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Le Monde de Dùralas


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 Homéostase [Solo]

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Ehawee
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MessageSujet: Homéostase [Solo]   Homéostase [Solo] EmptySam 25 Juin 2022 - 15:00
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>>>♦ ♦ ♦<<<

La quête d'Ehawee l'avait mené à être transformée de bien des façons. Ses voyages, quant à eux, l'avaient confronté à de nombreux dangers. Ils avaient forcé l'archère à endurer la difficulté et l'angoisse, l'avaient poussé au-delà de ses limites, malgré elle. L'elfe sylvestre n'avait plus rien à voir avec celle qui quittait timidement la lisière de la forêt, des années plus tôt.

De telles transformations n'étaient pas courantes dans la vie d'un elfe, elles se faisaient généralement sur de plus longues périodes, parcimonieusement et subrepticement. Cela n'était pas sans conséquences pour la femme qui ne savait alors plus exactement qui elle était devenue, ni qui elle était auparavant. Une telle métamorphose, une telle éclosion ! Pouvait-elle y discerner son reflet, dans ces remous violents et perturbants ? La tâche semblait ardue, mais l'elfe avait grand espoir car elle sentait au plus profond d'elle-même que ces changements avaient été pour le mieux.

C'était peut-être pour s'en assurer qu'elle s'était rendue dans cet endroit d'Endorial, cet endroit qu'elle ne connaissait que trop bien. Oui, c'était peut-être pour revoir en souvenir la jeune Ehawee, celle qui n'était pas encore aventurière, celle qui était encore paralysée, et pour se prouver à elle-même qu'elle n'avait rien à voir avec elle à présent. Mais ce n'était pas uniquement pour cette raison. L'archère pressentait qu'il était temps pour elle de retracer les lignes sinueuses de son histoire et de résoudre des conflits intérieurs qui n'étaient pas encore réglés. Elle se sentait prête, pour ainsi dire, bien qu'elle se doutait que ce ne serait pas toujours agréable.

Ce doute se confirma au moment où elle s'approcha des alentours de la vieille bâtisse. La mémoire ramenait avec fulgurances des détails dont elle ne se doutait pas se rappeler, et pourtant. Elle revoyait cet arbre, cette branche, cette passerelle. Peu de choses avait changé, seulement les teintes de l'habit végétal, qui fluctuaient en permanence. Pour chaque saison, elle était capable d'y attribuer un souvenir de son enfance en fonction de la couleur. Tout était souvenir, qu'elle le veuille ou non, comme une vague inextinguible.

L'elfe sylvestre gonfla ses poumons de courage et continua sa route vers son objectif. Elle appréhendait, ne savait pas à quoi s'attendre comme réaction d'elle-même, cette promenade lui était si familière, et pourtant si étrangère à la fois !

Les chemins suspendus d'Endorial se ramifiaient dans le vide comme dans le passé, alors elle aperçut au bout de l'un d'eux une porte menant à l'édifice. Le silence. Le silence dévorait le bois au fil des années, bien plus que lorsque ce dernier était habité par la vie. Seuls les oiseaux et le bruissement des feuilles venaient lui compter leurs inlassables mélodies, confirmant l'absence d'autre bruit, confirmant l'absence tout court. Le vide, une maison abandonnée. Le grincement de la porte d'entrée semblait faire trembler les murs tout entier tellement ils n'avaient pas été dérangé depuis longtemps. L'archère eut un moment de flottement, parcourant l'intérieur du regard. Elle fit un pas sur le plancher, sa main se serra, sa gorge réclamait qu'on l'hydrate. Puis un long soupir empli de sentiments mélangés vint raviver ses cordes vocales. Ses poumons se relâchèrent tout doucement, procurant à son corps une sensation de calme qu'elle n'attendait pas.

La demeure commençait à être comprimée par la végétation environnante. Cela n'oppressait en rien l'elfe, au contraire, elle était ravie de voir le vivant reprendre ce qui lui était du, maintenant que les premiers occupants du lieux avaient chacune trouvé un ailleurs. Aussi se surprit-elle à sourire en découvrant les colonnies de fourmis s'approprier les plus fines des interstices de la structure, des failles grossissantes années après années, la famille d'écureuils qu'elle venait déranger, ou encore les nombreux nids d'oiseaux qui avaient trouvé dans les recoins de cette coque vide, un abris plus sûr encore que les cimes environnantes. Une mélancolie envahissait l'esprit de l'elfe. Comme la plupart des maisons endoriennes, celle-ci était construite en haut d'un arbre. Ce qui signifiait que des décennies plus tard, les lierres et les branches allaient transpercé les murs de part et d'autre, faisant abstraction de ces barrières bien rudimentaires face à la force du temps et de la croissance végétale. La structure allait finir par céder en débris qui allaient se répandre sur le sol de la ville, si rien n'était fait.

Ehawee pensait prendre un jour contact avec le bourgmestre pour gérer cette histoire. La bâtisse serait probablement habitée par de nouvelles personnes, qui allaient l'entretenir et l'empêcher de sombrer trop vite face au temps. Ces personnes allaient aussi s'emparer de l'endroit. L'occuper, l'éprouver. La propriété lui paraissait être une chose bien cruelle à ce moment-ci. Mais c'était ainsi, et elle reconnaissait être uniquement poussée par les souvenirs qui revenaient alors à la pelle.

