- Donc on a aussi l'sous-sol dans nos affectations, s'exprima la demi-gnome perplexe. Pourtant y'a déjà des unités affectées à la surveillance des souterrains non ? J'sais que les montagnes sont un gros gruyère, mais quand même...
-T'en fini jamais de poser des questions Tunelly...
- Bah quoi ?

Suivant son capitaine à la tête du petit groupe, elle sentait déjà l'ennui la saisir. Les parois étaient monotones, la roche étant dénuée d'intérêt sans quoi elle aurait été minée depuis bien longtemps. De plus, un peu partout, les parois était humides. Des mousses et moisissures allant du verdâtre à un jaune peu ragoutant recouvrait les côtés comme le sol, créant des flaques spongieuses plus ou moins profondes. Si cela ne semblait pas importuner les autres patrouilleurs, plongeant allègrement dedans et y enfonçant leurs bottes jusqu'à mi-mollet, ce n'était pas le cas de la semi-halfeline évoluant là encore pieds nus.

- Beeeh, c'est crado ici !

Avec un soupir, le seul humain de son groupe l'attrapa par le col et, sans lui demander son avis, la transporta jusqu'à l'autre côté de la flaque étendue sur plusieurs mètres. Il s'agissait d'ailleurs du seul individu n'ayant pas de sang nain du groupe, brandissant une torche de sa main libre pour éclairer le couloir.

- Merci Richard, le gratifia-t-elle d'un grand sourire lorsqu'il l'eut reposé.

Celui-ci se contenta de hocher la tête, conscient qu'à la prochaine flaque il serait bon pour recommencer son manège.

- Ah des fois que vous voyez des champignons de jouvences, ne les ramassez pas mais notez leur emplacement, signala Daraln. On ne sait jamais.

- Beurk, déclara la demi-gnome en secouant sa petite masse et projetant du sang partout.

Leur groupe de patrouille venait de tomber sur une bande de reptiles des profondeurs en maraude, près de la surface. Trop près. Et trop agressifs : les kobolds avaient attaqué les patrouilleurs en sous-nombre à l'instant où les deux groupes s'étaient rencontrés.

- Richard, Bertrand, essayez de confectionner une civière pour Marcel. L'halfeline avec moi. Les suis les fuyards cinq minutes pour s'assurer qu'ils ne reviennent pas plus nombreux. Puis tout le monde direction la surface.
- Chef oui chef ! répliqua l'intéressée du tac au tac, effectuant un salut militaire.

Sans attendre davantage, tout deux s'orientèrent dans la galerie ou au moins deux des reptiles avaient déguerpis lorsque l'échauffourée avait tourné au vinaigre pour eux.

- Zut zut zut j'suis encore en retard ! s'écria la demi-gnome en dévalant les marches du chemin de montagne une à la fois.

Une fois n'était pas coutume, l'appel du traversin avait été très pressant. Et comme chaque fois, la petite kazharienne devait se hâter de rejoindre sa patrouille avant que son absence ne soit remarquée. Toutefois, à son étonnement, tout le monde était encore là lorsqu'elle pointa le bout de son nez.

- Que... vous êtes pas partis ? s'étonna-t-elle en arrivant au lieu de rendez-vous, un simple espace déboisé et déneigé à flanc de colline.

Perplexe, son chef de service la dévisagea.

- Tunnelly ? Tu aurais été en retard le mois passé. Mais nous avons changés d'heure donc tu entres dans les clous...
- AH !

Effectivement. Vu ainsi, elle avait de la chance. Pour cette fois. En revanche, dans six mois, cela risquait de piquer, lorsque le changement d'heure serait inverse.

- Patrouiller autour de ce petit patelin perdu au milieu de la foret de pins, grommela-t-elle en fichant un coup de pied bien sentit à un caillou. Si encore ça valait la peine. Y' s'passe jamais rien par là.

C'était bien vrai. Ce village était reculé, à l'écart des voies commerciales, protégé à l'entrée de sa vallée par un petit fort à même de se défendre. Bref, aucune chance pour qu'il ne s'y déroule quoi que se soit d'envergure justifiant la présence permanente d'une patrouille.

Seulement voilà. Il y a quelques semaines, un garde s'était fait casser la figure, dépouiller de son équipement et un entrepôt de bois avait été incendié. Aucune victime à déplorer. Juste l'ego d'un soldat à l'oeil au beurre noire et la perte financière d'un bucheron affirmant que le lieu était mal entretenu et pratiquement vide...

- A tout les coups c'est un zigoto qui a picolé et décidé de jouer à l'idiot...


Cela n'aurait pas été la première fois. Entre le précédent de patinoire sur un étang en dégel, de feu de joie dans des ruches ou l'effondrement d'une cabane dans les bois remplie de cailloux... les riverains n'étaient pas particulièrement futés tout en étant de fervents consommateurs d'éthanols. Quitte à se rendre sur place, contrôler voire limiter la consommation ou l'afflux d'alcool dans cette région aurait été plus pertinent. Même si cela aurait sans doute mené à un développement de contrebande. Là leurs patrouilles préventives auraient prit du sens.

Sans doute. Mais les ordres restaient les ordres...