Aujourd’hui, Zalkââs s’était réveillé bien avant que le soleil ne daigne montrer ses premiers rayons. Confortablement installé dans sa hutte, il rassembla quelques affaires dans un baluchon, se préparant pour une petite expédition en territoire hostile. Il devait se rendre dans le désert de Harena afin de collecter quelques ingrédients pour ses breuvages et rituels. Le marais était une source inépuisable de plantes en tout genre mais notre Naga avait parfois des besoins plus spécifiques, introuvables sur sa terre natale.

Une fois prêt, il quitta sa hutte et gagna l’entrée principale du village. Il salua les sentinelles présentes et se mit en route pour les dunes sableuses du désert. Ce n’était clairement pas la première fois qu’il s’y rendait et il avait appris à s’y rendre aux aurores. La température y était ainsi nettement plus supportable ! Les reptiles appréciaient la chaleur mais sans en abuser !

Le trajet se déroula sans encombre et Zalkââs rampait à présent dans l’étendue aride d’Harena, salué par un soleil encore timide qui se levait lentement à l’horizon. Il avait atteint la grande Oasis qui était le point d’arrivée de sa petite expédition. Un peu plus loin, une caravane se préparait à reprendre sa traversée du désert. Sans tarder et toujours sur ses gardes, notre Naga récolta de nombreux fruits sur les palmiers environnants. Mais pas n’importe lesquels ! Il se concentrait sur les fruits rouges vifs. Il avait fait tout ce chemin juste pour eux et il prenait soin de ne pas les abimer au moment de la cueillette. Son corps de reptile l'aidait à atteindre les fruits haut perchés.

Une fois son sac rempli et fier de sa récolte, Zalkââs se dirigea vers le point d’eau et en profita pour y remplir sa gourde. Il but plusieurs gorgées avant que son regard ne soit attiré par son propre reflet qui ondulait à la surface du point d’eau. Le reptile s’y mira avec fierté, passant sa main sur les écailles de sa coiffe et observant le bracelet qui trônait sur son bras droit. Visiblement, cette situation l’inspirait car il marmonna quelques psaumes en l’honneur du Grand Basilic avant de plonger une main dans l’une de ses sacoches afin d’en extraire un petit morceau d’encens.
Pourtant, il ne devrait pas s’attarder ici ! Les Gardiens patrouillaient par ici et il ne tenait pas vraiment à croiser leur route. Oh il ne les craignait pas spécialement mais quand on a un physique de gros serpent et un sale caractère, certains humains ont tendance à vous croire plein de mauvaises intentions et adoptent donc des réactions souvent exagérées…

Zalkââs était totalement concentré sur sa prière, finissant même par fermer les yeux et cherchant à entrer peu à peu dans une sorte de transe. L’endroit l’inspirait et sa dévotion pour le Grand Basilic ne se limitait pas à un moment ou un lieu en particulier. Pourtant, il n’eut pas le temps d’enflammer l’encens. Une petite voix intérieure, faible et lointaine, finit par lui chuchoter :

« Tu n’es pas seul, on t’observe… »

Etait-ce le Grand Basilic ? Ou une sorte d’instinct ? Quoiqu’il en soit, notre Naga émergea brusquement et rouvrit immédiatement les yeux ! Il observa vaguement les alentours et finit par aperçevoir le spectateur, ou vraisemblablement la spectatrice, en question. Elle se trouvait assise sur la rive d’en face, sans doute immobile depuis l’arrivée du reptile.

Zalkââs ne se priva pas de l’observer à son tour tout en rangeant précipitamment le bloc d’encens dans sa sacoche. Il avait été inquiet pendant quelques secondes mais visiblement, l’inconnue ne montrait ni crainte, ni agressivité. Néanmoins, impossible de distinguer son visage, elle portait un masque étrange qui intriguait beaucoup le Naga. Ce dernier pouvait toujours rebrousser chemin et quitter l’Oasis sans un mot. Mais sa curiosité le poussait à rester et même à se reprocher. Son corps ondula lentement sur la berge, esquivant l’étendue d’eau, jusqu’à rejoindre celle qui l’observait depuis plusieurs minutes.