Ces derniers n'étaient plus à compter. Ils se superposaient un à un, sans respecter d'ordre chronologique ni même de narration sensée. Comme dans un rêve, les voiles de sa vie faisaient échos en des images persistantes, confuses et éphémères mais pas moins chargées de sens.

Rendue au milieu de la salle de vie, l'elfe revoyait les dîners avec ses parents, les lectures, les contemplations au balcon, les courants d'air estivales entre les fenêtres, les recettes de cuisines, les tisanes crépusculaires, les bouillons hivernales, les collections de recueils et de bibelots, les course-poursuites avec son père, les rares convives, les invités impromptus, les rongeurs et volatiles passagers, les feuilles mortes à balayer à l'automne, les portes qui claquent, le clair de lune livide, les couettes chaudes et réconfortantes sur le divan, les écritures, les chaussures de cuir délaissées à l'entrée, les vases printaniers, les meubles sobres et ligneux, la sobriété de son père, son père, les méditations, les coups d'éclats, les verres brisés maladroitement, les missives recueillies par chouettes voyageuses, les peintures murales, les insectes indésirables ou effrayants quand elle était toute petite, les pies voleuses, les dessins sur la table d'ébène avant qu'elle ne soit remplacée par celle en cèdre, les gâteaux aux noisettes, les bouteilles vides, la lumière matinale diffusée par les carreaux en mica, les réveils impossibles, les gazouillis intrusifs, les coups de tonnerre terrifiants, les blagues douteuses, les larmes coulant lentement comme la sève sur les murs en bois bruts, les baies juteuses à la saison fruitière, les ambres intrigantes sur la commode trop haute, les papillons de nuits attirés par les lucioles, crevant au loin à force de tourbillonner sur eux-mêmes.


Dernière édition par Ehawee le Sam 4 Mai 2024 - 15:43, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Homéostase [Solo]   Homéostase [Solo] EmptyMar 26 Juil 2022 - 21:15
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Sur le tapis de fibres moelleuses, Ehawee se réveillait difficilement, comme après une longue méditation. Le sommeil l'avait frappé sans qu'elle ne s'en rende compte. Elle avait passé des heures à se remémorer des choses, à être dans sa tête, jusqu'à s'étendre petit à petit sur le sol du salon, entre les fauteuils décrépis et la commode. Elle était incapable de dire combien de temps elle avait passé ici, mais la fraîcheur qui avait empli l'endroit et la luminosité chaleureuse et froide à la fois qui émanait des fenêtres lui indiquait que c'était sûrement le petit matin. Avait-elle réellement passé la nuit ici, sans le réaliser ?

Elle se releva, un peu courbaturée par la position inconfortable que son corps avait décidé d'adopter pendant des heures sans se concerter avec son cerveau. Son cerveau, d'ailleurs, était embrumé, comme si on avait tambouriné dessus pendant des heures avant ce repos fatidique. Et pour cause, revoir plus d'un siècle d'existence vous revenir en pleine face n'était pas une mince affaire. L'elfe avait peu faim néanmoins et la curiosité la poussa à reprendre la redécouverte des lieux.

La brune s'aventura dans le couloir qui menait aux différentes chambres, construit en suivant une forme végétale. Le couloir se ramifiait donc en plusieurs petits embranchements, exactement comme ceux de l'arbre dont il en suivait les courbes, et chacun de ses petits chemins, ascendants pour certains, débouchait sur une pièce. La salle d'eau se trouvant dans un compartiment autre, le plus bas possible, sous la pièce principale, pour simplifier l'usage de la poulie à eau, il ne s'agissait donc que des chambres et d'un bureau. La première chambre était la sienne. Elle retrouvait son lit, lieu de bien-être et de repos pendant des décennies, mais aussi d'introspection et de procrastination ultime. Elle rigola en voyant ses premières peintures, même si certaines ne lui rappelaient pas que des bons souvenirs. De manière générale, cet endroit lui faisait penser à une période particulièrement difficile, elle préféra ne pas trop s'y attarder : elle ne le connaissait que trop.

La seconde était l'ancienne chambre de ses parents. Le contraste avec la première n'en était que plus douloureux. Cet espace avait été déserté bien avant, on ne pouvait guère se risquer à s'allonger sur le lit, et les moutons de poussière étaient légions. Ehawee ré-imaginait la vie de son père et de sa mère, avant que cette dernière ne décède, il y a exactement cent-quatre-vingts-trois années. Elle reviendrait d'une journée d'étude et de récolte, en réapprovisionnant le pot-pourris sur la table de nuit, avec une nouvelle recette dont elle gardait le secret. Son corps endolori par sa journée trouverait aise dans une robe de soie légère, le pantalon en cuir et le chemisier serait abandonnés dans un coin du lit, ou pliés soigneusement sur la chaise bordant la fenêtre. Détachant sa belle chevelure caramel, elle s'occuperait des plantes en pot sur la console pendant que lui arriverait avec les infusions ou la lecture du soir. Il l'enlacerait peut-être en la retrouvant, puis irait ouvrir le battant en mica pour observer le calme nocturne commencer à s'installer dans la forêt.

