La liste, raturée à de nombreuses reprises, est écrite avec une écriture ronde et un peu tremblotante. Sur les côtés, une note a été ajoutée. Elle est bien plus récente, comme l'indique la qualité de l'encre et la forme des lettres, plus précise et mature : « Enfants, mon frère, ma sœur et moi nous étions amusés à déterminer quelles races dùralassiennes étaient supérieures aux autres. Je ne me souviens plus de ce que les autres avaient fait, mais je suis étonné de retrouver ce papier tant d'années plus tard... »


Des annotations ont également été rajoutés en bas de la liste, bien des années plus tard : « Les Djöllfulins se placent devant les hybrides. Ils vivent moins longtemps, mais ils sont moins sauvages. Les cornes forment parfois une belle harmonie. Concernant les Abyssaux, leur classement varie en fonction de leur origine. Les abyssaux de la Tempête perdent au moins deux places pour leur physique ingrat. Mais là aussi, ça peut être très variable. »

Garzvorgh : le pirate omichlikinésiste

Les rues de Kastalinn sont des égouts à ciel ouvert. Les gens sont sales, bruyants, et manquent désespérément d'intérêt. Néanmoins, même dans les endroits les plus ignominieux, on peut trouver des perles lâchées par l'océan. Cette perle, mon cher journal, porte un nom : Garzvorgh. Et quelle perle, du nacre de premier choix ! Je parle ici de nul autre que le chef des Pirates.

Un individu charmant. Il est d'ascendance peau-verte, ce qui bien sûr est dommageable, mais ne soyons pas précieux. Devant un si beau fruit, l'arbre importe peu. Il a un faciès... étrange. Ne te méprends pas, sa peau a bel et bien cette teinte caractéristique, mais ses traits ne sont pas aussi grossiers que ceux de ses congénères. Pour un peu, on pourrait dire qu'il a du charme. Physiquement, il est dans une forme impeccable. Je suppose qu'être le chef d'un navire aide à s'entretenir. À la réflexion, ses affaires doivent être florissantes, parce qu'il était habillé d'une manière assez élégante. Pour un pirate, cela va sans dire. Tout cela manquait de couleur, mais la taille a été bien faite.

Mais tu te poses sûrement la question mon cher journal : qu'a-t-il d'intéressant ? Et bien, il a une maîtrise fascinante de la fumée. Il semble la produire de sa pipe, et peut lui donner la forme qu'il souhaite. Je suis presque certain qu'il peut également en augmenter la densité, mais cela demanderait à être revérifié. Imagines-tu toutes les possibilités ? En plus de tout cela, ce personnage sait se battre. Il m'a bien aidé contre une paire de ces gargouilles, installées par la garde. J'ai d'ailleurs pu récupérer une jolie petite pierre, qui sera du plus bel effet... Mais c'est une autre histoire.
Pour toutes ces raisons, je lui ai remis une carte. Il a semblé intéressé par mon... projet. Le moment venu, la carte saura me rappeler à son bon souvenir.

Mélaskholés : l'innocent masqué

Mon très cher journal, je te disais ce tantôt que Kastalinn était un gigantesque égout à ciel ouvert. Je le maintiens. Néanmoins, même dans la fange la plus poisseuse peut se cacher un diamant d'innocence. Cette gemme brute porte un nom, bien étrange de surcroît : Mélaskholés.

La première chose qui m'a marqué, c'est son style. Autant le dire tout de suite : il ressemble beaucoup au mien. Autant dire que c'est déjà un très bon départ. Lui aussi porte un masque, aux motifs je dois dire assez intéressants. Néanmoins, il a un caractère... comment dire ? Spécial, unique. Il semble comme ailleurs, perpétuellement dans un autre monde. Il me rappelle Nino, quand il est plongé dans les livres de la bibliothèque. Sauf que pour Mélaskholés, cela semble être un état constant.

Et devine quoi cher journal ? J'ai abordé la question de mon projet avec lui, et il a accepté ! Il a une façon de se mouvoir, d'occuper l'espace, proprement fascinante. Je suis convaincu qu'il peut émerveiller beaucoup de monde. Il y a également eu cet incident malencontreux avec quelques paysans locaux ainsi qu'un... J'ai honte d'écrire ces mots... A cause d'un pigeon. Un rat volant. Je te confie ce genre de choses, avec l'espoir qu'un beau jour, je puisse en rire. D'ici un bon siècle, ça devrait être envisageable.

Holy : la musicienne des émotions

Mon très cher journal, voilà un moment que je nous n'avons été ensemble. Il s'en est passé des choses depuis la dernière fois où j'ai pu t'écrire. Mais commençons par le début. Mon projet avance bien, il avance même à grands pas. Néanmoins, il me fallait encore une personne. Après avoir mis fortuitement Mélaskholés sur ma route, je ne pensais sincèrement pas que le Destin allait se montrer généreux avec moi. Et pourtant, vampire de peu de foi que je suis.

