Une nouvelle gifle vint l'ébranler, claquant dans la pièce vidée de tout mobilier. La chaise se souleva sur deux pieds à l'impact, mais retrouva rapidement ses quatre appuis.

- Tu sais, commença-t-elle en reniflant, ce n'est pas parce que je suis une dame que tu dois faire preuve de douceur. Se serait dommage que moi seule y prenne du plai...

Le revers de la main vint la cueillir en plein milieu de sa phrase, interrompant son persiflage et la faisant osciller sur les pieds opposé de sa chaise. Cette fois-ci elle ne prit pas la peine de refaire face aussitôt, se raclant la gorge avant de cracher un glaviot ensanglanté de côté.

- Il y a du mieux...
- Tu te crois maligne ? la toisa son bourreau en se penchant au-dessus d'elle, mains appuyés sur les deux accoudoirs du fauteuil où elle était ligotée et lui postillonnant à la figure. Ton épave volante a été saisie. Ta cargaison saisie. Tes quatre comptes gelés. Des chasseurs de primes ont été dépêchés aux adresses que l'on a trouvé dans ton cockpit et pas des tendres.

Grimaçant, il se redressa, continuant à la noyer de son mépris.

- Tu n'as ni ami, ni échappatoire, ni avenir. Je peux toutefois t'accorder une mort rapide.

Aussitôt, il s'empressa de rectifier :

- Non, pas rapide. Moins lente. Tu m'as suffisamment mit en pétard pour que j'ai envie d'en profiter un peu.

Ravalant sa salive, l'elfe ne put cette fois soutenir son regard.

- ...même le quatrième compte ? miaula-t-elle avec bien moins d'aplombs.
- Surtout le quatrième compte bouffeuse de salades ! Ton demi-million de crédit est à moi ! J'ai même commencé à l'investir pour faire la peau à tes complices. Maintenant dis moi ce que tu as fait de mon fichu réacteur à impulsion thermobarique ou je te découpe en tout petit morceaux, en commençant par les oreilles !
- Je...

Inclinant la tête, les poings serrés d'impuissance sur ses liens, elle savait n'avoir aucun échappatoire. Aucun sans accepter de s'incliner devant ce djoll' de trois fois son poids.

- Je l'ai refilé à mon frère, confessa-t-elle du bout des lèvres.
- Et où je peux le trouver ?
- Il... un flotteur de troisième generation en orbite de la lune de IV qui...
- Ha ! Je reconnais ce que tu décris, il est dans ta liste ! Une bonne nouvelle que voilà ! Je ne vais pas tarder à le récupérer en ce cas !

Comme il tirait de sa poche un objet métallique dans lequel il passa les doigts, l'elfe prisonnière sentit les cheveux à la base de sa nuque se dresser. Un poing Ishtarien. Ça ça allait faire mal !

- Il ne l'a plus ! s'empressa-t-elle d'ajouter. Il m'a dit qu'il planifiait le revendre à un receleur sur IV ! Un des clébards du sud !
- C'est dommage ça, mais on pourra toujours lui demander DIRECTEMENT !

L'impact dans le ventre coupa le souffle de l'elfe qui s'effondra en avant, échappant une plainte pitoyable. La saisissant par les cheveux, le djollfulin l'obligea à se redresser malgré la douleur lancinante.

- On fait moins la maligne n'est-ce pas ? se moqua-t-il. Et je te garanti, ce n'est que le début, j'ai tout le cycle devant moi.
- Des...crédits... parvint-elle à souffler.
- Oui ?
- Avec mon frère... des crédits... on les a piqué au cartel... caché sur II... un compte a... ano... anonyme...
- Ho voilà qui est intéressant, déclara-t-il en écartant délicatement les mèches rougeâtres du visage de la suppliciée. Combien ?
- Deux... deux millions...
- Voilà qui m'intéresse. Comment je peux les obtenir ?
- Je... je veux... des garanties, insista-t-elle en reprenant contenance malgré sa situation peu engageante. Que tu me laisses partir et mon frère...
- Tu me dis comment et j'y réfléchis, l'interrompit-il. JE fixe les règles.

