L’être ailé qui se tenait à quelques mètres de moi, au milieu de cette arène sablonneuse et inhospitalière, avait déjà combattu à mes côté dernièrement et contre moi il y a près d’un an. Tout deux maîtrisions un art similaire, combattant par la seule force de notre corps, sans aucun artifice ni armure pouvant gêner la fluidité de nos mouvements. Adeptes du coup de latte et de la salade de phalanges, le combat qui allait débuter promettait d’être sacrément intéressant, aussi bien pour les spectateurs venu remplir quelques peu les gradins, que pour les deux combattants qui pourront faire étale de leur connaissance et leur de leur technique dans le seul but de vaincre. Il était évident que chacun pourrait en tirer un certain enseignement, mais je me trouvais encore bien loin du compte …

Alors que le combat venait tout juste d’être annoncé par l’arbitre, le stryge noir se rua sur moi et ne me laissa par une once de répit avant les hostilités pour porter le premier coup. Avec une vitesse éblouissante, il parvint à réduire à néant la distance qui nous séparait jusqu’à lors en un éclair, m’assénant un coup de pied salvateur, me clouant au sol dans un fracas tonitruant. Le coup m’arracha une toux sanguinolente avant que je ne puisse remplir mes poumons d’air, mais à peine le temps de souffler que le pugiliste ailé poursuivit son enchainement, son coude visant mon visage avec rage. Instinctivement, je parvins à m’extraire de son corps-à-corps à l’aide d’une roulade et de quelques pas en arrière avant de prendre part à mon tour au combat.

Malgré la douleur persistante dans ma poitrine, je m’élançai vers l’adversité et commençai à rouer de coups le corbeau qui, frustré de ne pas avoir touché une énième fois, lâcha un juron entre ses dents. Pourtant, aucun de mes coups ne semblaient l’atteindre, comme si l’agilité dont je faisais preuve paraissait immobile aux yeux de la corneille. Continuant à alterner coup de pied et coup de poing, sa garde bien en place ne laissait entrevoir aucun espoir, je faisais face à un véritable mur. Il voyait clair dans mon jeu, ils s’étaient déjà appropriés mes techniques et entrevoyais déjà la fin du combat. Autant d’assurance dans un seul regard, je ne pouvais qu’être déstabilisé …

Plus nos échanges se faisaient intenses, plus je ressentais cette résilience dont faisait preuve le Stryge noir. Il parait à la perfection chacun de mes coups, je pouvais le ressentir dans chaque impact. J’avais la sensation de me battre contre le rock. Il ne paraît plus simplement avec ses avant-bras, mais également avec ses poings et ses coudes, cherchant à me repousser un peu plus à chaque parade. La posture qu’il employait était une véritable armure offensive, un bouclier impénétrable qui m’obligeait à changer de stratégie si je désirais toujours ressortir victorieux de ce combat. Prenant mon mal en patience, je continuais à combattre en attendant certainement la même chose que mon adversaire, que ce dernier baisse sa garde, de passer à travers sa vigilance. Une lutte qui se ferait sur l’endurance.

Malheureusement, le combattant qui se tenait en face de moi faisait preuve d’une plus grande expérience du combat et d’une impressionnante ténacité en comparaison à ce dont j’étais capable réellement. Alors plutôt que guetter le moment où il ralentirait ses assauts, je me concentrai plutôt sur mes propres efforts et diminuai volontairement le rythme de mes échanges pour provoquer sa contre-attaque. Il allait sans dire que je n’allais pas pouvoir tenir se rythme insoutenable bien longtemps, il m’était donc important de temporiser chacun de nos échanges par un temps mort après une contre-attaque. Précipiter les choses me permettrait de savoir notamment si mon adversaire est pressé ou non d’en finir avec ce combat.

Le fait qu’il ait mordu à l’hameçon aussi rapidement prouvait qu’il était aux aguets depuis un moment, qu’il avait attendu ce moment précis pour passer à la suite de sa stratégie. Son corps s’élança légèrement en avant avec un angle sensiblement différent que précédemment, ses poings se desserrèrent pour prendre une posture plus souple. La charge allait être radicale, puissante et foudroyante. Sa paume de main se rapprocha soudainement, s’apprêtant à passer sous ma garde. La précision de ce type était effrayante. Si je n’avais pas précipité sa contre-attaque, ce coup m’aurait très certainement laissé sur le qui-vive et m’aurait laissé au tapis. Le peu de force que j’avais réussi à m’économiser jusque là me permit de dévier habilement son coup de paume de la main droite. M’appuyant sur son élan, je laissais son coup m’emporter, pivotant sur la pointe du pied droit pour lui asséner un coup de pied retourné du gauche atteignant la clavicule du pugiliste ténébreux.

La surprise me laissa quelques instants pour me replier et reprendre mon souffle, laissant un Stryge noir mécontent et légèrement désappointé. La suite du combat risquait de redoubler d’intensité …