La Convergence… Un événement n’arrivant qu’une fois par an et animé par Le Veilleur. Personne ne l’a jamais vue, mais tout le monde a déjà entendu parler de lui. Il hante les cauchemars des enfants et les livres de contes. La plupart des parents s’en servent comme d’une menace pour qu’ils restent sages. Vous avez bien de la chance si votre mère ne vous a jamais dit un jour « Si tu ne te tiens pas tranquille, Le Veilleur viendra te mordre les pieds pendant la nuit ! ».

Ravissant les créatures de la nuit car la lune est toujours pleine tout au long de sa noirceur présence. C’est en nous en faire frémir les moustaches.

Cependant il se passe souvent des phénomènes beaucoup plus… Monstrueux, des créatures venues de nos pires cauchemars s’éveillent et marches sur le continent dans l’espoir de semer chaos et discorde parmi les vivants… Comme les morts.

C’est avec une curieuse réserve que j’ouvris la missive qui m’étais destinée, apportée par un corbeau plus noir que la nuit. Une invitation à place de la Guillotine signée par Le Veilleur en personne, me proposant de participer à un étrange tournoi. Un frisson d’effroi me parcourut, refuser serait impromptu et risquerait de le vexer, il enverrait alors de nouvelles monstruosités bien plus féroces…

C’est ainsi que je me suis retrouvée sur cette place lugubrement décorée et sombrement nommée, face à un djollfulin à l’air possédé. Il ne parlait pas, regardant autour de lui d’un œil mauvais. Pas de violon pour cette épreuve, seulement un vieux bâton d’entraînement dont j’ignorais totalement le maniement.

Quant à Lune, elle avait décidé de rester en retrait, m’observant avec inquiétude les babines retroussées sans pour autant oser bouger.

Il n’y avait pas à tergiverser pendant des heures, l’arbitre signala le début du combat et je fonçais déjà, bâton en avant, vers mon adversaire. L’humanoïde aux allures démoniaques sortit de sa torpeur avec une rapidité déconcertante et attrapa le bout de bois sans aucun mal. Je me sentis projetée en avant alors qu’il tira l’arme de combat vers lui avec une force enfantine. Me l’arrachant des mains avant de la jeter au loin.

Poussant un cri de surprise, je ne pus m’échapper alors qu’il m’attrapait le bras sans aucune douceur. Tirant sur sa prise de toutes mes forces, je découvris mes quenottes en grognant dans le but vain de paraître menaçante, mes yeux bicolores fixé sur ses orbites profondes. Le regard du Djollfulin se voila et une douleur atroce s’éveilla dans mon membre prisonnier, suivit d’une horrible sensation de vide. Il aspirait ma force vitale, mon énergie et ma magie… La peur m’envahit tandis que je tirais plus fort sur mon bras, tentant de le frapper de mon poing valide, il ne semblait pas vraiment sentir mes coups. Il était grand, très grand et dans un combat rapprocher cela semblait être un net avantage… Je pouvais sentir son énergie augmenter tandis que la mienne baissait à vue d'œil.  

« Mais lâche moi ! » Pestais-je à mon ennemi tandis qu’il resserrait un peu plus sa prise sur mon bras, absorbant toujours mon énergie vitale.
Mon bâton était hors de ma portée, et puis quand bien même, il ne m’aurait pas été d’une très grande utilité. Même mes coups de griffes pointues ne semblèrent affecter le djollfulin qui répondit à ma demande par de simples « AARrrrrgggrrrr » que je ne compris pas. Je pris cette allocution pour un non, jusqu’au moment où il me repoussa soudainement. Si soudainement que je trébuchais, m’emmêlant les pieds et tombais à terre. Un léger vertige me fit tourner la tête, j’ignorais combien de force il m’avait volé mais assez pour engourdir mes membres. Me relevant tant bien que mal, je rangeais dans un coin de mon esprit l’urgence d’apprendre à me battre avec une arme contondante puis, ramassant le vieux bout de bois, je me remis en position de défense. Enfin, je tentais d’imiter un semblant de mise en garde vue dans un livre.

Les livres sont d’excellents guides, on en trouve de toutes sortes et de tous genres, mais malheureusement, les longues heures passées à parcourir les pages poussiéreuses ne remplacerons jamais un entraînement pratique…  

Nouvelle stratégie, je tournais désormais autour de mon adversaire, suivant la barrière circulaire de la mini-arène. Elle semblait avoir été mise en place spécialement pour l’événement, suivant le dallage du centre de la grande place qui a été recouverte de sable moue. La foule se pressait contre les rambardes, criant et applaudissant suivant les rythmes du combat.