Pure fiction. Ehawee n'avait que six ans, elle n'a jamais vraiment connu sa mère, elle ne peut qu'inventer. D'ailleurs, à part la vieille bibliothèque qui semblait faire corps avec le mur, il ne restait que des débris des meubles de cette scène illusoire, comme si ce couple n'avait jamais existé. En vérité, devant elle, tout redevenait poussière. Elle traversa la pièce, écrasant des morceaux en tout genre sous ses bottes, et ouvrit les battants en mica. L'air lui faisait du bien, là tout de suite, à elle et à cet endroit qui sentait le renfermé, et dont elle n'en pouvait déjà plus. C'était tel qu'elle s'échappa par la fenêtre.

À l'extérieur, sur une branche qui se faisait le prolongement de la chambre, l'elfe sylvestre avait l'impression de retrouver la réalité. Elle s'assit alors un moment, les pieds dans le vide, pour déjeuner des biscuits qu'elle avait emporté dans son sac, tout en méditant sur tout ça. Elle connaissait bien cette branche, à vrai dire, elle avait été l'endroit de discussions interminables avec son père en contemplant les levers de soleil, ou les couchers, selon si la tendance était au lève-tôt ou au couche-tard. L'air frais et les horizons extérieurs lui avait redonné la faim ainsi que sa capacité de réflexion. Ehawee se releva après un temps qu'elle savait infertile : cet endroit avait fait ressurgir des choses, certes, mais n'avait rien solutionné en soit. Et pourtant, l'elfe voyait plus loin et cette pause dans ses affaires zéphyriennes ou immatérielles ne servirait pas uniquement à ressasser.

Se relevant, décidée à rendre visite à d'autres personnes que ses parents fantômes, l'archère se laissa choir en contrebas sur une branche et arpenta un autre chemin qu'elle connaissait bien à Endorial...
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Ehawee
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MessageSujet: Re: Homéostase [Solo]   Homéostase [Solo] EmptyMar 9 Aoû 2022 - 2:01
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Ehawee avait continué son chemin, en quête de ce qu'elle serait bien en peine de décrire. Sa recherche, qui avait débuté dans la maison abandonnée de son enfance, ne lui apportait finalement pas de réponses, mais seulement davantage de questions. C'était, en fin de compte, peut-être ça le véritable sens de "recherche". Les chercheurs de l'Institut par exemple, ne se demandaient pas, ou pas tout de suite, si leurs innovations magiques vont pouvoir être appliquées dans tel domaine ou tel autre. Non, ils tentent d'abord d'appréhender les énergies, les matières, les rites, les systèmes, ils les explorent, ils les testent. De ces expérimentations en découlent des découvertes, des compréhensions fondamentales qui permettront probablement de changer bien plus le monde que s'ils s'étaient donné un objectif précis initialement.

Dans les lignées de sa famille, dans les souvenirs, dans les émotions de son enfance, dans les courants spirituels, Ehawee cherchait. Elle n'avait pas l'espoir ni la prétention de croire que sa vie allait changer ce jour, ou demain. Elle désirait simplement explorer des questions pour le moment encore laissées de côté par manque de temps, de courage, de curiosité ou d'intérêt. L'elfe allait d'ailleurs rendre visite à une bonne connaissance de la famille, quelqu'un qu'elle savait si bien informée qu'elle détiendrait forcément au moins quelques réponses.

L'archère fit un petit détour sur la Grand-Place, qui n'était pas bien loin, afin de ne pas venir les mains vides. Des petites douceurs à la noisette ambrée et aux weewees, un autre fruit à coque, feraient parfaitement l'affaire. Les étals du marché étaient toujours remplis de nourritures à faire saliver et les odeurs émerveillaient toutes les rues alentours pendant des heures ! Bien que c'était plus petit, Endorial n'avait pas à pâlir des rues stellaroïses, en ce qui concernaient la nourriture en tout cas. Mais il fallait vite quitter les marchands et leurs produits multicolores, la senteur enivrante de leurs plats cuisinées et leurs fruits et légumes de toute forme pour retrouver les hauteurs. Ehawee prit l'un des nombreux chemins ascendants jusqu'à arpenter les passerelles qui surplombaient le marché. Arbre après arbre, passerelle après passerelle et branche après branche, elle s'approcha de la demeure de la vénérable Odina.

Élégante sans être grandiloquente, la bâtisse avait été sculptée à même un arbre géant qui ne se préoccupait guère de cette petite brèche dans son tronc. L'entrée était majestueuse, une arcade typique de l'architecture elfique accueillait les visiteurs. Ehawee alla frapper à la grande porte lorsque celle-ci s'ouvrit d'elle-même, laissant échapper une voix douce.


Homéostase [Solo] Odina110


-Entre donc, mon enfant.

