**BIP** - Turbulences spatiales d’ici quelques minutes. Veuillez prendre une position assise et vous accrocher avec vos ceintures de sécurité portables. **BIP**

Oh, par Magnésie, voilà encore des turbulences sur le voyage que j’effectue entre Dùralas VI et Dùralas II. Depuis que nous sommes partis, nous devons déjà être à la quatrième perturbation qui force le capitaine à accélérer pour éviter que nous finissions tous engloutis dans les confins du cosmos. Heureusement, le vaisseau est très bien agencé, c’est une des dernières créations de la Garde Zéphyr, un chef d'œuvre de composition écologique selon la faction écologiste. Cet agencement me permet de trouver rapidement un espace pour m’asseoir et répondre aux ordres donnés via les interphones. Une fois ma ceinture portable accrochée à la paroi, je n’ai plus rien à craindre des vives secousses qui vont arriver.

**BIP** - Les passagers qui n’ont pas encore sécurisé leur position doivent se presser. Les secousses seront d’une magnitude supérieure aux précédentes. **BIP**

Cette nouvelle annonce ne laisse supposer rien de bon. Alors que le spectacle des gens qui courent afin de trouver une place m’amuse, je sors mon livre de recherche pour parcourir mes dernières notes. Dùralas VI est une planète fascinante d’un point de vue d’astrophysique, mais je n’ai pas encore eu le temps de comparer l’ensemble de mes données avec les informations existantes sur les autres planètes. Cette vague de perturbations est le moment idéal pour reprendre quelques informations. De toute façon, je ne peux rien faire de mieux. Enfin, c’était jusqu’à ce que quelqu’un s’installe à côté de moi à toute vitesse, me bousculant au passage dans sa précipitation.

Quiconque serait monté à bord du Diagoras entre deux missions n'aurait jamais pu en croire ses yeux. Il était bon qu'ils n'accueillent du monde qu'en période active. On retrouvait l'équipage tantôt entrain de faire une sieste, tantôt entrain de s'amuser sur les consoles holographiques, à fabriquer de petits modèles de vaisseaux anti gravité. Rien de très martial ou professionnel. Urgal quant à lui, était confortablement assis dans son fauteuil à haut dossier dans la salle de navigation, observant l'espace dériver autour du vaisseau, perdu dans ses pensées. Il ne servait à rien de maintenir l'équipage sur le pied de guerre en tout temps, il ne ferait que l'épuiser et réduire son efficacité. En revanche, ce qu'il attendait d'eux était...

Tout à coup, une communication interceptée retentit sur la passerelle.

- MAYDAY MAYDAY ! À qui reçoit ce message, coordonnées transmises, sommes attaqués, requérons assitance !

Tous les sens d'Urga se mirent en alerte. Il ordonna tour à tour de sonner l'alerte dans le Diagoras, de récupérer les coordonnées et de se diriger le plus rapidement vers la source du signal. S'ils avaient capté un SOS lancé au hasard, c'était que les communications à longue portée du vaisseau en détresse n'étaient plus opérationnelles mais qu'ils étaient tout proches. Alors qu'il s'installait à la barre, autour de lui, chaque membre de l'équipage rejoignait son poste, ayant tout abandonné pour s'occuper de sa tâche. Voilà ce qu'Urga attendait de son équipage en retour de leur liberté entre deux missions.

- Vous pourriez faire attention ! Et dépêchez vous d’accrocher votre ceinture de sécurité ! Vous avez entendu le message, il est clair.

Mon ton laisse certainement transparaître que je suis agacée d’avoir été bousculée de la sorte. L’homme, qui ne daigne même pas me répondre, est un garde ou un soldat de la Garde Zéphyr. Une fois mon nouveau voisin correctement attaché, je tente de reprendre la lecture de mon livre. Je commence à peine la relecture de quelques notes que le vaisseau se met à vibrer et à faire de drôles de secousses. Ce ne sont pas des turbulences cosmiques, comme il en arrive fréquemment durant les voyages spatiaux. Les coups donnés par le vaisseau sont beaucoup plus violents et trop aléatoires. Il se passe quelque chose d’autre, j’en suis certaine !

- AMRYNN RAMÈNE TOI AU STOCK DE MUNITION- ON A UN GROS PROBLÈME - QU’EST CE QUE TU FOU ?!

Ce bruit braillard et grésillant sort de l’espèce de radio portative de mon fameux voisin. Il se dénomme donc Amrynn, un elfe probablement, et donc pour résumer simplement “nous avons un gros problème”. Je regarde le soldat qui me regarde en retour d’un air apeuré. L’elfe est terrorisé, ce qui ne me signifie rien de bon. Je savais qu’un truc louche était en train de se produire ! Après avoir hésité, l'elfe bégaie une lamentable explication.

- Je… Je ne peux pas y aller Madame. On va tous crever là-dedans ! On est attaqué !
- Si nous sommes attaqués, nous devons nous défendre, c’est une règle de base ça mon jeune ami ! Je pars rejoindre vos collègues !

Ni une ni deux, je me détache pour me lever et partir à toute vitesse vers le stock des munitions. Le vaisseau est vraiment instable et je dois me tenir aux murs afin de ne pas être projetée.