Arrivée à sa hauteur mais conservant tout de même une certaine distance, il pouvait maintenant parfaitement détailler l’inconnue. Son physique ne laissait aucun doute, il s’agissait d’une Orque, fière représentante de l’une des tribus de nomades qui peuplaient l’étendue de sable d’Harena. Une sorte de prothèse remplaçait sa jambe gauche et l’étrange masque qu’elle portait camouflait jusqu’à son propre regard. Zalkââs pouvait s’y mirer aussi bien que dans l’eau de l’Oasis. Déployant légèrement sa coiffe, il tenta quelques mots:

Quel masque étrange, je n’avais jamais rien vu de sssemblable auparavant.

S’adressait-il autant à l’inconnue qu’à lui-même ? Quoiqu’il en soit, il poursuivi :


Je craignais que les autres m’aient aperçu. Il fit un petit signe de tête en direction de la caravane. Je ne cherche pas les ennuis mais les humains ssont parfois ssi… Sssoupçonneux !

Le Naga restait sur ses gardes mais il s’imaginait que si l’Orque avait voulu se montrer belliqueuse, elle l’aurait fait bien avant et de manière plus « directe »…

Ainsi, selon ses dires, l’Orque ne protégeait pas la caravane mais se contentait de la suivre dans cet océan de sable. Elle ne réagit pas à la remarque du reptile sur son masque et elle se contenta de rappeler que l’Oasis était un lieu ouvert à tous tant qu’on ne cherchait pas les ennuis. Elle semblait avoir un certain franc-parler, s’exprimant sans détour et avec un langage plutôt familier. Pour être franc, Zalkââs imaginait que la majorité des Peaux-vertes s’exprimait ainsi. Il les voyait comme un peuple fier et bagarreur, régit par la loi du plus fort ! Il tourna lui-aussi la tête vers son reflet à la surface de l’eau et il esquissa un léger sourire lorsque l’Orque lui posa une question.

En effet, le désert est un lieu plutôt hostile mais avec le temps, j’ai appris comment éviter sses pièges. Et je ne ssuis jamais ssseul, je peux toujours compter ssur la bénédiction du Grand Basilic…

L’Esprit du reptile géant l’accompagnait partout ! Les Orcs formaient généralement des tribus, ils avaient sans doute leurs propres divinités eux-aussi. D’ailleurs, au début, le Naga avait imaginé que l’inconnue était une sorte de chamane elle-aussi. Son masque honorant une quelconque divinité de sa tribu. Mais plus il l’observait, plus il doutait ! Elle portait de nombreux objets technologiques non identifiés qui, aux yeux du reptile, étaient incompatibles avec le rôle de chaman.

Pour les requins des ssables, j’imagine que mes mouvements ssur le sable sont moins repérables que les pas d’un bipède. Quant à ceux que tu nommes les Lames Dorées… Hum…

Zalkââs réfléchit un court instant. Il avait dû déjà entendre ce nom quelque part mais c’était un souvenir trop vague pour qu’il lui accorde de l’importance.

Je n’ai pas eu le « plaisir » de croiser leur chemin et vu le ssurnom que tu leur donne j’imagine que je préfère ne pas les rencontrer ! Je voyage généralement avant que le soleil ne ssoit à ssson firmament, ainsi je ssuis moins repérable et j’échappe à l’écrasante chaleur de ce lieu. Mais je ssais me défendre si cela s'avère nécessaire...

Le Naga avait surtout de la chance et jusqu’à présent, il n’était jamais tombé dans une embuscade tendue par ces bandits du désert. Il poursuivit :

Et toi ? Tu es une ssorte de… Machiniste ? Tu ssembles faire confiance à cette étrange technologie qui t’accompagne partout…

Oui, Zalkââs avait bien repéré l’attirail technologique de l’Orque sans forcément en connaitre l’usage exact. Enfin, il se doutait bien qu’il s’agissait d’armes et de diverses protections… Là encore, il était étonné qu’une Orque n’ait pas un aspect plus « tribal ». Pour lui, ce genre de technologie était plutôt l’apanage des nains et peut-être des humains, dans une moindre mesure…

Durant toute la petite démonstration, Zalkââs s’était figé et avait fixé avec insistance l’étrange appareil, dans un subtil mélange de méfiance et de curiosité. Il n’avait eu aucun mouvement de recul mais sa coiffe s’était légèrement déployée et la cascabelle de sa queue vibra un bref instant, produisant ce son de crécelle si caractéristique. Il n’avait pas besoin de connaitre parfaitement le fonctionnement de cette tourelle, il devinait aisément qu’il s’agissait d’une arme ! Néanmoins, une question lui venait à l’esprit : cette arme obéissait-elle uniquement aux ordres de l’Orque ou était-elle doué d’une certaine « autonomie » si la situation l’exigeait ?