Pas plus surprise que cela, l'archère pénétra à l'intérieur, la porte se referma juste après. Elle se retrouva dans la pièce principale qui semblait engoncée entre des vitraux et le coeur du tronc. Sur la droite, dans cette espace allongé et arrondi se trouvait le salon, en désordre. Un grand canapé et des fauteuils confortables d'un côté, mais une table et une console remplies de fouillis de l'autre. Des encens, de la paperasse, des parchemins, des pots en tout genre. À gauche la demeure se prolongeait dans un dédale qu'Ehawee n'avait jamais osé arpenter, pourtant elle était déjà venue de nombreuses fois ici. C'était dans ce couloir, éclairée en contre-jour par une lumière orangée et mystique qu'elle apparut. Dans sa longue robe semblable à la nuit, Odina s'avança d'un pas lent, comme en apesanteur, tandis que son visage était celui de la joie. Elle posa ses deux yeux intenses sur sa visiteuse, ses cheveux blancs immaculés noués en chignon.

-Comme je t'ai connu, comme je te connais, Ehawee, fit-elle l'invitant à s'asseoir sur le divan. Chacun de ses mots étaient doux et posé avec une mesure et une délicatesse aérienne. Je t'attendais, avec impatience, tu m'as ramené quelque chose, n'est-ce pas ? L'elfe acquiesça et sortit de son sac les gâteaux. Tu es toujours si adorable ! fit-elle avec enthousiasme.

Odina avait vraisemblablement le don de clairvoyance. Portée dans les arcanes divinatoires, elle semblait toujours dans son ailleurs, dans on ne savait quoi, à retracer les lignes du passé et démêler les fils de l'avenir. Cela ne l'empêchait pas d'être le pilier de la famille, étant la plus vieille elfe ayant survécu dans la lignée. Ehawee savait tout ça, néanmoins, elle ne pouvait réfréner une certaine gêne quand elle venait la voir. Après tout, c'était comme si Odina pouvait lire en elle comme dans un livre ouvert. Mais même sans ça, la vieille elfe dégageait une aura et une prestance qui ne rendaient personne indifférent. Elle n'avait aucunes marques du temps sur ses traits, mais c'était comme si une lueur émanait d'elle et s'était amplifiée graduellement au fil des siècles. Elle écouta avec attention ce que l'archère avait à lui dire, sans enlever son sourire ravi.

-Je voulais passer te voir pour...Savoir comment tu allais. Très vite, elle la coupa, il était inutile de mentir ni de passer par quatre chemin avec elle.
-Oh ma petite...Les remous à la surface de ton esprit, je les ai perçus il y a longtemps. Elle se leva aussitôt et se dirigea vers elle. Je suis si heureuse de te voir. Lui tendant les mains, Odina serra celles d'Ehawee avec affection. La brune sentait la ferveur de ce contact. Même si l'oracle savait beaucoup de choses, elle n'en restait pas moins un être sensible qui avait besoin des siens pour survivre. Et vu ses membres éparpillées par delà Dùralas, cette famille avait bien du mal à se réunir. Viens, dit-elle comme un souffle avant de l'emporter dans le couloir lugubre.


Les deux elfes arpentèrent un passage ascendant, avant de déboucher sur une cavité entre les branches multiples et le feuillage de l'arbre géant qui servait de fondation. Un creux dans les plis ligneux formaient là une baignoire naturelle, en plein air mais à l'abris des regards d'Endorial. De l'eau s'accumulait ici par les pluies. Odina lui expliqua les propriétés de cette eau bénie par le clair de lune et lui révéla aussi que ses pouvoirs de clairvoyance venaient en partie de Magnésie elle-même.

-Je crois que tu es suffisamment prête pour faire face à de nombreuses choses désormais. Ehawee, immerge-toi dans l'eau, elle te guidera sur le chemin de ton âme. L'archère fut perplexe quelques instants. Son besoin de se recentrer, de recoller les morceaux avec ses origines, la vieille Odina l'avait prédit et avait préparé ce rituel ? Cela n'avait rien d'étonnant, venant de sa part. Ehawee redoutait ce qu'elle allait découvrir, d'autant plus que les dires de la blonde lui intimaient que sa propre famille avait omis de lui raconter bien des choses...pour la préserver...Néanmoins, il fallait qu'elle mette la lumière sur le passé, et visiblement, son intuition avait bel et bien mit le doigts sur quelque chose d'encore plus gros que ce qu'elle pensait.

L'elfe sylvestre ôta ses vêtements et plongea dans l'eau du clair de lune. Sa chevelure brune ondoyait en arc de cercle autour d'elle, s'entremêlant presque avec les branches de ce grand vasque de bois. Le corps d'Ehawee flottait, tandis que l'oracle versa un peu plus d'eau sur elle. Des éclaboussures jaillirent des lueurs mystiques, tandis que la surface semblait drapée, ondulant comme un morceau de tissu balayé par le vent. La femme ressentit soudainement les énergies apparaître à son âme : c'était comme un tissage complexe au début, rien n'avait de sens, ou plutôt, il y avait trop de sens à la fois pour y discerner quelque chose. Après quelques instants, des voix apparaissaient comme étant ses souvenirs, mais ce n'était pas uniquement son propre point de vue. Il lui apparaissait être capable de vivre d'autres points de vue de ses propres souvenirs, de découvrir ce qu'elle n'aurait jamais eu l'occasion de connaître autrement. Mais tout cela était bien complexe et peu malléable pour Ehawee.

