Cela plusieurs heures que la nuit est tombée sur le hameau, une heure où normalement peu de gens promène dans les rues. Circë est au centre du hameau en train de consulter le panneau d'affichage, rien de particulièrement intéressant est affiché. C'est assez peu étonnant quand on connaît l'animation qui règne en temps normal dans cette région, c'est un peu mort niveau ambiance.

La vampire arque un sourcil en observant le seul mot présent.

"- C'est quoi cette histoire de citrouille ?"

Cette réflexion est plus pour elle-même que pour qui que ce soit d'autre. Elle soupire et observe sa maigre bourse. Elle n'a pas vraiment besoin d'argent pour manger, puisqu'elle se contente de chasser sa nourriture, des rats, des animaux errants ou du bétail. Parfois un bandit isolé qui était allait se soulager, Circë est un prédateur opportuniste, mais des opportunités, elle n'en a pas beaucoup ici. Elle qui voulait trouver refuge dans une taverne face au rayon du soleil, bien que le soleil ne soit pas très fort dans la région.

Elle reste devant le tableau un long moment consultant à nouveaux les annonces sans grand entrain.

La vampire était en pleine relecture des annonces quand une voix sortit de nulle part la surprend. La vampire garde tout de même son sang-froid et se retourne mimant la désinvolture. Surprendre les autres par-derrière était un jeu assez commun chez les vampires de son ancien clan, quant aux menaces voilées, disons qu'il était important que les mordus apprennent rapidement où est leur place. Circë se fait traiter de folle ou d'idiote sans broncher, elle est habituée et ce que peut bien penser une inconnue d'elle est le cadet de ses soucis. C'est assez ironique qu'on lui dise de faire attention aux créatures qui rôdent la nuit quand on connaît l'origine de sa transformation. Quand l'elfe aux yeux bleu glacial lui souligne qu'elle aurait pu la tuer, attitude assez étrange quand on n'y pense, Circë lui lance juste un sourire avec ses lèvres fermés pour ne pas laisser apparaître ses canines.

"- C'est très urbain de votre part, je vous en remercie."

Bien que le ton soit plutôt amical, la phrase est prononcée avec désinvolture. Elle observe l'elfe devant elle avec calme.

"- Je suis une belle perte de temps, une femme sans le sou, sinon, je ne serais pas ici dans ce brouillard, surtout à cette heure. Aucun honnête gens n'y serait d'ailleurs."

Circë ne lâche pas la jeune femme en face d'elle des yeux, maintenant qu'elle est dos au panneau, personne ne peut la surprendre par-derrière. Puis son regard se tourne derrière la jeune femme, observant deux ombres qui traversent la brume. Elle lève lentement les mains, pour montrer à l'elfe qu'elle ne risque aucun geste de sa part. Par un geste rapide de la tête, elle l'invite à observer les deux silhouettes inconnues qui se balladent elle aussi dans le hameau. S'il est impossible de voir un visage, leur voix résonne sur la place vide.

"- P'tain, même après avoir autant bu, il reste pas mal d'argent encore."

L'autre lui répond.

"- Ta gueule, Chris ! Le braille pas sur tous les toits comme ça."

Le premier se met à rire gras.

"- Pour juste un macchabée, on a tiré le gros lot."

Circë sourit amusé et elle chuchote.

"- Finalement, il y a plus idiot que moi ce soir."

Et bien, Circë en avait rencontré du beau monde, mais personne qui dans un village aussi paumé ressemble à un garde en faction. Elle lui demande ce qu'elle vient faire ici. L'envie de l'envoyer boulet en lui répondant que c'était pour cacher une immense fortune dans le coin ou une connerie évidente du genre se fait sentir, mais elle a l'air assez idiote pour le croire. Déjà, rien que le fait de penser que le hameau est son fief est une preuve assez évidente de déséquilibre mental. N'importe qui munit d'un tant soit peu de jugeote l'aurait compris, le hameau n'existe que parce que le comte le permet. Circë connaît assez ses compatriotes pour en dicter deux raisons principales, soit il s'en fou, soit c'est pour lui servir de réserve de ressource. Probablement un mélange des deux.

Elle garde la même expression et sans aucune crainte visible, elle lui répond en toute honnêteté.

"- Je suis une vagabonde, comme je l'ai dit plus tôt, donc une marginale qui vit au bord de la société. Tout ce que je recherche, c'est de vivre tranquillement dans mon coin et d'allez où mes pas me portent."

Circë ne ment pas, elle cherche juste à vivre sa vie en se foutant de celle des autres. Les deux locaux qui viennent de passer par exemple, ils n'ont aucun intérêt pour elle, a moins qu'elle ne puisse les attaquer dans un coin et boire le délicieux liquide qui palpite dans leur veine. Alors que l'elfe parle d'eux, le ventre de la vampire se met subitement à gargouiller bruyamment, se nourrir d'animaux suffit pour se maintenir en vie, mais pas complètement se nourrir. Circë fait une expression sur son visage qui trahit une faim douloureuse, puis elle pose une main sur son ventre.

"- Désolé."