L’inconnue expliqua qu’il s’agissait de « technophilie » et mentionna la ville de Baldorheim. Le Naga acquiesça d’un signe de la tête, heureux de voir que ses hypothèses sur les « machinistes » s’avéraient plutôt exactes ! De ce qu’il savait, Baldorheim était une ville située dans les montagnes et les Nains appréciaient les massifs du Baldor.

Les Nains… Ils ssont parfois inssupportables mais leurs créations ssont sssans pareilles !

Pour un être comme Zalkââs qui appréciait tout particulièrement le calme et la finesse, le caractère de certains Nains l’exaspérait au plus haut point…
L’Orque adopta une posture plus nonchalante et reprit la parole afin de se présenter. La « machiniste » se nommait donc Lashgob, du clan Moral’Ban. Et elle souhaitait savoir pourquoi le reptile avait voyagé jusqu’à l’Oasis. Celui-ci esquissa un rictus en sifflant légèrement.

Je ssuis Zalkââs, j’œuvre pour la gloire du Grand Basilic ! Il tapota le sac où il avait rangé les fruits rouges vifs. Je sssuis venu m’approvisionner. Généralement, je trouve tout ce qu’il me faut dans les marais mais il y a certaines plantes qui ne poussent qu’ici. J’en ai besoin pour aider les membres de ma tribu, pour invoquer l’esprit des ancêtres ou pour rendre hommage au Grand Basilic.

Son regard se porta à nouveau sur la caravane et il la désigna d’un petit signe de la tête.

Oh bien sûr, il y a les marchés mais c’est plus cher et la cohue des grandes villes me déplait. Je n’y passe pas vraiment inaperçu et je n’aime guère me faire remarquer…

En plus, il n’était pas un très bon négociateur et les marchands craignaient toujours de se faire mordre… Il reporta son attention sur l’Orque :

Et toi Lashgob, à quel dieu rends-tu hommage ?

Oui, il n’avait pas oublié le masque et il retenta sa chance, toujours guidé par sa curiosité.

Zalkââs n’aurait pas pensé que sa question provoquerait une telle hésitation chez l’Orque. Avait-il évoqué un sujet sensible pour cette dernière ? En tout cas, elle marqua une pause et s’offrit un peu de temps pour répondre. Toujours silencieuse, elle se redressa et ramena les mains à hauteur de sa tête pour finalement ôter le masque qui dissimulait son vrai visage !

Le Naga eut un rictus d’étonnement qui laissa sa gueule légèrement entrouverte et sa langue de serpent fit quelques brèves apparition. Pourquoi était-il si surpris ? Et bien déjà, il avait supposé que Lashgob ne lui faisait pas suffisamment confiance pour accepter d’enlever son masque. D’ailleurs, il s’était bien abstenu de lui poser directement la question, persuadé d’essuyer un refus en bonne et due forme!
Et deuxièmement, il avait toujours imaginé que tous les Orcs partageaient des visages guerriers, massifs, aux mâchoires anguleuses et aux canines proéminentes. Oui il avait encore beaucoup de choses à découvrir quand il quittait sa tribu natale. A son grand étonnement, Lashgob possédait des traits beaucoup plus doux que ses congénères et son visage était orné de deux yeux d’un bleu turquoise ! D’ailleurs le reptile pouvait enfin croiser son regard, sans ce masque dans lequel il ne pouvait que mirer son propre reflet. Même la voix de l’Orque était maintenant moins rauque et étouffée !