Le djollfulin suivait mes mouvements avec attention, comme un mime reproduisant mes moindres faits et geste. Je tenais mon bâton fermement, prête à riposter. Si j’avais eu mon violon…. Non, ce n’est pas la peine d’y penser maintenant et puis je pouvais toujours provoquer une onde de choc si je me trouvais en vraiment mauvaise posture.

Lorsqu’il me semblait être le bon moment, je rompis la distance me séparant du monstre de la convergence, courant vers lui le plus vite possible. Au dernier moment, j’abattis le vieux bout de bois sur son flanc, mais le contrecoup vibra dans mes avants bras et une douleur vive s’éveilla dans mes épaules… Quant au djollfulin, il grimaça et sembla encore plus énervé…

Sans crier gare, Olbaid fonça sur moi. Mes muscles endoloris ne réagir pas assez vite à son assaut et je me retrouvais bientôt sous son emprise. Mon coup précédent ne l’avait pas tellement amoché, mais il l’avait vraiment énervé. Une douleur vive s’éveilla à l’endroit où il tenait fermement mon bras et je sentais à nouveau mon énergie vitale être aspirée.

C’était la fin, j’allais perdre ce duel et toute ma magie… Combien de temps je pourrais encore tenir ainsi ? Cet adversaire semblait bien trop fort pour moi, il n’avait rien à faire mis à part ponctionner toute ma vitalité. Je tentais une énième fois de me débattre, tirant sur mon bras, frappant de mon poing valide sans force, et puis quand bien même, il n’aurait rien senti… Il ne me restait plus qu’à abandonner… Fermer les yeux, attendre, supporter cette désagréable sensation d’être aspiré hors de mon corps.

Le ciel couvert de nuages noirs et menaçants sembla faire écho à l’atmosphère sombre et pesante de la Convergence. Au-dessus de la place de la Guillotine planait une aura démoniaque… Le Veilleur veille et le combat est loin d’être terminé.

Alors que tout semblait perdu, une voix lointaine résonna dans mon esprit. Lune, mon amie, mon âme, elle criait mon nom dans l’espoir de me faire réagir. Je ne devais pas abandonner. Pas maintenant. Je rouvris les yeux brusquement, les plantant dans le regard sombre du djollfulin. Déterminée à lutter jusqu’au bout.

Me concentrant, je ramenais toute mon énergie vers moi, bloquant le flux qui se déversait dans le corps de mon adversaire qui, surpris, relâcha sa garde. Alors sans plus de cérémonie, je relâchais d’un coup toute la puissance que j’avais pu garder en une onde de choc puissante, qui repoussa Olbaid à l’autre bout du terrain. Il tomba à terre sonné sous les acclamations du public ayant retenu son souffle.

Je me sentais affaiblie, mais plutôt fière de moi pour ce coup. Je ne remporterais peut-être pas la victoire mais au moins j’aurais pu lui montrer qu’il n’était pas le seul à maîtriser une magie brute et destructrice. Découvrant mes petites quenottes canines en une grimace de défis, je le regardais se relever en me préparant déjà à son prochain assaut.

Mais à mon plus grand étonnement, Olbaid, le géant Djollfulin, ne se releva pas aussi rapidement que je l’aurais cru. Mon onde de choc avait été beaucoup plus puissante que prévu. J’avais mal analysé les réserves qu’il me restait et ce n’était pas pour me déplaire. Bien qu’il titubait un peu, il avait l’air toujours aussi féroce et fonça une nouvelle fois droit vers moi.

Heureusement pour moi, il n’avait pas encore retrouvé toute sa vivacité de mouvance et je pus l’esquiver facilement. Sans vraiment réfléchir, j’abattis mon arme de substitutions sur le dos de mon adversaire… Le bout de bois se brisa en deux, ne me laissant qu’un bâton de moins d’un mètre dans les mains. Décidément, il ne m’aura pas beaucoup aidé. Lançant mon fardeau dans un coin, je me concentrais une nouvelle fois, amenant mon énergie dans mes mains cette fois-ci.

Je n’aurais pas appris grand-chose en combat dans cet affrontement mais j’aurais pu m’entraîner à produire des ondes de choc sans instrument. Frappant dans mes mains, ma magie se libéra d’un coup devant moi, renversant une nouvelle fois le djollfulin qui prit sa tête dans ses mains, affectée par le choc bruyant.

Désormais confiante de mon pouvoir, je frappais une nouvelle fois dans mes mains. J’avais l’impression d’avoir de l’énergie à revendre et le choc fit une nouvelle fois valser le Djollfulin de l’autre côté du cercle fermé. Il grogna rageusement, furieux d’être mis au tapis pour la troisième fois. Pourtant il se releva encore, mais cette-fois ci quelque chose me glaça d’effroi dans son regard. Dans une posture offensive il se rapprocha de moi. Je l’esquivais une première fois, faisant des pas sur les côtés en suivant la courbe du terrain. Plusieurs fois il tenta le coup, plusieurs fois je déguerpissais au dernier moment pour rallonger la distance nous séparant.