-La toile du Destin est capricieuse, mon enfant. La divination est une discipline qui prend beaucoup de temps à être développée...Tu n'en a pas le contrôle, mais vas-y, pose-moi les questions qui brouillent ton esprit et je veillerai à ce que l'eau te donne sa lumière.


Homéostase [Solo] Odina210
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MessageSujet: Re: Homéostase [Solo]   Homéostase [Solo] EmptyMer 7 Aoû 2024 - 12:36
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Dans le bassin d'eau clair-de-lune, Ehawee écoutait les ondes lui chuchoter à l'oreille pointue des frémissements indescriptibles. De ses quelques connaissances dans la divination, l'elfe était pourtant bien en peine de les interpréter comme des vocables décryptables.

Elle n'était pas bien sûr d'avoir bien entendu Odina. Vraiment ? Elle pouvait lui demander n'importe quoi et la doyenne le lui montrerait dans l'eau ? Plonger dans les vieux souvenirs et à des moments cruciaux...Contrôler la connaissance grâce à la magie du Destin, du temps et de l'espace, quels pouvoirs terrifiants ! Elle n'osait imaginer la multitude de personnes par-delà Dùralas qui souhaiteraient se trouver à sa place, où posséder des pouvoirs tels que ceux de la vieille elfe...À la place, Ehawee se laissait inonder de ressentiments, comme des gouttes amères qui remontaient jusqu'à son visage par capillarité et convergèrent jusqu'à que les larmes ne sortent et se mélangent à la surface.


Homéostase [Solo] Opheli10


- Où est mon père ?

Lorsqu'elle prononça ces mots, le simple poids de cette question semblait épaissir l'air et alourdir l'eau. Pour autant, Odina s'était engagée à aider sa descendante, même si cela impliquait de raviver l'amertume de son esprit. Alors elle s'appliqua à verser de l'eau de sa coupe, et les vaguelettes se mirent à luire. Sous le geste de la blonde qui les guidaient de la main, elles tournèrent et des petits courants s'entrechoquèrent dans la vasque géante. Pourtant le corps d'Ehawee ne ressentait pas de mouvements dans l'eau : et pour cause, les particules bénies par Magnésie avait traversé le voile de l'Immatériel pour plonger dans les réseaux sinueux du passé, du présent, et du futur. La doyenne s'appliqua ensuite à explorer la toile lumineuse qui apparaissait autour de l'archère, très vite, et car elle gardait constamment un oeil sur les membres de la famille, elle retrouva la trace de celui qui était recherché...

Les flux, échos du Destin, s'accumulèrent à la surface et scintillèrent dans les cheveux de la brune, jusqu'à atteindre sa boîte crânienne.

- J'entends des cris de combats ! De douleur...exprima-t-elle, inquiète, à mesure que des flashs fusèrent jusqu'à elle : des ailes de stryge blanc, un löwen ressemblant à Urua...puis des acclamations ?
- Oui, ne t'en fais pas, Waban se porte bien. Il a simplement concouru au grand tournoi de Stellaraë...voyons voir ce qu'il fait à présent. Les scintillements revinrent de plus belle, tandis que les questions se multipliaient dans la tête de l'elfe. Le tournoi ? Qu'est-ce qu'il fait là-bas ? De mieux...que de chercher à revoir sa fille ? Urua...et Baldwin l'on rencontré ? Soudainement, une grande vague de froid s'empara de son espace mental. Les courants divinatoires l'avaient vraisemblablement mené...
- Le Grand Nord ! Qu'est-ce qu'il peut bien y faire...
- Je ne sais pas, mon enfant...Mes pouvoirs ne permettent pas de recoller tous les morceaux de l'histoire ni de deviner les intentions des personnes...Il s'agit plutôt de cibler une scène précise dans l'espace et dans le temps.

Ainsi, même si Odina veillait sur les siens, elle gardait malgré tout une certaine distance. Il semblait qu'il fallait arpenter le Grand Nord pour retrouver Waban et peut-être avoir les réponses qu'Ehawee attendaient...

- Y a-t-il autre chose ?

L'elfe sylvestre immergée prit de longues secondes avant de répondre. Durant ce temps infini, une vague qu'elle ne suspectait pas revenait du fin fond de son âme, alors qu'elle cherchait quoi demander d'autre. Toutes les réponses de sa vie pouvaient apparaître, il ne suffisait qu'à formuler de manière intelligible leurs interrogations. Dans les remous obscurs de son esprit, elle songeait au début à la protection de Sylfaën, ou bien à l'Immatériel, tout en balayant tout ce qu'elle pourrait demander à ces sujets : ils s'agissaient de choses bien trop vastes et abstraites...Mais en dehors de cela, et de son père, que pouvait-elle bien dire ? Qu'est-ce qui était resté là, noué, tout au fond, tout ce temps ? À cet-instant, alors, cette vague apparut, redoutable. Ehawee tenta soudainement, alors que cela faisait des décennies qu'elle n'avait pas prononcé son nom, de remodeler dans sa tête le visage de sa mère. Puis, de la voix fébrile d'une petite fille, elle parvint petit à petit à articuler ces mots :

- Que s'est-il passé...Que s'est-il passé...répétait-elle dans la détresse avant de trouver la bonne formulation. Que s'est-il passé pour Naya ?