Il hocha légèrement la tête lorsque celle qu’il surnommait la machiniste déclara respecter tous les cultes et il parut un peu troublé quand elle avoua n’honorer aucun dieu. Pour lui, il était impensable qu’un Naga ne serve pas le Grand Basilic alors il imaginait que tous les habitants de Dùralas avaient une divinité vers qui se tourner. Bien sûr, il était évident que la puissance du Grand Basilic surpassait de loin celle de toutes les autres divinités mineures…

Mais Lashgob justifia son athéisme et expliqua qu’aucun dieu ne lui avait apporté de l’aide dans les épreuves qu’elle avait traversé. En retour, elle se refusait donc à honorer une quelconque divinité. Néanmoins, le reptile voulut partager une autre hypothèse :

Ssans ssse manifester directement, un dieu cherche peut-être à te mettre à l’épreuve et ssème quelques embuches ssur ton chemin…

Zalkââs n’en dit pas plus. Il ne servait qu’un seul dieu et les desseins des autres divinités ne l’intéressaient guère. L’Orque sembla ensuite s’intéresser à la récolte et mentionna le Grand Basilic, avouant dans la foulée ne rien savoir sur ce dernier. Le Naga tourna lui-aussi son regard vers l’eau, choisissant évidemment d’aborder la question religieuse en premier.

Jadis, le Grand Basilic régnait sur ces terres et préparait un monde parfait pour les ssiens. Mais avant d’avoir totalement réussi, il a été banni par de puissants mages impies ! Sur cette dernière phrase, les traits du Naga s’étaient durci, sa coiffe se déplia à nouveau. Mais il reviendra et ssson peuple, l’ensemble des Nagas, prépare sson retour ! Alors il terminera ce qu’il avait commencé et mènera les Nagas vers un glorieux destin !

Zalkââs leva les bras au ciel et s’inclina légèrement, heureux d’avoir été désigné comme chaman, obtenant ainsi le privilège des visions adressées par le Grand Basilic. Reprenant un air plus neutre, il poursuivit :

Je sssuis un chaman, mon rôle est de guider ma tribu sselon la volonté du Grand Basilic. Il apparait parfois dans mes ssonges mais sssouvent, ses visions nécessitent certains rituels. Je ssuis venu chercher ces fruits. Il pointa du doigt les fruits encore présents sur les palmiers environnants. Associés à d’autres ingrédients, ils forment un breuvage qui libère l’esprit et qui me permet, par exemple, de communiquer avec l’esprit des défunts ou même d’apercevoir le Grand Basilic. C’est un rituel dangereux, tout le monde ne revient pas indemne d’un tel voyage…

A nouveau, il fixa intensément les yeux turquoises de l’Orque. L’hypnotiser ? Non, mais il exerçait parfois une pression sur les autres créatures sans même s’en apercevoir. Avait-il répondu à la curiosité de Lashgob ?

L’Orque trouvait la discussion instructive et à cet instant, Zalkââs acquiesça d’un léger mouvement de la tête. Mais la suite allait lui poser un dilemme plutôt inattendu ! En effet, Lashgob semblait vouloir quelques précisions et elle poursuivit avec plusieurs questions axées sur le contact avec l’esprit des défunts.

Hmm, je…

Le Naga hésita un moment, prenant le temps de réfléchir aux réponses qu’il allait apporter. Le rôle de chaman impliquait plusieurs responsabilités et certains rites devaient rester secrets, surtout pour quelqu’un d’étranger à la tribu. En somme, il souhaitait répondre mais sans trop révéler de détails… Il poursuivit, sur un ton légèrement malicieux :

Des questions pertinentes, Lashgob du clan Moral’Ban. Que les choses ssoient claires, mes potions et rituels sssont ssurtout réservés aux Nagas ! Je n’ai aucune idée de leurs effets ssur les autres peuples de Dùralas… Ce serait ssurement très dangereux…

Néanmoins, au fond de lui, Zalkââs pourrait être tenté d’essayer, juste afin de satisfaire sa curiosité. Mais pour le moment, il s’efforçait de ne rien laisser paraitre. Et il devait s’assurer de ne pas courroucer le Grand Basilic.

Pour le resste, oui, cette potion permet d’entrer en contact avec l’esprit de n’importe quel défunt. Néanmoins, ce ne sera peut-être pas une simple conversation comme tu peux te l’imaginer. Cela peut prendre des formes très diverses, parfois difficiles à interpréter. Mon rôle, celui du chaman, est de préparer le corps et l’essprit de celui qui tente ce voyage et ainsi le guider du mieux que je peux dans le monde des défunts. Par exemple, repousser ceux que tu nommes « démons »…

Pourquoi une « machiniste » pouvait s’intéresser à cette vision du monde si spirituelle ? Le Naga savait que certains ne croyaient pas à ce genre de rituel mais au fond, cela lui importait peu. Il guidait les membres de sa tribu et c’était le plus important pour lui !