Les lèvres pincées, l'elfe chercha un échappatoire. En vain.

- Tu sais, commença-t-il d'un ton mielleux en posant une botte sur le rebord de la chaise, de nouveau penché au-dessus d'elle. J'aurais crû que tu me donnerais quelque chose de croustillant plus tôt. Que la grande Jeanne Sarre, monte-en l'air, maitre chanteuse et contrebandièren me livrerait des merveilles sur un plateau en quelques heures. Mais pour être franc, cela fait plaisir de te maintenir éveillée et te taper sur la tronche depuis trois jours.
- Quoi ?! s'étrangla-t-elle en entendant ces mots. Ça fait déjà trois jours que je moisis ici ?

Papillonnant des yeux, elle n'en croyait pas ses oreilles.

- Ouaip petite fille, ricana-t-il, ça fait trois jours. En fait, mes gars doivent être chez tes contacts en ce moment et crois moi que tes amis vont passer un...
- Nom d'un coquelicot mais tu pouvais pas le dire plus tôt, s'exaspéra-t-elle en levant les yeux au ciel et en changeant soudainement de ton. Tout ce temps à te laisser me matraquer le museau, à écouter tes conneries et devoir te pondre des bobards tous plus gros les uns que les autres... au secours...
- Heu... pardon ?

Grimaçant, le regard dur, l'elfe redressa la tête pour lui faire face, toute traces de désespoir effacées. L'instant suivant, un sourire de satisfaction étirait ses lèvres fendues. Esquissant une mine narquoise, elle exhiba de part et d'autre de ses oreilles ses mains libérées de toutes entraves. Dans le creux de ses poignets luisaient les témoins lumineux de petits implants sous-cutanés. Des torches à plasma miniatures pour être exact, dernier cri de la miniaturisation et des améliorations corporelles.

- Bor...

D'une gifle, c'est à son tour qu'elle l'interrompit. Ce qu'il faut avouer lui fit un bien fou. Le dos ankylosé d'être restée quatre jours assise  à se faire malmener et l'équilibre encore incertain, elle se força à se redresser tandis qu'il faisait un pas de côté, abasourdit.

- Ils vont tous crever ! cracha-t-il avec fureur. Tout tes contacts vont crever ! Et toi je vais te...
- Ho tu me fatigues toi.

Agilement, elle évita le poing fulgurant qui lui aurait probablement arraché la tête des épaules s'il avait fait mouche. Puis, faisant preuve d'une célérité inattendue et d'une force insoupçonnée pour sa taille, elle enroula le bras tendu entre les siens. Puis dans un mouvement fluide projeta le malabar à travers la pièce d'un mouvement qu'un pugiliste de l'époque aurait applaudit. Dans sa chute, il pulvérisa la chaise en morceau et dû s'abimer me dos, se tortillant à ses pieds comme un asticot. Ce qui n'était pas plus mal : elle aussi était en piteux état...

- Tu n'es qu'un tocard, déclara-t-elle après avoir prit le temps de s'étirer et s'essuyer les lèvres. C'est un vaisseau banalisé du CNN que tu as dans ta soute et je possède une bonne dizaine de comptes. J'ai bien un frangin mais il ne reçoit pas de visite : les contacts que tu as trouvé dans mes affaires sont des prestataires pour le Cartel des Glaces. Je te remercie de m'en débarrasser gracieusement sans que je n'attire davantage l'attention. Je leur devait une sacrée ardoise...

Affichant un grand sourire, elle ajouta :

- Ah et mon nom se prononçe "dé-jenne ça-hiir", pas "jeanne sarh". Trou du cul.

Puis pour bien appuyer les syllabes, elle se laissa tomber du coude sur la trachée exposée du djollfulin à terre.