Après ses aventures en mer, l’Orc était parvenu à revenir à Ishtar. C’était dans cette cité qu’il avait été retenu captif durant plusieurs mois. C’est là que ses faibles connaissances du monde extérieur lui causèrent beaucoup de tort. Dranosh était un Orc, et comme beaucoup des siens ils n’avaient que très rarement quitté les dunes du désert, bien sûr il s’était rendu à la capitale une ou deux fois, mais rien de suffisant pour apprendre à connaître les rouages du vaste monde qui entourait l'Oasis où il avait grandit. Le Gronarah connaissait la violence dont pouvait faire preuve d’autres tribus, il connaissait leur cruauté, mais c’était là leur mode de vie, jamais il ne faisait ça par plaisir, bien que particulièrement brutale c’était leur nature. Avant d’être emprisonné, jamais il n’avait croisé une personne mauvaise par volonté de l’être, être capable de ressentir du plaisir en provoquant le malheur des autres était inconcevable pour lui, et pourtant cela existait bel et bien.

C’était avec une profonde amertume que le peau-verte foula le sol du port, un endroit où il n’aurait jamais cru reposer le pied un jour, mais… Les choses étaient différentes à présent. Il n’était plus le simple Orc sorti du désert, il n’était plus l’esclave que l’on forçait à se battre pour divertir un public aux passions malsaines, il avait appris et durement retenu la leçon. Les Hommes, bien qu’ils aient pu accomplir beaucoup de choses à travers le vaste monde, n’étaient finalement pas si différents des clans les plus primitifs que l’on pouvait trouver dans le désert, tout comme eux ils ne comprenaient que la force. Ce qu’il avait subi n’avait rien de juste, il s’était simplement retrouvé au mauvais endroit au mauvais moment, et il en avait payé les conséquences, il avait aussi fait confiance aux mauvaises personnes, et la liste des déconvenues s’était allongée. Dranosh n’avait qu’une idée en tête : se venger.

Il n’avait aucunement honte de ressentir ça, vouloir se venger était une chose somme toute logique après ce qu’il avait vécu. Cela prendrait un certain temps pour mettre la main sur ses geôliers, sur le vieil homme qui l’avait sorti de prison pour le conduire ici, mais il comptait bien les trouver. Dranosh allait leur montrer qu’il n’était pas faible, que son peuple n’était pas faible et qu’il se réveillait aussi terrible que la pire des armées. L’orc avait laissé une part de lui-même au fond des geôles de l’arène, une partie qui n’avait pas réussi à tout supporter et qui fut remplacée par la colère et la violence. Un pas après l'autre, et malgré qu'il est perdu son marteau en mère, Dranosh s’enfonça dans les ruelles lugubres d’Ishtar avec la ferme intention de balayer tout ce qui se dresserait entre lui et son but.

Les ruelles d’Ishtar étaient lugubres, parfois si étroite que l’Orc peinait à s’y faufiler. L’endroit semblait plus qu’idéal pour semer un poursuivant. Dranosh connaissait un peu la cité, car il avait été obligé d’y errer plus d’une fois pieds et poings liés, une façon de montrer les combattants au peuple, un peu comme on l’aurait fait avec des bêtes de foire.
Le peau-verte passait d’une rue à l’autre sous le regard des badauds qui visiblement n'avaient pas l’habitude de voir un Orc se promener en ville. Dranosh ne remarquait même pas les regards curieux qu’il attirait, malgré lui, tout ce qu’il voulait c’était rejoindre l'arène et régler ses comptes, peut-être même tenter de libérer les combattants toujours présents dans les geôles des sous-sols. Cependant, l’Orc devait agir vite et aussi discrètement que possible, il se savait en territoire hostile. L’endroit était connu pour être sous le contrôle des Pirates, et même s’il avait pu sympathiser avec l’un d’eux, tous n’étaient pas sous les ordres du congénère qu’il avait eu la chance de rencontrer en Mer. Il fallait encore ajouter à tout cela que l’Orc n’avait aucune arme sur lui, il avait bien ses chaînes de prisonnier toujours enroulées autour de ses avant-bras, mais leur utilité restait minime en combat.

Après plusieurs minutes Dranosh avait enfin débouché dans une rue plus importante, l’endroit n’était pas un axe principal, mais il y avait assez de monde pour se faufiler dans la foule de passants. Le Gronarah se pensait plus discret en déambulant au milieu des gens plutôt qu’en solitaire au milieu d’une ruelle étroite et sinueuse dont l’odeur douteuse hantait encore son esprit. Après plusieurs secondes de marche, l’Orc s’immobilisa en apercevant une silhouette plus en amont. Jamais il ne pourrait oublier le visage des gardes de l'arène, et l’homme qui se tenait à moins de trente mètres était l’un d’eux. C’était une vulgaire vermine chargée de maintenir de la discipline dans les cellules, autrement dit, battre et priver de nourriture n’importe quel combattant en fonction de son humeur.  Le peau-verte pensait pouvoir s’approcher assez près et tirer l’homme dans une ruelle pour lui régler son compte, mais alors qu’il allait reprendre sa route pour mettre son plan à exécution, quelqu’un le percuta dans le dos. Son attention détournée pour un bref instant, le peau-verte pivota sur lui-même pour faire face à cet individu sans doute malvoyant.

L’homme était plutôt chétif, attaché, s’il attira l’attention de l’Orc pendant un instant, celle-ci fut vite absorbée par la personne qui tenait ses liens. Dranosh reconnut sans difficulté une ancienne amie de route qu’il avait croisée un certain temps auparavant.

- Véronia ?

Le peau-verte n’aurait jamais pensé croiser une connaissance ici, encore moins la centauresse. Si la surprise d’un visage familier lui fit chaud au cœur, l’Orc regarda rapidement derrière lui, mais le garde n’était plus là, il avait sans doute repris son chemin lui aussi et il n’était alors plus qu’un humain parmi tant d'autres.

- Ça faire longtemps depuis le désert. Nouvel ami ?

Dit-il finalement en désignant le prisonnier d’un hochement de tête.