Si je prépare la potion pour moi, je ssoumets mon esprit au jugement du Grand Basilic et c’est lui qui me guidera dans ce voyage éprouvant. Je ne peux te donner d’avantage de détails, un chaman doit avoir ses secrets… Il esquissa un rictus amusé, sa langue de reptile fit quelques brèves apparitions. Maintenant, dis-moi Lashgob, le clan Moral’Ban n’a-t-il pas de chaman dans sses rangs ? Il exécute certainement des rituels sssimilaires mais destinés aux Orcs.

Le reptile cherchait surtout à savoir si l’Orque était juste curieuse ou si elle avait quelque chose de plus précis derrière la tête…

Ainsi Lashgob n’était pas un cas isolé…  Au grand étonnement du Naga, il y avait un clan réunissant des Orcs qui ne vénéraient aucune divinité et ne montraient aucun intérêt pour la religion. Pour le reptile, c’était tout simplement impensable mais une fois encore, il avait beaucoup de choses à apprendre sur le monde à l’extérieur de sa tribu.
Tous les Nagas devaient vénérer le Grand Basilic et Zalkââs pouvait se montrer agressif envers les siens qui refusaient de respecter ce dogme. En revanche, il n’essayait pas de convaincre ou juger les autres races. Il ne formulerait donc aucun reproche à l’Orque pour son athéisme.

Il se laissa emporter par ses pensées durant quelques instants avant de reporter toute son attention sur Lashgob lorsqu’elle mentionna les Gronarahs. Un autre clan Orc ? Elle le désigna comme son « clan adoptif » et là encore, le reptile eut un rictus d’étonnement. Après tout, à une époque, il s’était préparé à être banni de sa tribu pour suivre la voie tracée par le Grand Basilic. Au final, il n’avait pas connu l’exil mais il imaginait aisément l’épreuve que cela représentait ! Quelles raisons pouvaient pousser une Orque à quitter son clan ? L’écailleux s’apprêtait à formuler sa question mais il fut brusquement interrompu par du mouvement dans son dos !

Instinctivement, il déploya totalement sa coiffe et fit volte-face en sifflant ! Un humain ! Appartenant visiblement à la caravane qui faisait halte à l’Oasis. Lashgob calma la situation mais l’homme et le Naga se toisèrent silencieusement durant quelques instants. L’homme finit par rebrousser chemin et le reptile se retourna lorsque l’Orque s’excusa de ne pas pouvoir donner plus de détail sur les chamans de son peuple.

Ne t’inquiètes pas, j’en ai appris beaucoup aujourd’hui. Plus que je ne l’aurais imaginé ! Peut-être devrais-tu rejoindre les autres, on dirait qu’ils commencent à s’inquiéter…

Zalkââs désigna la caravane d’un petit signe de la tête. Son corps ondulait lentement sur le sable, se relâchant après l’apparition surprise du « caravanier ». Il ne tenait pas vraiment à voir les humains rappliquer ici. Il ne leur faisait aucunement confiance… Néanmoins, il avait encore une question à poser à l’Orque afin de satisfaire sa curiosité naturelle.

Tu as mentionné ton clan adoptif, n’est-ce pas ? J’en déduis que les Moral'Ban ont perdu une guerrière de valeur… L’exil est un chemin ardu et semé d’embûches mais on dirait qu'à la seule force de ta volonté, tu as trouvé ta voie, machiniste !

Zalkââs esquissa un léger sourire tout en pointant du doigt le masque de l’Orque. Quelqu’un veillait surement sur elle mais ce n’était peut-être pas une divinité…

Zalkââs sembla clairement amusé lorsque l’Orque désigna les hommes de la caravane comme « de grands garçons ». Dès qu’il s’agissait de taquiner les humains, il était toujours partant…
Néanmoins, la suite l’obligea à effacer brusquement sa moue amusée ! En effet, il devina aisément que le clan Moral'Ban était un sujet était sensible même si Lashgob s’efforçait de ne laisser paraitre aucune émotion. Elle avait surement connu l’exil à un âge très jeune…