La surprise s'empara du visage de la vieille Odina à l'évocation de ce nom. Soudainement, son regard fut emplit de remord et de peine, sans que cela ne l'empêche de poursuivre le rituel et d'accomplir la tâche qu'elle s'était donnée.

- Alors comme ça...Il ne t'a rien dit...répondit-elle avec la voix éreintée de la vieillesse (bien qu'elle était une elfe), abattue par les siècles de silence de Waban.


Homéostase [Solo] Opheee10


La main tourbillonna dans les airs, et ainsi suivit le langage des étoiles dans la constellation de reflets d'eau. Les étincelles de magie bouillonnèrent, une énergie mystique s'emparait complètement de la vasque à mesure qu'elles semblaient opérer. Ehawee pouvait sentir que cette question était beaucoup plus difficile que la première, car elle était bien moins précise et faisait sûrement allusion à de nombreux événements et de nombreux endroits. Les particules éthérées tentaient malgré tout de lui donner une forme cohérente et d'en retracer les lignes dans les réseaux de la destinée. Odina était toute concentrée sur son sortilège, les deux bras tendus vers la surface, son regard se fit intense, ses sourcils froncés.

Elle savait probablement déjà tout, se fit l'archère, alors pourquoi ne pas simplement tout lui dire ? Peut-être voulait-elle qu'elle visualise véritablement. Que pouvait-il se passer ? Quels mystères entouraient la mort de sa mère ? L'inquiétude et l'appréhension grandissaient chez Ehawee tandis que des bulles de magie affluaient autour de son corps, jusqu'à que l'énergie illuminée ne converge à nouveau de la pointe de ses cheveux et remonte jusqu'à ses racines.

Tout d'un coup, des spasmes de douleurs s'emparèrent d'elle. Des images stroboscopiques, des éclairs hallucinés de Naya fusèrent jusqu'à son esprit. Des fragments de souvenir de sa mère, indicibles. Des amas colorés abstraits, des souffrances incommensurables, des forces qui dépassaient l'entendement, un affrontement au-delà de Dùralas. Puis, plus rien, le néant d'une nuit sans fin, le crépuscule de son existence, qui perdure à jamais. Le silence aride de la disparition, par-delà la mort. Une prison spirituelle éternelle. Alors qu'Ehawee entendaient la voix d'Odina, de très loin, tentant de la faire revenir, et qu'elle sentait que son corps se faisait comme cramer de l'intérieur, des voiles plus persistants apparurent : le doux souvenir de Waban, à travers les yeux de Naya, bien avant qu'elle soit né, son inquiétude grandissante à son sujet et un mystérieux livre dans leur ancien cocon suspendu.

- Ehawee ! Ehawee ! Ehaaaweee sors de là ! Ehawee tu m'entends ! Reviens !!!

Relevée dans l'eau, l'esprit refit surface. Ehawee rouvrit les yeux, le visage crispé de douleur et d'angoisse. Les bras d'Odina l'entouraient. Elle l'avait rejointe dans la vasque, laissant traîner sa longue robe bleue dans l'eau, et la serrait très fort. Elle tentait de la rassurer, de lui dire que tout cela était fini, que l'expérience était peut-être aller trop loin ou qu'elle aurait du s'y prendre différemment pour toucher aux événements qui concernaient Naya...Mais pour Ehawee, qui venait de ressentir une douleur incommensurable à cause d'un seul fragment de mémoire, les choses ne faisaient que commencer.
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Ehawee
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Ehawee

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(Tadi, Cerf royal d'Ehawee [Modifié] +400, v+400 ; dissuasion : évite la prison)

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MessageSujet: Re: Homéostase [Solo]   Homéostase [Solo] EmptyMer 14 Aoû 2024 - 13:20
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Il y eut un instant où l'esprit fut en apesanteur, comme le corps à la surface. Puis, plus rien. Partie momentanément, Ehawee gisait, impuissante, endolorie de partout, dans l'eau, tenue par la seule force des particules liquides qui la soutenaient partiellement et des mains d'Odina.

>>>♦ ♦ ♦<<<

S'en suivit une phase d'accalmie qui dura plusieurs jours. Comme projetée d'un seul coup dans les confins du monde, l'âme de l'elfe sylvestre avait des kilomètres à marcher pour revenir jusqu'à son corps, tandis que ce dernier faisait le strict minimum pour le bon fonctionnement de son organisme. Sans but, sans rien en tête autre que le choc ressassé, le kaléidoscope de douleur qui lui miroitait encore dans ce long voyage brumeux les affres de ce qu'elle avait vu, provoquant un spasme du bras par moment, une crispation des joues une autre fois...