La vampire observe l'elfe, elle se gratte l'arrière de la tête, ne comprenant pas ce qu'elle lui voulait. Qu'on vienne lui parler est habituel, il n'est pas rare qu'on vienne l'aborder, mais rarement ainsi. Elle n'a pas vraiment le profil de la personne altruiste qui aide les gens dans le besoin.

"- Je prends bonne note de vos conseils, mais je ne comprends pas pourquoi vous venez me parler comme ça. Si vous vouliez que je m'en aille, il suffisait de le dire, on aurait gagné du temps."

L'elfe je m'enfoutiste souligne une nouvelle fois son désintérêt. Au moins, Circë et elle ont un point commun, elles se fichent pas mal des autres. Ce qui fait intérieurement rire la vampire, c'est que c'est bien l'elfe qu'est venue lui parler en premier. Mais elle se garde bien de souligner ce fait, inutile de discuter de cela avec l'assassin, cela n'apporterait rien à part du conflit inutile. Parfois, deux personnes n'ont juste pas la même façon de voir les choses, l'elfe préfère ne pas s'embêter avec les règles les plus simples de la bienséance pour se rappeler en continu qu'elle doit survivre, alors que Circë préfère cyniquement garder ces règles pour normaliser cette situation de survie au point d'appeler cette vie à couteau tiré une situation tout à fait normal. Accepter la violence de ce monde au point qu'elle lui soit normal et qu'elle fasse partie de son quotidien, est la façon de penser de la Vampire. Ce sont deux philosophies de vie qui ne sont pas forcément opposées et qui n'impose aucun débat.

Ainsi, donc, la suceuse de sang ne prend aucun ombrage des actions abruptes de la femme en face d'elle, cela l'importe aucunement et n'apporte aucun jugement de sa part. L'elfe lui propose juste d'aller dîner à la taverne, bien que l'heure soit trop tardive pour cela. Circë se contente d'un hochement de tête. L'elfe finit par répondre à la question de Circë, elle répète encore une fois qu'elle se fou de son sort pour ensuite lui expliquer que de dangereuse créature sorte la nuit. Bien ironique de dire cela à une vampire, mais à la décharge de l'assassin, elle ne peut connaître la véritable nature de la "jeune" femme. Circë est juste satisfaite de voir que même une assassin aguerris ne puisse par la simple observation se rendre compte de son vampirisme, ce qui est une petite victoire en soit.

Jouant la fille un peu honteuse de découvrir qu'elle avait mal jugé, Circë se gratte l'arrière de la tête avec une moue décontenancé.

"- Oh et bien, merci... Bonne soirée à vous aussi."

C'est avec soulagement que Circë voit l'assassin partir, elle ne va pas s'en cacher. Une bonne survivante sait contre qui elle peut se frotter et contre qui ce n'est même pas la peine d'essayer. Alyena est à ranger dans la case des personnes dont même l'idée de la voir comme une proie potentielle est dangereuse. En un coup de tête et trois pas dans la brume l'assassin à disparu, confirmant l'incapacité pour Circë de faire face.

Mais la vampire reste affamé et dans ce coin perdu, il n'y aucun animal domestique qui aurait peut-être une proie facile. En fait, une étrange ironie veut qu'à cette heure les poivrots soit plus facile à trouver qu'un chat et le ventre de Circë lui fait toujours aussi mal. Dans sa tête, elle se dit qu'elle devrait se laisser tenter, comme lui a dit son amie elfe d'un soir, il n'y a que des marginaux dont tout le monde ce fou, les attaques nocturnes sont si courante et une taverne se trouve non loin pour pouvoir se restaurer.

Dans les ténèbres et la brume, la beauté éthérée parcourt comme une ombre une petite rue proche de la place. Patiente, elle attend apposée contre un mur. Peu de temps après son arrivé, un homme ne pouvant marcher que par une étrange valse sort de la taverne, hurlant à plein poumon une belle chanson.

"- Les petites femme de Stellarae..."

Pas sur la droite suivit du reste du corps.

"- ...avec leur beau décolleté..."

Pas sur la gauche tout aussi gracieux.

"- ...Qui a bien du mal à cacher..."

Un autre pas sur la droite suivie d'une tentative de rattrapage d'une chute particulièrement disgracieuse.

"- ...La grosseur de leur..."

La vampire se jette sur lui et l'emporte dans une ruelle à côté.

"- Oula, mais que..."

Avant que l'homme ne comprenne ce qui se passe, la vampire plonge ses canines dans sa jugulaire et en boit goulûment le contenu. Après plusieurs minutes de bruit de succion particulièrement peu ragoûtant, Circë sort de l'ombre de la ruelle, sa peau a repris des couleurs, comme si elle était plus vivante. Elle pose la main droite sur le coin du mur, sa main gauche posée sur sa tête. L'alcool contenu dans le sang de l'homme est passé dans son organisme. Puis elle soupèse la bourse de l'homme avec un air pleinement satisfait et un sourire heureux sur le visage. Puis la belle disparaît et rejoint l'abri de la brume.



"Seul un fou ou un crétin resterait là au beau milieu de cette place à la merci des créatures qui rôdent la nuit…"
Alyena Ombrenuit