Fort heureusement pour le reptile, l’Orque ne semblait pas lui en vouloir pour sa remarque et revint même sur un objet qui effectivement l’intriguait depuis un moment. Il s’agissait de ce masque étrange qu’arborait Lashgob. Elle consentit enfin à lui révéler ce qu’il représentait et le reptile fixa à nouveau son reflet sur l’objet tout en écoutant attentivement les explications données. Il s’agissait donc d’un monstre marin nommé Martyagr, connu pour dévorer les naufragés ! L’Orque avoua le porter afin d’effrayer ceux qui pouvaient croiser sa route. La théorie du masque censé rendre hommage à une divinité quelconque tombait donc définitivement à l’eau ! Mais ça, le Naga l’avait déjà compris depuis un moment…

Martyagr, un monstre marin ? Il marqua une pause, pensif. Jamais entendu parler mais il est vrai que je ne ssuis pas coutumier de la mer et de ses secrets… En tout cas, c’est un bel objet ! Merci pour tes explications à sson sujet.

Zalkââs inclina légèrement la tête afin d’appuyer ses remerciements. Il ne ferait pas un très bon marin, il redoutait les océans, les pirates, les monstres marins et les tempêtes. A ses yeux, le désert était nettement plus accueillant… Il sourit à nouveau lorsque l’Orque prononça son nom et l’interrogea sur la manière de devenir un chaman dévoué au Grand Basilic.

Ce n’est pas si sssimple car le parcours de chaque chaman est unique ! Pour ma part, j’étais tout juste ssorti de l’adolescence lorsque j’ai trouvé ma voie. A l’époque, dans ma tribu, j’étais un grand guerrier mais un piètre Naga car je ne vénérais pas le Grand Basilic… J’étais perdu…

Le reptile se tut quelques instants, visiblement honteux de ce péché qu’il reprochait aujourd’hui à d’autres Nagas. Contemplant les dunes, il reprit :

Une nuit, je me ssuis égaré dans le marais, dans les ruines de l’ancienne prison. J’étais effrayé mais le Grand Basilic m’a adressé une vision dans laquelle il a guidé mon esprit jusqu’à lui. J’ai alors pu contempler sa puissance et j’ai immédiatement ssu que mon rôle serait de le ssservir jusqu’à la mort. Il m’a laissé ceci pour que je n’oublie jamais mon sserment !

Zalkââs exhiba le bracelet d’argent qui enserrait son bras droit et qui prenait la forme d’un serpent.

En le voyant, le chaman de la tribu comprit que j’avais été choisi pour être son successeur et il m’a alors transmis son ssavoir.

Le Naga éluda volontairement le moment où l’ancien chaman avait mis sa foi à l’épreuve ! Encore aujourd’hui, il n’avait pas vraiment digéré la menace d’un bannissement mais s’il respectait beaucoup celui qui l’avait formé.

A présent, j’en suis convaincu, le Grand Basilic reviendra et les habitants de Dùralas pourront alors contempler l’étendue de sa puissance.

L’Orque sembla pensive en écoutant les derniers mots du Naga. Douterait-elle des paroles de celui-ci ? S’il se montrait moins tolérant avec les siens, il ne pouvait blâmer les autres habitants de Dùralas pour leur méconnaissance du Grand Basilic. Ils peuvent douter mais ils verront le moment venu même si pour certains, ce sera trop tard…

Lashgob reprit les derniers mots du Naga avant d’y ajouter un bouquet de nouvelles questions. Puis, sans attendre la réponse, elle se leva ! L’écailleux sembla troublé et il eut un très léger mouvement de recul mais sans pour autant déployer sa coiffe. Le Grand Basilic aiderait-il les siens à conquérir le monde entier ? Oui, il devait avouer que l’idée lui avait déjà traversé l’esprit et il la trouvait plutôt plaisante… Néanmoins, il ferait bien de choisir prudemment ses prochains mots car de son point de vue, il n’existait pas de réponses clairement définies aux questions de l’Orque.

Tes questions pourraient bien demeurer sans réponse car même les miens ssont divisés à ce sujet. Certains pensent qu’il apportera l’abondance au peuple Naga, d’autres espèrent effectivement qu’il nous guidera vers de glorieuses conquêtes. Pour ma part, j’imagine qu’il cherchera d’abord à se venger de ceux qui l’ont chassé de notre monde… Quoiqu’il en soit, ssson regard pétrifiera tous ceux qui tenteront de s’opposer à lui !

