Uskøl s'était dévoué à rendre visite à l'étrange chercheur pieuvre nommé Pathacelce afin de l'aider dans sa tâche consistant à en savoir plus sur le Veilleur, le grand responsable de la Convergence depuis trois ans, déjà. On ne savait rien sur cette entité des plus étranges et le nordien avait besoin d'en apprendre un peu plus afin de se faire une meilleure idée du Veilleur et de ce à quoi les dùralassiens pourraient avoir affaire.

Le nordien n'avait pas cherché à en savoir plus, ni à traîner plus longtemps dans les parages avec l'abyssal dont le discours était assommant. Pathacelce avait besoin qu'il aille chercher des analyses sur le terrain en secouant frénétiquement l'appareil spécialement prévu à cet effet, le convergeomètre ? Alors Uskøl ne s'en priverait pas et tenterait de faire ce qui devait être fait.

Un des miliciens, bien plus au fait des agissements du Veilleur et des manifestations de la Convergence, lui suggéra de se rendre dans les marais Hukutav dans les ruines d'Alquateraze. C'était là-bas qu'à la précédente Convergence, une manifestation éthérée avait fait son apparition : la dame des marais. Plusieurs théories avaient été évoquées la concernant, mais jamais Pathacelce n'en avait évoqué la moindre.

Rien de tout ceci n'avait de l'importance pour l'instant et seule sa tentative d'acquérir une mesure de la Convergence importait au nordien, afin de pouvoir aider à l'enquête sur le Veilleur. Si le natif du Grand Nord devait combattre des esprits, ce serait avec grand plaisir ! Peut-être que ça l'aiderait à se débarrasser de cette étrange sensation fantomatique ?

Uskøl dut réagir au plus vite afin d'éviter que les crocs spectraux du molosse ne se plantent dans la peau de son cou et ne le fasse se vider de son sang. Il reconnut une soif de sang phénoménale lui permettant d'esquiver une mort certaine, à n'en point douter. Il aurait été idiot d'en finir ici, charcuté par une manifestation de la Convergence. Pourtant, il ne faisait aucun doute que certains avaient sûrement dû y passer avant lui.

Repoussant la bête, qui s'avéra à moitié tangible et intangible -étrange sensation cela dit-, le nordien hérita d'une entaille propre qui ne saigna pas, peut-être du fait que c'était un esprit qui lui avait infligé cette blessure.
Le molosse se réceptionna sur le sol et s'engagea dans la foulée dans un nouvel assaut qu'Uskøl accueillit avec son bouclier, le repoussant une nouvelle fois. L'animal ne se laissa pas déstabiliser, bien entendu, et retourna encore à la charge.
Il semblait en vouloir d'une férocité rare à l'intrus. Uskøl reconnut simplement une expression bestiale tout à fait banale qu'on éprouve lorsqu'on se trouve en présence d'une créature dangereuse. Les loups du Grand Nord évitaient les yétis, même lorsque leur meute était aussi étendue d'un clan nordien.  C'était similaire pour ce molosse et le natif du Grand Nord comptait bien lui apprendre sa place à grand coup de hache.

Aussi vif que s'il avait été en pleine forme en tant qu'entité vivante, le molosse gardien de prison ne laissa pas une seconde de répit à l'intrus et le harassa jusqu'à ce que l'épuisement vienne à bout de lui. Le spectre, en revanche, ne devait pas craindre d'être à bout de souffle ; un avantage à être une coquille dénuée de vie.

Le nordien para les coups avec son bouclier et tenta des ripostes avec sa hache rouge, mais à chaque fois son ennemi d'outre-monde bondissait en arrière pour revenir à la charge comme un bélier nordien.


Les traits d'humour étaient rares de la part du guerrier aux cheveux rouges comme le sang, mais lorsqu'il était seul il avait tendance à se délier la langue beaucoup plus facilement. Un sacré bougre aussi sauvage et têtu qu'un yéti, et ce n'était pas une comparaison agréable à énoncer.
Uskøl bloqua la mâchoire assoiffée de sang du canidé spectral et frappa le flan avec sa hache, optant pour un coup précis et puissant, de quoi faire un ravage chez son adversaire.

Uskøl avait frappé sur une sorte de voile ectoplasmique alors qu'il avait mis toute sa fureur dans le coup de hache. Soit une autre entité traînait dans les parages et avait enveloppé le molosse d'une aura protectrice, soit il y avait des étrangetés peu raisonnables qui guidaient ce combat vers une issue qui ne plaisait pas beaucoup au nordien. Dans tous les cas, son instinct lui dictait de ne pas rester trop longtemps en ces lieux au risque de voir toute la troupe du chien de garde débouler et s'en prendre à lui, se servant de sa peau pour faire une tête de lit spectrale, sûrement.

Malgré tout, le canidé éthéré semblait atteint par l'attaque à son flan. Il ne titubait, comme on aurait pu s'y attendre, mais il avait moins d'entrain dans ses charges toutes dents dehors. Le natif du Grand Nord remarqua aussi une sorte d'évaporation des fluides spectraux qui formaient l'animal dont Uskøl peinait à se débarrasser afin de poursuivre ses récupérations de données "magiques", comme le lui avait demandé l'abyssal aux tentacules de l'Institut.

