La clairière était bien à l'écart de toutes routes. La dense forêt apportait un calme et une paix qui permit à Halkeo de prendre une pause bien méritée après ces journées plus que chargées. Le vent y était frais et revigorant, tandis que le soleil venait éclairer et réchauffer son corps.

"Ce serait un crime de ne pas profiter d'un tel paradis" se disait-il, en se baladant pour trouver le meilleur endroit pour s'arrêter.

Lorsqu'il trouva l'endroit idéal, il s'allongea dans l'herbe humide, pliant les brins qui étaient juste assez hauts pour y former un confortable matelas vert. il croisa ses bras sur son torse et détendit chaque muscle las de son corps.

La douce mélodie du vent faisait envoler les feuilles, agitait les buissons et ébouriffait sa crinière. Cette chorale agrémentait son sommeil qui se rapprochait hâtivement. Il fermait les yeux et profitait du mélange parfait entre la fraîcheur de la brise et la chaleur du soleil.


Un sursaut vint lui empoigner le cœur. Une douleur tranchante lui fit se relever d'un coup sec.

Un murmure familier se réverbait dans son oreille. Dans un premier temps, il ne discernait pas bien les paroles ni même la provenance de ce discours. Il cherchait du regard tout autour de lui la moindre formes de vie, comme apeuré par cette surprise qu'il n'avait pas vu venir.
Mais, plus la voix devenait claire plus la douleur s'intensifiait au point qu'il se courbait de douleur, titubant d'un pied à l'autre comme épuisé par un poids.

"... Douleur..."

"Qui me parle ?" demandait il à haute voix, intensifiant son regard dans le moindre recoin.

"... Haine... Vengeance..." susurrait la voix.

Puis, d'un coup, comme si une dague venait le traverser de part en part, il tomba à genoux. Son regard s'assombrit et il vit un visage démoniaque qu'il ne voulait et ne pensait plus revoir. Ce visage bien défini à présent ne relevait que de sombres marques démoniaques. Du sang dégoulinait sur le visage et les yeux rouges luisant venait étinceler dans la vision d'Halkeo. Calimiléo revenait à la charge !

' Non pas encore toi !" criait-il, "Je ne te laisserais pas prendre le contrôle une fois de plus !"

Il se débattait pour se libérer du mal qui le rongeait de l'intérieur. Il traversait la clairière en tombant presque après chaque pas. La puissante douleur devenait de plus en plus insurmontable, comme si le démon se débattait pour prendre la main et assouvir ses besoins primaires de meurtriers.

"... Sang... Horreur...". Chacune des paroles était agrémentée d'une douleur lancinante et d'une souffrance qui n'était pas la sienne.

"Pas à nouveau ! Cette fois, tu ne délivreras pas ton horreur au monde ! Je ne te laisserais pas faire !" s'exclamait Halkeo entre chaque râles de douleurs qui lui bloquaient le souffle, les cordes vocales et venaient tétaniser ses muscles.

Cette escalade de douleur n'en finissait pas. Mais, la situation se compliqua sérieusement pour le lowen quand il vit son côté droit se changer.
Le bras s'agrandissait en même temps que ses griffes.  Sa crinière ainsi que ses poils venait s'assombrir partiellement . Son œil se tinta de rouge comme d'un verre se remplissant d'un vin emplit de colère. Sa canine s'aiguisait à mesure que la moitié de son corps ne répondait plus.

C'est alors qu'Halkeo et Calimiléo cohabitèrent durant ce laps de temps. C'était comme si les deux alter-égos se regardaient de part et d'autre d'un miroir. La peur se lisait sur le visage du thérianthrope tandis que son antipode affichait un sourire machiavélique, presque sûr de la folie meurtrière qu'il allait réaliser. Son rire sonnait chacune des gouttes de sueurs qui tombait le long de visage animal et chacune des secondes laissait petit à petit le pas au démon. Le plaisir de ce monstre grandissait a mesure que le lowen perdait du terrain. Le combat faisait rage à l'intérieur pour ne pas laisser cette bête prendre le contrôle mais son rire démoniaque résonnait dans sa tête comme l'écho de l'échéance a venir.

Quand soudain, un léger bruissement dans le bosquet plus loin derrière eux vint arrêter les deux combattants ... Un son presque trop inaudible en comparaison du vacarme du combat qui se jouait ...

Le thérianthrope se retourna d'un seul coup. A ce moment-là, ce ne fut que l'œil de sang qui ressortit de la crinière foncée.

"Meurtre...", d'une voix claire et assurée, esquissant le terrible sourire armé de longues canines aiguisées, prêtes au au massacre.

Halkeo aperçu son congénère à travers les yeux de Calimiléo comme à travers le trou de serrure de sa prison. Cette dernière était déjà si sombre... Mais lorsque le Lowen vint s'abattre de tout son poids sur la bête, il y eut comme une secousse dans ce cachot des ténèbres.

Le jeune thérianthrope repris ses esprits et redoubla de force pour se sortir de ce malheur.


Ce ne sera pas un baround d'honneur ! Je vais te retourner dans le monde qui est le tien ! gueula t il en amassant toutes les forces qui lui restaient.