Zalkââs se rapprocha un peu du sol, plaçant ses yeux au niveau de ceux de Lashgob. Avant de poursuivre :

Nous, Nagas, le ssuivront car c’est notre destin. Je ssuis l’un de ses chamans, je perçois certaines de ses volontés mais sses desseins pour l’avenir restent pour le moment un mystère.

L’écailleux rampa lentement sur le côté, décrivant un large arc de cercle, comme s’il cherchait à passer dans le dos de Lashgob. Il jeta un nouveau regard vers la caravane d’humains et siffla quelques mots, amusé :

Tu as beaucoup de questions sur les miens. Un jour, tu vas pouvoir rejoindre une tribu de Nagas, machiniste !

L’Orque sembla indécise, expliquant qu’elle souhaitait éviter que la caravane ne reprenne la route sans elle. Elle invita le Naga à la suivre, se dirigeant vers les chariots tout en appelant deux des humains qui devaient se trouver dans les alentours. L’écailleux lui emboita immédiatement le pas tout en observant les alentours, cherchant les humains en question qui n’avaient toujours pas répondu.
Lashgob récupéra ensuite quelques effets personnels sur l’un des chariots avant que les deux humains ne daignent enfin se montrer ! Zalkââs reconnu immédiatement celui qui avait fait une brève apparition sur la berge quelques instants auparavant. Pourtant, cette fois, il s’efforça de paraitre calme et sa coiffe se déploya à peine. Il esquissa même un large sourire amusé quand il aperçut le visage surpris des deux humains. Ces derniers écoutèrent silencieusement les explications de l’Orque et finirent par acquiescer, toujours un peu dubitatifs.

Lashgob revint ensuite sur ses pas, remplissant une corne avec un liquide tiré d’une outre. Un liquide que le chaman identifia rapidement comme de l’alcool lorsque l’Orque lui tendit l’outre en question. Il s’en empara et sa langue fit quelques brèves apparitions, l’aidant à renifler le contenu. Puis, sans plus de raffinement, il porta l’outre à ses lèvres et but plusieurs gorgées, tout en inclinant légèrement sa tête en arrière. L’alcool était plus fort qu’il ne le croyait et ses muscles se contractèrent légèrement, roulant sous sa peau écailleuse.

Lorsqu’il eut fini, le Naga laissa échapper un soupir satisfait, portant son attention sur les paroles de la machiniste. Celle-ci évoqua à nouveau les Gronarahs, désignant d’un bras la direction dans laquelle le clan se trouvait. D’ici quatre jours elle serait rentrée. Elle demanda ensuite au chaman d’indiquer à son tour l’emplacement de son clan. Il acquiesça et leva son regard vers le soleil qui lui servait de point de repère. Ensuite, il se mit à fixer un point à l’horizon et leva le bras en direction de ce point.

Mon village ssse trouve là-bas, entre le désert et les marais nommés Hukutav. A l’endroit où le ssable disparait et où la vase n’a pas encore tout inondée. Aux alentours, il y a des ssortes de totem fait de branches et d’ossements qui peuvent ssservir de point de repère. Il y a des sssentinelles aussi, pas toujours aimables avec les étrangers…

Zalkââs reposa son regard sur l’outre et reprit une gorgée, frissonnant à nouveau sous l’effet de l’alcool. Puis il reposa son regard sur Lashgob tout en passant une main derrière sa coiffe, se grattant l’arrière de la tête.

Sssimple curiosité mais à ton avis, quelle réaction aurait les Gronarahs s’ils apercevaient un Naga ssur leurs terres ? Un écailleux pacifique bien sûr ! Ce ssserait moins dangereux pour ma peau que les Lames Dorées ?

A ces mots, il esquissa un large sourire ! Il ne comptait pas suivre l’Orque mais il était juste curieux. Il ne s’était jamais vraiment éloigné longuement de sa tribu et les rares contacts qu’il avait avec les humains n’étaient pas vraiment de tout repos. Néanmoins, les Peaux-Vertes craignaient peut-être moins les serpents…

HRP:

Spoiler:

Zalkââs eut un rictus de surprise lorsque l’Orque tenta de prononcer le nom de sa tribu d’adoption tout en mâchant son morceau de viande ! Le résultat, certes difficilement compréhensible, était plutôt amusant en soi. La machiniste se corrigea et poursuivit sa phrase, expliquant que sa tribu possédait le plus gros campement du désert et que d’autres Nagas s’y rendaient parfois. En outre, elle mentionna à nouveau les Moral'Bans et son visage s’assombrit un court instant.

