plupart de ses fils - mais encore une fois, elle s'était engagée ; et devait donc aller jusqu'au bout.

A sa grande surprise, l'attaque porta à nouveau. Etais-ce sa détermination, ou la meilleure prise qu'elle avait de son arme qui l'avait aidé dans son geste ? Au moins, la jeune femme n'avait pas déméritée, et se recula d'un pas, sans baisser sa garde malgré la fatigue qui commençait à appesantir son bras.

Le compliment lui fit monter le rouge aux joues. Il était intrigant, mais également flatteur, d'être complimentée par une inconnue ; et elle se mit à écouter avec attention les propos de la guérisseuse, qu'elle trouva particulièrement pertinents.
Peu lui importait d'être tutoyée par une inconnue, pour une fois peut-être dans sa vie - cela n'avait aucune importance aujourd'hui, car la leçon devait porter. Ici, dans cette arène, elle était une novice, à peine capable une épée sans vaciller, et sans fatiguer son bras menu. Et si elle désirait aider à protéger son âme sœur, celui en qui elle avait toute confiance, et ne pas trop s'exposer au danger, il fallait apprendre... même si cet apprentissage était douloureux et un brin humiliant.

Son adversaire se soigna sous ses yeux. Il fallait absolument trouver une autre façon de l'attaquer, car il était vrai qu'elle guérissait aussitôt de ses faibles entailles ; et Amarïe était sur le point de tenter de l'attaquer à nouveau, cette fois pour la faire tomber en cherchant à lui faire un croche-pied, que cette dernière ramassait son sceptre, et le positionnait comme une lance, dans une posture inhabituelle.

L'inconnue était efficace, terriblement efficace ! D'un seul coup précis, elle faucha ses jambes, ce qui la fit tomber au sol plutôt lourdement, sans que la noble puisse retenir un petit cri aigu de souricette prise au piège.
Son épée lui ayant échappée des mains, et grimaçant sous la douleur, la haute-elfe murmura quelques mots incompréhensibles, avant de présenter sa reddition, reconnaissant clairement la supériorité de son adversaire d'une voix audible et qui détachait bien chaque syllabe.

- "La victoire est vôtre, Dame."

Elle se redressa avec l'aide de l'elfe, lui offrit un sourire lumineux et empli d'une sincérité désarmante, tandis qu'elle inclinait poliment sa tête aux reflets d'incendie devant elle, pour marquer son respect.

- "Je ne manquerais pas de retenir cette très bonne leçon. Je vous en remercie, par ailleurs..."

Le sort de soin lui fit du bien. Ses genoux lui firent moins mal, et ses mollets cessèrent de la brûler sous l'effet de la lumière salvatrice.
Puis, elles se séparèrent chacune de leur côté ; mais Amarïe, au lieu de se lamenter sur sa défaite, se sentait le cœur joyeux et léger. Malgré les apparences, elle avait réellement gagné quelque chose ; peut-être un peu plus de sagesse et d'expérience.

Cela ne valait-il pas le plus brillant des trésors ?