Odina était là. Elle avait recueilli son enfant lointaine. Être à son chevet était la moindre des choses qu'elle pouvait faire pour tenter d'éponger sa culpabilité. Alors elle épongeait le front de la brune lorsqu'il suintait de cet effort mystique qu'elle avait malgré elle provoqué. Elle aurait du prévoir, comme à chaque fois. Une semaine entière passait, durant laquelle elle méditait sur cet événement, tout en s'occupant du corps impassible de sa protégée. Lui servant le repas et le thé, qu'elle préparait avec minutie, utilisant les meilleures herbes curatives qu'elle connaissait de sa longue et interminable existence. Ses grands cheveux blonds, presque blancs, étaient toujours noués dans un chignon précaire. Ses mains douces s'attelaient à baigner les bras léthargiques de l'archère, puis le reste de son corps, avec une précaution dont les elfes avaient le secret. Après la toilette, elle l'aidait à se rhabiller. Dans des gestes lents, amples, elle accompagnait chacun de ses mouvements; enfilant la manche, puis l'autre, puis boutonnant le chemisier couvrant sa petite poitrine. Après être parvenue à lui faire mettre un pantalon large en fibre de lin, elle finissait par brosser sa longue chevelure ébène aux revêches reflets de châtaigne, avant de poser le peigne sur la commode près du lit et de l'interroger, une nouvelle fois.

- Comment te sens-tu, mon enfant ?

La main d'Odina avait toujours ce tremblement lorsqu'elle posait cette question. Mais durant cette longue semaine, durant chacune de ces journées à l'écoulement lent et suspendu, Ehawee ne répondait pas, les pupilles occultées par un voile. Elle n'était plus là. Seul le bruit de l'eau-clair-de-lune se désemplissant et se remplissant éternellement dans la vasque de divination résonnait dans toute la demeure par les branchages de l'arbre géant. Puis, progressivement, matin après matin, son corps semblait reprendre ses facultés, tandis que son regard avait petit à petit prise avec le réel, à nouveau. Un espoir renaissait dans le coeur de la doyenne, à mesure que le bourgeon d'Endorial revenait au sein de Sylfaën.

Il fallut encore un peu de temps, à remarcher chaque jour, puis à re-tirer à l'arc : activité synonyme de vitalité revenue à la normale pour l'archère. Tout se passait en silence, à part quelques échanges avec son aînée. Parfois, de simples échanges de regards. Après avoir traversé une telle épreuve, elles n'avaient vraisemblablement parfois plus besoin de prononcer des mots pour se comprendre. Et Odina, de sa sagesse millénaire, et de son empathie démesurée, savait pourtant que la brune ne lui en voulait pas pour avoir commis ce rituel risqué, sans même qu'elle n'eut besoin de l'expliquer. Ehawee était venue pour savoir et elle avait vu. Même si son corps retenait pour toujours cette brûlure intérieure atroce, si là était la clé de son histoire, alors elle était prête à l'endurer à jamais.

Il était donc temps de partir, car la garde sylvestre avait un long chemin devant elle. Les deux elfes se quittèrent, en se serrant fort dans les bras : malgré tout, la brune retiendrait pour l'éternité tout ce que la blonde avait fait pour elle, et elle savait également ô combien elle avait enduré pour sa famille. Tout cela pour qu'ils finissent tous par partir...

Ceci n'était donc qu'un au revoir, et l'archère déambulait dans la forêt. Elle reprenait ses marques avec la joie nouvelle de quelqu'un qui sort d'une convalescence. Sauter de branche en branche sans se casser la gueule était une épreuve difficile dans son état, mais également jouissive comparée à l'immobilité dans laquelle son corps s'était figé ces derniers jours. Elle retrouva avec émerveillement et inquiétude le chemin des bois...se dirigeant directement vers son prochain objectif.

Ne perdant pas de temps, elle avait décidé de retourner dans sa maison d'enfance dès que ses jambes le lui permettaient. Alors Ehawee revint dans la demeure abandonnée quittée il y a une semaine, en haut de cet arbre qui la mangeait à moitié. Elle retrouva la montagne de souvenirs laissée là dans la pièce à vivre. Elle remonta le couloir qui lui paraissait désormais si petit comparé à ce que ses yeux de petite elfe avaient gravé dans sa mémoire. Elle passa à nouveau la tête dans l'encadrement de la porte de sa chambre, sans s'y attarder. Elle pénétra à l'intérieur de celle de ses parents. Lieu interdit, désormais accessible. Sa main se laissa glisser sur les racines du temps qui avaient pris possession de toute chose. Suivant leurs courbes, ses doigts finirent par se déposer sur les rayons de la bibliothèque, seule survivante. Elle feuilleta les vieux ouvrages de magie et de botanique. Elle envoya valser les romans d'aventures à l'eau de rose dans les moutons de poussière du lit. Elle balaya de la main les parchemins dont on y voyait plus rien, tellement l'encre y avait été rongée. Elle trouva, enfin, les petits carnets en cuir rouge de son père. Ses vieux souvenirs et témoignages qu'il avait laissé derrière lui en quittant ce foyer, en la laissant plantée là, au nom du recommencement.

En ouvrant le premier ouvrage recouvert de l'écriture paternelle, Ehawee songea à ce moment et à cette quête :

- Ces journaux sont la preuve que même nous, les elfes, ne sommes rien face au temps. Même nous, nous devons nous battre pour inscrire la moindre marque dans la sempiternelle et inextinguible Roue de l'Éther. Nos histoires le montrent : nous sommes un peuple amnésique, comme tous les autres, et bientôt, nous pourrions même tous disparaître complètement dans l'oubli, recouverts à jamais par les branches entrelacées de Sylfaën...