Dans un sens, l’écailleux était rassuré de savoir que certains de ses congénères côtoyaient déjà le campement Orque. Lui qui n’aimait guère passer pour une bête de foire et se faire molester par quelques sentinelles zélées. Sa propre tribu avait tendance à s’en prendre systématiquement à tous les étrangers un peu trop curieux ! Il imaginait donc que c’était une règle répandue sur tout le territoire de Dùralas. Ses contacts tendus avec les humains ne faisaient que renforcer cette idée…
Lashgob poursuivit avec une question, cherchant justement à savoir si le serpent avait prévu un voyage chez les Peaux-vertes. Oui, dans un futur assez proche, ce dernier envisageait bien un petit voyage dans le campement des Orques. Mais il se contenta d’abord d’une réponse plutôt évasive :

Qui sssait ? Peut-être bien…

Zalkââs esquissa un large sourire amusé et se redressa brusquement, bombant fièrement le torse et déployant sa coiffe.

D’abord par curiosité. Et puis je pourrais, disons, comparer mes connaissances avec d’autres chamans !

Il voulut poursuivre sa phrase mais il ressentait une étrange sensation! Tout commença à tanguer autour de lui ! Clairement, il n’aurait pas dû boire si rapidement, il commençait à présenter les premiers signes de l’ivresse… Il avait été bien présomptueux sur sa tolérance à l’alcool, lui qui se pensait plus résistant car les chamans étaient généralement habitués à différents breuvages psychotropes.

Excellente liqueur! Mais c’est fort…

Le Naga finit avec un petit rire avant de ramper en direction de Lashgob afin de lui redonner l’outre. Au final, heureusement qu’il n’avait pas de jambe, ça lui évitera de tituber de façon grotesque comme les humains… Et l’alcool avait au moins le mérite de lui donner un air moins sérieux mais il préférait s’arrêter là pour la boisson. Le désert n’était pas le meilleur endroit pour s’évanouir…

Zalkââs avait beau tout faire pour ne rien laisser paraitre, il n’était plus vraiment dans son état normal. Néanmoins, il était encore assez alerte pour ne pas s’effondrer lourdement sur le sol et s’endormir comme certains humains qui s’éternisaient trop à la taverne. Il avait surtout perdu en précision et ondulait bizarrement dès qu’il se déplaçait.
L’Orque l’avait clairement remarqué et lorsqu’elle reprit la parole, elle sembla même inquiète à l’idée de partir en laissant le Naga alcoolisé seul ici. Ce dernier esquissa à nouveau un sourire, un peu surpris à l’idée que la machiniste se préoccupe autant de lui.

Oh ne… Ne t’en fais pas pour moi…

Donnant l’impression de ne pas avoir fini sa phrase, Zalkââs glissa lentement en direction de l’Oasis, s’arrêtant juste au bord de l’eau. Il s’inclina en avant et joignit ses deux mains afin de recueillir un peu d’eau qu’il projeta ensuite sur son visage. Il répéta l’opération à plusieurs reprises et en profita également pour rafraichir l'arrière de sa coiffe, passant ses mains humides sur sa peau écailleuse. Il finit enfin par reprendre la parole :

Tu sssais, je ne suis plus un sserpenteau… J’en ai vu d’autres ! Et je ne crois pas que le Grand Basilic ne m’abandonne aujourd’hui. Celui qui en voudrait à ma peau a du sssouci à sse faire…

La voix de l’écailleux était un peu plus rauque à cause de l’alcool. Il jeta un coup d’œil vers le ciel avant de poser à nouveau son regard sur Lashgob.

Je dois rentrer ! La chaleur va devenir insupportable et les autres vont m’attendre. J’ai encore un rituel à préparer !

Manquant de précision, il parvint tout de même à tapoter le sac qui contenait les fruits cueillis un peu plus tôt.

Néanmoins, je ssuis ssûr que nous nous reverrons Lashgob. Après tout, j’ai un campement Orque à visiter…

Zalkââs reviendrait dans le désert, c’est certain ! Le camp des Peaux-Verte évoqué avec la machiniste avait titillé sa curiosité. Il s’y rendrait tôt ou tard, c’est une certitude !