Le nordien décida d'en terminer au plus vite et attendit que le molosse se retranche temporairement sur sa distance de sécurité afin de lui lancer sa hache pour le fendre de plein fouet comme il le faisait sur des troncs ou des bottes de paille au pavillon de Thrudd. Ce ne serait pas aussi simple, mais le milicien pouvait jouer de cet atout.

Faisant face trop tard à l'embuscade des immondes hommes-rats, Uskøl abandonna sur le sol quelques gouttes de sang de la blessure qu'on venait de lui infliger. Néanmoins, le nordien avait pu réagir à temps et éviter d'être transpercé par une des lames rouillées de ces créatures répugnantes. Leur petite apparition rappela au milicien que leur menace était toujours présente, n'en déplaise à ceux l'ayant oubliée.

Les abominations à la tête de rat encerclèrent leur proie en ricanant, si tout du moins on pouvait appeler ce râle répugnant un ricanement. Elles semblèrent satisfaites à l'idée de trouer le corps de cette viande fraîche.


Un grondement bestial vibra dans la gorge du milicien alors que celle-ci doublait, non triplait de volume et se parsemait de poils hirsutes sombres comme les ténèbres d'une nuit sans lune. Non, plutôt des épines dont l'extrémité de couleur rouge semblait indiquer que du sang tapissait le pelage de la bête.

Uskøl n'était plus là.
La bête, elle...

Un cadavre en morceaux vola dans les airs et retomba au sol comme du crottin. Les autres abominables engeances hybrides ne réagirent pas tout de suite ; elles avaient compris qu'un skarnien avait été durement touché, mais ces créatures ne se rendaient pas compte du résultat de l'assaut ravageur et bestial de leur proie qui n'avait plus rien à voir avec le grand humanoïde à la chair pâle comme l'ivoire.

L'ours qui avait remplacé l'espèce d'humain était plus imposant qu'un rat-ogre et infiniment plus féroce. Mais que pouvaient faire ces créatures stupides, enivrées par leur soif de victoire, à part continuer le combat jusqu'à ce que les loques qui leur servaient de carcasse soient étendues inanimées sur le sol, du sang infâme nourrissant le sol raboteux et boueux des marais ?

Les skarniens tentèrent de taillader la bête et celle-ci passa de nouveau à l'assaut.

Cette fois, ce fut ce qui semblait être une tête qui s'éloigna par les airs avant de rouler pendant de longs instants macabres sur plusieurs pas pour finalement s'immobiliser contre un muret en ruines. Si la gueule de rat détachée de son corps avait continué entre les deux murets, un spectateur aurait pu se lever et célébrer un point de Pied-Dùraball marqué par l'ursidé enragé.

L'ours déchaîné avait frappé en plein torse, la mâchoire grande ouverte. La carcasse ne sa victime n'avait pas tenu le coup et s'était brisée comme une tige d'arbuste. Comment une créature aussi frêle aurait pu résister à la fureur sanguinaire de cette bête ?
Cette fois, les skarniens prirent note du funeste destin de la victime de leur cible et se rendirent compte que leur nombre avait passablement chuté. Et pourtant, leur folie comme décidée par une main de marionnettiste les poussa à s'engager encore plus de ce combat que n'importe qui aurait compris perdu d'avance.

Avait-ce été la volonté du Veilleur ? Le maître du molosse spectral avait parlé d'un cadeau pour punir le meurtre de son chien. À qui Uskøl avait-il eu affaire ? Ça aurait pu être une question intéressante et méritant réflexion, mais la conscience du nordien était mise de côté afin de laisser la malédiction des dieux enrayer une très infime présence d'abominations.

Le sang n'avait pas assez coulé et une nouvelle cible brillait dans les yeux sombres et perdus de l'ours maudit.

Percutant de plein fouet la dernière des frêles vermines skarniennes qui s'en étaient prises au milicien, le cadavre fut projeté sur plusieurs pas, les os du torse brisés net sur le coup. Peu de personnes ou de créatures pouvaient se vanter d'avoir encaissé sans broncher la charge tonitruante d'un sanglier. Mais alors que dire de celle d'un ours aussi gros qu'un yéti enragé jusqu'aux extrémités des poils hirsutes, relevés comme des épines de porc-épic ?

Il ne restait d'un dernier ignoble homme-rat, celui qui avait semblé être la tête de proue de cette minuscule expédition. Il aurait mieux fallu que ces immondices ne tentent leur chance à une dizaine plutôt qu'à une poignée, moins nombreuse qu'une demi-douzaine. Quelques troupes d'élite comme des rats ogres auraient pu renverser la tendance. Mais que faire avec de la stupide chair à canon skarnienne ?

L'ours gratta le sol de son museau et tourna sa tête vers le skarnien tremblant de tous ses membres, incapables de trouver une solution pour se sortir de cette mort certaine. Il n'y en avait aucune, mais l'immonde abomination ne voulait pas l'accepter et pensait réellement avoir la possibilité de s'en retourner au terrier.