Calimiléo analysait la situation : il avait deux combats à mener. D'une part, le jeune Lowen qui faisait preuve d'une volonté comme il n'en avait jamais vue. Et de l'autre, la force et le poids du guerrier expérimenté. Ces deux fronts rendaient très compliquée la tâche du monstre. Il se débattait du mieux qu'il pouvait, usant de sa force pourtant si redoutée de par ces contrées. Psychiquement, en temps normal, il dominait Halkeo mais cette fois tout était différent... Ce dernier imposait sa volonté a Calimiléo. Les rôles était en train d'être échangés et cela ne plaisait pas du tout à cette bête qui amplissait de colère au fur et à mesure qu'il perdait du terrain.



- Mais comment puis je faiblir contre ce vaurien !? Lui, pourtant si faible ! criait-il à mesure que le Lowen le tirait vers les ténèbres par lesquelles il était apparu.


A mesure que la calimité perdait du terrain le visage du therianthrope reprenait sa couleur normale. Les yeux perdaient de leurs éclats rougeoyants et les canines réduisaient à vue d'oeil.

Dans les yeux encore pourpres, on pouvait lire une colère et une haine presque pure et de l'autre on observait la tristesse et la culpabilité d'un jeune Lowen dépassé par les évènements.

D'un coup, toute la pression redescendit. Les bras retombèrent lourdement sur le sol tandis que les yeux se fermerent le temps d'un battement de coeur. Le pelage se tinta totalement différemment que lorsque le combat débuta.

Les paupières s'ouvrirent devant le visage étonné de son assaillant. Le changement fut si instantanée que le guerrier resta sans voix.
Ce ne pouvait être là même personne ... Devait il relâcher la pression ou devait il le craindre encore plus ?..

C'est alors qu'halkeo pris la parole :

- Je te demande pardon mon frère. Je suis prêt à payer le prix de mes actes, aussi ignobles soient ils. Dit il calmement en baissant les yeux comme pour demander pardon et expier ses péchés.

Après cette longue et interminable bataille à deux fronts, le lowen pris un temps pour relâcher la pression et évaluer les dégâts qu'il a ou aurait pu causer. Son regard ne tourna pas longtemps car, fort heureusement, son adversaire paraissait bien plus fort et expérimenté. Sa sagesse transpirait de son calme et Il n'était pas si difficile de croire que la personne qui se trouvait en face de lui était respecté et bon. Sa bienveillance lui laissait une chance de mettre des mots sur ses actes et paroles.

halkeo pris un temps quand même pour choisir ses mots avec soin :
"Tout d'abord, je souhaites m'excuser de mon comportement, paroles ou tout autres choses qui a pu se passer au cours des quelques dernières minutes. C'est une très longue histoire qui peut paraître folle à première vue mais qui dévoile une partie bien sombre. "
A peine avait-il finit sa phrase que son interlocuteur affichait un visage qui demontrait un intérêt particulier à ce sujet. "Ce qui semble tout à fait normal au vue de la situation" se dit le lowen.

" Je suis certain que vous avez entendu parler d'un jeune therianthrope qui a pu causer un massacre il y a quelques années au sein d'une tribu.
Cet enfant n'est autre que moi... Je ne saurais vous expliquer les raisons car je n'ai pas pu découvrir ne serait-ce qu'une clé pour la compréhension du mal qui me ronge mais cette folie porte un nom qui a dû et doit encore résonner au sein de la race : Calimileo.
Je vous pris de croire que je n'en tire aucune gloire, bien au contraire ! Une honte me ronge et dont je ne sais me défaire et vous comprendrez la méfiance que j'ai pour les gens qui m'entoure. Pas par peur de ces derniers mais plutôt par la peur de mon manque de contrôle. Les années me permettent de le canaliser quelques fois mais il n'en reste que, à chaque fois, ce maudit Calimileo prend le dessus et comment des actes horribles. La culpabilité me ronge et je porte le poids des actes à chaque instant."

Son long discours se fit la tête baissée de honte et a peine avait-il finit son discours qu'il redressa la tête pour observer la réaction de son interlocuteur.

"Nous pourrons peut-être travailler ensemble à contrer ou du moins à contrôler cette partie de toi. Qu'en dis-tu ?". Ces mots résonnaient comme une vague de soulagement pour le Lowen. Il serait normal de dire que toute sa vie n'a été qu'une succession de malheurs et de rejets, que ce soit de la part de sa race ou d'autres.

Il ne savait pourquoi mais il voulait lui faire confiance, se reposer entièrement sur lui et partager de son fardeau que était devenu si lourd après tant d'années. Pour autant, l'appréhension de décevoir, causer du tort ou pire encore, le retenait de se jeter à corps perdu dans cette allée lumineuse que lui offrait son bienfaiteur.

Il pris le temps de choisir ses mots et surtout de choisir sa décision : "Ce serait avec joie si vous m'accordiez un peu de votre temps et de votre expérience. Je m'en remets à votre force si mon contrôle disparaissait au cours de notre voyage. Mais surtout je veux vous remercier pour votre bonté que je ne pensais revoir dans aucun être vivant en ce monde"
C'est sur ces mots et un sourire franc qu'il se tourna vers son interlocuteur pour y trouver réconfort et soutien pour démarrer une nouvelle aventure qui ressemblait bien à la fin d'un calvaire dont il ne pensait plus se débarrasser.