Ce petit jeu commençait à me fatiguer et au bout de la énième esquive, il réussit à m’agripper, je voulus regrouper mon énergie pour éviter qu’il me la prenne mais il brisa mes barrières mentales violemment et prit autant d’énergie qu’il put avant que je ne réussisse à le repousser de nouveau.

Les hauts toits des maisons que comptait le hameau nous surplombaient de leurs sombres grandeurs. La place était spacieuse et une vieille guillotine probablement encore en service trônait à son extrémité. De là où je me trouvais, je pouvais sentir les fragrances de vieux sangs mélangeait qui, depuis longtemps séchaient, avaient imprégnés le bois et les pavés du village.

Décidément, je ne comprendrais jamais les humains, capables de vivre ainsi prêt de cette puanteur dérangeante et assisté en plus de cela à des exécutions de leurs propres espèces. Me ramenant au combat, mon adversaire m’assaillit d’une nouvelle attaque magique, je rétorquais par une nouvelle onde de choc accompagné d’un râle étrange que je traduisis par une certaine souffrance de sa part. Un coup d’œil vers mon bras m’indiqua que le bleu mettrait du temps avant de s’effacer, comme les autres contusions que j’avais cessé de compter depuis un moment déjà.

Haletante, je me demandais qui craquerait le premier, j’analysais mes réserves de magie, elles baissaient, certes, mais étaient encore convenable. Par ailleurs, je n’en dirais pas autant de ma fatigue physique, peu habituer à recevoir des coups, je me sentais faiblir.

Il profita de ma faiblesse pour frapper une nouvelle fois, surprise, je tentais une esquive qui ne fut pas efficace. Ma joue me brûla, je sentis le goût métallique et désagréable du sang dans ma bouche et tentais de le recracher, une moue de dégoût sur le visage. Retenant quelques haut-le-cœur, je fis fasse à mon adversaire tout en essayant de ne pas penser à la douleur ou à mon estomac retourné.

Dans l’imagination collective, on pense que les thérianthropes aiment déchiqueter de la viande crue à pleines dents, se délectant du goût du sang et de la chair fraîche sous leurs formes animales. Plus encore les soirs de pleines lune évidemment. Je devais probablement être l’une des rares représentantes de mon espèce à détester cette image, à avoir en horreur la vue du liquide rouge et suintant d’une plaie et pis encore, son goût caractéristique et peu ragoûtant.

« GGRrraarrrr ggrrrr… » Mon adversaire trépignait d’impatience sans pour autant passer à l’offensive, ses râles morbides me hérissèrent le poils, coupant court à mes réflexions des plus appétissantes. Il se tenait là, le regard perçant, habité par une noirceur inhumaine.

Le soleil caché par les nuages sombres et menaçants n’apportait aucun réconfort en cette lugubre journée de Convergence. Le Veilleur faisant planer sur le continent tout entier une atmosphère lourde et pleine de noirceur. Que préparait-il ? Seul dans son coin, on ne sait où. Caché, concoctant dans son antre le pire des larcins. Serait-ce pour occuper les forces de Duralàs qu’il a organisé ces duels ? Afin de ne pas être gêné dans son entreprise. De quoi s’agit-il ? Nul ne le sait. Qu’allons-nous devoir affronter cette fois-ci ?

Un cri résonna sur la place de la Guillotine. Il était menaçant, à en faire glacer le sang du pire des criminels. Une jeune femme luttait contre cet être abominable. À première vue, il semblait ordinaire. Enfin, autant qu’un djollfulin puisse le paraître. Mais en y regardant de plus près, on pouvait voir qu’il était animé par une forme de magie obscure. Le Veilleur n’y était sûrement pas pour rien. À cette période de l’année où les citrouilles chantent et les chauves-souris…

Je sentais mes forces faiblir, la douleur était trop forte, insupportable. Aucune partie de mon corps ne semblait épargner par les blessures et contusions que le djollfulin m'avait infligé. Olbaid avait suffisamment puisé dans mes forces pour être en pleine forme. Alors dans un dernier effort, dans une dernière onde de choc, j’épuisais toutes mes réserves, relâchant avec conviction le peu de magie qu'il me restait. Le ciel se confondait avec la terre, le public applaudi plus fort encore que précédemment alors que je me laissais tombé sur le sable chaud de la petite arène.

L’arbitre siffla la fin du combat, je m’étais bien battue, mais il avait été plus fort. Une nouvelle énergie s’éveilla en moi, une force que j’ignorais posséder. Je voulais gagner, recommencer ce combat et le remporter… C’est sûr… Je reviendrais. Mais la prochaine fois, je serais mieux préparé.