Les messages de détresse s'étaient interrompus. C'était rarement une bonne nouvelle. Soit le transport avait été pulvérisé, soit les communications étaient brouillées. Dans le premier cas, il faudrait tout de même se rendre sur place pour secourir les naufragés. Dans le deuxièmes cas, ils devaient se dépêcher pour arriver avant que le combat ne se termine. L'ingénieur du vaisseau n'aimait pas pousser les moteurs, il avait l'impression d'en demander trop à son bébé, mais dans certains cas, il y était tenu et faisait tout ce qui était en son pouvoir pour ménager le Diagoras tout en en tirant le maximum. En moins d'une heure, ils arrivaient sur les coordonnées qu'on leur avait transmises et ils se retrouvèrent face à un réel feu d'artifice.


Le vaisseau de transport n'était pas encore vaporisé dans l'espace mais il ne se trouvait pas en excellent état non plus. Par chance, la Garde Zéphyr avait toujours pour habitude de construire des engins de qualité, couplé à un équipage bien entraîné. Ainsi, le transport résistait et esquivait, démontrant les capacités du pilote et des troupes à bord. Les communications du transport avaient beau être coupées, celles des vaisseaux pirates ne devaient pas l'être. Ils devaient bien se coordonner d'une façon ou d'une autre.

- Ici le Diagoras, veuillez cesser le feu.

Urga s'était chargé lui-même du message. Sa voix était connue dans les systèmes. Sa façon de faire aussi. Il n'y avait pas d'alternative dans ses demandes. Si on ajoutait un "sinon", ça donnait envie de tester l'autre solution. Ici, il montrait qu'il n'accepterait pas de refus. Généralement, il laissait cinq minutes après sa sommation afin que les commandants puissent prendre leur décision et se mettre en position de reddition. En attendant, il prenait son temps pour allumer et faire chauffer ses systèmes d'armement. Ses adversaires comprenaient rapidement ce qui allait se passer s'ils refusaient de se rendre.


Les opérations d'attaque du transport ne semblaient pas avoir été mises en pause et pire que ça, trois vaisseaux se déplaçaient sur un vecteur d'interception du Diagoras. Qui pouvait être assez inconscient pour vouloir attaquer le bâtiment principal de la Garde Zéphyr ? Celui qui avait fait ses preuves dans tant de batailles et qui était commandé par un amiral ayant subi des défaites qui ne pouvaient être comptées que sur les doigts d'une main ? Ils l'auraient voulu. Tout l'équipage se tenait aux abois, attendant un ordre, les mains et pattes sur les commandes de leurs stations, prêts à en découdre.

- Cible prioritaire : les intercepteurs. Cible secondaire : la flotte d'attaque. Deuxième phase : abordage du transport pour réduire les dernière poches de résistances. Feu à volonté.

Les ordres furent donnés calmement, d'une voix basse mais parfaitement audible. Toutes les stations se mirent en mouvement en même temps. Le vaisseau vibra très légèrement quand les batteries se mirent en action. Le concepteur avait vraiment fait un bon travail sur la carlingue et la réduction des vibrations. On évitait ainsi de devoir réviser tout le vaisseau après une bataille et l'inconfort de l'instabilité.

Alors que je me déplace aussi vite que possible vers le stock de munitions, le vaisseau souffre de plusieurs attaques, probablement simultanées. Je manque de tomber à de nombreuses reprises et je dois à mon poids de rester stable sans être projetée telle une brindille lors de chaque secousse. Les alarmes se mettent à sonner dans des hurlements puissants, accompagnés par des flashes lumineux émanant de néons rouges. Personne ne peut rater l’évidence du message : la situation devient extrêmement critique.

- Par Magnésie, je ne vais pas claquer dans ce vaisseau !

Après des avancées difficiles parmi les couloirs, j’arrive enfin au fameux stock des munitions, l’endroit qui avait été indiqué lors de l’appel radio au soldat couard. Quelques fantassins sont là, ces hommes et ces femmes n’ont pas l’air angoissé par la situation chaotique. Ils déballent de l’artillerie à toute vitesse, dans un ordre et une efficacité qui me paraît presque effrayante. Comment font-ils pour garder un tel calme ? Enfin, je n’ai pas le temps de me questionner plus longuement, l’un des soldats finit par me remarquer et me lance un marteau antigravité aussi lourd que encombrant.

- Madame, dépêchez-vous de nous suivre jusqu’à la soute. Nous allons subir un accostage à l’ancienne. Toutes les âmes prêtes à défendre chèrement leur vie sont les bienvenues parmi nous !
- Je ne suis pas une combattante, mais je vous suis et je vais vous aider. Que Magnésie soit avec vous tous.

Les cartons sont presque tous défaits et les soldats portent plusieurs armes sur eux. Certainement dans le but de les amener jusqu’à la soute, point de rassemblement où ils pourront distribuer les armements ainsi que les munitions. Vu que je viens de spécifier que je ne suis pas une combattante, ce qui est la plus simple vérité, le soldat m’ayant lancé le marteau ne semble pas jugé bon de me fournir une arme supplémentaire. Tant mieux, je ne suis pas certaine de réussir à viser avec un pistolet ou un fusil à lunettes. Deux par deux, les guerriers s’élancent dans le couloir à toute vitesse afin de rejoindre le dernier niveau de notre cargo. Prenant ma place en dernière position, nous tombons tous au sol après un choc important venant de l’arrière du bâtiment.

- Et merde ! Ils se sont déjà accrochés à la coque ! Relevez-vous et plus vite que ça !