Puis, elle tourna la première page de garde et plongea dans la mer d'encre, à la lumière de la fenêtre en mica laissée ouverte la dernière fois.


Homéostase [Solo] Lectur10


Les événements marquants de celui qui s'appelait Waban, le vent de l'Est, nommé ainsi en hommage à sa mère, y étaient inscrits. De l'héritage de ses parents, un elfe sylvestre et une elfe noire, qui lui avaient appris la tolérance et la liberté, jusqu'aux raisons abstraites qui avaient justifié son départ de l'Ouest. Oui, la généalogie d'Ehawee était pleine de sinuosités et d'embranchements, mais tout cela était pour un autre jour. La fille tentait déjà de remettre en lumière les brisures du passé, afin de recoller les morceaux de son histoire. Elle en avait eu un fragment grâce à Odina et espérait bien en découvrir d'autre ici...Dans cet éprouvant jeu de piste, elle se devait pourtant d'avoir une rigueur sans failles, ne négligeant aucuns détails, aucuns indices : elle lirait tout.

Ainsi, l'elfe put retrouver la chronologie de la vie de son père, qu'elle connaissait déjà dans les grandes lignes. Une fois né en Sylfaën, Waban ne s'était pas engagé dans la Garde Zéphyr, comme l'avait fait ses parents, mais s'était pourtant épanoui dans une discipline phare de la faction : le tir à l'arc. C'était lui qui avait insufflé à sa petite elfe la passion pour cette technique et qui lui avait montré son efficacité. Le semi-elfe des bois, semi-elfe noir, était donc devenu un instructeur hors-pair, un chasseur comme l'on en connaissait peu : un maître-archer.

Mais tout cela, Ehawee le savait très bien : elle poursuivit alors, découvrant des détails inattendus de la rencontre avec Naya, à Endorial. Voir le passé avec les yeux paternels, dans un temps où elle-même n'existait même pas encore à l'état de projet futur, était une expérience pour le moins déroutante. Elle passa en revue l'harmonie, la complicité et la méfiance, qui, tour à tour, avaient fait fluctuer leur relation. L'impossibilité d'un bonheur simple due au problème majeur qui persistait à faire obstacle entre les deux : la magie. Mais quelle magie ? Il n'avait jamais voulu rien dire à ce propos, peut-être dans le but de la préserver du même sort que sa mère. Mais cela n'était qu'une supposition...

" [...] lorsqu'elle s'enferme dans son atelier de remède. Parfois, je me retrouve seul avec notre petite Ehawee, pendant ce temps, sa mère est affairée à je-ne-sais-quelle expérience alchimique. Ou bien peut-être qu'elle avait réussi à percer les mystères de son foutu Filigrane ? Je ne sais pas, je préférais quand elle se contentait d'étudier les plantes pour les propriétés médicinales ou pour écrire des ouvrages sur la botanique. Ce n'est pas que je ne veux pas qu'elle évolue dans son art. Je sais que c'est son souffle vital, tout comme l'archerie l'est pour moi. C'est juste qu'elle commence à me faire peur : elle saute dans l'inconnu, elle ne sait pas où elle va, je sais que tout cela l'épuise...Cela se voit sur son visage fané. Et je suis incapable d'expliquer le nouveau type d'arcane dans lequel elle s'est plongée [...] "


" [...] de pire en pire...Naya m'échappe toujours plus. Sa vitalité se perd comme les feuilles qui tombent à l'automne. Elle n'a plus cette sève brûlante d'autrefois...Lorsque je le lui dis, elle rigole. "Si tu ne veux pas arrêter pour toi, fais le pour nous !" m'étais-je même énervé, une fois. Je regrette une partie de ces propos...ô combien sa santé m'importe. Elle m'avait répondu, sur un ton complaisant : "Rien n'a de sens, si je ne réussis pas. Tu ne vois pas comme tout est si fugace, moi, toi, même...notre enfant. Tout se consume, et je n'ai pas beaucoup de temps. Le Filigrane est la clé, le chemin. Fais-moi confiance." ...J'étais complètement hébété. Elle ne me met pas dans la confidence de son épreuve soit-disante plus importante que tout. Avait-elle perdu la raison ? Je me haïssais de penser cela, mais ma femme était probablement devenue folle [...] "


" [...] Un coup d'éclat. Je n'ai pas pu. Nous nous sommes disputés une énième fois. Tandis que je craquais de plus en plus souvent, cette fois-là, une vague avait ôté toute colère en moi : celle de la peur de blesser ma bien-aimée. Elle était devenue si faible...J'aimais une mourante. Ses paroles avaient de moins en moins de sens pour moi. Elle me parlait d'entité incontrôlable. Elle me parlait de voyages qui dépassaient Dùralas. Avait-elle déjà envie de quitter cette terre ? Je ne pouvais pas y songer...Qu'avais-je donc fait ? Qu'est-ce qui m'avait échappé ? Qu'avais-je manqué qui aurait pu empêcher cette descente dans les abîmes ? [...] "
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