Même si le Destin m'apporte son soutien, il le fait avec un sens de l'humour très particulier. Mais d'abord, laisse moi te parler d'elle : as-tu déjà entendu une musique si profonde qu'elle te transporte à travers le temps et l'espace ? Suis-je bête, bien sûr que non, tu es un journal. Cette jeune fille, Holy, est une virtuose, dans tous les sens du terme. Elle est capable de donner corps à la musique, et de la faire voir à son public... C'est assez compliqué à expliquer, c'est davantage quelque chose qu'on vit.

Alors après une telle discussion, tu te demandes surtout où est le problème. Et bien, c'est une thérianthrope. On ne m'aura rien épargné. J'en ai épargné un, une fois, et depuis, j'ai l'impression qu'ils sont tous après moi. Mais je n'ai qu'une parole : tous les moyens sont bons pour arriver à mes fins, et si cela doit passer par une alliance avec des thérianthropes, et bien qu'il en soit ainsi.

Zecharel : l'acrobate fantasque

Cher journal, c'est formidable. Mon projet, le Cirque de l'Eclipse, est officiellement lancé. Je suis à sa tête, avec Mélaskholés et Holy. Tout se met en place, comme je l'avais imaginé, et d'ici moins de temps qu'il en faudra pour le dire, je ferais mon retour grandiose à Spelunca, avec un cadeau tout particulier pour ma famille. Mais pour ça, il me faut des fonds... et des gens.

Et voici notre tout premier membre se prénomme Zecharel. Un stryge noir capable de contrôler certains objets par la pensée, et qui s'en sert pour "jongler" avec des couteaux. Le résultat est très impressionnant, et fascine autant les spectateurs qu'il les effraie. C'est fabuleux.

Mais il s'avère, et c'est assez amusant, que Zecharel ne s'appelle pas vraiment Zecharel. Il s'agit de Valphégas, un des membres de la Congrégation de l'Ombre, avec lequel j'ai eu l'occasion de parfois intervenir. Sa double affiliation ne me dérange pas outre mesure, après tout le Cirque fait preuve d'ouverture dans sa politique de recrutement, et j'ai promis de ne pas être regardant sur le passé de mes artistes. Peu importe ses intentions, elles ne sont a priori pas nuisibles pour le Cirque, et c'est tout ce que je demande.

Aaaah, cher journal, quelle bénédiction que mes sous-fifres adorés. Ils sont si nombreux, si désireux de servir, une armée de petits démons sous mon commandement... J'ai dû prendre des risques, et faire de grands sacrifices pour obtenir leur aide, mais ils ne m'ont jamais déçu. Et puis, cher journal, je ne te cache pas qu'à défaut d'être très puissants, ils sont divertissants.
Mais je ne dois pas oublier mon objectif. Et dans ce but, ils sont ma garantie. Si un échec devait arriver, d'une façon ou d'une autre, leur pouvoir serait mon dernier recours.


Cher journal, t'es-tu déjà demandé si tu avais déjà fait le bon choix ? Bien sûr que non, tu es un journal... Je ne sais pas si je devrais me servir de ça un jour. Pour être parfaitement honnête, je ne préférerais pas. Mais aux grands maux, les grands remèdes.

Son Altesse nous honore de son auguste présence. Personne ne voit son visage sous sa capuche, mais son pouvoir est bien réel. Il irradie une forme de puissance, et il en fait profiter tous ses alliés. Je ne sais pas d'où ça vient, ou plus précisément, je n'ai pas vraiment envie de le savoir. Le principal, c'est que ça fonctionne.


Tout spectacle qui se respecte se doit d'avoir un accompagnement musical. C'est le rôle de la Cantatrice. Dans sa robe rouge et or, grâce à sa voix enchanteresse, elle redonne du courage à son public, les portant vers la bataille par ses encouragements. Elle n'est pas très combative elle-même, mais le soutien est aussi important. Et on ne me prendra pas au dépourvu.


Qui n'a jamais rêvé d'avoir un protecteur zélé, obéissant, prêt à se sacrifier pour vous et vos idéaux, et qui n'aurait aucune objection à ce que son corps serve de pont vers ses objectifs ? En tous cas, c'est une perspective qui m'enchante. Et je dois avouer que les Centaures ont un intérêt esthétique non négligeable.


Le danger se cache bien souvent là où on ne l'attend pas. Regardez cette bouille adorable. On pourrait croire que leurs dents sont dangereuses, et pourtant, pas tant que ça. Leur dangerosité vient surtout de leur nombre, ils se démultiplient seuls, et à un rythme indécent. Tout ce que j'aime en fin de compte.

Cher journal, voilà une bien belle addition à ma collection. N'est-elle pas magnifique ? La Nature rendue vivante. Et regarde comme les fleurs de sa robe se fanent. Elle sacrifie sa vie pour l'offrir aux autres, c'est tellement tragique que s'en est fabuleux. Son obtention fut des plus compliquées, mais ça valait le coup.